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| En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... | |
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+14moonriver Otto Bahnkaltenschnitzel Coda Tony's Theme guil Gengis Rorschach davcom Azbinebrozer Nulladies lalou Zwaffle Esther Goupi Tonkin 18 participants | |
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Goupi Tonkin la séquence du spectateur
Nombre de messages : 914 Date d'inscription : 21/11/2008
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Mar 24 Mar 2015 - 16:04 | |
| - RabbitIYH a écrit:
- Grand film, finalement il y en a quelques-uns chez Browning, ma préférence jusqu'ici allant à L'inconnu, mélo tragique et difformité transcendés par un Lon Chaney bouleversant. Sinon dans les derniers j'aime beaucoup Les poupées du diable, et puis La marque du vampire et ses faux-semblants à tiroirs.
+1 j'ajoute A l'ouest de Zanzibar ( le talion ), un muet qui m'a laissé le souvenir d'un film assez étonnant avec un casting classieux : Lon Chaney et Lionel Barrymore, beau duo de cabotins déchaînés. | |
| | | Otto Bahnkaltenschnitzel génération grenat (dîne)
Nombre de messages : 1940 Date d'inscription : 27/08/2014
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Mar 24 Mar 2015 - 18:46 | |
| - Nulladies a écrit:
Les Erinyes foraines
Freaks a cette particularité atypique de se présenter sous les atours de la fable, voire du récit fantastique : récit encadrant, flashback, transformation de la méchante en guise de châtiment, tout y fonctionne sur le principe de l’apologue. Mais l’enjeu du film est de passer par une représentation réelle des « monstres » et partant, de les humaniser. La première incursion dans une forêt très édénique, les présente comme des enfants, miroir des spectateurs à qui on va raconter ce conte cruel, premier renversement des perspectives, d’autant qu’on y montre un propriétaire tolérant qui laisse à l’air libre ceux qu’on a l’habitude de cacher, possibilité utopique qui sera démentie par les portraits humains qui suivront. La communauté du cirque, telle qu’elle est présentée, est le véritable sujet du film, finalement presque documentaire. Entre autodérision et solidarité, situations comiques (le bègue et sa femme siamoise, en prise avec sa belle-sœur, l’accouchement de la femme à barbe), Browning humanise les individus avec un talent indéniable. Deux figures féminines, Cléo et Venus, opposent les figures de la femme « normale » face aux difformes : l’humaine et la monstrueuse. Tandis que le récit s’articule autour d’une histoire tristement banale d’héritage et de mensonge amoureux, la dynamique va évoluer autour de deux scènes de cauchemar particulièrement bien menées. Celle de l’humiliation, tout d’abord, lors d’un repas de noce alcoolisé au beau milieu de la piste du cirque et durant lequel toutes les vérités seront dévoilées à l’amoureux trahi. Celle de la vengeance, enfin, scène horrifique où la communauté offre à la coupable l’effroi qu’on associe habituellement à leurs personnes. Voyeurisme entre les marches des roulottes, foule grouillante dans les flaques de boue, les Erinyes foraines convergent vers le véritable monstre. Film révolutionnaire dans son audace, longtemps interdit, Freaks est un tournant dans le cinéma : parce qu’il puise dans ses origines, l’attraction foraine, parce qu’il perpétue la tradition du récit à visée morale, mais tout en s’emparant du réel sans fard au profit d’une empathie et d’un humanisme d’une intensité nouvelle.
