Les 3 Rocks : musique et mauvaise foi disques • foot • films • séries • images • livres... |
|
| Voyage en salle obscure... | |
|
+22lalou Nulladies bro' Esther davcom Azbinebrozer le mutant Powderfinger Coda guil Arcadien Tony's Theme Gengis myrrhman Bilboquet Rorschach Aria beachboy shoplifter Goupi Tonkin langue_fendue jeffard 26 participants | |
Auteur | Message |
---|
Invité Invité
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Lun 19 Jan 2015 - 7:34 | |
| En-deçà de Gravity équivaudrait à très mauvais pour moi, mais je suis quand même bien tenté ! |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Lun 2 Fév 2015 - 6:34 | |
| Un Risi dérisoire. Le principe du film à sketches a bien des mérites, dont celui d’apporter divers éclairages sur un thème commun, renouvelant notamment l’intérêt du spectateur. Les nouveaux sauvages, que certains ont voulu comparer avec son illustre et inégalable ancêtre, Les Monstres de Risi, offre ainsi des variations sur la crise, offrant à chaque protagoniste l’occasion de péter les plombs. Bien plus gratuit dans sa vision de la méchanceté humaine, bien moins élaboré dans la causticité de son discours, le film est souvent d’une grande facilité, enfonçant avec un dilettantisme assumé les portes ouvertes : contre les contraventions, la corruption chez les nantis, ou sabotant le cérémonial du mariage. L’intérêt n’est donc pas là. On le trouvera dans le premier et le troisième sketch. Par l’efficacité concise du premier, où les coïncidences d’une conversation banale dans un avion révèle la jubilatoire machination d’un jeu de massacre à grande échelle, mais surtout par l’inventivité du troisième, parodie du Duel de Spielberg offrant toutes les variations possibles autour d’un affrontement aussi grotesque que méchant. Deux voitures, un pont, deux fous furieux, cent possibilités : tout l’intérêt du format court se déploie dans ce segment et justifie apparemment le projet général. Las, le deuxième sketch, déjà bien dispensable, nous avait avertis d’un possible essoufflement que toute la deuxième moitié du film confirmera. Beaucoup trop longs, bien souvent incapables de conclure avec pertinence, dotés d’une « morale » assez déconcertante (pour le « bombito » retrouvant femme et enfant en prison, pour les amants maudits qui forniquent au lieu de s’entretuer) les autres récits peinent à convaincre. La caricature des situations, finalement de circonstance, n’a d’égale que la mise en scène, vraiment maladroite, donnant le sentiment d’être conduite par un adolescent persuadé qu’il faut inventer des effets pour se poser en cinéaste : et que je te mets la caméra dans la soute à bagage, depuis un distributeur de billets, un coffre, une bouche d’égout, etc. etc. Les Nouveaux Sauvages n’est donc ni original, ni particulièrement mémorable dans sa forme, et s’il occasionne quelques rires méchants, sa causticité poseuse a beaucoup du pétard mouillé. | |
| | | Otto Bahnkaltenschnitzel génération grenat (dîne)
Nombre de messages : 1940 Date d'inscription : 27/08/2014
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Lun 2 Fév 2015 - 17:27 | |
| - Nulladies a écrit:
Un Risi dérisoire.
Le principe du film à sketches a bien des mérites, dont celui d’apporter divers éclairages sur un thème commun, renouvelant notamment l’intérêt du spectateur. Les nouveaux sauvages, que certains ont voulu comparer avec son illustre et inégalable ancêtre, Les Monstres de Risi, offre ainsi des variations sur la crise, offrant à chaque protagoniste l’occasion de péter les plombs. Bien plus gratuit dans sa vision de la méchanceté humaine, bien moins élaboré dans la causticité de son discours, le film est souvent d’une grande facilité, enfonçant avec un dilettantisme assumé les portes ouvertes : contre les contraventions, la corruption chez les nantis, ou sabotant le cérémonial du mariage. L’intérêt n’est donc pas là. On le trouvera dans le premier et le troisième sketch. Par l’efficacité concise du premier, où les coïncidences d’une conversation banale dans un avion révèle la jubilatoire machination d’un jeu de massacre à grande échelle, mais surtout par l’inventivité du troisième, parodie du Duel de Spielberg offrant toutes les variations possibles autour d’un affrontement aussi grotesque que méchant. Deux voitures, un pont, deux fous furieux, cent possibilités : tout l’intérêt du format court se déploie dans ce segment et justifie apparemment le projet général. Las, le deuxième sketch, déjà bien dispensable, nous avait avertis d’un possible essoufflement que toute la deuxième moitié du film confirmera. Beaucoup trop longs, bien souvent incapables de conclure avec pertinence, dotés d’une « morale » assez déconcertante (pour le « bombito » retrouvant femme et enfant en prison, pour les amants maudits qui forniquent au lieu de s’entretuer) les autres récits peinent à convaincre. La caricature des situations, finalement de circonstance, n’a d’égale que la mise en scène, vraiment maladroite, donnant le sentiment d’être conduite par un adolescent persuadé qu’il faut inventer des effets pour se poser en cinéaste : et que je te mets la caméra dans la soute à bagage, depuis un distributeur de billets, un coffre, une bouche d’égout, etc. etc. Les Nouveaux Sauvages n’est donc ni original, ni particulièrement mémorable dans sa forme, et s’il occasionne quelques rires méchants, sa causticité poseuse a beaucoup du pétard mouillé. J'essayais de trouver le temps et la motivation d'y aller. Mais tu m'as conforté dans mon inertie. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Dim 8 Fév 2015 - 23:59 | |
| - Nulladies a écrit:
A cran de surveillance.
