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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mer 10 Sep 2014 - 14:20
Pas eu le courage...il était déjà tard. Mais je viens de regarder sur google. J'avais cependant des doutes sur l'issue du balafré. A noter que Koba était le pseudo du jeune Staline pendant ses années clandestines sous la période tsariste. Je sais pas si c'est voulu.
Azbinebrozer personne âgée
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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mer 10 Sep 2014 - 14:50
Nulladies a écrit:
Bon, Azbin, sur le coup, on va pas être très copains...
Au rien s’en vont les nuages.
Cela faisait un certain temps que je n’avais pas redonné sa chance à Assayas, dont je ne garde finalement que des souvenirs assez fugaces. La bande annonce ne me disait rien qui vaille : on sentait déjà les intentions pesantes d’un parallèle entre la vie de l’actrice et le rôle qu’elle joue, une énième variation sur le Sunset Boulevard, Eve et consorts. Il est particulièrement intéressant de voir Sils Maria quelques jours après Winter Sleep. Les films ont en commun un attrait consommé pour le dialogue analytique, de longues séquences à deux sur la voie laborieuse d’une révélation de la vérité. A ceci près que celle d’Assayas est d’une transparence confondante. Résultat, ses deux heures semblent durent le double des 3 heures et quart de Ceylan. Tout est poussif dans l’écriture : le prologue, interminable, n’a pratiquement pas d’intérêt pour la suite. On sent bien la tentation de coller à l’époque, par la multiplication des smartphones et tablettes, où l’on google quelqu’un pour le connaitre, où les gossips du net font des ravages et notre actrice vieillissante n’accroche plus la locomotive de la modernité. Ce qu’on a du mal à comprendre, c’est le traitement du rythme : pourquoi tant de répétitions ? Dans les deux sens du terme : celles du texte théâtre que Maria s’entraine à jouer avec son assistance, et celles du scénario lui-même. Sils Maria est d’autant plus un film raté qu’il compose avec une partition de haute volée. Les comédiennes sont indéniablement excellentes, leurs échanges fonctionnent à merveille, que ce soit la complicité complémentaire Stewart/Binoche ou la rivalité tue entre Binoche et Moretz. La photographie est très belle et le cadre alpin souvent bien exploité, (gâché le plus souvent par une musique d’un autre âge qui nous propulse du côté de la publicité) notamment dans cette quête du serpent nuageux sur un des cols, et force est de reconnaitre qu’Assayas sait tenir une caméra, à l’instar des déplacements dans les décors de la scène théâtrale dans l’épilogue. On semble avoir oublié un seul élément en route : le propos. Il est particulièrement ironique de voir Binoche déblatérer sur le sous texte du rôle qu’elle travaille et de fustiger la maigreur des films de super-héros lorsqu’on constate à quel point le rôle qu’elle sert ici n’a pas plus d’épaisseur que le vent nuageux qu’elle chasse en vain.
"(gâché le plus souvent par une musique d’un autre âge qui nous propulse du côté de la publicité)"
Tu vas me signer ça tout de suite :
"Je reconnais que M. Haendel est un très grand musicien ! Sans croiser les doigts même des pieds ! Signé M. Nulladies"
Ouaih côté zique possible que pour certains ça fasse un peu pub ! Le canon de Pachelbel vrai c'est très téléphoné, mais il est interprété dignement, et il accentue le côté obstiné, tendu. Quant à Haendel !!... Quand tu dit d'un autre âge pour les musiques, tu les dates de quand les montagnes qu'on voit ? Secondaire ? Crétacé inférieur ?
