Les 3 Rocks : musique et mauvaise foi
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Les 3 Rocks : musique et mauvaise foi

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Nulladies
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MessageSujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8....   En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... - Page 35 EmptyVen 27 Juin 2014 - 7:41

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Le goût du raté

La meilleure façon de tenter de juger un film à sa juste valeur, lorsqu’on a des réserves, est de l’imaginer comme n’appartenant pas à une cinéaste de référence. Lorsqu’il est bon, les réseaux qu’il tisse avec les autres chefs-d’œuvre font sens. Dans le cas contraire, chercher à justifier les faiblesses du nouvel opus par la grandeur passée relève de l’alibi.
Certes, on retrouve bien des obsessions de Cimino dans cette œuvre. Le triangle amoureux, ou, pour une fois, deux femmes se disputent le même homme, les traumatismes du Viet Nam ou l’intégration des communautés broyées à l’origine par l’Amérique irriguent le film et sont même susceptible de lui donner une certaine épaisseur par instant. Certains passages humoristiques (les nones à l’écoute pour traduire le dialecte chinois ou la scène où il cherche vainement des toilettes disponibles pour massacrer son ennemi) permettent une variation des registres plutôt bienvenue.
On reconnaitra aussi le talent de celui qui dirige la caméra. Le regard sur la foule, la cohabitation de l’individu et d’un quartier grouillant occasionne de belles séquences, et l’on retrouve ce gout prononcé de Cimino pour le folklore et les rites : défilés, enterrements, costumes ouvrent et ferment son film, (jusqu’à la bien dispensable séquence en Indonésie, où l’on a peine à comprendre la mobilisation de tous ses figurants pour un plan d’une minute, si ce n’est pas sursaut mégalo du cinéaste pourtant échaudé par le bide de La Porte du Paradis…)
Il n’empêche. Outre le fait que l’intrigue soit éculée, sorte d’Incorruptibles sauce nem, ce sont d’abord les excès en tous genres qui souillent l’ensemble. Du jeu de Rourke, pour commencer, bad boy low cost qui pense qu’incliner son chapeau et grisonner sa tignasse suffit à faire de lui un personnage. Des querelles de couple aussi convaincantes qu’une publicité pour Mir Express, surjouées, surexplicites (bouh, tu ne me baises pas alors que j’ovule, tu vas voir le mafieux pendant que tu m’invites au restaurant, etc, etc…). Et, sommet dans le kitsch, un amour vache et pseudo raciste ou je te gifle et je te baise ave la cohérence d’un Aldo Maccione. Oui, l’appartement est sublime, mais là aussi, l’esthétique clipesque ne fait qu’ajouter au moulin de l’indigence.
Donc, non. Film daté, film outrancier, L’Année du Dragon gagne à ne pas être revu pour conserver le petit charme qu’il eut en son temps, et surtout à ne pas être comparé aux chefs-d’œuvre qui précèdent dans la filmo de Cimino, en tout cas en ce qui me concerne : je divise tout de même sa note par deux, de 8/10à 4/10.
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MessageSujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8....   En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... - Page 35 EmptyVen 27 Juin 2014 - 9:58

Alors là NON, tu vois, moi c'est le contraire, ce film que j'avais trouvé dispensable à l'époque où je l'avais découvert vaut beaucoup mieux que son intrigue dont le desserrement permet bien des errances dans les soubassements d'une communauté, il y a un sens du tragique et de la fatalité qui irriguent le film et que je trouvent aujourd'hui bouleversants, c'est cette atmosphère de fin de monde, la musique, la mise en scène qui donnent de l'épaisseur au personnage de Rourke, l'un des plus magnifiques de la filmo de Cimino par son ambivalence, son extrême fragilité sous une apparence quasi brutale, flic violent et hypersensible, acharné et désespéré, égoïste et se battant pour le système, hanté par une guerre du Vietnam politique et inutile, amoureux de sa femme et inattentif à ses problèmes, raciste bien que descendant d'immigrés polonais... tout Cimino est là, la mise en scène est flamboyante et ample plus qu'outrancière mais le film est imparfait et c'est tellement facile de chercher la petite bête. Pour moi le seul vrai hic c'est ce happy end foireux imposé par les studios, le reste est très subjectif et aucune de tes critiques ne me paraît objectivement justifiée. Certes l'esthétique 80s est datée mais dans certains décors, jamais dans la façon dont Cimino les filme, Tracy est aussi un personnage typique des années 80, mais difficile de nier qu'à l'époque ce genre d'attitude imbuvable était nécessaire pour s'imposer dans un métier d'hommes. Quant à sa relation avec Stan, elle reflète forcément l’ambiguïté du personnage et c'est moins de l'amour, pour lui, qu'un refuge charnel où les sentiments vont finalement naître.

Bref, beau film "malade", dont les défauts deviennent très secondaires quand on ne s'amuse pas à les chercher.  geek
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Nulladies
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MessageSujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8....   En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... - Page 35 EmptyVen 27 Juin 2014 - 10:06

RabbitIYH a écrit:
Alors là NON, tu vois, moi c'est le contraire, ce film que j'avais trouvé dispensable à l'époque où je l'avais découvert vaut beaucoup mieux que son intrigue dont le desserrement permet bien des errances dans les soubassements d'une communauté, il y a un sens du tragique et de la fatalité qui irriguent le film et que je trouvent aujourd'hui bouleversants, c'est cette atmosphère de fin de monde, la musique, la mise en scène qui donnent de l'épaisseur au personnage de Rourke, l'un des plus magnifiques de la filmo de Cimino par son ambivalence, son extrême fragilité sous une apparence quasi brutale, flic violent et hypersensible, acharné et désespéré, égoïste et se battant pour le système, hanté par une guerre du Vietnam politique et inutile, amoureux de sa femme et inattentif à ses problèmes, raciste bien que descendant d'immigrés polonais... tout Cimino est là, la mise en scène est flamboyante et ample plus qu'outrancière mais le film est imparfait et c'est tellement facile de chercher la petite bête. Pour moi le seul vrai hic c'est ce happy end foireux imposé par les studios, le reste est très subjectif et aucune de tes critiques ne me paraît objectivement justifiée. Certes l'esthétique 80s est datée mais dans certains décors, jamais dans la façon dont Cimino les filme, Tracy est aussi un personnage typique des années 80, mais difficile de nier qu'à l'époque ce genre d'attitude imbuvable était nécessaire pour s'imposer dans un métier d'hommes. Quant à sa relation avec Stan, elle reflète forcément l’ambiguïté du personnage et c'est moins de l'amour, pour lui, qu'un refuge charnel où les sentiments vont finalement naître.