Night Call commence par une fausse piste : le diaporama impeccablement photographié d’une urbanité cadrée et aux éclairages artificiels jaunes sur le bleu marine d’une nuit sans encre, invite à une errance presque poétique. Mais on a appris, depuis Taxi Driver, à se méfier des rues qui dorment. Le sujet même du film n’est pas révolutionnaire d’originalité : la course à l’audience génère une course aux images les plus trash, occasionnant des chasses au scoop d’une meute de reporters lâchés dans la ville et avides de sang. Lé dénonciation est organisée comme il se doit, et l’on anticipe sans difficultés les échelons de l’immoralité du protagoniste qui ne se contente plus de filmer, mais met en scène, voire provoque les carnages pour obtenir la séquence parfaite. Ces dernières scènes, étirées et disséquant le double regard du personnage et du réalisateur sur le réel, sont souvent assez intéressantes d’un point de vue cinématographique, partagées entre l’immersif de celui qui voit et le surplomb de celui qui dénonce ce voyeurisme, surtout lors de la scène du restaurant. Gilroy s’en sort plutôt bien dans la réalisation, et s’il marche un peu trop sur les traces de Drive dans certaines scènes, n’a pas toujours à rougir de la comparaison. Comme souvent sur ce genre de sujet, le scénario a néanmoins du mal à éviter l’enlisement : un peu répétitif et emprisonné dans une structure qui le force à la surenchère, les développements avec Renee Russo ou la concurrence de l’autre reporter ne sont pas toujours très efficaces et pertinents, et les voies vers le climax tout de même assez improbables. Il semble en réalité que le véritable intérêt de Night Call soit ailleurs, et finalement plus modeste, et l’on aurait apprécié que ce jeu de contraste soit travaillé davantage. Tout repose en effet sur le personnage de Jake Gyllenhaal, campé avec une évidence glaçante. Self made man proche de l’autisme, ayant tout appris en ligne, il porte sur le monde un regard à la fois décalé, sociopathe et brillant de pragmatisme. Incarnation des manuels du parfait capitaliste, souriant, récitant avec conviction les théories qui font le monde dans lequel il veut percer, il devient en tout point exemplaire, un archétype de la success story, d’autant plus brillante qu’elle sait exploiter la fange de l’humanité pour en arriver au sommet. Ce personnage didactique, occidental à outrance, vrp de l’indifférence, est la grande réussite du film, parfaitement servi par le regard exorbités et le sourire carnassier de Gyllenhaal, toujours aussi brillant et habité pour peu qu’on lui offre un rôle à sa mesure. Pas mieux, personnage très prometteur dans la première partie du film mais dont les névroses ne sont finalement pas développées avec beaucoup de subtilité, dommage car le film est prenant mais finit par flirter davantage avec le plaisir coupable plutôt qu'avec le Taxi Driver des années 2010 qu'on s’était pris à attendre. Gyllenhaal est impressionnant de bout en bout par contre. |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Lun 9 Fév 2015 - 6:56 | |
| Snow Therapy, Ruben Östlund, 2015 Des dangers du hors-piste. Tiens, ça faisait longtemps, une petite visite caustique de la famille et de ses névroses, comme les scandinaves savent nous en faire, et que tous les médias nous présentent comme un portrait au vitriol, décapant, tout ça, tout ça… Le pitch de départ est une très bonne idée, et les partis pris de mise en scène initiaux pour le moins surprenant. En longs plans fixes restituant en temps quasi réel des séquences souvent dépourvues d’événements, avec un sens du cadre transformant un hôtel alpin de luxe en prison aseptisée, Ruben Östlund annonce un regard sans concession. La ritournelle de Vivaldi, qui deviendra très vite irritante au plus haut point, semble aller avec le décor, musique d’ascenseur particulièrement inappropriée, tandis que de longues ellipses restituent l’effervescence qui agite la gestion des pistes de ski, ballets des machines, des canons à neige et des remontées mécaniques. Le micro événement, à savoir la désertion du père face au danger, occasionne un retour obsessionnel de l’une et un déni maladif de l’autre qui fait vraiment sens dans les premiers échanges. On saluera à ce titre les performances de Johannes Kuhnke et surtout Lisa Loven Kongsli en mère désemparée, sosie de Marina Hands particulièrement convaincante. Est-ce par ce qu’il est trop sûr de lui qu’Östlund finit par faire n’importe quoi ? Entre intrigues secondaires (contamination du problème sur le couple d’amis), crises grotesques pour surligner l’implacable dégradation des relations, rôles pathétiques des enfants qui pleurent tous les quarts d’heure, le film s’embourbe inexorablement. La lenteur qui pouvait annoncer sa force enfonce le clou de ses maladresses. Les deux heures sont absolument interminables, totalement infondées au vu du sujet traité, répétant vainement des situations déjà vues et n’apportant rien à la psychologie des personnages. Alors que le spectateur est passablement excédé par ces patinages narratifs, la dernière demi-heure fait exploser en vol les derniers remparts de légitimité du film : accumulant des séquences de moins en moins crédibles (la beuverie, l’accident dans la neige, peut-être « feint » par la mère pour « rassurer » les enfants, le bus), le récit, incapable de conclure et de faire sens, se décrédibilise définitivement. Ce n’est pas faute d’avoir averti les gens : le hors-piste, quand on ne maitrise pas, c’est sacrément risqué. | |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Dim 15 Fév 2015 - 7:33 | |