Pour le film on peut faire copain. La plus grosse réserve que j'ai faite rejoint la tienne : le scénar' recense comme souvent chez Assayas, un catalogue d'incontournables sur un sujet mais le cœur du film ne tient pas tout à fait la route. J'ai aimé par contre tout ce qui est un peu plus autour, de la vie quotidienne d'une actrice, sans que ça fasse un film en soi. J'ai eu l'impression de n'avoir jamais vraiment vu ça avant, avec ce ton. Les actrices super ! Leurs petites culottes pour aller se baigner aussi ! Les répétitions je les ai senties aussi mais j'ai trouvé qu'elles marquaient quand même une certaine progression dans la fusion des femmes, dans la confusion réalité/fiction , et dans le conflit. Donc ça j'ai aimé. Non ce qui cloche c'est le cœur, la naïveté de Binoche qui apparaît peu à peu et fait choc sur la fin. L'actrice mûre qui prend une telle leçon de vie de la part de la jeune moderne, si belle soit-elle sur l'idée qu'on n'atteint jamais de vérité absolue, de maturité, n'est pas crédible. Tout ça reste trop théorique. Ce qui manque ce sont par exemple, des dialogues un peu crus entre femmes, sur le corps d'une femme de 50 ans... Comment gérer son cul plus lourd, la nichonnerie qui ballochent, la bedaine, les soins, la chirurgie ?... Ou alors on considèrent qu'une actrice reste une petite fille uniquement égocentrique, à vie, préservée dans sa bulle ? Et c'est vrai que le film décrit une bulle. Mais quelle actrice vit dans ce type de bulle (isolement, duo exclusif permanent avec son assistante ?...) toute sa carrière ? Bref il me semble que côté scénario on a une belle 'tite équation cohérente, mais qui ne sent pas assez la vie dans son cœur (malgré les très bons moments mis en scène...) N'oublie pas de signer ton bon de bon copinage ! Ou tu seras condamné à un cycle "Les pires films de concerts de Mezzo pour remplir la grille !"
Nulladies Cinéman
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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mer 10 Sep 2014 - 16:28
J'ai rien contre cette musique, bien au contraire, mais il y a un vrai problème de cohérence. D'un coup, t'as les montagnes avec cette mélodie. Quand je dis qu'elle est d'un autre âge, c'est d'âge cinématographique que je parle : on se croirait dans un film des années 50, et ça n'est pas du tout raccord avec le reste, censé nous donner un accès au vitriol sur les coulisses du glamour. Ensuite, tu as la sorte de trip hop quand Kirsten est seule en bagnole, c'est un peu mieux, même si les surimpressions sont assez gerbantes. (Mais j'ai un problème avec les surimpressions de toute façon, cherche pas.)
Donc :
"Je reconnais que M. Haendel est un très grand musicien ! Sans croiser les doigts même des pieds ! Signé M. Nulladies"
Invité Invité
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mer 10 Sep 2014 - 17:21
Nulladies a écrit:
Cela faisait un certain temps que je n’avais pas redonné sa chance à Assayas, dont je ne garde finalement que des souvenirs assez fugaces.
Tu as vu quoi ? Parce qu'il a sorti ses trois meilleurs films dans les années 2000, pour moi... ce serait dommage d'être passé à côté (surtout le mésestimé Boarding Gate). Enfin à mon avis jusqu'ici tout était bon chez lui, mais la BA de celui-là m'a aussi peu emballé que celle du Téchiné... donc à voir (ou pas).
Nulladies Cinéman
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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mer 10 Sep 2014 - 19:33
J'ai vu et bien aimé L'heure d'été (même si mes souvenirs sont lointains), et avant ça, faut remonter à Fin aout, qu'à l'époque j'avais aussi apprécié.
Invité Invité
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mer 10 Sep 2014 - 19:58
Ouch ! Donc prochain cycle Boarding Gate, Clean, Demonlover (trois CO ), Les destinées sentimentales et Irma Vep.
Nulladies Cinéman
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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mer 10 Sep 2014 - 20:12
Les deux derniers, je les ai vus et aimés. Mais il y évidemment fort longtemps dans une lointaine galaxie. Le cycle, why not ?... Après bien d'autres, cela dit.
Azbinebrozer personne âgée
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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mer 10 Sep 2014 - 20:35
Nulladies a écrit:
J'ai rien contre cette musique, bien au contraire, mais il y a un vrai problème de cohérence. D'un coup, t'as les montagnes avec cette mélodie. Quand je dis qu'elle est d'un autre âge, c'est d'âge cinématographique que je parle : on se croirait dans un film des années 50, et ça n'est pas du tout raccord avec le reste, censé nous donner un accès au vitriol sur les coulisses du glamour. Ensuite, tu as la sorte de trip hop quand Kirsten est seule en bagnole, c'est un peu mieux, même si les surimpressions sont assez gerbantes. (Mais j'ai un problème avec les surimpressions de toute façon, cherche pas.)