Bref, beau film "malade", dont les défauts deviennent très secondaires quand on ne s'amuse pas à les chercher.  geek

Y'a un truc que je ne peux pas te laisser dire, c'est que je cherche la petite bête ou les défauts. Je ne fonctionne pas comme ça, je n'ai pas d'idée préconçue avant de voir un film. Au contraire, même, à la suite de Deer Hunter et Gates of Heaven, j'étais évidemment dans les meilleures dispositions. C'est simplement que ça n'a jamais pris pour moi, et qu'à partir de là, j'ai cherché à comprendre pourquoi. Bien entendu, je ne sais pas si on peut "objectivement justifier" mes critiques, par essence subjectives. Ce que tu dis sur l'ambivalence et la complexité, d'accord, sur la mise en scène, éventuellement (même si, en dehors des scènes de foule et de rue, ce n'est pas toujours flagrant...) mais ça ne suffit pas à mon sens pour l'émotion et la légitimité d'ensemble.
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MessageSujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8....   En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... - Page 35 EmptyVen 27 Juin 2014 - 10:44

Bien sûr, ça n'est pas ce que je voulais dire, mais avoue que sortir du contexte une histoire d'ovulation lorsqu'on sait que la femme de Stan est à deux doigts de la crise de nerf et se raccroche aux dernières branches d'un mariage au bord de l'implosion, c'est quand même douteux, on en est plus à la scène de ménage mais aux sursauts du désespoir et en cela ces scènes sonnent tout à fait véridiques. Quant au "sursaut mégalo du cinéaste" c'est quand même tout à fait le genre de critique subjective qui n'a aucune justification objective, tu fais un procès d'intention à Cimino sur la foi d'une scène qui ouvre justement au film une autre dimension, Chinatown n'est que le prolongement d'une culture mafieuse ancestrale (et je ne pense pas que les figurants soient si chers payés ni trop difficiles à trouver en Indonésie). Je ne parlais pas d'idée préconçue mais tu sembles passer à côté de pas mal de films pour leurs imperfections, leurs petits travers kitsch, bancals ou simplement mélangeurs quand ces films sont parfois nettement plus passionnants, osés, émouvants que des films "parfaits" (cf. Fury de De Palma ou des CO récents comme Prisoners ou The Place Beyond the Pines, pour moi largement les deux meilleurs films de l'année dernière et justement pour ce mélange d'ambition métaphysique et de narration classique avec un grand C que tu assimiles bizarrement à du "formatage" dans le cas de Prisoners, qui tient pourtant plus de Dennis Lehane que de Michael Connelly).
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MessageSujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8....   En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... - Page 35 EmptyVen 27 Juin 2014 - 10:58

C'est intéressant. C'est vrai que je bloque assez rapidement quand j'ai le sentiment qu'on me sert un truc qui semble précuit. Et quand ça pique les yeux (Fury et dans une moindre mesure, Phantom of the Paradise), c'est un peu pareil.
En fait, je dois être un peu réac.  geek 
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MessageSujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8....   En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... - Page 35 EmptyVen 27 Juin 2014 - 12:09

Justement il n'y rien de précuit dans ces films ! Putain Fury c'est le film de genre(s) le plus osé des 70s, en plus à part la scène gore finale repompée quelques années plus tard par le Scanners de Cronenberg (mais quand c'est Cronenberg bizarrement personne n'y trouve rien à redire) je vois pas ce qui pique les yeux dans ce film. Et Phantom of the Paradise effectivement ça pique les yeux mais la théâtralité du film devient un thème en soi, qui n'empêche pas du tout l'émotion d'ailleurs (comme dans le très bon Old Boy version Spike Lee sur lequel tout le monde s'est déchaîné et qu'il faudra que je pense à défendre un de ces quatre).


Dernière édition par RabbitIYH le Ven 27 Juin 2014 - 12:24, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8....   En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... - Page 35 EmptyVen 27 Juin 2014 - 12:23

Quant à Prisoners ou The Place Beyond the Pines derrière l'apparent classicisme on a quand même des enjeux moraux hyper ambigus, des enjeux dramatiques qui se déplacent complètement de l'intrigue principale pour investir la conscience et la part d'ombre des personnages, une vraie dimension métaphysique et fataliste qui rejoint celle du récent True Detective à la télé dans le cas de Prisoners dont les personnages deviennent quasiment des allégories, ça n'a rien de prédigéré tout ça, "roman de l'été" ou je sais plus exactement comment tu le formulais pour Prisoners non mais franchement ! Déjà t'en as lu beaucoup des romans de l'été aussi morbides ?
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MessageSujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8....   En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... - Page 35 EmptyVen 27 Juin 2014 - 13:35

RabbitIYH a écrit:
Justement il n'y rien de précuit dans ces films ! Putain Fury c'est le film de genre(s) le plus osé des 70s, en plus à part la scène gore finale repompée quelques années plus tard par le Scanners de Cronenberg (mais quand c'est Cronenberg bizarrement personne n'y trouve rien à redire) je vois pas ce qui pique les yeux dans ce film. Et Phantom of the Paradise effectivement ça pique les yeux mais la théâtralité du film devient un thème en soi, qui n'empêche pas du tout l'émotion d'ailleurs (comme dans le très bon Old Boy version Spike Lee sur lequel tout le monde s'est déchaîné et qu'il faudra que je pense à défendre un de ces quatre).

j'ai vu juste la bande-annonce de "Old Boy" et ça m'a tellement atterré que j'ai vraiment eu aucune envie de le voir

ça m'intéresserait de voir comment on peut le défendre
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MessageSujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8....   En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... - Page 35 EmptyVen 27 Juin 2014 - 15:24

RabbitIYH a écrit:
Quant à Prisoners ou The Place Beyond the Pines derrière l'apparent classicisme on a quand même des enjeux moraux hyper ambigus, des enjeux dramatiques qui se déplacent complètement de l'intrigue principale pour investir la conscience et la part d'ombre des personnages, une vraie dimension métaphysique et fataliste qui rejoint celle du récent True Detective à la télé dans le cas de Prisoners dont les personnages deviennent quasiment des allégories, ça n'a rien de prédigéré tout ça, "roman de l'été" ou je sais plus exactement comment tu le formulais pour Prisoners non mais franchement ! Déjà t'en as lu beaucoup des romans de l'été aussi morbides ?