| Foxcatcher, Benett Miller, 2014 Rétention du domaine de la lutte. A qui tenterait de définir la patte d’un auteur sur son sujet, Foxcatcher a tout de l’exemple emblématique. Prenant à bras le corps un sujet ô combien balisé, il nous immerge sur les terres froides d’un esthétique sans compromis, un peu poseuse, mais qui va s’avérer le plus souvent d’une grande pertinence. L’une des premières séquences voit les deux frères Ruffalo et Tatum s’entrainer à la lutte ; les corps sont lent, calculés, simiesque, d’une élégance à la fois pataude et massive, comme l’est leur démarche au quotidien. Trois mots et quelques chutes, une agressivité nouvelle dans les gestes suffisent à faire de cet échange un intense programme des 2h15 à venir. S’intègre dans ce duo complexe opposant le jeune champion fragile et son grand frère paternaliste un nouveau venu, milliardaire excentrique et insaisissable, œuvrant pour la patrie, sa mère et l’affirmation de son propre pouvoir. Au sujet de Steve Carrel, parfait dans son rôle, on peut toutefois se questionner sur la nécessité de l’avoir grimé à ce point : les acteurs plus vieux et au physique singulier ne doivent pas manquer. C’est là l’un des éléments un brin poussifs du film, l’une de ces petites insistances qui le jalonnent et prouvent que Miller a désormais un peu trop conscience de faire partie de la cour des grands. Les tableaux qui regardent avec insistance le jeune impressionnable, le show qu’offre Du Pont à sa mère, quelques répétitions et longueurs empâtent quelque peu l’ensemble. Il n’empêche que le choix radical de laisser à l’image le soin de prendre en charge la tension des échanges est la grande force du film. De la même façon que les protagonistes lestent leur corps de tout l’indicible qui les étouffe, Miller compose ses cadres, désaxe ses champs/contrechamps pour construire un pénitentiaire luxueux et mental qui enferme aussi le spectateur. Le fait d’opposer son esthétique à celle, clinquante, de l’Amérique reaganienne et de ses films de propagande que fait tourner Du Pont à sa propre gloire accentue le malaise, et occasionne de très belles séquences de malaise, comme sa victoire à la lutte dans la catégorie des plus de 50 ans, où l’obligation de Ruffalo à le présenter comme un mentor à la caméra. La puissance du film réside en réalité dans le choix du point de vue : c’est de Mark que Miller nous fait les confidents : un homme fragile, mutique, transférant l’ascendant d’un frère sur un substitut de père qui s’impose à lui avec ses propres complexes. Et lorsque l’argent permet tout, lorsqu’il laisse la place à des rêves qui impliquent la réussite des autres, le façonnage du champion, à savoir le représentant d’une bandière, devient la quête ultime. Alternant les revirements excentriques et les longs silences d’observation anxiogène, le trio des chiens de faïence nous conduit avec maestria dans un dédale sans repères où la violence peut surgir à tout moment. Apre, non sans écueils, Foxcatcher est très ambitieux ; mais au vu du talent déployé, il a bien des raisons de l’être, empruntant non sans ironie leur état d’esprit aux lutteurs : si l’on se lance, c’est pour la victoire. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mer 18 Fév 2015 - 6:43 | |
| Beaucoup aime Big Hero 6, je te trouve un peu rêche pour le coup Nulladies. - Nulladies a écrit:
La suite, malheureusement, passe sous le rouleau compresseur des attendus archétypaux, avec cette idée toujours en vigueur qu’il faut à tout prix digérer et redistribuer ce qui a marché ailleurs. La bande de personnages qui se constitue particulièrement dénuée d’âme, n’est qu’un support à des inventions technoïdes certes amusantes sur le plan graphique, mais galvaudées, remix des 4 fantastiques à la sauce teenage.
Certes mais tout ça est tellement secondaire. - Nulladies a écrit:
Le catalogue des emprunts est impressionnant : Un méchant qui répand une matière noire protéiforme (Les cinq légendes, Lucy)
Et bien avant tout ça Satoshi Kon, l'hommage me semble plus qu'évident au regard de l'univers japonisant du film. - Nulladies a écrit:
un jeune garçon qui doit découvrir un nouveau compagnon (Dragons, en moins bien)
Et à ce stade je m’étonne que tu passes sous silence cette allégorie du deuil qui sous-tend tout le film et que j'ai trouvée infiniment plus subtile et sincère que celle de Gravity, justement. Non, franchement, le plus beau film d'animation Disney de la dernière décennie - bien qu'avec Lasseter en producteur c’était pas difficile - et certainement l'un des blockbusters les plus mélancoliques vus récemment sur grand écran. J'aime bien les Dragons mais même le premier, très bon, n'est pas de ce niveau pour moi, alors encore moins le second, sympa sans plus et blindé de poncifs. Sinon j'ai vu ça : Meilleure comédie indé ricaine depuis des lustres avec un Murray impérial (ça faisait longtemps mine de rien... Broken Flowers ? perso j'aime pas des masses Wes Anderson donc bon), une Naomi Watts extraordinaire en prostituée russe au grand coeur et une histoire tout aussi touchante sous ses dehors rudes que ces deux-là réunis. Dommage pour cette histoire de saint qui fait légèrement verser le film dans un esprit Little Miss Sunshine qui ne lui va qu'à moitié mais sinon, superbe... pas compris qu'il reste inédit en France. |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mer 18 Fév 2015 - 6:46 | |
| Bof, la mélancolie, je l'ai pas trop sentie pour ma part, j'ai trouvé que c'était un ingrédient parmi d'autres. Mais c'est vrai que c'est souvent assez beau.
