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| En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... | |
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Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Dim 24 Mai 2015 - 10:02 | |
| Bien sur, c'est ce que je dis dans la conclusion. C'est juste le parallèle avec le monde du travail de la société japonaise que je trouve pas très clair, mais surtout parce que je ne vois pas trop quelle démonstration il desservirait. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Dim 24 Mai 2015 - 17:01 | |
| Moins une démonstration qu'une idée, celle de s'accomplir, et de participer à un accomplissement collectif, sans y perdre son identité. |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Mar 26 Mai 2015 - 6:53 | |
| Les loups et la gnôle. Plongée naturaliste dans les bas-fonds du quart monde, La merditude des choses ose le pari risqué de traiter d’un sujet sur le fil : pour susciter à la fois tendresse et effroi, empathie et révolte, rire et consternation. L’immersion se fait comme on visiterait le folklore d’une contrée lointaine : course de cyclistes nus, beuveries travesties, concours de bières cul-sec ou Tour de France de biture, la populace se divertit avec une fougue souvent rabelaisienne. Nerveux, enlevé, emporté par des comédiens à l’énergie dévastatrice, le tableau est aussi authentique qu’éprouvant. Pivot de cet univers où la déchéance sur fond de Roy Orbinson semble être le seul divertissement, Gunther, 13 ans, à qui l’on inculque son appartenance au clan des Strobbe comme un rite barbare. Tour à tour hilare et désespéré, désireux de s’en sortir et attaché à ces racines empoisonnées, l’enfant dialogue avec un récit parallèle où, devenu adulte, il tente de s’en sortir par l’écriture et semble reproduire l’incapacité amoureuse dont il a été victime. Sans jamais tomber dans le piège du pathos excessif ou de la complaisance, Ayant l’intelligence de restituer les passages les plus saillants par des ellipses, Felix Van Groeningen analyse avec tact les dernières traces d’amour dans un monde apparemment sauvage. Dotés d’un humour immature, faibles face à l’alcool, primaux et abrutis, les adultes ne sont pas foncièrement mauvais, mais ils capitulent avec les aboiements des animaux effrayés : dans le fracas et l’inconscience. Le parcours parallèle de l’apprenti écrivain, qui quitte la spirale non sans prendre des coups au passage, dresse une rédemption par la parole qui reflète bien le projet du cinéaste ; celle de dire les choses avec une sérénité et un recul qui permet d’avancer en dépit des blessures. | |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Mer 27 Mai 2015 - 6:45 | |
| California screaming L’incursion de Dumont sur le territoire américain a un mérite très net : celui d’expliciter sa fascination pour cette terre qui semble par essence cinégénique. Le rapport du cinéaste au paysage a toujours été très charnel, mais alors que sa filmographie insistait surtout sur un certain naturalisme et une influence de la terre sur le comportement bestial de l’homme (dans La vie de Jésus et surtout L’Humanité, mais aussi les contrées solaires de Flandres), 29 palms marque une certaine rupture ; ici, la beauté plastique semble l’emporter, un temps du moins, sur les enjeux dramatiques, et le film se fait contemplateur d’une beauté presque inaccessible (et qui donnera lieu à certains des très beaux instants suspendus et picturaux de P’tit Quinquin). Road movie désincarné, le film semble marcher dans un premier temps sur les traces du Zabriskie Point d’Antonioni : paysages grandioses et fusion des amants dans le sable brûlant, incommunicabilité dans un silence spatialisé à outrance le réalisateur travaille ses tableaux et superpose au silence une beauté plastique à la fois rédemptrice et illusoire. A ceci s’ajoute la marque que Dumont a toujours donnée à ses personnages, êtres mutiques et capables des décrochages les plus brusques : rires hystériques, violence sourde, crises de jalousie ponctuent un trajet insolite au volant d’un Hummer rutilant qui semble attendre de ne plus pouvoir avancer sur les terrains de plus en plus accidentés. Long, lent, déstabilisant, le récit pose avec perversité les germes d’un déchainement à venir, et l’attente devient de plus en plus oppressante à mesure que les personnages accusent des signes de fébrilité : rapports sexuels de plus en plus bestiaux, disputes inexplicables et altercations avec des locaux qui semblent un temps reprendre la dynamique du Duel de Spielberg. Les ellipses semblent elles aussi se précipiter vers la béance finale qui vire vers le trauma originel de Delivrance et en constitue ici presque l’aboutissement. Dès lors, le récit bascule, et sur une aliénation qui cite presque Psychose, achève tout ce qui refusait de véritablement se construire. Reste dans le plan final un paysage qui reprend ses droits, un soleil qui fait ce qu’il sait le mieux faire : brûler la peau, sécher les corps qui fusionnent enfin avec la terre dans l’indifférence généralisée. Dumont a eu beau nous faire croire au rêve américain, son regard noir revient au galop. | |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Ven 29 Mai 2015 - 8:37 | |