J'ai pas vu Scanners. Je ne nie pas la force émotionnelle de Phantom, c'est juste un peu too much pour moi par moments.
Pour Prisoners et The Place Beyond the Pines, c'était des réserves, je suis d'accord pour reconnaître la force des enjeux tragiques et émotionnels. Il n'empêche que certains artifices scénaristiques sont trop grossiers, et en ce qui me concernent dynamitent la réflexion de départ. Je ne leur reproche pas tant d'être faciles que de jouer sur plusieurs tableaux, et si j'en fais la remarque, c'est justement parce qu'à l'origine, ils jouaient dans une autre catégorie que les thrillers  éculés qu'ils finissent par singer sur certains aspects. (là, je parle surtout de Prisoners)


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MessageSujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8....   En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... - Page 35 EmptyVen 27 Juin 2014 - 15:52

Citation :
Outre le fait que l’intrigue soit éculée, sorte d’Incorruptibles sauce nem...

Citation :
Du jeu de Rourke, pour commencer, bad boy low cost qui pense qu’incliner son chapeau et grisonner sa tignasse suffit à faire de lui un personnage.

Je crois que tu as aussi un problème avec le polar, ses codes et sa petite mythologie...  Very Happy
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MessageSujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8....   En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... - Page 35 EmptyVen 27 Juin 2014 - 15:54

Goupi Tonkin a écrit:
Citation :
Outre le fait que l’intrigue soit éculée, sorte d’Incorruptibles sauce nem...

Citation :
Du jeu de Rourke, pour commencer, bad boy low cost qui pense qu’incliner son chapeau et grisonner sa tignasse suffit à faire de lui un personnage.

Je crois que tu as aussi un problème avec le polar, ses codes et sa petite mythologie...  Very Happy 

Non, je ne pense pas. Je joue bien le jeu dans les films noirs des années 50, pourtant ultra codifiés.
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MessageSujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8....   En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... - Page 35 EmptyVen 27 Juin 2014 - 16:11

Nulladies a écrit:

Pour Prisoners et The Place Beyond the Pines, c'était des réserves, je suis d'accord pour reconnaître la force des enjeux tragiques et émotionnels. Il n'empêche que certains artifices scénaristiques sont trop grossiers, et en ce qui me concernent dynamitent la réflexion de départ. Je ne leur reproche pas tant d'être faciles que de jouer sur plusieurs tableaux, et si j'en fais la remarque, c'est justement parce qu'à l'origine, ils jouaient dans une autre catégories que les thrillers  éculés qu'ils finissent par singer sur certains aspects. (là, je parle surtout de Prisoners)

Pour moi c'est au contraire cet "emballage" narratif classique qui stimule la réflexion, c'est pour ça que j'adore le cinéma de genre, parce qu'il peut être un cinéma d'auteur qui ne souligne pas ses thèmes au véléda comme le font énormément d'auteurs autoproclamés. Il y a un premier degré de compréhension qui relève du romanesque, parfois certains codes à respecter ou détourner (ou les deux à la fois, c'est encore mieux), et plusieurs autres degrés d'interprétation qui dépassent le simple divertissement, et qu'on n'est pas obligé de saisir pour apprécier le film. C'est cette humilité et ce côté multidimensionnel qui fait que Wilder, Hitchcock ou Kurosawa joueront toujours pour moi dans une toute autre cour que Godard, Bergman ou Fellini. Bizarrement - et loin de moi l'idée de relancer le débat sur ce film mais quand même - tu ne reproches pas la dimension hétéroclite d'un Huit et demi, tantôt onirique, allégorique, fantasmé, symbolique etc mais alors quoi, s'il y avait un vrai scénario au premier plan pour enrober tout ça tu trouverais ça dommage ? Parce qu'il n'aurait plus le statut de "film d'auteur qui fait ce qu'il veut" ?

Zwaffle a écrit:
j'ai vu juste la bande-annonce de "Old Boy" et ça m'a tellement atterré que j'ai vraiment eu aucune envie de le voir

ça m'intéresserait de voir comment on peut le défendre

Faudrait déjà que tu le visionnes alors, parce que la bande-annonce est loin d'être représentative des qualités du film. Le problème c'est surtout que les scénaristes n'ont pas modifié d'un iota l'enjeu dramatique de la version Park Chan-wook et que même enrobée dans d'autres ficelles de scénario (finalement assez habiles, pour qui n'a pas vu l'original ça doit pas être facile à percer) tu devines d'emblée en quoi consiste la machination. Pourtant l'installation est très bonne, j'irai jusqu'à dire meilleure que dans la version coréenne, Spike Lee reprend d'ailleurs des éléments intéressants du manga occultés par Park et inscrit le personnage dans un contexte sociétal beaucoup plus réfléchi, en cela la scène du restaurant est assez géniale, symbolisant la fin de la domination wasp dans le monde des affaires au tournant des années 90 et cette frustration du grand prédateur blanc qui n'est plus le roi de la jungle (je caricature, c'est bien plus subtil dans le film). Il y a de fait beaucoup plus d'enjeu et d'ambivalence dans l'emprisonnement du personnage et la discipline qu'il finit par s'imposer, plus de profondeur dans sa métamorphose. C'est par la suite que ça devient plus tangent, une scène de massacre au marteau cartoonesque (ça commençait pourtant très bien) et une révélation complètement grandiloquente à laquelle Josh Brolin pourtant très bon jusque là ne parvient pas à insuffler la dimension tragique qu'elle aurait mérité mais c'est aussi ce côté théâtral aux coutures apparentes qui est intéressant, le "méchant" est un metteur en scène au tout premier degré dans cette version, la finalité ne lui suffit pas, pas plus que les coulisses d'ailleurs (cf. la rencontre dans le bar directement inspirée du manga), il veut être là à chaque étape pour voir comment sa créature réagit, se débat et finalement cède sous les coups, presque en dompteur de cirque qui sait exactement comment garder le contrôle à chaque instant. Il orchestre sa tombée de rideau à la façon d'un épilogue de jeu télévisé, rien à voir avec la mélancolie de son alter-ego dans l'original coréen, lui est un détraqué, pur produit d'une cellule familiale décadente et le jeu importe plus que la vengeance, pour remplacer l'excitation (sexuelle) que le personnage lui a enlevée sans le savoir. Une fois acceptés certains parti-pris, tout cela fonctionne plutôt bien finalement, pas dans le suspense narratif du manga ou le tragique exacerbé du premier film mais dans une certaine vision de la décadence de l'Amérique (la télévision dans la cellule joue un rôle plus important que n'importe quel personnage dans le film à mon sens).


