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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Sam 5 Mar 2016 - 10:48
Merci nulla Je ne sais pas si on réalise l'impact de cette technologie dans le cinéma. Fascinant
Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Sam 5 Mar 2016 - 10:53
Si tu parles de l'impact de l'image numérique dans les prises de vues réelles, il y a ces deux clips qui sont saisissants :
Pour Le loup de Wall Street de Scorsese
et pour The Great Gatsby de Luhrmann
(marrant, c'est à chaque fois avec Di Caprio. Si ça se trouve, ce mec n'existe pas IRL)
ELSD la drogue, c'est mal
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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Sam 5 Mar 2016 - 11:33
Oui j'avais vu ces vidéos. L'impact des images numériques sur le cerveau humain du spectateur peut ouvrir d'autres perspectives fascinantes. L'impact sur le cinéma tout entier est énorme. Quand l’œil est parfaitement dupé, quelles peuvent être les conséquences sur le cerveau ? On ne s'en rend plus compte mais aujourd'hui encore, il nous faut un conditionnement avant visionnage : "je vais au cinéma" : donc je vais voir quelque chose qui n'existe pas vraiment. Cet automatisme s'est mis en place au cour de l'histoire, non, ces indiens ne sont pas vraiment tués par ces cowboys. Notre auto-conditionnement doit être de plus en plus fort aujourd'hui, une lutte contre notre propre perception des choses. Des scènes ultra violentes comme une balle en pleine tête, un cheval abattu , une flèche traversant une carotide passent comme une lettre à la poste. C'est issu de notre conditionnement, nous banalisons pour soulager l'impact psychologique sur le cerveau, du coup le réalisateur doit jouer sur le son, mais nous arrivons à surmonter ce faux-réel. L'impact est fascinant car par définition, le cinéma doit s'extirper du réel, hors l'effort que doivent fournir les spectateur déborde sur ce réel. Le challenge est immense pour les réalisateurs et donc le cinéma.
Bref, je me rend compte que dois être le seul à me comprendre, j’arrête là
Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Dim 6 Mar 2016 - 7:38
C'est vrai que tout passe désormais, et notre faculté à nous émerveiller devant les prouesses du cinéma est sérieusement émoussée depuis le recours à l'image de synthèse. Il reste à voir la façon dont elle est utilisée désormais, avec finesse et sens de l'espace ou surenchère dégueulasse, au service d'une véritable scène (l'attaque de l'ours) ou par paresse (les giclées de sang dans les films d'action)...
Invité Invité
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Lun 7 Mar 2016 - 3:53
Steve Jobs : finalement retenté et je me suis laisse prendre. C'est assez sorkinien en fait, cette vision de Steve Jobs, quelque part humaniste mais incapable d'empathie envers les gens qui l'entourent. La construction de lancement en lancement finit par prendre son sens. Un peu convenu au final mais brillamment écrit et plus touchant qu'il n'y parait via les relations du personnage avec ceux qu'incarnent Kate Winslet, Jeff Daniels, Seth Rogen.
Macbeth : énorme déception après tout le bien que j'en avais lu (enfin pas partout quand même, le film se fait démonter à raison par Les Inrocks entre autres). Visuellement c'est très foireux, superbes paysages fantomatiques et un choix lourd de sens des filtres colorés mais la slow motion est tellement hideuse qu'elle ferait passer Zack Snyder pour Kubrick et c'est tellement statique au final qu'on s'y emmerde velu. Le choix de respecter le texte original à la lettre c'est encore un truc qui passe pas pour moi, antinaturel au possible au cinéma, les ellipses foutent un bordel pas possible dans le scénario et les acteurs ont tous des gueules parfaites mais sont mal dirigés. Bref, après les deux quasi adaptations fabuleuses de Kurosawa, celle-ci semble bien inutile.
Nulladies Cinéman
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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Lun 7 Mar 2016 - 4:34
Steve Jobs, je vais pas revenir dessus, mais pour Macbeth, les défauts dont tu parles sont justement ceux qui m'ont séduit. Mise à part les effets visuels, là on est d'accord. Le texte passe bien, allié au statique et à la froideur de la photo dans les intérieurs... J'ai senti un souffle shakespearien passer, en dépit des coupes, et j'ai rien à redire des acteurs, pour une fois.
Invité Invité
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Jeu 10 Mar 2016 - 2:03
Nulladies a écrit:
Wild Wild Nest.