| Optical Malady Michael Mann affirme désormais clairement sa singularité, et par conséquent divise la critique de façon assez radicale. Les acquis à sa cause y décèlent la patte d’un auteur hors norme, se jouant du système qui le finance, proposant des films à l’apparence formatée qui seraient des joyaux malades. Les autres, déconcertés par son exercice de sape qu’ils ont du mal à considérer comme volontaire, haïssent cordialement. Il faut reconnaitre que rien ne semble fonctionner dans ce film. Rythme à l’encéphalogramme plat, jeu inepte, musique à sa mesure, la première heure met en place un brouet insipide dans lequel on s’englue avec douleur. Chris Hemsworth semble s’en remettre à ses mèches pour donner de l’épaisseur à son personnage, et la galerie qui l’accompagne, de l’expert asiatique à la black de service, ont tout du casting d’une série hi-tech comme les US en produisent au kilomètre chaque année. Où est passée, se demande-t-on, la présence des monstres qui jalonnaient les rues solaires de Heat ? Cette grande mélancolie qui venait piquer de rouille les surfaces bleutées et les lunettes noires ? Bien sûr, Mann est au recoin de chaque plan, semblant savoir ce qu’on attend de lui : qu’il filme la ville. Aussi belle et nocturne que dans les publicités pour les Mercedes, elle nous offre certes quelques séquences ravissantes. De la même manière, les passages obligés de violence viennent jalonner son récit. La première, qui semble totalement incongrue et en rupture avec la longue neurasthénie qui la précède, réveille autant qu’elle irrite. Mais c’est à partir d’elle que se met en place ce qui va sauver un peu l’ensemble du naufrage : le fait, justement, d’en raconter un, presque sans concession. Ce qui sature ce film et qui faisait aussi la particularité de Public Ennemies, c’est son désespoir, son entreprise de destruction lente et inéluctable. La violence croissante, les échecs et les abandons prennent le pas sur une intrigue sans intérêt, et Mann conduit le film vers ce qui semble être son aboutissement : une fête mortuaire qui dévore les individus et leurs médiocres ambitions. Cette mélancolie semble à rebours donner du sens à l’atonie initiale, sans pour autant justifier l’ennui profond qu’elle a pu susciter : ces personnages emprisonnés dans une banale enquête, dans un amour formaté, n’auront de sens aux yeux du spectateur et surtout du metteur en scène que lorsqu’ils commenceront à véritablement expérimenter la perte et l’échec. Au diapason de cette noirceur, la mise en scène, l’atmosphère vénéneuse du film finit par prendre l’épaisseur qui lui manquait. Hacker est donc bien un film d’auteur, et on ne peut nier le volontarisme de son géniteur dans tout ce qui fait à la fois sa bancalité et sa tonalité. Et l’on se prend à rêver de ce que Mann pourrait faire s’il se décidait à sortir des sentiers battus du scénario hollywoodien. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Ven 29 Mai 2015 - 18:11 | |
| Bien sûr que Mann est un auteur hors-normes j'en connais pas beaucoup des types capables de te bouleverser par un simple cadrage, à Hollywood ou non. Même Miami Vice est un CO. Et je parle même pas de Collateral. J'avais complètement zappé ce nouveau film par contre... déçu par le précédent mais j'irai pas à reculons. |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Sam 30 Mai 2015 - 7:37 | |
| Les arcanes du film d’auteur. En Suisse, au bord d’un lac. Le chien qui furette à droite à gauche, le vieux et sa canne, une après-midi comme tant d’autres, la petite balade digestive. « L’avantage, quand on est un génie comme moi, c’est que tout fait sens. Je suis parvenu à un tel degré de talent, mon univers est si profondément singulier que je n’ai plus aucune barrière. J’ai ma DV, je la laisse allumée. Roxy renifle une merde, tiens, je vais mettre un début de Beethoven là-dessus. C’est bien, le caca, d’ailleurs. Il faudra lui donner sa juste place. Avec le son. C’est aussi ça, un génie, il ose. C’est quand même assez audacieux, les ploufs du caca qui tombe dans les toilettes lors d’une discussion dans un couple. Encore une scène qui restera dans les annales. Et un bateau. Et des femmes à poil. Et Hitler, aussi. Pour les images d’archive. Et du sang dans une baignoire. Et puis comme je suis un esthète, je vais un peu changer la molette, là, sur la saturation des couleurs. Ah oui, l’herbe est plus verte, tiens. Et puis comme je suis un érudit, je vais mettre des citations. Mais comme je suis un véritable érudit, je ne vais pas dire de qui sait. Les intellos vont adorer reconnaitre, petit esprit de communauté : Antigone d’Anouilh dans les champs, François Villon sous la douche, Monnet, tout ça. Et je filme aussi des films en noir et blanc sur mon téléviseur. Et puis l’écriture à l’écran, ça, c’est attendu. C’est ma patte. Adieu au langage, La Nature, La métaphore, des chapitres dans le désordre. Les Cahiers parleront de montage parcellaire, les Inrocks de mashup. Les Cahiers parleront de l’intertextualité, les Inrocks de la 3D et du numérique. Roxy, reviens par là, on va faire un film. On ira pas à Cannes, parce qu’on est pas comme ça. Cannes viendra à nous. Tu verras qu’ils vont te trouver un prix. » Le chien s’en contre branle. Le vent souffle sur l’herbe verte. De petites vaguelettes irisent le lac. C’est très beau. « Elégiaque », dira la presse. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Sam 30 Mai 2015 - 10:04 | |
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Sam 30 Mai 2015 - 10:07 | |
| - Nulladies a écrit:
Et puis comme je suis un érudit, je vais mettre des citations. Mais comme je suis un véritable érudit, je ne vais pas dire de qui sait.