Dernière édition par RabbitIYH le Ven 27 Juin 2014 - 19:53, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8....   En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... - Page 35 EmptyVen 27 Juin 2014 - 16:16

Nulladies a priori tu peux zapper Old Boy, tu vas détester.  geek
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MessageSujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8....   En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... - Page 35 EmptyVen 27 Juin 2014 - 19:16

RabbitIYH a écrit:
Nulladies a écrit:

Pour Prisoners et The Place Beyond the Pines, c'était des réserves, je suis d'accord pour reconnaître la force des enjeux tragiques et émotionnels. Il n'empêche que certains artifices scénaristiques sont trop grossiers, et en ce qui me concernent dynamitent la réflexion de départ. Je ne leur reproche pas tant d'être faciles que de jouer sur plusieurs tableaux, et si j'en fais la remarque, c'est justement parce qu'à l'origine, ils jouaient dans une autre catégories que les thrillers  éculés qu'ils finissent par singer sur certains aspects. (là, je parle surtout de Prisoners)

Pour moi c'est au contraire cet "emballage" narratif classique qui stimule la réflexion, c'est pour ça que j'adore le cinéma de genre, parce qu'il peut être un cinéma d'auteur qui ne souligne pas ses thèmes au véléda comme le font énormément d'auteurs autoproclamés. Il y un premier degré de compréhension qui relève du romanesque, parfois certains codes à respecter ou détourner (ou les deux à la fois, c'est encore mieux), et plusieurs autres degrés d'interprétation qui dépassent le simple divertissement, et qu'on n'est pas obligé de saisir pour apprécier le film. C'est cette humilité et ce côté multidimensionnel qui fait que Wilder, Hitchcock ou Kurosawa joueront toujours pour moi dans une toute autre cour que Godard, Bergman ou Fellini. Bizarrement - et loin de moi l'idée de relancer le débat sur ce film mais quand même - tu ne reproches pas la dimension hétéroclite d'un Huit et demi, tantôt onirique, allégorique, fantasmé, symbolique etc mais alors quoi, s'il y avait un vrai scénario au premier plan pour enrober tout ça tu trouverais ça dommage ? Parce qu'il n'aurait plus le statut de "film d'auteur qui fait ce qu'il veut" ?

C'est vraiment très intéressant, ce que tu dis. Sans ironie ; ça devrait me permettre d'affiner un peu ma tolérance face aux codes du genre, et la distinction entre les auteurs purs et ceux qui prennent le parti de se fondre dans un cahier des charges a beaucoup de sens.
Après, je me vois mal accepter sans sourciller ce qui me fait tiquer d'habitude, et changer comme ça mes grilles de lectures qui sont rivées à une perception très empirique, finalement. Mais ça me plait bien, ce que tu dis, et je vais y penser.
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MessageSujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8....   En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... - Page 35 EmptyVen 27 Juin 2014 - 21:41

Tant mieux !  Smile  D'autant que les codes d'un genre peuvent en arriver à véhiculer quelque chose de tout aussi personnel qu'un langage inventé de toutes pièces selon la façon dont on les détourne, justement grâce à tout le background qu'ils véhiculent déjà. A ce titre j'ai toujours été fasciné par la façon dont Lynch et De Palma détournent les codes du cinéma d'Hitchcock, presque un genre à lui seul. On en retrouve des éléments chez chacun mais ils n'ont absolument pas le même sens. Pour prendre le plus connu, la fameuse blonde hitchcockienne synonyme de duplicité manipulatrice, d'attrait pour le danger et l'interdit (criminel ou sexuel), de tentation de l'immoralité voire du crime, qui s'oppose souvent dans ses films à une figure de brune prude, innocente, salvatrice. Chez Hitchcock on sait bien que les blondes fatales représentent la peur des femmes et du sexe, on reporte sur elles, notamment, ses pulsions de mort contre une mère castratrice.

Chez Lynch le symbole paraît d'abord inversé, blonde pure et brune fatale, on rêve de faire de la brune une blonde (la complicité qui s'instaure avec Rita une fois perruquée par Betty dans la partie de Mulholland Drive fantasmée par Diane aka Betty), ou alors la blonde est une brune en devenir (Patricia Arquette dans Lost Highway), mais finalement c'est moins simple, la pureté de la blonde est morbide (Sailor et Lula, l'innocence flippante de la même Laura Dern dans Blue Velvet, la face cachée de Laura Palmer, etc...), tandis que la brune cherche la rédemption (Isabella Rossellini retenue de force du côté obscur de Blue Velvet, Patricia Arquette et sa nouvelle vie dans Lost Highway, Audrey Horn dans Twin Peaks). Je simplifie parce que les circonvolutions de ce symbolisme blonde/brune varient à divers degrés de film en film et les personnages ont toujours une part d'ambivalence.