Dans le flot continuel dont nous inonde le marché du long métrage pour la jeunesse, il convient désormais de distinguer le mérite de ceux qui proposent l’exposition d’un nouvel univers. Zootopie n’est pas le énième volet d’une franchise, une adaptation d’un manga, d’un jeu vidéo ou de jouets quelconque, mais bien une idée originale. Toute la première partie permet donc la découverte d’une ville où cohabitent les espèces animales, civilisées comme pourraient l’être (du moins officiellement) les hommes. Outre l’intrigue et les ressorts humanistes de l’utopie, c’est surtout la cartographie du lieu (présentée via un monorail qui reprend fortement l’une des plus belles séquences d’A la poursuite de demain) qui réserve sa petite part d’enchantement : la profusion des espèces, une répartition climatique par quartiers, occasionnant une variété des décors servis par une animation de qualité, et dans le détail, un jeu constant sur les différentes proportions des habitants. Dans la plupart des séquences, on jouera sur la richesse de ces potentialités : une course poursuite dans sourisville par deux protagonistes qui y semblent des godzillas, un jeu sur les clichés attribués à chaque espace (les paresseux, les loups ne pouvant s’empêcher d’hurler) ou sur la taille, évidemment : du sexisme dont est victime la lapine principale à l’arnaque possible avec un fenec gangsta feignant d’être un enfant en bas âge, les idées fusent en permanence. L’intrigue est certes assez linéaire, et semble un moment ronronner avant de prendre des directions relativement intéressantes : il s’agit conjointement de désactiver les mythes inhérents l’utopie, tout en renversant les pôles traditionnels de la domination des forts par les faibles : les réflexions lancées çà et là sur la force du nombre (les « proies » étant 10 fois supérieures aux « prédateurs », la manipulation et le pouvoir par la peur sont plutôt bien amenées. Une autre qualité est aussi à chercher dans la trempe de ses personnages : le duo de ce buddy movie lapin/renard fonctionne tout à fait, et même s’il est cousu de fil blanc, sur les traces d’un Rox & Rouky, on nous donne les moyens et le temps de s’y attacher. Certes, quelques facilités dans la vanne censées séduire les parents dans la salle ne sont pas toujours très fines (les références au Parrain, ou à Breaking Bad par exemple), et le foisonnement des décors et des retournements peut perdre un peu les plus jeunes du public. Mais on est bien loin de l’ironie putassière devenue coutumière dans l’animation, en témoignent les bandes annonces énucléantes vues en début de séance. Fraicheur, découverte, attendrissement : Disney reste dans la course, avec un retour à l’enfance qui peut s’avérer salutaire.
Bien aimé aussi, intrigue un peu facile mais la tonalité générale est charmante, les passages avec les paresseux vraiment savoureux et c'est clair que ce premier degré dans l’émotion qu'on ne voit plus que chez Pixar ou quasiment fait bien plaisir. Il faut dire aussi que Lasseter (par ailleurs au travail sur un Toy Story 4 attendu de pied ferme) est désormais le principal consultant créatif chez Disney et qu'il supervise largement leurs films, d’où ce regain de qualité (cf. aussi Big Hero 6 que je trouve personnellement tout aussi bon) - même si le bonhomme ne peut pas être partout et qu'on n'a sans doute pas fini non plus de se taper d'immondes purges telles que Frozen de temps en temps.
Sinon au début dans le commissariat j'ai senti un brin l'influence du Top Ten d'Alan Moore - le melting pot ethnique, les différences de capacité, la nouvelle recrue féminine et physiquement désavantagée, le petit coté sitcom bien senti -, bien possible qu'un des scénaristes ait lu ça...