"de qui c'est" non? ou alors il y a un possible jeu de mots qui m'échappe à moitié, quelque chose avec le savoir bon tu me précises ça nulla, s'il te plaît, sinon je sens que ça va me boucher ma journée qui a très bien commencé avec Gun Club. |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Sam 30 Mai 2015 - 12:25 | |
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| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Dim 31 Mai 2015 - 8:30 | |
| Itinéraire de délestage. Le troisième long métrage de Miyazaki, découvert sur le tard en France grâce au succès de ses chefs d’œuvres à l’aube des années 2000, a dû surprendre les nouveaux amateurs. A priori bien plus occidental, il est résolument marqué par les influences de la littérature d’aventure. Dès le générique, dans une imagerie sépia de gravures, c’est Swift et Verne qui sont convoqués, tandis que l’île volante renvoie explicitement à la Tour de Babel de Brueghel. Ambitieux, le récit s’articule autour d’une séquence d’origine jouant habilement du mystère : muette et sibylline quant au rôle de chacun, elle est entièrement inféodée à la démonstration de virtuosité qui fera toute la dynamique du film : le mouvement. Montage alterné entre plusieurs groupes de personnes, fuite et coups de feu, portes qui explosent : le programme est lancé. Le décor terrestre, européen en diable, semble être calqué sur Quelle était verte ma vallée de Ford, et joue de la complémentarité chère au maitre japonais : le parcours initiatique de Pazu se fera des entrailles minérales de la terre à l’apesanteur utopique de Laputa, par l’entremise d’un cristal, objet magique, féminin et unique qui permet le voyage. L’ascension se fait donc sous l’égide de la grande aventure, et mêle avec habileté des influences diverses sans se départir d’une tonalité propre : la piraterie de L’île au trésor de Stevenson, les robots géants du Roi et l’oiseau, les courses poursuites et la réversibilité des méchants, prochaine famille d’adoption des protagonistes déracinés. C’est peut-être là l’unique reproche à faire au film : rivé à cette intrigue d’une trajectoire unique vers les hautes sphères, il peine à échapper à certains clichés, notamment dans le rôle de l’opposant se limitant à un rire machiavélique accompagnant son ambition de conquérir le monde. Pesanteur cependant rapidement balayée par l’essence même du film, cette grâce absolue qu’on retrouvera notamment dans Porco Rosso et parmi les plus belles séquences du Voyage de Chihiro : l’envol. Au-delà de l’inventivité aéronautique chère au dessinateur, Le Château dans le Ciel est l’occasion d’un ballet grandiose, de splendides prises de vues aériennes s’affranchissant des contraintes cardinales. Qu’on pense au double niveau entre le vaisseau mère et la nacelle ou au décollage final de l’île, tout concourt au délestage. Vers l’évanescence et la légèreté, à rebours des lourdes ambitions industrielles de l’homme, reste l’essentiel : un arbre géant s’élevant vers le ciel, et l’amour naissant de deux êtres ayant découvert le poids infime des valeurs profondes. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Dim 31 Mai 2015 - 14:40 | |
| Joli ! |
| | | Coda pépé au fagot antisocial
Nombre de messages : 3218 Date d'inscription : 02/11/2011 Humeur : 7° (sur l'échelle de Richter)
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Dim 31 Mai 2015 - 20:17 | |
| Dès la première scène des plus intense, en gros plan, le ton est posé. Un homme d'une cinquantaine d'années est en discussion avec son conseiller Pôle Emploi. L'homme tente de comprendre pourquoi on l'a inutilement aiguillé sur un stage de grutier alors que seuls les candidats ayant déjà une expérience dans le bâtiment peuvent postuler à un emploi dans cette spécialité. Il a suivi assidûment son stage pendant plusieurs semaines, il a réussi l'examen, cependant, il n'a aucune chance de trouver un emploi. Pourquoi lui avoir fait perdre son temps, à lui et à 12 autres participants dans la même situation ? Le conseiller avoue ne pas trouver d'explication, pas plus que de solution miracle. L'homme est au chômage depuis vingt mois, il sera prochainement en fin de droits, il peine à contenir sa colère. Mais il la contient, conscient sans doute que son interlocuteur est aussi désemparé que lui. L'absurdité d'un système qui met des emplâtres dérisoires sur le chômage endémique est mis à nu dans cette séquence où Thierry, Vincent Lindon exceptionnel crève l'écran. Bref, le quotidien pour des millions de gens d'ici bas.