Chez De Palma par contre, la blonde est souvent une femme aux moeurs légères (la mère qui flirte au musée dans Pulsions, les rôles de call girl de Nancy Allen dans Pulsions et Blow Out, Melanie Griffith actrice porno qui pousse au voyeurisme dans Body Double) ou d'apparence dangereuse (Carrie, Femme fatale, Carla Gugino perruquée dans Snake Eyes que l'on imagine faire partie du complot) mais finalement attachante, que le "frère ennemi" manipule ou menace. Ça vient pas mal de Vertigo, à la base, mais cette blonde, littéralement ou métaphoriquement, incarne l'objet d'amour (souvent, au fond du fond, amour contrarié pour la mère mais c'est une autre histoire) plus qu'elle ne sert d'objet de refoulement. Quand elle est brune, la femme (qu'on essaie toujours de sauver) bascule dans la duplicité ou la trahison, plus ou moins subjectivement aux yeux du personnage principal (Béart dans Mission:Impossible, la soeur dans Scarface, Phoenix dans Phantom of the Paradise, etc...). La manipulation, thème central pour De Palma, s'incarnant dans sa mise en scène, il brouille les pistes dans Obsession, son film le plus hitchcockien, annihilant la dualité blonde/brune de Vertigo qui lui sert de modèle, pour la ressortir 25 ans plus tard dans Femme fatale et surtout Le Dahlia Noir, qui en dit long sur la dimension personnelle de ses films ne serait-ce que par le choix d'adapter le roman par lequel Ellroy fit le deuil de sa mère : la femme aimée préférant le bon "frère" au mauvais, fantasme ultime de De Palma qui avoua un jour à demi-mots (pudeur de l'auteur de films de genre oblige) aux Cahiers du Cinéma qu'il regrettait de n'avoir jamais vraiment reçu l'attention de sa mère, laquelle lui préférait son frère...

Bon je m'arrête là, désolé pour la digression, je me suis laissé emporter. Laughing
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Powderfinger

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MessageSujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8....   En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... - Page 35 EmptyVen 27 Juin 2014 - 21:55

RabbitIYH a écrit:
Bon je m'arrête là, désolé pour la digression, je me suis laissé emporter. Laughing

Quand on atteint la trentaine de noms mis en gras dont 22 en gras italique, il vaut mieux Very Happy
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MessageSujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8....   En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... - Page 35 EmptyVen 27 Juin 2014 - 23:10



Laughing
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MessageSujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8....   En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... - Page 35 EmptySam 28 Juin 2014 - 5:31

RabbitIYH a écrit:
Tant mieux !  Smile  D'autant que les codes d'un genre peuvent en arriver à véhiculer quelque chose de tout aussi personnel qu'un langage inventé de toutes pièces selon la façon dont on les détourne, justement grâce à tout le background qu'ils véhiculent déjà. A ce titre j'ai toujours été fasciné par la façon dont Lynch et De Palma détournent les codes du cinéma d'Hitchcock, presque un genre à lui seul. On en retrouve des éléments chez chacun mais ils n'ont absolument pas le même sens. Pour prendre le plus connu, la fameuse blonde hitchcockienne synonyme de duplicité manipulatrice, d'attrait pour le danger et l'interdit (criminel ou sexuel), de tentation de l'immoralité voire du crime, qui s'oppose souvent dans ses films à une figure de brune prude, innocente, salvatrice. Chez Hitchcock on sait bien que les blondes fatales représentent la peur des femmes et du sexe, on reporte sur elles, notamment, ses pulsions de mort contre une mère castratrice.

Chez Lynch le symbole paraît d'abord inversé, blonde pure et brune fatale, on rêve de faire de la brune une blonde (la complicité qui s'instaure avec Rita une fois perruquée par Betty dans la partie de Mulholland Drive fantasmée par Diane aka Betty), ou alors la blonde est une brune en devenir (Patricia Arquette dans Lost Highway), mais finalement c'est moins simple, la pureté de la blonde est morbide (Sailor et Lula, l'innocence flippante de la même Laura Dern dans Blue Velvet, la face cachée de Laura Palmer, etc...), tandis que la brune cherche la rédemption (Isabella Rossellini retenue de force du côté obscur de Blue Velvet, Patricia Arquette et sa nouvelle vie dans Lost Highway, Audrey Horn dans Twin Peaks). Je simplifie parce que les circonvolutions de ce symbolisme blonde/brune varient à divers degrés de film en film et les personnages ont toujours une part d'ambivalence.

Chez De Palma par contre, la blonde est souvent une femme aux moeurs légères (la mère qui flirte au musée dans Pulsions, les rôles de call girl de Nancy Allen dans Pulsions et Blow Out, Melanie Griffith actrice porno qui pousse au voyeurisme dans Body Double) ou d'apparence dangereuse (Carrie, Femme fatale, Carla Gugino perruquée dans Snake Eyes que l'on imagine faire partie du complot) mais finalement attachante, que le "frère ennemi" manipule ou menace. Ça vient pas mal de Vertigo, à la base, mais cette blonde, littéralement ou métaphoriquement, incarne l'objet d'amour (souvent, au fond du fond, amour contrarié pour la mère mais c'est une autre histoire) plus qu'elle ne sert d'objet de refoulement. Quand elle est brune, la femme (qu'on essaie toujours de sauver) bascule dans la duplicité ou la trahison, plus ou moins subjectivement aux yeux du personnage principal (Béart dans Mission:Impossible, la soeur dans Scarface, Phoenix dans Phantom of the Paradise, etc...). La manipulation, thème central pour De Palma, s'incarnant dans sa mise en scène, il brouille les pistes dans Obsession, son film le plus hitchcockien, annihilant la dualité blonde/brune de Vertigo qui lui sert de modèle, pour la ressortir 25 ans plus tard dans Femme fatale et surtout Le Dahlia Noir, qui en dit long sur la dimension personnelle de ses films ne serait-ce que par le choix d'adapter le roman par lequel Ellroy fit le deuil de sa mère : la femme aimée préférant le bon "frère" au mauvais, fantasme ultime de De Palma qui avoua un jour à demi-mots (pudeur de l'auteur de films de genre oblige) aux Cahiers du Cinéma qu'il regrettait de n'avoir jamais vraiment reçu l'attention de sa mère, laquelle lui préférait son frère...