Donc :
"Je reconnais que M. Haendel est un très grand musicien ! Sans croiser les doigts même des pieds ! Signé M. Nulladies"
C'est bien ! (T'as pas louché non plus dis ?) Tu peux écouter un peu de musique de dj'n's ! De la... "trip hot" du film ?...
Nulladies Cinéman
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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Ven 12 Sep 2014 - 6:52
Le bellâtre et son double
Le thème est bien connu de la littérature fantastique, et toujours un peu excitant : un homme retrouve par hasard ( ?) son double et s’en trouve légitimement perturbé. Chaque version du même individu ayant de son côté une compagne, l’une épouse enceinte de 6 mois, l’autre girlfriend un peu plus wild, les échanges promettent d’être amusant, d’autant que Villeneuve assume pleinement son penchant pour les jolies comédiennes (dont la frenchy Mélanie Laurent) faisant don de leur poitrine à l’audience. Le parti pris de mise en scène est, lui aussi, bien rodé : à l’absence d’éclaircissements explicites par le langage, substituons un regard elliptique. Le cinéaste lorgne du côté d’Eyes Wide Shut dès le prologue, grand film sur l’impuissance et la médiocrité de l’imaginaire, pour ne cesser par la suite de pomper sans vergogne l’hypnose poisseuse du Lost Highway de Lynch. Seulement voilà, instaurer une ambiance est une chose. Lui donner de l’épaisseur et une légitimité en est une autre Le filtre jaune à outrance et les longues scènes muettes, les araignées dans le placard et sur la ville ou des visages en gros plan ne sont que des accessoires souvent poseurs pour un film qui repose finalement sur du vent. Car les béances du scénario ne renvoient pas au mystère insondable d’une psyché torturée (on aura tôt fait d’aller chercher des justifications du côté de la schizophrénie ou des contenus du cours inaugural, ou autre), mais bien à celles de l’inspiration. Les citations de Scorsese, mix maladroit entre Taxi Driver (le miroir) et Raging Bull (la réplique) sont au service d’une ébauche de conflit particulièrement déconcertante : échangeons nos compagnes et soldons nos comptes. C’est non seulement totalement improbable, mais ça contribue surtout à niveler vers le bas ce qui pouvait avoir d’éventuelles prétentions : tout cela ne serait que le prétexte à une banale histoire d’échangisme, d’où la boite à partouze du départ. Fade, peu inspiré, prétentieux, Enemy offre certes à Gyllenhall un double rôle dans lequel il ne démérite pas, mais s’enlise dans les vapeurs jaunâtres qu’il essaie de nous faire passer pour un gage arty et cérébral.
Edit au lapin : je viens de lire tes explications. Chapeau, tu défends bien le truc, et c'est presque intéressant du coup. Le problème, c'est que ça ne prend pas pour moi, et si le réal (que j'ai de toute façon toujours trouvé surcoté) avait vraiment ces intentions, il aurait dû approfondir son exploration du sujet pour qu'on puisse les toucher du doigt. Je ne lui demande pas d'expliciter, mais d'exciter le pouvoir de fascination au delà de l'esthétique bien léchée, des emprunts grossiers ou des effets des manche (que tu qualifies bien entendu de volontairement kitsch, hum...) pour bâtir un univers qui lui soit propre et dont on ait envie d'aller visiter la cave, si tant est qu'elle existe.
Invité Invité
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Ven 12 Sep 2014 - 19:01
Bien sûr qu'il a vraiment ces intentions, ça semble plutôt évident d'emblée qu'il y a des choses à creuser dans ce film, et comme beaucoup de grands puzzles du cinéma c'est l'incohérence d'une interprétation "basique" qui ouvre la porte au départ. Moi justement, les cinéastes "de genre" qui ne ne mettent pas les points sur les "i" (rien à voir avec un manque d'approfondissement, au contraire, il y a des dizaines d'éléments que je n'ai pas soulevés) c'est tout ce que j'aime. Mais bon, c'est toujours le paradoxe du peu d'intelligence que l'on a tendance à prêter au cinéaste émergent et mal compris par rapport au cinéaste mythique et suranalysé : on a souvent beaucoup de sous-interprétation d'un côté et autant de surinterprétation de l'autre.