Un film qui est dans mon top 25 que j'ai pas fait. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Mer 25 Mar 2015 - 3:41 | |
| - Goupi Tonkin a écrit:
j'ajoute A l'ouest de Zanzibar ( le talion ), un muet qui m'a laissé le souvenir d'un film assez étonnant avec un casting classieux : Lon Chaney et Lionel Barrymore, beau duo de cabotins déchaînés. Pas encore vu, merci ! |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| | | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Mer 25 Mar 2015 - 6:40 | |
| Les sanglantes glorieuses On sait depuis longtemps à quel point le film de genre investit le territoire de la contestation, et profite des détours fantasmagoriques pour évoquer les horreurs du réel. Zombie en est un illustre exemple, et ce dès ses premières minutes chaotiques, où l’on se préoccupe de rester à l’antenne alors que l’humanité n’a plus grand-chose à donner à voir, si ce n’est sa désorganisation et son chaos. La créature du zombie a quelque chose de véritablement fascinant : figure passive, dont l’unique force est le nombre, dénuée d’intelligence et de parole, elle laisse entièrement la place à l’individu sain qui la combat ou se défend de son agression : et ce qu’elle révèle de lui sera la quintessence de l’humanité. De ce fait, Zombie est sans appel. Les premiers combats sont inter-humains, et le défouloir sur les infectés a tout du génocide. Dans des caves, ou autour du barbecue du dimanche, dans un bon esprit de chasseur yankee, la civilisation se défoule et semble jubiler de cet alibi planétaire donné à ses pulsions meurtrières. Pour renforcer sa démonstration, Romero va convier tout son beau monde dans le Temple de l’Amérique, le centre commercial. Loin de véhiculer l’angoisse, l’apocalypse se transforme en terrain de jeu, et alimente le fantasme ultime du consommateur, celui de pouvoir se servir dans les rayons comme un buffet à volonté. Enfermés dans leur tour d’ivoire, les protagonistes commencent par l’épuration ethnique (car les zombies pullulent, rappelés par la force du souvenir à cet endroit qui était « important pour eux »), le nettoyage des corps vers les chambres froides pour s’adonner à leur passion : “Who the hell cares, let’s shop first !” Cette vanité apocalyptique consistant à empocher de billets qui n’ont plus de valeur, ou à hurler sa victoire alors que la gangrène infectieuse fait son œuvre, voire tirer sur des mannequins, troisième figure de cette humanité sans chair, constitue la grande force de Zombie. Rageur, montrant plus d’empathie pour les monstres que les survivants, le film s’achève sur une apothéose, holocauste conviant zombies, motards et notre groupe de survivant à un festin protéiforme : chair humaine, têtes de monstres, mobiliers et biens de consommation, pillage à tous les étages, démembrements et massacre festif. Le film a certes un peu vieilli dans ses effets, son maquillage sommaire et la lenteur un peu déconcertante de ses scènes d’action, mais là n’est pas vraiment la question. En isolant l’humanité à son crépuscule, Romero fait le procès sanglant d’une civilisation depuis longtemps zombifiée : "When there's no more room in hell, the dead will walk the Earth." | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Mer 25 Mar 2015 - 6:45 | |
| Chouette satire avant tout en effet, son meilleur. |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Jeu 26 Mar 2015 - 6:49 | |
| Répulsion, Polanski, 1965 Le silence des linteaux. Le premier quart de Répulsion marque une parenté inattendue mais très forte avec Un homme qui dort de Perec, dont le livre sort l’année suivante et le film bien plus tard, en 74. L’acuité de ces scènes d’intérieur, la contemplation maladive d’un appartement banal et l’expansion des bruitages lors de longues séquences muettes sont en effet commune à l’exploration maladive du personnage romanesque. Avec un même sens du détail et de la dilatation temporelle, les regards distillent un malaise croissant sur l’inquiétante étrangeté d’un cadre supposé familier. Chez Polanski cependant, tout cela n’est