Et merci pour le St Vincent, je l'ai vu passer mais je savais pas trop si je devais lui accorder de l'attention. | |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Lun 23 Fév 2015 - 8:56 | |
| Réalité, Quentin Dupieux, 2015 Mise en abysses. Les prologues de Dupieux avaient jusqu’alors toujours été d’une radicalité assez jubilatoire : discours programmatique comme ode au non-sens (Rubber), tableau surréaliste et mutique (Wrong), ils portaient la lourde tâche d’annoncer une couleur censément à nulle autre pareille, braquant une partie de l’audience, conquérant l’autre. Dans Réalité, la seule audace des premières images semble être la permanence étrange du titre sur une succession de plans d’une pinède californienne. Car l’exposition qui suivra, assez lente, surprendra par son manque d’inattendu, malice initiale qui en dit long sur le plan retors que monte le cinéaste. Longue en bouche, l’intrigue pose donc, comme souvent, plusieurs récits articulés autour des figures classiques de son univers, être étranges jusque dans leur faciès, le tout nimbé de cette photographie laiteuse et d’une précision hors norme qui porte sa marque. Un certain nombre d’éléments ne semblent pas fonctionner dans cette mise en place. Un jeu un peu faux de Lambert, un comique, qu’on attribue de facto à Chabat, qui ne prend pas à chaque fois, et l’étrange sentiment pour le spectateur de naviguer en eaux troubles. Les premiers niveaux de récit (le comédien qui se gratte aveuglément, le réalisateur au pitch inepte et sa quête du cri parfait, la fille et la VHS) patinent un peu avec cette insidieuse certitude que le faux qu’on nous sert est en attente de révélation. A la faveur d’un trajet particulièrement long, Dupieux abat ses cartes : sur une route qui se révélera celle d’un rêve, un personnage déguisé en femme croise divers protagonistes appartenant à des réalités différentes : la réalité, le rêve, et un tournage, film mis en abyme. Cette séquence dénuée de dialogue et soumise au seul mouvement du parcours, conditionnera toute la suite du récit, carrefour auquel le spectateur doit décider d’embarquer ou non. Car la suite, pour le moins impossible à résumer, va emboîter les impasses et les apories, les sauts entre rêve, réalité et fiction, jusqu’au point de non-retour. On comprendra parfaitement l’attitude du spectateur visant à rejeter en bloc ce qui semble devenir un amoncellement de twists/réveils, le tout brodé sur des obsessions un peu trop lynchiennes (la VHS miroir, la conversation téléphonique aux doubles). La question n’est pas d’expliquer le vertige pour le plier à une réalité univoque, mais de comprendre pourquoi il a procuré l’ivresse. Dupieux a toujours eu cette posture singulière d’un registre ambivalent. Même si Chabat excelle, même si ses échanges avec Lambert et Bouchez sont souvent vifs, son film n’est pas une comédie, pas plus qu’il ne se pare de l’horrifique lyrisme du grand maître Lynch. Le regard qu’il pose sur son univers, d’une acuité un peu trop insistante, est celui de sa jeune protagoniste, appelée Reality, et qui tourne donc un film dans lequel on la regarde s’endormir pour faire advenir les rêves. Ce rapport à ses personnages, qu’on laisse s’exprimer, y compris pour des obsessions ridicules, dans un cadre auquel la photographie accorde toute son attention, met donc en place un lien avec le spectateur qui va s’impliquer malgré lui dans un univers voué à s’annihiler. En résulte la grande réussite du film : nous surprendre, nous déconcerter, non plus en tant que spectateur passif, mais dans notre statut de rêveur parmi les autres. La montée en puissance des transgressions narratives ne s’accompagne plus d’un regard cérébral, mais d’une poésie émotive fondée sur la surprise et la découverte visuelle d’un arrière-plan qui se dérobe à mesure qu’il dévoile de nouvelles couches. Le recours à la musique de Glass, entêtante, se révèle particulièrement pour l’accompagner. Entreprise de séduction d’une maitrise totale, Réalité est une construction d’une intelligence redoutable. En témoigne cette séquence finale véritablement grandiose, projection à quadruple fond permettant toutes les résolutions des intrigues. Géniale dans son écriture qui semble légitimer bien des éléments antérieurs, c’est surtout une mise en abyme aussi drôle que sincère où Dupieux présente le cinéaste comme un magicien vous ayant mené exactement là où il l’entendait, et le spectateur comme un enfant consentant, prêt à abandonner ses repères pour laisser advenir un vertige narratif époustouflant. Trajet singulier, Réalité semble finalement l’aboutissement d’un parcours plus vaste, celui de la filmographie de son auteur, qui accède, au-delà des audaces du non-sens, à une réalité supérieure, celle de la poésie. On espère le voir poursuivre l’exploration de ces terres encore bien vierges dans le 7ème art. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Lun 23 Fév 2015 - 9:07 | |
| Tu m'intrigues. Parce que jusque là, pour moi, le non-sens de Dupieux fonctionnait aussi mal au ciné que bien dans sa musique, cf. Rubber, chiant et creux comme pas possible passées les intrigantes 5 premières minutes de film. |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Lun 23 Fév 2015 - 9:10 | |
| Je dirais que pour ceux qui n'aiment pas Dupieux mais veulent faire preuve d'ouverture d'esprit, Réalité, c'est la dernière chance. Je trouve qu'il accède à autre chose, qui dépasse le WTF (sympathique pour ma part) des précédents... Maintenant, une descente en flèche de biens des cinéphiles ne me surprendra pas outre mesure. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Lun 23 Fév 2015 - 15:00 | |
| Une chance que je vais volontiers lui laisser parce que j'adore ce qu'il fait en tant que Mr Oizo, et puis gros capital sympathie pour Chabat aussi bien entendu. |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Lun 23 Fév 2015 - 18:32 | |
| - RabbitIYH a écrit:
- Une chance que je vais volontiers lui laisser parce que j'adore ce qu'il fait en tant que Mr Oizo, et puis gros capital sympathie pour Chabat aussi bien entendu.