Nulladies Cinéman
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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Jeu 17 Mar 2016 - 8:39
Duplicity ligths
Il faut un certain temps pour mettre le doigt sur l’emprise générée par Midnight Special. Parce qu’il est accidenté, parce qu’il n’est pas exempt de défauts, le trajet qu’il propose nous embarque dans une singulière odyssée, éclectique et modeste, ambitieuse et retenue ; un trajet, surtout, à contre-courant de la production actuelle. Contrairement à ce qu’on pourra dire, c’est un film court : 1h50, sur un tel sujet, et avec toutes les ramifications qu’il propose, relève aujourd’hui de l’acte militant. Jeff Nichols a clairement taillé dans le vif pour n’extraire de son récit qu’une substantifique moelle, dévolue à son angle dramatique, au sens étymologique du terme : le mouvement. La séquence d’ouverture, absolument saisissante, ne dit pas autre chose : pas d’exposition, mais une fuite en avant : ce bolide vrombissant, venu d’un autre temps, et dont on éteint les phares dans la nuit, initie une course obscure d’une tension redoutable. En parallèle, il est question d’échéances dont on ne saurait définir les limites : la fin d’une secte, la préparation d’un avènement, la chasse d’un enfant par plusieurs instances. Les béances de la mise en place contaminent jusqu’à l’époque du film, curieusement vintage, dans les véhicules comme les habits, les comics ou la posture des services secrets. Ce hors-temps, particulièrement souligné par la secte du Ranch, contamine un réel qui semble ne pas parvenir à faire le point sur sa propre époque, de la même façon que l’enfant, au cœur de tous les enjeux, devrait faire connaissance avec son identité et son appartenance. Dans cette obscurité, les flashes de la SF surgissent : effrayants, souvent, faisant de l’enfant à la fois un monstre (superbe scène de crise dans la voiture) et une victime, exploitée par ceux qui veulent s’abreuver de son aura, dans une brutalité qui a tout du viol, mais par le regard. L’une des grandes intelligences de Midnight Special provient de cette belle idée de concentrer les attributs « magiques » sur la lumière : celle, paranormale, qu’on doit occulter ; celle, du jour, qu’on doit cacher à l’enfant parce qu’il semble s’y abimer. Celle, enfin, de la vérité vers laquelle convergent toutes les trajectoires. Sur ce canevas mêlant les manques et l’ostentatoire, Jeff Nichols atteste d’un remarquable sens de l’équilibre : le thriller est distillé avec pertinence, au rythme de la chasse, et occasionne des séquences d’une grande tension, particulièrement celle de la découverte de la voiture des ravisseurs dans les embouteillages, et plus encore la chute du satellite sur la station-service. On attendait depuis si longtemps ce genre de scène, spectaculaire et digne d’un blockbuster, mais servie par un véritable enjeu : ici, le potentiel de l’enfant, sa capacité à provoquer une magie visuelle (on pense, au départ, à un feu d’artifice) qui peut dévier en cataclysme, le tout sur fond de communication et de libération : des autres, et notamment l’espionnage militaire à grande échelle. A ce titre, le personnage d’Adam Driver est au diapason : représentant d’une force éculée dans les thrillers, la NSA, il fait preuve de cette même quête de vérité qui l’humanise, et renvoie fortement, (notamment par son patronyme très francophone) à Truffaut dans Rencontre du 3ème type, une référence qui hante tout le film. Car si l’on questionne cette étrange alchimie, c’est pour mettre au jour cette autre acception, plus commune, du terme dramatique : dont le mouvement renvoie à nos sentiment, et provoque ainsi l’émotion.
(la suite contient des spoilers) Face au mystère de l’enfant, tout le monde est dépassé, personne ne comprend : il n’est ni une arme, ni un sauveur : raison pour laquelle ce fameux Ranch, dont on aurait aimé approcher davantage les arcanes, semble disparaitre en cours de route. Collé à son personnage au risque d’occulter ceux qui le traquent, le cinéaste décape une partie des enjeux pour se concentrer sur l’essentiel : la place d’un enfant, et son départ imminent. On peut regretter que trop de mots viennent expliciter son appartenance, que trop d’images matérialisent son univers : ce final de synthèse reste pour moi problématique, car à rebours de toute la poésie suggestive de ce qui précède. Mais l’essentiel n’est pas là, la véritable magie ne se loge pas dans ces séquences. C’est bien de foi qu’il s’agit, non tant dans le don exceptionnel d’un individu (occasionnant d’ailleurs des scènes assez comiques) que dans le don face à un individu : ceux qui se trompent sur Alton le font parce qu’ils l’envisagent dans leur intérêt propre, tandis que ses parents (Shannon et Dunst, impeccables) agissent pour lui, et doivent se rendre à l’évidence : le laisser partir. Peu prolixe, leurs échanges se limitent souvent à une question récurrente : « Are you OK ? ». Jusqu’à la réponse fatidique, soulagement et douleur simultanée : « You won’t have to worry about me. »
Pour comprendre cette emprise, un personnage nous guide, le plus mutique d’entre tous : Lucas. Arrivé après les autres, et pourtant là dès le début. Qui sait, mais dont on ne voit pas l’initiation. Bouleversé, engagé, dans une empathie totale, secondant père et mère, effleurant leur émotion et se lançant à corps perdu sur la route, en dépit de la nuit : une figure du spectateur.