que prémices à la folie croissante, et son personnage n’aura pas la possibilité d’une réconciliation avec le monde. Car de celui-ci ne vas cesser d’assaillir la jeune femme, d’abord témoin passif, comme ces gémissements via la cheminée ou l’intrusion de l’amant de sa sœur. Très vite, elle deviendra une victime directe, des hommes entreprenants ou des phantasmes morbides faisant surgir des mains des cloisons, écho noir à la poétique de Cocteau dans La Belle et le Bête. La rythmique malsaine de l’esprit embrumé de Carol, une Deneuve habitée et dans un rôle de composition bien loin de sa beauté froide mythologique, pourrait nous entrainer à sa suite dans un hors temps total. L’intelligence de Polanski est de le contrebalancer sans cesse de micro indices du réel : celui des intrigues de son travail, des conversations, et surtout du temps qui passe, inexorable, à travers les images terribles de pommes de terre qui germent, d’une baignoire qui déborde ou d’un lapin mort qui se décompose. Dans ce demi-sommeil qui ne perd rien de tout ce que l’existence fait sourdre d’anxiogène, Carol ne se laisse presque jamais totalement aller, et le cinéaste prend soin de désactiver les scènes les plus violentes (un cauchemar de viol sans son, par exemple) pour créer une tension continue. Le véritable cauchemar se définit ainsi : sans apogée, il n’offre pas le répit qui suit la crise. Quelques notes fantastiques irriguent certes le récit, comme ces fissures dans les murs ou la vision de ces mains intrusives, mais sans qu’on bascule jamais franchement dans le registre qui permettrait la distanciation du spectateur. [Spoils] Carol redoutait se retrouver seule, et finit par se barricader dans sa folie. Lors de l’épilogue, la défaite est totale : tout le voisinage investit les lieux, alors qu’elle git, catatonique, sous le lit de ses cauchemars. Le film s’ouvrait sur un très grois plan de son œil, et le plan final y retourne, mais sur un cliché de sa jeunesse qui la révèle déjà soucieuse et inquiétante, sans doute rongée par un mal qui dort. Par cette révélation cryptique et figée, qui fait fortement penser à la conclusion similaire de Shining, Polanski parfait son exploration silencieuse des méandres mentaux : indicible, inexplicable, la folie n’est jamais aussi palpable que lorsqu’elle se déploie dans le silence. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Jeu 26 Mar 2015 - 7:45 | |
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| | | Goupi Tonkin la séquence du spectateur
Nombre de messages : 914 Date d'inscription : 21/11/2008
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Jeu 26 Mar 2015 - 14:41 | |
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Ven 27 Mar 2015 - 1:45 | |
| Oui Le locataire, quel film ! Revu tout récemment avec ma femme et c'est effectivement toujours aussi traumatisant... |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Ven 27 Mar 2015 - 3:11 | |
| D'après le roman français Le voyage d'Hector, une très jolie comédie britannique inédite chez nous avec un Simon Pegg impeccable, un peu l'anti Walter Mitty privilégiant la tendresse, l'inventivité et la finesse d'écriture aux effets. Quelques clichés bien sûr mais finalement malgré ce concept assez éculé de recherche du bonheur par un type qui semble déjà tout avoir on y décèle pas mal de petites vérités parfois niées dans lesquelles chacun pourra se reconnaître... ou pas. Mention également pour les seconds rôles, Toni Colette et Jean Reno en tête. |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Ven 27 Mar 2015 - 6:20 | |
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Ven 27 Mar 2015 - 6:44 | |
| Le Polanski qu'il faut revoir et re-revoir, pour moi, c'est Lunes de fiel, incroyablement sous-estimé ce film, je crois bien que c'est mon préféré. |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Ven 27 Mar 2015 - 6:45 | |
| - RabbitIYH a écrit:
- Le Polanski qu'il faut revoir et re-revoir, pour moi, c'est Lunes de fiel, incroyablement sous-estimé ce film, je crois bien que c'est mon préféré.