Complètement irrésistible ici, of course. | |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Jeu 26 Fév 2015 - 7:31 | |
| Kingsman, services secrets, Matthew Vaughn, 2015 Kill jubile. Il est toujours un peu maladroit de nous vendre un nouveau film comme totalement novateur quand celui-ci s’inscrit dans une veine parodique, ou tout au moins de pastiche. De ce point de vue, Kingsman fait son boulot et ne va, dans son scénario, pratiquement rien révolutionner des codes en vigueur, entre agence d’espionnage et méchant mégalo appliqué à détruire la planète. Après quelques séquences bien enlevées en matière d’action chorégraphiées (Jack Davenport se fendant la poire, la présentation de Colin Firth dans le pub armé de son parapluie), le film s’enlise un temps dans une banale intrigue initiatique, avec épreuves, rivaux et compagnie. L’ennui pointe, même si le traitement du comic garantit une certaine fraicheur, une légèreté de ton qui évite qu’on sombre totalement. C’est alors que surgit l’idée du film, à savoir l’éradication de la majorité de la planète qui s’entretuerait sous l’influence de leur carte sim. En guise de répétition générale, le bad guy de service (L. Jackson qui zozote avec une casquette inclinée, franchement dispensable pour le coup) teste son produit à l’intérieur d’une église de fanatiques. Et là, le film prend soudain trois points. Massacre totalement jubilatoire à la méchanceté parfaitement assumée, cette séquence est un régal. Les dents volent, les cranes se fracassent, on crible indifféremment femmes et vieillards, le tout filmé avec une fluidité confondante, passant d’un pieu à un extincteur, d’un chargeur vide planté dans une gorge à l’usage de tout le mobilier à disposition. [Spoil] Vaughn reproduira cet effet dans le final, digne d’un Dr Folamour, feu d’artifice de décapitations nucléaires éradiquant en un seul geste la totalité des nantis de la planète, le tout sur une valse de Strauss. Outre la maitrise visuelle du film, les séquences d’action étant de haut vol, c’est surtout dans le ton que le film se distingue. Pop et acide, violent et sans compromis (à ce titre, la mort d’un des protagonistes est pour une fois véritablement efficace et surprenante), il séduit au sens propre du terme : sortant des sentiers battus, il surprend. Le rire et la jubilation qui accompagnent ces scènes maitresses ne saluent pas que le savoir-faire du film : c’est aussi l’expression d’un soulagement face à la capacité du cinéma de grande consommation à encore pouvoir nous séduire. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Jeu 26 Fév 2015 - 14:39 | |
| Layer Cake, Stardust, Kick-Ass, le meilleur X-Men, faut dire qu'il est bon ce Matthew Vaughn. Je note pour celui-ci ! |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Ven 27 Fév 2015 - 8:09 | |
| - RabbitIYH a écrit:
- Layer Cake, Stardust, Kick-Ass, le meilleur X-Men, faut dire qu'il est bon ce Matthew Vaughn. Je note pour celui-ci !
Faudra que je voie ses premiers... | |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Ven 27 Fév 2015 - 8:09 | |
| Jupiter : Ascending, Wachowski, 2015 Le destin de l’écran vert. Vous voulez que je vous dise ? Jupiter ne mérite même pas sa place dans les arcanes du blockbuster. Parce qu’en matière de clichés et de recettes à faire figurer à tout prix, en faire la liste et les dénoncer devient en soi un poncif. J’ai vu ce film parce qu’il est réalisé par les Wacho, pour qui j’ai encore une certaine admiration. Ce sont de véritables cinéastes, qui ont une patte indéniable et un sens visuel singulier. Après la roue libre Speedracer, finalement très audacieux dans son indépendance donnée à la cinétique émotionnelle, on pouvait attendre quelque chose de ce nouvel opus. Et c’est le cas pour certaines séquences. Le film est clairement écrit pour accoucher de ces scènes qui défient les lois de la gravité, entre surf sur bottes et engins futuristes, notamment dans un Chicago nocturne et malmené. La maitrise est indéniable, la 3D parfois pertinente, même si les deux larrons ont tendance à céder à cette course au montage frénétique qui finit par brouiller la syntaxe. Par moments, clairement, on ne comprend plus grand-chose sur qui fait quoi et qui tire sur qui. Mais il faut, pour mériter ces passages, se farcir un océan de médiocrité qui, lorsqu’on fait le bilan, l’emporte largement sur le reste. Humour des répliques low cost, fatras mystico idéologique, recettes éculées (quand même, la famille prise en otage, il fallait oser dans film qui prétend vous vendre « Le destin de l’univers »), rien ne distingue ce film de toute la production des 30 dernières années. Ni l’usine planète qui se détruit sur le final, ni l’histoire d’amour. Digest nauséeux d’une kyrielle de références, Jupiter joue sur tous les tableaux. On ne sait si les Wacho cherchent à affirmer leur cinéphilie (Soleil Vert, Brazil, jusque dans l’apparition assez pathétique de Gilliam, Star Wars, Star Trek, Dune, Le 5ème élément, Ender,…) ou s’ils pompent simplement sans vergogne. Mais de cette débauche de costumes, de mouvements et de fonds verts illustrés avec une bonne volonté et un savoir-faire certains, rien ne surgit. Ni émotion, ni intérêt, ni fascination. Reste un certain malaise, celui de voir se déployer tant de coquilles, colorées, chères et bruyantes, autour d’un vide si tenace. | |
| | | Zwaffle un mont de verres
Nombre de messages : 1724 Date d'inscription : 08/01/2014 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Ven 27 Fév 2015 - 9:57 | |
| - Nulladies a écrit:
- [Par moments, clairement, on ne comprend plus grand-chose sur qui fait quoi et qui tire sur qui.
phrase qui résume très bien la séquence finale de Matrix 3 (censée être la "scène la plus chère de tous les temps" de l'époque) | |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Ven 27 Fév 2015 - 10:01 | |
| - Zwaffle a écrit:
- Nulladies a écrit:
- [Par moments, clairement, on ne comprend plus grand-chose sur qui fait quoi et qui tire sur qui.