Bon je m'arrête là, désolé pour la digression, je me suis laissé emporter. Laughing

 cheers 
Reprends quand tu veux ! Wink 
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MessageSujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8....   En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... - Page 35 EmptySam 28 Juin 2014 - 15:30

Z'êtes encore en forme  les gars ?!  Wink 
Chauds mais intéressants vos échanges !

Fan du « Voyage » et de « La porte », comme d'hab' j'ai apprécié tes chroniques Nulla. J'avais vu « Le voyage » à l'époque et c'était un film différent de ce que j'aimais alors. Pour moi il y avait déjà certaines lourdeurs dans le film, mais pesant si peu en regard de la force du film. J'ai vu « La porte » directement en version longue l'an passé, idem tout n'est pas parfait, mais quel film ! Pour « L'année du dragon », vu dans les années 80, il me semble aussi que ta chronique est sévère. Clairement c'est un film qui a pu décevoir les fans de Cimino habitués à son idéalisme affiché.

Je ne vais pas vraiment rentrer dans les qualités mêmes du film que je n'ai pas revu depuis 85... J'ai tendance, ce n'est pas bien non plus je sais, à penser à ce film comme à un portrait de Cimino lui-même ! Tous ces films portent un désir de vérité, justice. En posture de redresseur de tort à l'échelle d'un pays, Cimino a-t-il pêché par excès d'ego, comme la presse américaine le lui a reproché au moment de « La porte » et du naufrage de la compagnie ?...
« Il en fait trop, c'est un fouteur de merde », lui-même donc un bad boys qui se donnait des airs de « bel âme » ! Il faut donc se rappeler comment « La porte » heurte de plein fouet l'idéologie républicaine montante, fin des années 70 aux states. « Le Voyage » et « La porte » incarnent encore la contre-culture américaine dans toute son apogée lyrique et idéaliste. Cette contre-culture est à la fois contre la culture établie, l’humanisme classique, et ses « mythes » (son occident démocratique, l'ouest terre de liberté...) mais elle en utilise les modes, c'est à dire le lyrisme, la grandiloquence, les grands sentiments. A l'inverse d'un Kubrick. Ce cinéma en est encore à sa protest-song, avant les années 80 auxquelles il faut rendre ici sa juste gloire !  Wink  Désolé je reprends de nouveau la même grille de lecture que pour insérer la Progressive music à la fois contre et au cœur du classicisme, la distinguer en cela de la Kraut, et ensuite du post-punk des années 80 déconstructionniste.

À échelle d'homme, avec l'échec de la « Porte », l'homme Cimino est « démasqué » : c'est un mégalo qui a usurpé les habits de sauveur de l'humanité. La période n'est plus aux idéaux, et la révolte du cinéaste n'a plus d'habits présentables. Le mégalo est cerné de toute part, en opposition avec le monde entier, dans son intimité même. Il a la noirceur et le mutisme de la période et de celui qui a perdu sa légitimité d'âme.
A l'échelle de la période, de ce qu'a subi le cinéaste, du genre choisi : le film noir, « L'année de dragon » est un film de Cimino pas forcément beaucoup moins fin que les précédents, mais dont la lourdeur noire apparaît surtout sans âme, voir pire... Cimino a-t-il appris par la suite à prendre de la distance d'avec le monde, à défaut de ne plus pouvoir l'aimer, de ne pas le haïr comme son héros semble le montrer ?
Voilà c'était mon petit film à moi.  Wink  Sûr faudrait que je le revois...

Quel film vous sauveriez-vous de la suite de la carrière de Cimino après « L'année du dragon » ? J'ai rien vu...
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MessageSujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8....   En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... - Page 35 EmptySam 28 Juin 2014 - 15:44

Azbinebrozer a écrit:
Z'êtes encore en forme  les gars ?!  Wink 
Chauds mais intéressants vos échanges !

Fan du « Voyage » et de « La porte », comme d'hab' j'ai apprécié tes chroniques Nulla. J'avais vu « Le voyage » à l'époque et c'était un film différent de ce que j'aimais alors. Pour moi il y avait déjà certaines lourdeurs dans le film, mais pesant si peu en regard de la force du film. J'ai vu « La porte » directement en version longue l'an passé, idem tout n'est pas parfait, mais quel film ! Pour « L'année du dragon », vu dans les années 80, il me semble aussi que ta chronique est sévère. Clairement c'est un film qui a pu décevoir les fans de Cimino habitués à son idéalisme affiché.

Je ne vais pas vraiment rentrer dans les qualités mêmes du film que je n'ai pas revu depuis 85... J'ai tendance, ce n'est pas bien non plus je sais, à penser à ce film comme à un portrait de Cimino lui-même ! Tous ces films portent un désir de vérité, justice. En posture de redresseur de tort à l'échelle d'un pays, Cimino a-t-il pêché par excès d'ego, comme la presse américaine le lui a reproché au moment de « La porte » et du naufrage de la compagnie ?...
« Il en fait trop, c'est un fouteur de merde », lui-même donc un bad boys qui se donnait des airs de « bel âme » ! Il faut donc se rappeler comment « La porte » heurte de plein fouet l'idéologie républicaine montante, fin des années 70 aux states. « Le Voyage » et « La porte » incarnent encore la contre-culture américaine dans toute son apogée lyrique et idéaliste. Cette contre-culture est à la fois contre la culture établie, l’humanisme classique, et ses « mythes » (son occident démocratique, l'ouest terre de liberté...) mais elle en utilise les modes, c'est à dire le lyrisme, la grandiloquence, les grands sentiments. A l'inverse d'un Kubrick. Ce cinéma en est encore à sa protest-song, avant les années 80 auxquelles il faut rendre ici sa juste gloire !  Wink  Désolé je reprends de nouveau la même grille de lecture que pour insérer la Progressive music à la fois contre et au cœur du classicisme, la distinguer en cela de la Kraut, et ensuite du post-punk des années 80 déconstructionniste.