C'est marrant, je l'ai vu bien après je crois, mais je n'en garde quasiment aucun souvenir... | |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Ven 27 Mar 2015 - 6:46 | |
| Poussée d’acmé. Retrouver Jessica Harper deux ans après sa prestation dans Phantom of the Paradise assure à Suspiria une continuité des plus légitimes entre ces deux univers malades. On entre dans Suspiria comme dans un cauchemar à qui on aurait donné toute l’ampleur que le réveil filtre d’ordinaire. L’orage initial s’abat en trombe sur le spectateur et sa jeune candidate, prémices d’un déluge horrifique qui ne reculera devant aucun excès. Chez Argento, tout flamboie : de la couleur des façades au mouvement des étoffes, de la musique synthétique aux susurrements anxiogènes, des mouvements latéraux aux ombres chinoises, l’osmose synesthésique est bien celle d’une écriture opératique. On retiendra particulièrement l’unique faconde avec laquelle il filme l’architecture. Dès la première scène de meurtre, grandiose, qui voit une voute de verre s’effondrer sous le poids d’un corps, le réalisateur inféode les lieux aux arcanes du mal : corridors, portes aux courbures fascinantes de l’art nouveau, dessinent un labyrinthe expressionniste où chaque lucarne, chaque tenture est une étape nouvelle vers le cœur névralgique d’une horreur matriarcale dérobée à la vue. On a beau proposer à l’initiée la libération par la danse, rien n’y fait : le corps, pris de vertige, drogué est rivé à ces lieux qui suppurent les asticots, et dont la piscine elle-même semble être la porte d’entrée vers des gouffres insondables. En écho à la claustrophobie croissante, les extérieurs ne sauvent pas plus les protagonistes, à l’image de cette exécution d’un aveugle perdu au sein d’une gigantesque place vide dont l’unique menace est la minérale façade néoclassique qui la domine. Il est donc aisé de se laisser prendre la main et d’aller fureter du côté des sorcières, tant la magie des lieux fonctionne, nous rendant tolérants face à cette histoire qui reste un prétexte. Argento, ravi de ses effets, prend un malin plaisir à malmener les corps comme sa propre structure, et la destruction finale jubilatoire de tout le mobilier jusqu’à l’édifice lui-même est à l’image de son propos : une apocalypse échevelée dont on veut prolonger la dimension onirique, sans soucis du réveil. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Ven 27 Mar 2015 - 7:01 | |
| et effectivement cette dimension onirique est clairement revendiquée, cf. d'emblée les affiches publicitaires lorsque Suzy sort de la gare au début jusqu'à sa réaction finale comme si elle réalisait enfin que tout ça n'était pas réel. Actrice définitivement formidable d'ailleurs. |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Dim 29 Mar 2015 - 7:00 | |
| “What kind of bird are you ?” S’il y a un décor qui convient à l’univers de Wes Anderson, c’est bien l’île. A l’image de son train qui parvient à se perdre dans Darjeeling ou son Grand Budapest Hôtel perdu dans la montagne d’une Europe mythologique, le territoire insulaire se coupe du continent spatial et de l’époque pour une incursion vers des territoires dont il détient toutes les clés. D’une artificialité assumée, son esthétique construit, à grand renfort de cadres étudiés et de couleurs appuyées, une galerie de tableaux que sa caméra va explorer avec une méthode rigoureuse. Les mouvements rectilignes (travellings latéraux ou verticaux, arrières ou avants) dressent une cartographie orthonormée qui s’accorde étrangement avec l’univers suranné dans lequel il nous convie. Chaque personnage a sa place, chaque pièce l’aura particulière et trop étudiée pour susciter l’empathie immédiate. La fascination esthétique est bien la première émotion provoquée par Moonrise Kingdom, et c’est là un des plus jolis pièges de film. Du spectacle originel à la tempête finale, le récit ne dévie jamais de sa quête : restituer l’incarnation progressive d’un coup de foudre. Alors que le déluge se pare de vagues de tissus agités sur les premiers rangs, et que la rencontre entre les protagonistes se fait à la faveur de deux déguisements de la même étoffe (l’uniforme du scout et le déguisement de corbeau), c’est la sortie au grand air et le délestage qui auront