phrase qui résume très bien la séquence finale de Matrix 3 (censée être la "scène la plus chère de tous les temps" de l'époque) Très juste. | |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Sam 28 Fév 2015 - 7:07 | |
| American Sniper, Eastwood, 2015 Le petit fou de la lorgnette. On peut facilement trouver une kyrielle d’éléments visant à alimenter une critique positive d’American Sniper. On peut facilement dézinguer la meute qui hurle à la propagande fascisto-patriotique, ce que le film n’est très clairement pas. Que l’Amérique conservatrice lui fasse un triomphe de récupération, en revanche, fait froid dans le dos quant à la capacité de lire aveuglément un film clairement plus ténu dans ses propos. L’intérêt, et peut-être l’enjeu du film, mais c’est là une chose très difficile à démontrer, est le portrait qu’il fait non de la guerre, mais de l’un de ses illustres protagonistes. Le titre le dit clairement : c’est du camp américain que sera vue cette trajectoire, par le bout d’une lorgnette on ne peut plus réductrice, à savoir la lunette d’un fusil à longue portée. De ce point de vue, on peut comprendre que les ennemis soient des cibles, les irakiens des collaborateurs de masse et que les enjeux géopolitiques soient passés sous silence. La formation du patriotisme américain, du fond du Texas au front irakien, n’épargne aucun cliché : c’est ainsi que nous les voyons en tant qu’Européens, c’est ce qui soude le public américain. Cette absence assez brute de subtilité ne peut pas être imputée à une étroitesse d’esprit du réalisateur qu’on sait intelligent sur le sujet, et c’est là le point névralgique du film. De la chasse à la Bible, de la ceinture posée par le paternel sur la table aux infos de CNN, Kyle est un citoyen robotisé, une machine que l’institution militaire va achever de programmer. Il le fait bien, il apprend son credo, et il excelle. Les meilleures scènes du film sont celles qui voient son entourage écarquiller quelque peu les yeux sur sa détermination : elle peut forcer l’admiration, elle peut glacer le sang. A ce titre, l’échange avec le soldat qui le remercie de lui avoir sauvé la vie et le malaise de Kyle est révélateur. Mutique, homme d’action, Kyle ne revient pas sur ce qui s’est passé, et fonce tête baissé, avec la même addiction que les protagonistes du bien meilleur Démineurs de Bigelow. Cooper s’en sort très bien dans cette alliance étrange entre la massivité d’un corps puissant et l’incapacité à faire surgir l’humain sous la fonction du SEAL, et le film pourrait se lire comme la lutte entre la stature de l’américanité et les élans de l’individu. Ce ne serait cependant voir qu’une de ses facettes. Car Eastwood brasse bien plus large, mettant l’intelligence évoquée plus haut au profit de causes bien moins humanistes. Film d’action, de guerre, de suspense, de famille, American Sniper équilibre grossièrement le fil rouge de sa finesse par un folklore de char d’assaut. La lutte avec l’alter ego Syrien et leur duel olympico-létal est tout sauf pertinente, tout comme le deuxième enfant s’emparant du lance grenade et le suspense putassier qu’il induit. Les scènes de famille sont répétitives, éculées et sans aucun fond, comme ces conversations téléphoniques mêlant combat et annonce du sexe de l’enfant, ou les yeux exorbités de Kyle à chaque bruit de perceuse de retour au pays. J’aurais pu m’en tenir à ces réserves, et mettre un 5, voire un 6. Mais le générique de fin vient remettre bien des choses en place. Qu’on nous balance des images d’archives sur les funérailles quasi nationales du bonhomme, avec musique pompeuse et drapeaux sur tous les ponts d’Amérique, est une déclaration dépourvue de toute innocence. Désormais, on quitte le film pour raccorder définitivement le propos à l’actualité, et celle-ci, pour peu qu’on se renseigne, est autrement moins arrangeante. Car le véritable Kyle était autrement plus instable dans ses déclarations, (il s’attribue 100 victimes supplémentaires au décompte du Pentagone), autrement moins modeste (son autobiographie élogieuse, et les déclarations probablement mythomanes qu’il a pu faire), ouvertement plus proche de ce que le film ne semblait justement pas être, se qualifiant de croisé de Dieu débarrassant le monde des sauvages. Si Eastwood finit par si clairement choisir son camp, tant pis. Pour le film qui précède, et pour le temps qu’on aura consacré, aussi, à tenter d’y voir quelque chose de digne. Il est fort probable que le réalisateur ne considère pas ces dernières images comme une déclaration d’intention aussi flagrante. Mais le fait de les avoir mises pour satisfaire son public, et ce désir de brasser large est de toute façon tout aussi condamnable. | |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mer 4 Mar 2015 - 6:49 | |
| My Sweet Pepperland, Hiner Saleem, 2014 Pour une poignée de mollahs. Le vent frais du renouveau souffle sur My Sweet Pepperland : un pays nouveau-né qui doit apprendre l’indépendance et l’application de la loi, de jeunes protagonistes bercés d’illusions et en prise avec un réel immobiliste, un genre enfin, le western mâtiné ici d’une fraicheur étonnante, entre la fable noire et le conte bienfaisant. La scène d’ouverture donne le ton : la pendaison amateur à un panier de basket, qui prête à sourire dans ses échecs, ne s’en finit pas moins sur un plan sordide. Ce mélange des registres va irriguer tout le film, qui sait prendre l’occidental par la main pour mieux le perdre dans un récit aux épices inconnues. Trop saints pour être entièrement convaincants, nos deux protagonistes, hérauts de la loi ou de l’éducation, sont beaux, phares dans l’obscurantisme ambiant. Face à eux, les tenants du désordre établi ont des mines patibulaires, de gros flingues et peuvent, à l’image des frères de la jeune rebelle, faire