Thierry, c'est un de ces ouvriers qui croyait, comme beaucoup, après des années de labeur rigoureux au service de la même entreprise, se diriger vers une fin de carrière et de vie toute tracée : une vie de couple heureux et soudé malgré les difficultés, ils ont un enfant handicapé mental, pour qui ils se battent au quotidien afin de lui assurer une formation au niveau de ses réelles capacités intellectuelles, dans leur modeste appartement qu'ils ont presque fini de payer, avec même un petit mobile home pour les vacances estivales. Mais sacrifié sur l'autel des délocalisations et de l'optimisation des dividendes, Thierry s'est retrouvé après 25 ans d'usine sur le carreau, en même temps que tous ses camarades d'atelier. Contrairement à certains, il va renoncer, par souffrance, au combat qui piétine depuis 15 mois contre ses anciens patrons pour se consacrer à la recherche d'un emploi, coûte que coûte. Et il va subir tout le parcours des seniors au chômage : l'entretien déshumanisé par Skype, la session de « comment bien se vendre à un futur employeur » avec un jeu de rôle infantilisant, les rendez-vous à la banque avec une attachée de clientèle qui pourrait être sa fille et qui lui donne des conseils humiliants de réalisme… Pour finir par décrocher un poste de vigile en supermarché où il va être contraint de surveiller et de réprimer plus pauvre encore que lui, y compris ses collègues… A des années lumières de l'épanouissement au travail et à la réalisation de soi.
Dans La Loi du marché, le réalisateur Stéphane Brizé élargit s'empare de la question sociale, et des répercussions qu'elle a justement sur la sphère privée : conséquences désastreuses de la nouvelle barbarie économique sur la vie quotidienne de ceux qui la subissent et qui ne sont en rien armés pour être des combattants politiques, en rien des grandes gueules revendicatrices, simplement des gens qui ont un minimum de bon sens, de dignité et d'humanité. La Loi du marché est un grand film sur la dignité irréductible des humains ordinaires, de la condition ouvrière au XXIème siècle.
Vincent Lindon incarne avec une puissance et une force saisissante ces valeurs, même si son personnage a dû longtemps les enfouir, les faire taire parfois dans l'espoir de conserver à sa famille le bonheur simple qu'elle s'était construit. Le film laisse aux scènes le temps de durer, jusqu'au malaise parfois. Des gros plans ou on en prend plein la figure. La vérité des personnages et des situations s'exprime dans toutes ses nuances. | |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Dim 7 Juin 2015 - 8:22 | |
| L’écorche des héros. Il était une fois la Révolution (dont le titre original, Duck you, sucker ! annonce davantage la couleur) commence comme une farce dans laquelle Leone prendrait tous les ingrédients les plus outranciers de son cinéma pour les servir à qui les attends : jets d’urine en plan initial, sueur, trognes patibulaires, nous sommes en terrain connu. A la morgue des bandits répond l’obscénité de leurs riches victimes, tant dans leurs propos que par les très gros plans sur leur mastication. Rien n’est à sauver, et c’est dans un viol d’une lenteur effarante que semble se conclure la vision désabusée de l’humanité qui ouvre le film. Leone ne fait donc pas dans la dentelle et semble jouer à la lisière de la parodie, qu’il s’agisse de revisiter le code du western en substituant au cheval traditionnel une moto bringuebalante, voire la musique de Morricone qui semble singer ses élans précédents. Le projet lui-même brille par son manque d’originalité : l’association forcée pour un braquage. A la différence près que le protagoniste ne libèrera pas les millions, mais les dissidents d’une révolution dont on va le faire leader malgré lui. Dès lors, le film prend une direction nouvelle, prenant son temps pour mener les personnages sur la voie d’une révélation. 2h40 de détours et de retournements, après un début un peu laborieux, semblent nécessaires à cette initiation à l’humanité. Après la médiocrité d’un projet individualiste, c’est le temps de l’euphorie invicible, point de rencontre entre le cinéaste et l’enthousiasme de ses personnages : fusillades, corps lestés de plomb, ralentis à l’envi qui semblent empruntés à la très récente Horde Sauvage de Peckinpah, (rapprochement d’autant plus efficient que le sourire carnassier et jubilatoire de James Coburn sous la mitraille ne peut que faire penser à celui qu’il aura dans Croix de Fer) pont dynamité, tout concorde au grand spectacle. La mise en scène gagne en ampleur, à l’image de ce plan séquence suivant le gamin en repérage devant la banque, et le film semble atteindre son point d’orgue, celui d’une épopée