À échelle d'homme, avec l'échec de la « Porte », l'homme Cimino est « démasqué » : c'est un mégalo qui a usurpé les habits de sauveur de l'humanité. La période n'est plus aux idéaux, et la révolte du cinéaste n'a plus d'habits présentables. Le mégalo est cerné de toute part, en opposition avec le monde entier, dans son intimité même. Il a la noirceur et le mutisme de la période et de celui qui a perdu sa légitimité d'âme.
A l'échelle de la période, de ce qu'a subi le cinéaste, du genre choisi : le film noir, « L'année de dragon » est un film de Cimino pas forcément beaucoup moins fin que les précédents, mais dont la lourdeur noire apparaît surtout sans âme, voir pire... Cimino a-t-il appris par la suite à prendre de la distance d'avec le monde, à défaut de ne plus pouvoir l'aimer, de ne pas le haïr comme son héros semble le montrer ?
Voilà c'était mon petit film à moi.  Wink  Sûr faudrait que je le revois...

Quel film vous sauveriez-vous de la suite de la carrière de Cimino après « L'année du dragon » ? J'ai rien vu...

Très intéressant, et tout à fait convaincant je dois dire.
En fait, il faut que je continue à ne pas aimer des grands films, vous faites les critiques positives et c'est passionnant.  Razz 
Pour les autres Cimino, je suis comme toi, je n'ai rien vu...
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MessageSujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8....   En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... - Page 35 EmptySam 28 Juin 2014 - 18:08

En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... - Page 35 Affiche-Le-Demon-des-femmes-The-Legend-of-Lylah-Clare-1968-3

L’autre « rôle double et mortifère » de Kim Novak, mais dans un registre plus venimeux et hystérique que dans Vertigo …  
Je n’avais pas revu ce film depuis pas mal de temps. Et à la revoyure, je suis un peu désarçonné, mitigé. Si certaines séquences et certains aspects de ce film cruel et survolté m’impressionnent réellement (notamment cet épilogue aussi surprenant que scotchant  Shocked ), toutes ces invraisemblances et outrances, sur la longueur, me laissent dubitatif. Je ne crois pas une minute à cette histoire… Plus ou moins sur le même thème, on est en droit de préférer Sunset boulevard ou Fedora de Wilder, Les ensorcelés de Minnelli ou bien même l’étonnant  Le Jour Du Fléau du trop souvent oublié John Schlesinger. Néanmoins il faut voir ce film enragé au moins une fois dans sa life, ne serait-ce que pour saisir dans toute son ampleur la haine qu’Aldrich vouait à la société du spectacle et au milieu du cinéma…

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MessageSujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8....   En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... - Page 35 EmptySam 28 Juin 2014 - 22:06

Merci du tuyau pour cet Aldrich que je n'ai jamais vu.

Nulladies a écrit:
Azbinebrozer a écrit:

Quel film vous sauveriez-vous de la suite de la carrière de Cimino après « L'année du dragon » ? J'ai rien vu...

Pour les autres Cimino, je suis comme toi, je n'ai rien vu...

La maison des otages est plutôt bon, Le sicilien très moyen et Sunchaser guère meilleur mais ils ont chacun à leur manière le mérite de prouver que Cimino est loin d'être le mégalo que l'on prétend (l'excellent Canardeur aurait suffi, d'ailleurs). Mickey Rourke sur Cimino : "Michael is the sort of person that if you take away his money he short-circuits. He is a man of honor."

Parce que voilà, je ne suis pas du tout d'accord avec Azbinebrozer. Cimino n'est pas Coppola, c'est un cinéaste autoritaire certes, fier comme le dit Rourke, perfectionniste à l'extrême surtout (mais l'a-t-on jamais reproché à Kubrick ?) qui a eu la chance d'avoir à deux reprises (voire trois) les moyens de son ambition, mais n'a pas eu la rigueur et la force mentale d'en assumer la pression. Un mégalo c'est quelqu'un qui assume, comme Coppola qui se ruine sur Apocalypse Now mais le fait avec panache en vivant comme un empereur sur son tournage, pas un Cimino qui ressort lessivé de ses problèmes de gestion budgétaire et de son bras de fer avec les studios.

Par ailleurs The Deer Hunter ou Heaven's Gate ne sont pas plus grandiloquents qu'ils sont idéalistes.  Shocked  The Deer Hunter grandiloquent ? On y chante l'hymne national comme un zombie, jamais la tragédie n'est soulignée par des effets de caméra pompeux ou une musique envahissante. Tu dois confondre grandiloquence et ambition... ambition dans les thèmes abordés donc forcément nécessaire dans les moyens mis en ouvre mais jamais ostensible dans la manière, The Deer Hunter et Heaven's Gate ne sont-ils d'ailleurs pas deux films intimistes avant tout ? Et puis ces deux films traitent d'un idéalisme certes, d'une certaine idée de l'Amérique vécue à la fois de l'intérieur et de l'extérieur par des immigrants, mais un idéalisme qui se brise sur une réalité démythifiée nettement moins reluisante et Year of the Dragon en est la parfaite continuité. Le personnage de Stan a la fierté désabusée de Cimino, c'est vrai, mais il n'est pas plus Cimino qu'il n'est Oliver Stone, scénariste auquel le film et son personnage doivent tout autant à mon avis (il n'y qu'à voir les correspondances avec Scarface et Salvador, respectivement écrit et tourné par Stone à la même époque, démythification d'une Amérique pourrie par le crime, l'argent, la corruption, la politique pour le premier, personnage ambivalent, désabusé et pourtant idéaliste et volontaire pour le second), Stan dans Year of the Dragon c'est purement et simplement l'Amérique dans tous ses paradoxes, ses éclats de grandeur et ses abîmes de misère, son sens de la justice et sa violence incontrôlable, sa générosité et son communautarisme, sa bonne volonté et sa tendance à l'autodestruction. Il n'y aucune césure à ce stade de son oeuvre, dans ces trois films Cimino désespère que l'Amérique puisse être un jour à la hauteur des idées qui l'ont façonnée.
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MessageSujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8....   En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... - Page 35 EmptyLun 30 Juin 2014 - 11:41

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 cheers  cheers  cheers 
A chaque fois que je vois ce grand film d'aventure léger, coloré et trèpidant, j'ai 10 ans ! Les scènes de romance et de comédie entre Belmondo et Françoise Dorléac ( I love you  ) ont parfois le brio et le charme des grandes comédies ricaines. Quant aux scènes d'action, c'est du Tintin. Régal !!!