Pour ce qui du jeu de la mise en abîme des références (Lynch, Fight Club, Kubrick), le film me fait d'ailleurs beaucoup penser à Capricorne, la BD d'Andreas, dont un tome recycle tout une série de situations tirées de classiques de la BD franco-belge... justement l'épisode où si l'on creuse un peu (mais là non plus rien d'évident si le lecteur paresse de trop), on est censé comprendre que le personnage est piégé dans une fiction.
Nulladies Cinéman
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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Ven 12 Sep 2014 - 20:44
RabbitIYH a écrit:
Bien sûr qu'il a vraiment ces intentions, ça semble plutôt évident d'emblée qu'il y a des choses à creuser dans ce film, et comme beaucoup de grands puzzles du cinéma c'est l'incohérence d'une interprétation "basique" qui ouvre la porte au départ. Moi justement, les cinéastes "de genre" qui ne ne mettent pas les points sur les "i" (rien à voir avec un manque d'approfondissement, au contraire, il y a des dizaines d'éléments que je n'ai pas soulevés) c'est tout ce que j'aime. Mais bon, c'est toujours le paradoxe du peu d'intelligence que l'on a tendance à prêter au cinéaste émergent et mal compris par rapport au cinéaste mythique et suranalysé : on a souvent beaucoup de sous-interprétation d'un côté et autant de surinterprétation de l'autre.
Pour ce qui du jeu de la mise en abîme des références (Lynch, Fight Club, Kubrick), le film me fait d'ailleurs beaucoup penser à Capricorne, la BD d'Andreas, dont un tome recycle tout une série de situations tirées de classiques de la BD franco-belge... justement l'épisode où si l'on creuse un peu (mais là non plus rien d'évident si le lecteur paresse de trop), on est censé comprendre que le personnage est piégé dans une fiction.
Peut-être, mais non. Toute la beauté de l'obscur Under the Skin, par exemple, est un bon contre exemple en ce qui me concerne. Et pour Andreas, excellente référence, je surfkiffe. Il faut que je reprenne cette série et celle d'Arq depuis le début, parce que lorsque j'achète les nouveaux tomes qui paraissent, je suis de plus en plus paumé...
Invité Invité
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Ven 12 Sep 2014 - 22:19
Under the Skin j'ai pas tenu 10 minutes, à ma décharge ça sentait l'horrible daube arty et prétentieuse (et puis très moche, surtout, mais de toute façon les anciens clippeurs font rarement de bons cinéastes, Fincher étant l'exception) dès les premières secondes de film... marrant comme on peut faire le parallèle avec ta critique d'Enemy d'ailleurs, tu n'as pas de problème quand Glazer se prend pour Kubrick et Malick réunis sans le moindre recul mais quand Villeneuve cite Lynch un peu comme De Palma cite Hitchcock, pour détourner ce que son univers évoque au spectateur, ça devient de l'emprunt grossier ?! Moi pas comprendre.
Nulladies Cinéman
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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Sam 13 Sep 2014 - 5:48
J'ai aucun souci avec les emprunts, ce n'est pas le fond de mon reproche. D'ailleurs, j'ai noté le film 4/10 notamment pour sa mise en scène qui est sacrément maîtrisée. Mon problème pour le film, c'est que je ne vois pas où il en veut en venir : soit c'est que tu dis et je suis un abruti parce que je ne l'ai pas vu, mais j'en ferais aussi le reproche au cinéaste de ne pas l'avoir suffisamment mis en valeur, soit le film ne va pas vraiment quelque part et s'arrête à une ambiance. Under the skin dit plein de choses.