opératique à l’ambition picturale ( notamment par des références explicites à Goya ou de Chirico). C’est sans compter sur les ressources du maitre. Si le foisonnement se poursuit vers un final assez gigantesque, c’est sur un autre terrain que le récit veut mener ses personnages. La révolution, nous dit Mao dans le carton initial, « n’est pas un dîner mondain. La révolution est un acte de violence. ». Des tableaux, on passe à la reconstitution historique : charniers, fusillades, tueries de masses, la fête est finie. Juan perd sa famille tandis que la remontée dans les souvenirs de Sean laisse sourdre la douleur du pays natal. De L’Irlande au Mexique, l’Histoire se répète : elle broie les individus, pousse à la délation, la perte et le deuil. Les paroles s’amenuisent, les sourires s’estompent et l’héroïsme tire les traits. C’est là que le film prend enfin toute son ampleur : du spectaculaire à l’intime, du jubilatoire au lyrisme, il prend une double direction, celle du passé nostalgique (la scène originelle dans le bar irlandais, d’une lenteur musicale poignante) et de l’issue du conflit, l’acceptation d’être mortel face à l’ennemi pour devenir un héros véritable. La concordance finale, entre pyrotechnie grandiose et souvenir intime (les plans ultimes révélant le triangle amoureux du passé de Sean) permet un équilibre rare entre l’émotion visuelle et psychologique et marque un tournant dans le sens du récit de Leone. Le futur prévu par le duo avait un nom : America. Il sera atteint par le réalisateur désormais près à assumer la chair de sa chair, le lyrisme qui irriguera son testament, Once upon a time in America. Bonus track : « Leone filme des explosions au ralenti avec un parfait je-m’en-foutisme. Son humour comme les mimiques de Steiger sont d’une lourdeur désespérante. Il s’agit de son plus mauvais film. » Jean Tulard, Le Guide des films. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Dim 7 Juin 2015 - 10:51 | |
| tellement sous-estimé dans sa filmo... ce film me bouleverse à chaque fois. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Dim 7 Juin 2015 - 13:24 | |
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| | | Goupi Tonkin la séquence du spectateur
Nombre de messages : 914 Date d'inscription : 21/11/2008
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Dim 7 Juin 2015 - 18:03 | |
| Leone a souvent dit qu'il avait pour ce film un faible, une petite préférence et qu'il l'aimait « comme on aime un enfant un peu mal formé, plus fragile que ses frères. »
Après Once upon a time in America, Il était une fois la Révolution est pour moi le meilleur Leone, celui qui me touche le plus, celui que je revois le plus souvent...
ps : Tulard chie gravement dans la colle. | |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Lun 15 Juin 2015 - 7:18 | |
| Suivre et survivre C’est sur un éblouissement propre à séduire le cinéphile peu connaisseur du genre que s’ouvre It Follows : une superbe leçon de mise en scène. Le plan séquence initial, tout en lenteur circulaire, distille dans sa maitrise et sa sérénité triste l’atmosphère désenchantée qui fera tout le charme du film. Lui succèdent quelques tableaux (un silhouette minuscule sur la plage, l’éclairage provenant des phares de la voiture ou le portrait atrocement mutilé d’une jeune fille) qui achèvent l’opération de séduction : nous sommes prêts à suivre. De poursuite, il sera donc question, et force est de constater que David Robert Mitchell prend un malin plaisir à subvertir les attendus de son sujet. Pas de frénésie, peu de course, ou alors celle, déraisonnable et pathétique, de pantins face à une lenteur inéluctable. Dans cette ville en ruine, seul un groupe lui-même dans les miasmes de l’âge ingrat, semble exister, et accomplit sans trop y croire un trajet inféodé à un concept pour le moins fumeux : une malédiction sexuellement transmissible qui impose qu’on l’explique au contaminé, car s’il meurt de celle-ci, elle remonte au donneur. On pouvait craindre le pire dans cette alliance qui sied tant au teen movie : sexe à la chaine et massacres idoines. C’est aussi là que le film se distingue avec malice : de sexe, il sera peu question, et c’est dans le malaise de la maladie qu’il se fera, la plupart des protagonistes ayant conscience des enjeux, le transformant en une forme étrange de sacrifice. Ce thème semble d’ailleurs contaminer toute l’esthétique du film : pas de victoire, pas de jubilation, pas de revanche : les protagonistes semblent résigner à faire avec, tout comme ces pavillons a l’abandon, sur des kilomètres, attestent de la nature d’un monde qui subit. Crise financière, crise d’identité, crise sexuelle : il ne reste rien qu’un monde en