preuve d’un ridicule assez risible s’il n’était aussi dévastateur. Au charme insolite de cette communauté improbable, dans laquelle on croise des mères castratrices et des combattantes bimbo qu’on croirait sorties des vidéos télévisées de Jackie Brown, s’ajoutent les splendeurs d’une nature aussi vaste qu’humide, de montagnes verdoyantes dans lesquelles on se cache ou l’on se pourchasse. Fluide dans ses soubresauts, le film alterne des nuits aux portraits proches de Delatour avec des saillies de violence nimbées de la même superbe, comme ce combat entre chevaux qui préfigure la tuerie à venir. Au vu des thématiques qu’il traite, My Sweet Pepperland est finalement d’une profonde intelligence : sans vouloir verser dans le pathos que son sujet impose, sans prendre le parti d’un réalisme brut, il parvient à évoquer le poids de la religion, le fanatisme, la paix fragile et l’étouffante tradition avec un sens rare de l’équilibre. Car s’il est une chose à laquelle il ne renonce jamais, c’est la beauté, des femmes, de la nature ou d’un idéal, qui colorent cette fable d’un éclat tout à fait singulier. | |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Jeu 5 Mar 2015 - 6:42 | |
| Inherent Vice, Paul Thomas Anderson, 2015 Vers l’asile, détective privé. Pour pénétrer le continent Inherent Vice, un seul mot d’ordre : lâcher prise. Devise singulière si l’on songe à la pétrification qui guettait Paul Thomas Anderson au fil de son précédent et sur-maitrisé Master. Ici, nulle trace de cette rigidité, de cette ostentation d’une mise en scène parfaite et pénitentiaire pour son récit comme ses personnages. En adaptant le profus et unique Pynchon, Anderson se libère d’un carcan et met son talent au service d’un plaisir retrouvé. Celui d’une narration délirante et paranoïaque dans laquelle vont se croiser nazis et narcotrafiquants, bouffeuses de chattes et hippies, junkies et infiltrés, flics et dentistes, dont la seule liste des noms propres vaut son pesant d’or, de Japonica à Shasta Fay, Sortilège, Sauncho Smilax, Petunia ou Coy Harlingen… Dans les vapeurs pourpres du L.A des 70’s, et sous les feux d’une BO d’enfer (originale du fidèle Greewood, mais convoquant aussi les références comme Neil Young ou le splendide Vitamine C de Can) tout semble possible, et rien n’est immuable : les faciès hébétés des adeptes de la fumette, les décors chamarrés (murs de moquette, canapés crème) et la ville elle-même en proie aux assauts des promoteurs immobiliers. Le charme incongru du cette exposition atypique est évidemment attribuable à Pynchon, et Anderson parvient à restituer la singularité littéraire du maitre énigmatique. En faisant de Sortilège (séduisante Joana Newsom) la narratrice en off, en citant des passages explicites, le récit prend une patine supplémentaire. Enquête tortueuse et à ramifications multiples, Inherent Vice affiche certes, dans sa première heure, une certaine parenté avec The Big Lebowski. La façon dont Phoenix gare sa voiture ou gère chaque inspiration par une taffe y fait beaucoup, et on saluera sa prestation, qui, peut-être sous l’influence de l’herbe, excelle dans une mesure qu’on lui connait rarement. Le délire ne se limite pas à l’attitude des personnages, mais contamine le récit tout entier, et cette alchimie hallucinogène est l’une des grandes réussites du film : souvent en contre plongée, dans des décors singuliers filmés avec un talent indiscutable, les protagonistes entrainent à leur suite un monde qui bascule dans sa totalité. Les comédiens sont tous excellents, avec un mention spéciale pour Josh Brolin, usant de divers artifices (doigté d’expert, bananes glacées aux lèvres) pour une composition assez hilarante. Au fil de cette enquête qui n’en finit pas de se démultiplier, l’instabilité gagne les statuts (amoureux, vivants ou morts, légaux, criminels) mais aussi le langage lui-même : les échanges entre Brolin et Phoenix sont en ce sens particulièrement jubilatoire, entre malentendus et jargon déficient, tout comme la relation avec Sashta culmine dans un plan séquence fixe aussi torride qu’ambivalent. Totalement impossible à résumer, l’intrigue nous perd avec son détective, qui se laisse porter avec une nonchalance providentielle. C’est là où le film peut finir par accuser certains essoufflements. 2h30 de retournements et de changements de directions ne se font pas sans certains dégâts, et si l’ennui pointe discrètement au fil de longueurs dispensables. Car l’ambition assez nette de la durée est celle de faire basculer le récit vers des profondeurs que son exposition ne soupçonnait pas. Angoisse de la perte, de voir s’achever une période insouciante sous les crocs dorés du capitalisme sauvage que Reagan incarnera prochainement, deuil du couple ou valeurs immuable de la famille (la sous intrigue et sa résolution avec Owen Wislon, assez falote)… Le film, déjà volontairement saturé, s’épuise à vouloir ratisser trop large, d’autant que son rythme se ralentit progressivement, mettant le spectateur à rude épreuve (4 ou 5 spectateurs ont abandonné, j’avais rarement vu ça…). L’ambition d’être un auteur hors norme et donc toujours d’actualité pour Paul Thomas Anderson : ce n’est pas pour rien qu’il s’est attaqué à Pynchon. Légèrement débordé par celle-ci, il accouche d’un film qui a beaucoup de mérite quant à son originalité et le talent avec laquelle elle est traitée, et qui poursuit une carrière exigeante, sacrifiant les facilités glamour au profit d’une exploration tortueuse des genres et de la psyché(délie) humaine. | |
| | | Zwaffle un mont de verres
Nombre de messages : 1724 Date d'inscription : 08/01/2014 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Lun 9 Mar 2015 - 9:45 | |
| - Nulladies a écrit:
Inherent Vice, Paul Thomas Anderson, 2015
Vers l’asile, détective privé.