la charge de conter les indicibles beautés de l’inclination. Et si le final, résolument grandiloquent par la conjonction catastrophique (inondation, déluge réel, coup de foudre réel, feu d’artifice…) provoque une jubilation d’avantage amusante qui infléchit un peu l’émotion précédente de la fugue, il est dans la progression logique de la démonstration du cinéaste : incarner, à l’échelle de l’univers qu’est le microcosme de cette bulle insulaire, les ravages cataclysmiques de l’amour. Car le noyau dur de beauté que contient Moonrise Kindom, son royaume secret, est bien ce lever de lune qu’est la fugue des enfants. Parfaite de bout en bout, cette première partie capte avec une tendresse infinie un univers qu’on croyait perdu. C’est la fusion avec la nature, l’inventaire d’objets improbables qui disent ce rapport illogique, et par conséquent d’une candeur poétique absolue, qu’entretiennent les êtres qui singent les adultes pour mieux ne pas leur ressembler. C’est une escapade en territoire indien, l’apprentissage de la geste amoureuse, l’une des plus belles danses au monde sur la grève, des histoires au coin du feu et l’échappée dans une parenthèse enchantée qui va rejaillir sur la galerie guindée des uniformes à leur poursuite. La magie de Moonrise Kingdmom se situe sur cette frontière ténue, admirablement colorée par la musique cristalline de Desplat : cette maladresse et ce jeu des enfants qui savent qu’il va falloir apprendre, parce que le désir les y conduit, passe par une artificialité bouleversante. Cette tendresse pour l’initiation au masque porté pour l’autre, ce désir de faire siennes les conventions d’un monde où les adultes sont encore plus perdus que leurs enfants, restitue parfaitement le regard que Wes Anderson porte sur sa joyeuse et mélancolique communauté. L’artifice, le sur-cadré, la transformation du réel en un dessin compassé et à la ligne claire, n’est pas l’œuvre d’un révisionniste qui se s’abriterait du réel en lui substituant un diaporama de cartes postales. C’est l’expression lucide, et d’une infinie tendresse, de la fragilité humaine des adultes et de leur recours au déguisement pour laisser affleurer vers la surface leurs ouragans intérieurs. | |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Dim 29 Mar 2015 - 7:02 | |
| Vers l’unisson. Un monde parfait avait tenté, après l’âpreté crépusculaire d’Impitoyable, d’insuffler dans le cinéma d’Eastwood la question du sentiment. Dans Sur la route de Madison, nul recours à la filiation ou cet entre-deux du gangster et du père : c’est frontalement que le cowboy vieillissant s’attaque au mélodrame, probablement sans savoir qu’il va en signer l’un des plus emblématiques de l’histoire récente du cinéma américain. Pour comprendre l’alchimie générée par ce récit qui n’a pas pour qualité première de briller par son originalité, il faut considérer à quel point celui-ci porte les marques personnelles de son réalisateur. En se mettant lui-même en scène, en faisant de son couple non pas un modèle glamour, mais des personnages que la vie commence à légèrement faner, Eastwood décape le vernis traditionnel pour mieux atteindre le cœur. Des enjeux, des protagonistes, et des spectateurs. La structure du film ne dit pas autre chose : tout, dès le départ, est achevé. Ce sont des morts qui vont parler, et nous savons quelle décision fut prise. Nous connaissons le renoncement. Reste à découvrir ce qui a été perdu, ce qui n’a pas eu lieu : c’est cette mélancolie qui va teinter chacune des beautés fugaces d’une histoire d’amour dont chaque nouvelle félicité aura l’éclat d’un adieu. En contrepoint de cette charge pathétique, Eastwood opte pour la modestie et l’humilité. Tout, dans le film, jusqu’à la musique, fonctionne sur la proximité : si les personnages cèdent l’un à l’autre, c’est parce que se met en place entre eux une complicité totale, magnifiée par le jeu exceptionnel du couple formé par Eastwood et Streep. Des blagues spontanées de l’housewife éprise de liberté aux récits d’aventure du globetrotter, des sourires de ravissement aux silences dénués de tout embarras, s’instaure cette puissance unique contre laquelle ceux qui étaient destinés à s’aimer ne peuvent rien : l’unisson. Puisque les jours sont comptés, il s’agit de dilater le temps. Par les clichés que prend Robert, par la préparation des repas auxquels il prend part. Une bière, un bain, l’évidence d’un quotidien volé au monde.