ruines, et le cinéaste pour en extraire la poisseuse substance. Son regard acéré, dans une photographie laiteuse qui rappelle les films indépendants de ses prédécesseurs (Sofia Coppola notamment), compose de somptueux portraits de décors aussi variés qu’unis par la mélancolie qui les assombrit. La mise en scène, méticuleuse, joue des points de vue et d’un des artifices permettant les innovations, à savoir l’invisibilité du suiveur pour les autres personnes que sa victime. L’arrière-plan devient ainsi une menace permanente dans laquelle nous identifions des marcheurs potentiels, ne sachant s’ils seront ou non vus par les autres. De la même façon, l’affrontement final dans la piscine alterne les points de vue, jouant de l’invisibilité ou non du suiveur, permettant une dynamique tout à fait intéressante. It follows serait donc la solution idéale pour réconcilier amateurs du genre et cinéphiles plus généralistes… Pas si sûr : aux premiers, il risque d’être considéré comme prétentieux et pisse-froid, tandis qu’il pourra faire penser aux seconds qu’un cinéaste d’un tel talent pourrait atteindre des sommets s’il se débarrassait du ridicule inhérent à son pitch et à son inévitable développement (découverte, doute, croyance, affrontement, victoire). Qu’on ajoute à cela la déception quant aux promesses d’un film « utra flippant »… Il n’empêche : un réalisateur à suivre s’affirme clairement ici, et c’est de toute façon une bonne nouvelle. | |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Mar 16 Juin 2015 - 6:56 | |
| La théorie du genre. L’argument qu’on va forcément me rétorquer, c’est que les reproches que je vais lui faire ne sont pas valides dans la mesure où le film INAUGURE le slasher et que donc voilà, il met en place les règles du genre, et que voilà, moi qui suis arrivé après la bataille, je galvaude ma vision par les parodies que j’ai en tête. D’accord. Alors, on y va, regard frais, ouverture d’esprit sur ce film séminal. Donc en fait, c’est Scream sans la dérision : quand dans le second plan un mec masqué avance, ça fait peur. Le thème musical, répété 549 fois, en est l’indicateur. Ensuite, l’astuce, c’est que on est le soir d’Halloween, d’où un grand nombre de quiproquos, ah-ah-en-fait-c’est-pour-rire-hein-mais-non-en-fait-c’est-pour-de-vrai-mon-Dieu-c’est-horrible. L’horreur, c’est la béance de l’indicible, qu’on se le dise. Michael Myers, c’est le méchant le plus opaque du cinéma : pas de mobile, pas de tronche, pas de répliques. Un seul but : buter. Soit. Simple, direct, efficace. Donc, des ados dont la poitrine ou la culotte s’exhibe, teen movie oblige, le mot « totally » en guise de passeport, initiation au dating, l’intello contre les sluts, attention-possible-vision-satirique, un plan séquence augural pour montrer que ce film est garanti avec véritables chunks de réalisateur, un médecin presque aussi flippant que son patient, des portes, des persiennes, des fenêtres, simple, direct, efficace. Conclusion : ce genre de film, c’est pas mon genre. Il a beau être fondateur, il fonde un truc dont je me contrefonds. Cette ineptie narrative, ces personnages archétypaux, cette absence de tout fond ne me conviendra jamais. Ajoutons à cela le manque de moyen qui lui vaut l’admiration de ses défenseurs, 4 notes sur un clavier, un plan-séquence, des travellings, d’accord, et me voilà à terre, achevé, mon plaisir charcuté à coup de couteau de cuisine. J’abandonne. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Mer 17 Juin 2015 - 15:44 | |
| Grand film pourtant de pure mise en scène bien sûr, d'épure narrative et de minimalisme atmosphérique (cette scène où Jamie va chercher son frère à l'école c'est quelque chose quand même) mais pas que. Myers est une allégorie du mal abstrait comme toute menace dans tout film de Carpenter, en l'occurrence, en filigrane, l'incarnation de cette peur du châtiment inculquée à des générations d'adolescents par une Amérique puritaine associant fièrement sexe hors mariage et mort. Thème qui sera repris et approfondi par Craven d'ailleurs. |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Dim 21 Juin 2015 - 10:53 | |
| - RabbitIYH a écrit:
- Grand film pourtant de pure mise en scène bien sûr, d'épure narrative et de minimalisme atmosphérique (cette scène où Jamie va chercher son frère à l'école c'est quelque chose quand même) mais pas que. Myers est une allégorie du mal abstrait comme toute menace dans tout film de Carpenter, en l'occurrence, en filigrane, l'incarnation de cette peur du châtiment inculquée à des générations d'adolescents par une Amérique puritaine associant fièrement sexe hors mariage et mort. Thème qui sera repris et approfondi par Craven d'ailleurs.