Pour pénétrer le continent Inherent Vice, un seul mot d’ordre : lâcher prise. Devise singulière si l’on songe à la pétrification qui guettait Paul Thomas Anderson au fil de son précédent et sur-maitrisé Master. Ici, nulle trace de cette rigidité, de cette ostentation d’une mise en scène parfaite et pénitentiaire pour son récit comme ses personnages. En adaptant le profus et unique Pynchon, Anderson se libère d’un carcan et met son talent au service d’un plaisir retrouvé. Celui d’une narration délirante et paranoïaque dans laquelle vont se croiser nazis et narcotrafiquants, bouffeuses de chattes et hippies, junkies et infiltrés, flics et dentistes, dont la seule liste des noms propres vaut son pesant d’or, de Japonica à Shasta Fay, Sortilège, Sauncho Smilax, Petunia ou Coy Harlingen… Dans les vapeurs pourpres du L.A des 70’s, et sous les feux d’une BO d’enfer (originale du fidèle Greewood, mais convoquant aussi les références comme Neil Young ou le splendide Vitamine C de Can) tout semble possible, et rien n’est immuable : les faciès hébétés des adeptes de la fumette, les décors chamarrés (murs de moquette, canapés crème) et la ville elle-même en proie aux assauts des promoteurs immobiliers. Le charme incongru du cette exposition atypique est évidemment attribuable à Pynchon, et Anderson parvient à restituer la singularité littéraire du maitre énigmatique. En faisant de Sortilège (séduisante Joana Newsom) la narratrice en off, en citant des passages explicites, le récit prend une patine supplémentaire. Enquête tortueuse et à ramifications multiples, Inherent Vice affiche certes, dans sa première heure, une certaine parenté avec The Big Lebowski. La façon dont Phoenix gare sa voiture ou gère chaque inspiration par une taffe y fait beaucoup, et on saluera sa prestation, qui, peut-être sous l’influence de l’herbe, excelle dans une mesure qu’on lui connait rarement. Le délire ne se limite pas à l’attitude des personnages, mais contamine le récit tout entier, et cette alchimie hallucinogène est l’une des grandes réussites du film : souvent en contre plongée, dans des décors singuliers filmés avec un talent indiscutable, les protagonistes entrainent à leur suite un monde qui bascule dans sa totalité. Les comédiens sont tous excellents, avec un mention spéciale pour Josh Brolin, usant de divers artifices (doigté d’expert, bananes glacées aux lèvres) pour une composition assez hilarante. Au fil de cette enquête qui n’en finit pas de se démultiplier, l’instabilité gagne les statuts (amoureux, vivants ou morts, légaux, criminels) mais aussi le langage lui-même : les échanges entre Brolin et Phoenix sont en ce sens particulièrement jubilatoire, entre malentendus et jargon déficient, tout comme la relation avec Sashta culmine dans un plan séquence fixe aussi torride qu’ambivalent. Totalement impossible à résumer, l’intrigue nous perd avec son détective, qui se laisse porter avec une nonchalance providentielle. C’est là où le film peut finir par accuser certains essoufflements. 2h30 de retournements et de changements de directions ne se font pas sans certains dégâts, et si l’ennui pointe discrètement au fil de longueurs dispensables. Car l’ambition assez nette de la durée est celle de faire basculer le récit vers des profondeurs que son exposition ne soupçonnait pas. Angoisse de la perte, de voir s’achever une période insouciante sous les crocs dorés du capitalisme sauvage que Reagan incarnera prochainement, deuil du couple ou valeurs immuable de la famille (la sous intrigue et sa résolution avec Owen Wislon, assez falote)… Le film, déjà volontairement saturé, s’épuise à vouloir ratisser trop large, d’autant que son rythme se ralentit progressivement, mettant le spectateur à rude épreuve (4 ou 5 spectateurs ont abandonné, j’avais rarement vu ça…). L’ambition d’être un auteur hors norme et donc toujours d’actualité pour Paul Thomas Anderson : ce n’est pas pour rien qu’il s’est attaqué à Pynchon. Légèrement débordé par celle-ci, il accouche d’un film qui a beaucoup de mérite quant à son originalité et le talent avec laquelle elle est traitée, et qui poursuit une carrière exigeante, sacrifiant les facilités glamour au profit d’une exploration tortueuse des genres et de la psyché(délie) humaine.
vu ce weekend je pense que je l'ai préféré à "The Master" qui avait été une relative déception en revanche, je dois avouer que j'ai rarement assisté à une séance dans d'aussi mauvaises conditions: la salle étant quasi pleine on a du aller au premier rang (ce qui en soi n'est pas si terrible, je l'ai déjà fait pour d'autres films) et on s'est pris le son en pleine gueule à un niveau sonore incroyablement désagréable (on était à l'UGC des Halles): là où des blockbusters en rajoutent des tonnes dans le volume sonore avec explosions et tout, là on était gêné par le moindre haussement de ton dans une conversation (et je vous raconte même pas les portes qui claquent...) très très dérangeant pendant au moins 40 minutes, on a failli partir de la salle (en sachant en plus que le film dure 2h30... on a beaucoup hésité) c'est dommage parce que ça a un peu gâché la séance d'un film qui au final est assez réussi (la comparaison avec The Big Lebowski est très juste) ça fait plaisir d'entendre Neil Young dans le film mais si on voulait pinailler, on dirait qu'en 1970 (année de l'action du film), on aurait eu du mal à entendre "Harvest" et "Journey through the past" (d'autant plus dans sa version des Archives) mais c'est vraiment pour chipoter | |
| | | Zwaffle un mont de verres
Nombre de messages : 1724 Date d'inscription : 08/01/2014 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Lun 9 Mar 2015 - 9:57 | |
| "Le dernier espoir de l'humanité n'est pas humain" rarement lu une accroche aussi hors-sujet, c'est clairement pondu par un mec qui soit n'a pas vu le film soit s'est dit qu'il fallait mettre un truc bien bourrin pour compenser le titre "mignon" au final heureusement le film est bon, plus réussi qu'Elysium (qui avait néanmoins ses bons côtés), assez drôle dans son côté revival 80s comme pour "District 9", c'est assez rafraichissant de voir l'action se dérouler en Afrique du Sud (parce que LA ou NYC on commence à les connaître par coeur) en voyant débarquer les zigotos rappeurs de Die Antwoord je me suis dit "ah tiens sympa le caméo" sauf qu'en fait pas du tout, le couple fait partie des personnages principaux et jouent très bien leurs personnages de gangsters un peu débiles mention spéciale aux effets spéciaux qui rendent très réels les droides et donc le personnage principal (joué par Sharlto Copley) | |
| | | Otto Bahnkaltenschnitzel génération grenat (dîne)
Nombre de messages : 1940 Date d'inscription : 27/08/2014
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Jeu 19 Mar 2015 - 18:45 | |
| Rhoulalalala! Ok les effets numériques sont pas tops et les massacres pas trop sanglants. Mais pour le reste c'est presque un sans faute. | |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Jeu 19 Mar 2015 - 20:12 | |
| Oué, c'est sympa cette chose. | |
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... | |
| |
| | | | Voyage en salle obscure... | |
|
Sujets similaires | |
|
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| |
|