(1) Parce que celui-ci veille : l’intrusion d’une voisine, le regard de la ville aussi solidaire qu’oppressante, les coups de téléphone le rappellent de temps à autre. Et c’est justement lorsqu’ils ne se parlent plus, alors que la femme redevient l’épouse avec son mari au bout du fil, que les amants vont prolonger leur contact par les mains. Conscients, déjà, de ce qu’il adviendra : à la vie succèdera l’amour sourd des corps, la danse fusionnelle avant le silence assourdissant du renoncement. Certes, de la même façon qu’il appuyait un brin le trait dans Impitoyable, le film n’évite pas certaines démonstration quelque peu pesantes. Les erreurs à réparer des enfants, la main sur la poignée de la voiture sous la pluie pourraient être retenus par ceux qui voudraient maintenir la distance avec ce qui précède. Mais qu’importe. La grandeur du film tient dans cette évidence : celle d’avoir su mêler l’ineffable puissance de l’amour et la lucidité qui l’accompagne, de par la maturité de ses protagonistes. D’amants, ils deviennent des héros, transformant leur beauté en celles de belles personnes. Du récit, il reste cette triste beauté et la conscience de sa valeur : cette gratitude sereine d’avoir éprouvé le véritable amour, et la certitude que cette passion valait la peine d’être connue pour pouvoir affirmer avoir vécu. Robert ne dit pas autre chose : “The old dreams were good dreams ; they didn't work out, but I’m glad I had them.” (1) A ce titre, on comprend après quelle beauté courrait l’affreusement médiocre Days of Summer, et les comparer permet de mesurer à quelle subtilité tient la réussite ténue qu’est la restitution de l’alchimie amoureuse. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Dim 29 Mar 2015 - 12:02 | |
| Tellement triste que je sais pas trop si j'aurais envie de le revoir... encore que, Un monde parfait me bouleverse plus encore et j'y reviens régulièrement... masochisme quand tu nous tiens. |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Lun 30 Mar 2015 - 6:51 | |
| - RabbitIYH a écrit:
- Tellement triste que je sais pas trop si j'aurais envie de le revoir... encore que, Un monde parfait me bouleverse plus encore et j'y reviens régulièrement... masochisme quand tu nous tiens.
yep, assez dévastateur. Un monde parfait, vu et critiqué, j'en parle demain... Suis moins convaincu pour le coup, je sens que tu vas t'énerver. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Lun 30 Mar 2015 - 9:36 | |
| Il y aura de quoi si c'est moins qu'un CO absolu sous ta plume. Pfff... |
| | | Goupi Tonkin la séquence du spectateur
Nombre de messages : 914 Date d'inscription : 21/11/2008
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Lun 30 Mar 2015 - 9:57 | |
| "Récit d'apprentissage" aussi ambigu que touchant, Un monde parfait n'est pas loin d'être mon Eastwood préféré. C'est certainement son film le plus mélancolique, l'un des plus contemplatifs ( un road-movie mid-tempo, une cavale qui prend son temps... ) et thématiquement je le trouve assez riche. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Lun 30 Mar 2015 - 11:47 | |
| - Goupi Tonkin a écrit:
- "Récit d'apprentissage" aussi ambigu que touchant, Un monde parfait n'est pas loin d'être mon Eastwood préféré. C'est certainement son film le plus mélancolique, l'un des plus contemplatifs ( un road-movie mid-tempo, une cavale qui prend son temps... ) et thématiquement je le trouve assez riche.
Tant narrativement que thématiquement d'ailleurs. Et visuellement poétique et superbe. |
| | | Azbinebrozer personne âgée
Nombre de messages : 2751 Date d'inscription : 12/03/2013 Age : 63 Localisation : Teuteuil Humeur : mondaine
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Lun 30 Mar 2015 - 17:07 | |
| - RabbitIYH a écrit:
- Goupi Tonkin a écrit:
- "Récit d'apprentissage" aussi ambigu que touchant, Un monde parfait n'est pas loin d'être mon Eastwood préféré. C'est certainement son film le plus mélancolique, l'un des plus contemplatifs ( un road-movie mid-tempo, une cavale qui prend son temps... ) et thématiquement je le trouve assez riche.