Otto Bahnkaltenschnitzel génération grenat (dîne)
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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Jeu 17 Mar 2016 - 8:53
Je ne lis pas. J'ai bon espoir de le voir demain.
Invité Invité
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Jeu 17 Mar 2016 - 11:51
Pas convaincu par les précédents films de Nichols et leur lourde psychologie mais le pitch de celui-ci me parle bien. Encore faudra-t-il qu'il passe après cet absolu chef-d’œuvre que Nulladies finira bien par réhabiliter un jour, le Fury de De Palma.
Otto Bahnkaltenschnitzel génération grenat (dîne)
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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Ven 18 Mar 2016 - 14:51
Je partage presque l'avis de Nulladies. J'ai seulement trouvé la tension autour de cette épopée un peu basse. Assurément de très belles scènes mais aussi beaucoup de balourdises et les trous dans la narrations me laissent sur ma faim. Un film intéressant, attachant, et un poil décevant. J'avais largement préféré "Take shelter"
guil blacksessions.com
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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Lun 21 Mar 2016 - 12:49
une très belle réussite, j'ai pris beaucoup de plaisir !
_________________ ça suffa comme ci
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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Lun 21 Mar 2016 - 14:25
guil a écrit:
une très belle réussite, j'ai pris beaucoup de plaisir !
Oui, une très belle surprise.
Nulladies Cinéman
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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Lun 28 Mar 2016 - 5:08
Un braquage sans les pacifiques
Quand on y pense, un film de braquage, ça peut facilement faire illusion : une mise en scène nerveuse, une bonne musique pour maintenir la pulsation, quelques twists, des personnages torturés, on saupoudre de femmes, de balles, de macchabées, et le tour est joué. Le cahier des charges est appliqué ici à la lettre, et il suffit de brandir la référence Heat pour exciter les radars. Même Le masque et la plume, sur lequel je suis tombé un peu par hasard la semaine dernière, défendait le bouzin, et comme certains avaient au préalable affirmé de bien belles choses sur Midnight Special, je me suis laissé convaincre. Il faut bien reconnaitre que John Hillcoat n’est pas le dernier des tâcherons, et qu’il maitrise souvent son sujet, notamment dans le braquage d’ouverture, et particulièrement dans ses suites : le marquage des billets au fumigène rouge à l’intérieur de la voiture est efficace, ainsi que la fusillade qui s’en suit. La convergence des récits vers un double enjeu (provoquer la mort d’un flic, le fameux code 999, pour détourner l’attention du braquage) comporte aussi son petit lot de tension, et le montage parallèle avec ses diverses complications est plutôt habile. Reconnaissons qu’on ne sait pas trop où on va, ce qui dans un thriller peut s’avérer une bonne chose. Mais pour en arriver là, il aura fallu souper d’un bouillon dispensable. Galerie de personnages tous plus caricaturaux les uns que les autres, au premier rang duquel trône Woody Harrelson (« j’ai un accent patate chaude, je récupère des spliffs dans les poubelles mais je suis un daron de flic »), suivi de près par Aaron Paul (« je suis torturé, j’ai les yeux rouges, je me shoote et je gère pas la mauvaiseté humaine, oui oui, je faisais déjà ça dans Breaking Bad ») et d’une kyrielle de guys qu’ont des balls, face à la mafia judéorusse, et aux gangs latinos. Histoire de justifier qu’on se mouille jusqu’aux couilldes dans ces braquos plus que foireux, ajoutons un gamin, une parraine qui ferait flipper Eva Braun (Kate Winslet, maquillée comme la voix de Renaud dans son dernier single), et des enjeux tragiques tu vois : si tu veux voir ton fils, tout ça. Les ripoux, la ville la nuit, les bombes, les parkings, les cagoules, les sirènes, tout le folklore est bien convoqué. S’en plaindre serait un peu malhonnête dans la mesure où c’est ce qu’on était venu chercher. Mais de là à y voir une réussite imparable dans le genre, il y a aussi long à parcourir que du coffre-fort à la rue un jour de forte affluence.