moui. Ça se tient, mais qu'est-ce qu'il faut pas se farcir pour une analyse pareille... | |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Dim 21 Juin 2015 - 11:44 | |
| “to the everlasting mercy of God, and to the short-lived mercy of man”. Mission a tout du grand film, et mêle avec un talent certain toutes les composantes propres à faire de lui une palme d’or sous l’égide de laquelle se rencontreront critique et public. Lyrique, pathétique, plastique, poignant, le film de Roland Joffé démontre un savoir-faire en matière évident. Dès les premières images, l’exotisme historique d’un nouveau monde embarque le spectateur sur une rivière indomptable, où un prêtre crucifié atteste de la difficile cohabitation entre missionnaires et autochtones. Porté par la musique emblématique de Morricone, la pastorale de la jungle fonctionne à plein régime, et dans un double jeu plutôt habile : la nature est hostile mais fascinante, elle se conquiert par un chemin de croix qui va permettre aux européens qui le méritent d’expier leurs péchés vers un paradis originel. Le parcours de Mendoza, interprété par un De Niro alors au sommet de sa carrière, permet cette jonction entre le monde des hommes et l’ordre des jésuites où le très saint Jeremy Irons désincarne à la perfection la sagesse voltigeant au-dessus des vicissitudes de son temps. C’est là l’autre point saillant du récit : faire de la mission le nœud d’enjeux qui la dépassent totalement. Alors qu’on croit en l’émergence d’une utopie, Dieu ayant rencontré ses ouailles dans un berceau édénique, le monde des hommes reprend le dessus. Les prêtres se voient confrontés à l’Eglise, aux questions politiques entre Portugais et Espagnols, au sort des Jésuites en Europe : résolument pessimiste, le récit bascule ici et empêche Mendoza de quitter totalement son passé, prenant en charge l’indignation du spectateur par sa révolte contre un ordre inflexible. Alors que les deux figures s’affrontent pour faire face à l’adversité, l’un martyre, l’autre vindicatif, la longue dernière partie du film bascule vers le film d’aventure sans toujours faire dans la finesse, jouant à la fois la carte de la vengeance et sur la corde du pathétique par un massacre en règles. D’un rythme un peu pataud, desservis par une musique trop redondante, la lourdeur s’invite et désactive les enjeux bien plus fins qui s’étaient mis en place au centre du récit, pour nous donner à voir une une bande de prêtres guerriers Mission est donc un beau film, qui semble un peu trop vouloir l’être, sans perdre pour autant son emphase ou son lyrisme, qu’on aurait pu souhaiter au service d’une réflexion un peu plus aiguisé sur les enjeux fascinants qu’il aborde. | |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Mar 23 Juin 2015 - 8:03 | |
| Rats out of cell On sait Resnais friand des expériences formelles et discursives dans ses films, qu’il s’agisse d’explorer les interactions d’un couple à l’Histoire dans Hiroshima mon amour, à la mémoire dans L’Année dernière à Marienbad ou Je t’aime, je t’aime, il a toujours pris le parti d’associer fond et forme pour circonscrire les élans contradictoires de la psyché humaine. Dans Mon oncle d’Amérique, c’est la même intention qui sous-tend le projet, avec un pas supplémentaire franchi dans cette considération de ses personnages comme des créatures de laboratoires auxquelles on ferait subir diverses expériences. Ponctué des théories du Dr Laborit, le récit va ainsi alterner discours documentaire et illustration par l’exemple, en suivant la destinée de trois personnages dont les récits vont s’entrecroiser. Si les débuts peuvent sembler assez laborieux, l’exposition accordant davantage de place à la mise en place du dispositif, et amenuisant la capacité émotionnelle du récit, celui-ci occupe progressivement une place de plus en plus importante. Resnais et son biologiste semblent vouloir laisser le spectateur faire par lui-même ses rapprochements, s’amusant des coïncidences et de cette audace à considérer ses personnages comme des rats de laboratoire. Ce regard d’entomologiste ne fait pas toujours mouche, et s’accompagne notamment d’un jeu un brin artificiel qu’on trouve souvent chez le cinéaste, et avec lequel il n’est pas toujours facile de composer. La tonalité didactique occasionne quelques expériences formelles qui sont bien moins fascinantes que dans les précédents films du réalisateur, parce qu’elles sont au service d’une démonstration scientifique de laquelle semble absente la préoccupation esthétique. Ainsi des redondances de montage alterné entre les personnages et leurs idoles de cinéma Gabin, Darrieux et Marais, qui sont rapidement pesantes. Si l’on est loin du pouvoir hypnotique de Marienbad ou du lyrisme fébrile d’Hiroshima, c’est sans doute une volonté du réalisateur, qui se voit ici comme Zola s’envisageait dans son projet naturaliste : comme un scientifique en blouse blanche, conduisant ses petites expériences avec recul et supériorité. Le film s’en trouve délesté de toute une chair, et ne subsiste de lui que l’intérêt de sa forme originale, qui vieillit bien vite et ne laisse pas de marque indélébile sur le spectateur. | |
| | | Azbinebrozer personne âgée
Nombre de messages : 2751 Date d'inscription : 12/03/2013 Age : 63 Localisation : Teuteuil Humeur : mondaine
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Mar 23 Juin 2015 - 9:02 | |