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MessageSujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8....   En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... - Page 35 EmptyLun 30 Juin 2014 - 22:24

Désolé Rabbyt je n’avais pas vu ta réponse !
Tu dis « Pas du tout d'accord avec Azbinebrozer ».
Mouaih ?…  faut voir…

Au menu : Cimino est-il  megalo ? grandiloquent ? Idéaliste ? En rupture total du « Voyage » et de « La porte » avec « L’année du dragon » ?

* Megalo : je n’ai pas dit qu’il l’était juste, évoqué qu’il avait du subir la pression du reproche de l’avoir été. Compagnie coulée… Ta comparaison avec Coppola est très très éclairante à ce sujet !

* Grandiloquent ? Peut-être n’est-ce pas le meilleur mot ok ! Chez moi ce n’est pas un reproche. Dans l’adaptation de l’histoire de la liste des condamnés, Cimino  choisit le très grand format, ce qui donne un caractère globalisant, voire édifiant, emphatique et spectaculaire. Le shérif n’a jamais fait ses études dans les hautes écoles. Le conflit ne se règle pas par une bataille. Il y avait aussi une manière de traiter cela de façon plus  intimiste. Mais est- ce ce que Cimino sait faire de mieux ? Moi aussi  j’ai été un peu déçu par la fameuse « relation à 3 » (longtemps  vendue comme typique des années 70 libertaires…)

* Idéaliste ? Idem, pour moi idéaliste ce n’est surtout pas un reproche.  Je n’ai jamais adhéré à un strict matérialisme, moins encore au pragmatisme actuel. Tu débutes par : « The Deer Hunter ou Heaven's Gate ne sont pas plus grandiloquents qu'ils sont idéalistes » et tu finis par « dans ces trois films Cimino désespère que l'Amérique puisse être un jour à la hauteur des idées qui l'ont façonnée » qui relève  d’une lecture idéaliste de l’histoire. Tu précises d’ailleurs avant « un idéalisme qui se brise sur une réalité démythifiée » Ok  et c’est une posture classique et assumée  de l’idéalisme dans sa version romantique.

Il ne me semble pas avoir dit qu’il y a avait une rupture entre les trois films mais peut-être un idéalisme rentré, sourd et violent  dans « l’année du dragon » ? Il me semble donc qu’on est assez proche ?

Ce qui m’importait c’était d’ailleurs de bien situer, pour Nulla, Cimino dans ces 3 films du côté d’un humanisme assez classique. La critique est historico-politique. Elle n’atteint pas l’âme. Alors que comme l’a bien pointé l’ami Goupi Tonkin dans le fil  Kubrick, celui-ci n’est pas du tout aussi limpide sur l’homme. Les « belles âmes » y sont le plus souvent des mécaniques…
Même dans « L’année du dragon » Cimino ne joue pas ce genre de carte, on a un personnage torturé n’exprimant pas trop de bons côtés. On a du mal à l’aimer. Mais Cimino ne joue pas avec l’homme.
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MessageSujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8....   En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... - Page 35 EmptyMar 1 Juil 2014 - 0:49

L'idéalisme selon Larousse : Attitude, caractère de quelqu'un qui se propose un idéal élevé, voire utopique, qui croit en des valeurs idéales, en particulier sur le plan social. Cimino ne croit certainement pas en ces valeurs, ses films montrent justement à quel point la réalité les rend caduques. Quant à l'utopie n'en parlons pas. Si l'espoir existe dans ses films qu'un certain degré d'idéalisme soit possible, c'est bien aux yeux de certains personnages qui se brisent toujours à un moment où à un autre sur l'écueil d'une réalité nettement plus fataliste dont ils avaient été préservés jusqu'ici (cf. la communauté de The Deer Hunter ou l'université dans Heaven's Gate. Je ne pense pas que l'on puisse être idéaliste et fataliste, et Cimino est clairement du côté du fatalisme.
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MessageSujet: Re: En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8....   En visionnage : DVD / Divx / vhs / Super 8.... - Page 35 EmptyMar 1 Juil 2014 - 12:34

RabbitIYH a écrit:
L'idéalisme selon Larousse : Attitude, caractère de quelqu'un qui se propose un idéal élevé, voire utopique, qui croit en des valeurs idéales, en particulier sur le plan social. Cimino ne croit certainement pas en ces valeurs, ses films montrent justement à quel point la réalité les rend caduques. Quant à l'utopie n'en parlons pas. Si l'espoir existe dans ses films qu'un certain degré d'idéalisme soit possible, c'est bien aux yeux de certains personnages qui se brisent toujours à un moment où à un autre sur l'écueil d'une réalité nettement plus fataliste dont ils avaient été préservés jusqu'ici (cf. la communauté de The Deer Hunter ou l'université dans Heaven's Gate. Je ne pense pas que l'on puisse être idéaliste et fataliste, et Cimino est clairement du côté du fatalisme.

Je comprends ce que tu veux nuancer de Cimino, Rabbyt. Il y a clairement un côté fataliste chez lui.

Il me semble qu’on peut réduire Cimino ni à un idéalisme sans mieux le définir, ni non plus le réduire au seul fatalisme, car il en existe tant qui ne correspondent en rien à Cimino (le fataliste, au sens le plus prononcé, n’agit pas). On n’est pas forcément dans une impasse si on accepte que fatalisme et idéalisme ne s’opposent pas toujours.

L’idéalisme romantique est souvent à la recherche d’un âge d’or qui ne sera plus jamais rejoint (une façon pratique d’éviter d’être au monde…). Cet idéalisme en exalte la recherche mais ne croit pas forcément à son retour (garder à bonne distance son idéal c’est très pratique…). Ce n’est pas parce qu’ il croit en des valeurs qu’il croit en leur réussite. Cimino exalte une symbiose collective et la lutte. Il ne me semble pas lire de mépris ou de cynisme sur ces valeurs humaines chez lui. Mourir libre est un idéal pas un espoir nécessaire de réussite.
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