Tant narrativement que thématiquement d'ailleurs. Et visuellement poétique et superbe. J'avais adoré lors de sa sortie ! Encore un film américain sur la chute moderne des hommes, des pères et "l'abandon" des enfants ?... De l'antagonisme poussé à l'excès (l'homme en kidnappeur, le garçon en kidnappé), vient un moment enfin la résolution ?!... J'avais beaucoup aimé aussi La drôlesse de Doillon. | |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Mar 31 Mar 2015 - 6:47 | |
| Itinéraire d’un enfant masqué. La première image, aussi énigmatique que poétique d’Un monde parfait, peut servir de guide à qui serait tenté de lâcher en cours de route cette cavale un peu grossière. Temps d’arrêt, puzzle d’éléments disparates et à priori inconciliables comme un masque de Casper, une sieste estivale, des dollars volatils et un hélicoptère, elle anticipe ce qui fera finalement l’intérêt d’un film à l’équilibre assez étrange. Récit assez convenu d’une évasion avec otage, road movie des sixties, Un monde parfait est l’occasion d’une radiographie d’une époque : l’Amérique et ses satellites (les témoins de Jéhovah, les criminels), l’émergence de nouvelles techniques d’investigation (le profilage, aussi lourdingue dans sa démonstration que dans la prudence frileuse qu’il occasionne chez les tenanciers du bon viel ordre western) ou le rôle de la femme (Laura Dern, à qui on confie la lourde charge de montrer qu’elle en a aussi sous la jupe). Tout cela n’est pas bien subtil, pas plus que ne l’est la dichotomie entre l’a priori gentil évadé Costner et son très clairement méchant comparse. Ajoutons à cela des scènes vaguement comiques, un pseudo twist sur les liens entre le flic Eastwood et sa proie, un fédéral lui aussi méchant, chewing gum, harcèlement, lunettes noire et fusil à lunette noire de circonstances, et on a de quoi se défouler sur un film qui avance On the road with big sabots. Pourtant, certaines séquences éveillent l’intérêt, et le duo entre l’évadé et le gamin fonctionnent pour la plupart, notamment grâce au jeu assez décalé et finalement authentique du jeune garçon, jusqu’alors délesté de tous les repères qui fondent l’Amérique qu’il traverse : un père, une culture du divertissement (Halloween), le coca, un flingue, et bien sûr, une bite. L’initiation qu’on lui propose aurait pu être bien plus sucrée que celle qui nous est proposée, et ces petits moments branques, comme le vol du costume ou le voyeurisme sur les ébats bovins de son ravisseur génèrent un apprentissage aussi efficace qu’ambivalent. [Spoils] Mais ce sont surtout les deux dernières séquences qui opèrent un véritable revirement. Alors qu’on pensait à peu près cerner le personnage, une réflexion assez brutale va s’imposer sur les apparences. C’est d’abord la découverte d’un inattendu, celle d’un hôte sympathique qui, sans raison, gifle son petit-fils, faisant surgir une tension qui ne va plus quitter le film. Prenant en charge la violence, Butch dérape soudain et rappelle les ravages d’une éducation, ou plutôt de ses lacunes, dans une gradation qui prend vraiment à la gorge, et que l’enfant constate en toute impuissance avant de s’affranchir dans un geste qui coupe le cordon aussi brutalement qu’il avait été noué : grâce à un flingue. Oublions le ridicule qui fait vraiment tâche dans la séquence finale, la réaction des gentils Dern et Eastwood au coup de feu, à savoir un coup de poing dans la gueule et de genou dans les couilles du méchant à lunettes. Car les prises de vues sur cette prairie originelle, cette façon de désactiver le paroxysme dans un rythme languissant et des allées et venues qui n’en finissent pas et peinent à conclure, la profondeur de et du champ amenuisant ces protagonistes perdus dans une tragédie qui les dépasse nous font retrouver la lucidité et la pudeur du grand Eastwood réalisateur. Tout n’est pas bon à prendre dans Un monde parfait, mais puisque le monde ne l’est pas, n’en attendons pas tant de ce film moins binaire qu’il n’y parait et qui, avec tant d’autres de son illustre cinéaste, gratte le vernis d’une Amérique qui a toujours brandi trop brillamment une imagerie univoque. Allez-y tapez moi. En résumé, je suis d'accord avec ce que vous dites au-dessus. Mais c'est tout de même sacrément plombé par de nombreuses lourdeurs indignes du grand Clint. | |
| | | Azbinebrozer personne âgée
Nombre de messages : 2751 Date d'inscription : 12/03/2013 Age : 63 Localisation : Teuteuil Humeur : mondaine
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Mar 31 Mar 2015 - 8:38 | |
| - Nulladies a écrit:
Itinéraire d’un enfant masqué.
Allez-y tapez moi.
En résumé, je suis d'accord avec ce que vous dites au-dessus. Mais c'est tout de même sacrément plombé par de nombreuses lourdeurs indignes du grand Clint. Je l'ai vu qu'une fois et il y a trop longtemps... T'auras quand même les pneus crevés ! | |
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| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... | |
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| | | | En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... | |
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