| - Nulladies a écrit:
Rats out of cell
On sait Resnais friand des expériences formelles et discursives dans ses films, qu’il s’agisse d’explorer les interactions d’un couple à l’Histoire dans Hiroshima mon amour, à la mémoire dans L’Année dernière à Marienbad ou Je t’aime, je t’aime, il a toujours pris le parti d’associer fond et forme pour circonscrire les élans contradictoires de la psyché humaine. Dans Mon oncle d’Amérique, c’est la même intention qui sous-tend le projet, avec un pas supplémentaire franchi dans cette considération de ses personnages comme des créatures de laboratoires auxquelles on ferait subir diverses expériences. Ponctué des théories du Dr Laborit, le récit va ainsi alterner discours documentaire et illustration par l’exemple, en suivant la destinée de trois personnages dont les récits vont s’entrecroiser. Si les débuts peuvent sembler assez laborieux, l’exposition accordant davantage de place à la mise en place du dispositif, et amenuisant la capacité émotionnelle du récit, celui-ci occupe progressivement une place de plus en plus importante. Resnais et son biologiste semblent vouloir laisser le spectateur faire par lui-même ses rapprochements, s’amusant des coïncidences et de cette audace à considérer ses personnages comme des rats de laboratoire. Ce regard d’entomologiste ne fait pas toujours mouche, et s’accompagne notamment d’un jeu un brin artificiel qu’on trouve souvent chez le cinéaste, et avec lequel il n’est pas toujours facile de composer. La tonalité didactique occasionne quelques expériences formelles qui sont bien moins fascinantes que dans les précédents films du réalisateur, parce qu’elles sont au service d’une démonstration scientifique de laquelle semble absente la préoccupation esthétique. Ainsi des redondances de montage alterné entre les personnages et leurs idoles de cinéma Gabin, Darrieux et Marais, qui sont rapidement pesantes. Si l’on est loin du pouvoir hypnotique de Marienbad ou du lyrisme fébrile d’Hiroshima, c’est sans doute une volonté du réalisateur, qui se voit ici comme Zola s’envisageait dans son projet naturaliste : comme un scientifique en blouse blanche, conduisant ses petites expériences avec recul et supériorité. Le film s’en trouve délesté de toute une chair, et ne subsiste de lui que l’intérêt de sa forme originale, qui vieillit bien vite et ne laisse pas de marque indélébile sur le spectateur. Je comprends bien ton ressenti... Et... Je l'ai revu récemment et j'aime toujours ce film malgré ses défauts et le point de vue daté. Mais c'est une sorte de film culte ou balise de son époque. Laborit à cette époque est ultra présent, on le retrouve dans plein de sujet du bac français... Quel autre film incarne mieux cet angle matérialiste ici biologiste ? Smoking No smoking creusant lui plus le poids de l'aléatoire dans les déterminismes. Ce sont des points de vue en apparence très froids mais portés par une très grande inquiétude humaine. Nulla tu n'évoques pas la voix off de Laborit. Elle est extraordinaire et le personnage était tout sauf quelqu'un avec une posture de "supériorité". C'est un savant important qui transpirait l'empathie avec les souffrances psychiques par tous les pores. Est-ce que chacun à certains moments de sa vie n'est pas amené à ressentir combien il est proche de ces marionnettes ?!... Œuvre repère donc. On est assez proche d'un documentaire vulgarisant des thèses nouvelles et marquantes pour l'époque. Incomparable donc ! | |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Mar 23 Juin 2015 - 9:10 | |
| Je te le concède, Laborit ne fait pas preuve de supériorité, c'est même le contraire. C'est plutôt de Resnais que je parlais, même si son empathie est effectivement assez palpable... Je pense que le voir après l'effervescence de l'époque lui nuit beaucoup. | |
| | | Azbinebrozer personne âgée
Nombre de messages : 2751 Date d'inscription : 12/03/2013 Age : 63 Localisation : Teuteuil Humeur : mondaine
| Sujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... Mar 23 Juin 2015 - 9:56 | |
| - Nulladies a écrit:
- Je te le concède, Laborit ne fait pas preuve de supériorité, c'est même le contraire. C'est plutôt de Resnais que je parlais, même si son empathie est effectivement assez palpable... Je pense que le voir après l'effervescence de l'époque lui nuit beaucoup.
Un détour anecdotique d'abord Nulla. Laborit et ce film sont associés pour moi à une ami très cher. Un gars avec une puissance d'empathie et une capacité à lire en l'autre, très grandes. Il sortait de son Bac D et avait adoré Laborit et m'en parlait. Il est décédé l'an dernier. Je devais faire un speech collectif lors de ses obsèques. J'ai voulu aborder cet aspect de lui et mes amis pensaient que ce n'était pas si important... Je pense plutôt que c'était parce qu'il trouvait cette référence trop lointaine, froide... Pour revenir au film, il faut resituer la place de Laborit. Dépassé ? Oui mais pas plus que Newton par rapport à Einstein. Respect pour ses travaux. La recherche en neurosciences progresse à pas de géants depuis 20 ans. L'inspiration qu'en tire le cinéma pendant ce temps prend exactement le chemin inverse. Il y a pourtant un potentiel énorme. Le pompon avec Lucy qui exploite lui carrément les 100 % de potentiel de connerie du cerveau humain... | |
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