Invité Invité
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Sam 13 Sep 2014 - 7:49
Under the Skin à en juger par son début (j'en ai quand même maté un tiers, en vrai ) et ce qu'en disent pas mal de spectateurs de mon entourage, n'a pas l'air d'en dire long pourtant. L'homme est mauvais mais fascinant de paradoxes ? La belle affaire. Dans la chronique tu dis beaucoup que le cinéaste "interroge" (cliché du cinéma autoproclamé d'auteur ?) mais jamais qu'il répond, il semble donc bien que le film ne dise pas grand chose, au fond. C'est d'ailleurs tout le problème des soi-disant films d'auteurs irregardables de notre époque, il disent ni plus ni moins que ce que de la littérature ou de l'art contemporain pourraient dire : des mots ou des "sensations", même enrobées d'images absconses qui "interrogent" (mais sur quoi ? sur l'homme et le monde ? dans quelle mesure ? vers quelle idée ? pour en dire quoi ?), ça ne fait pas du cinéma, pour moi.
Pour Enemy pas besoin d'être un abruti, il suffit de regarder un peu paresseusement (ça arrive) le film de cette année qui méritait le plus d'être activement creusé, et ton point de vue sur le pourtant fabuleux Prisoners n'a pas aidé.
Car Prisoners, qui n'a rien du questionnement sur la morale auquel on pourrait le réduire, posait déjà les bases de cette (vraie) réflexion abstraite sur l'homme et son évolution au travers des vrais prisonniers du film, le père et le policier, l'un tout à fait civilisé mais forcé de faire appel à la violence, unique solution qui lui apparaît pour sauver sa fille, l'autre d'un naturel nerveux voire explosif, visiblement violent et asocial dans sa jeunesse qui se force au calme et à la réflexion car c'est ce qui l'a lui-même sauvé. Les deux personnages sont prisonniers d'une personnalité, d'une nature profonde qu'ils combattent et souhaitent d'autant plus voir changer que son antithèse les fascine, tout à fait comme les deux sosies d'Enemy (en particulier le prof, seul vrai personnage principal du début à la fin), attirés chacun par la vie de l'autre car elle implique une conduite qu'ils ne comprennent pas tout à fait mais qui les attire comme un manque à combler (cf. la scène où le prof se fait passer pour l'acteur auprès du vigile). Dans Prisoners, il faudra pourtant un équilibre entre les deux pour résoudre l'affaire, et si Villeneuve ne juge pas la conduite du père dont les probables conséquences ne sont jamais montrées c'est parce que dans son idée comme chez Fincher la civilisation est ennemie de l'évolution et coupe l'homme des émotions primaires nécessaires à son épanouissement, d'ailleurs dans le film c'est le criminel qui parvient d'abord à ce point d'équilibre et nécessite que les personnages en fassent de même pour être stoppé.
Ainsi dans Enemy le prof est n'est enfin complet qu'au contact de la femme de l'acteur, qui en le voyant différemment lui permet d'être lui-même et autre à la fois, l'amène à exprimer son manque de contact physique, elle incarne sexe et stabilité en harmonie, l'amour et la communication (son écoute surtout est importante, on verra pourquoi) enfin en osmose. On pourrait même imaginer que le personnage de Mélanie Laurent qui ne s'exprime jamais, panique sans raison et fuit toujours sans un mot après l'amour n'est qu'un fantasme incomplet, celui que chassera l'acteur une fois contaminé par la personnalité trop réflexive du prof et qui le mènera à sa perte. C'est une idée de la femme plus qu'une femme, celle d'un homme dont la vision des femmes a été tronquée par deux extrêmes.
Car on peut aussi interpréter le scénario de bien d'autres façons qui complètent cette vision, le prof est le seul vrai personnage du film et l'acteur la réminiscence d'un rêve remisé au placard par la Raison, celui d'être un acteur de troisième zone dixit la mère qui trouvait cette idée stupide. La Mère est l'araignée, celle qui a forgé la personnalité du prof en lui imposant la sienne, dans le club de strip-tease on voit un femme marcher sur une araignée comme si le fait d'assister à ces spectacles de femmes-objets permettait au personnage d'annihiler cette image de la femme associée à la mère castratrice, mais en contrepartie mène à cette relation/fantasme avec une femme dépersonnalisée (Mélanie Laurent) qui ne peut permettre au personnage d'être complet. La mère intrusive laisse un message au personnage qui l'écoute dans sa voiture à la sortir du club de strip mais n'y répond pas, impossible de communiquer avec elle, on verra d'ailleurs plus loin dans le film qu'elle n'écoute pas. L'araignée qui marche sur la ville ou dans la tête du personnage sur l'affiche est toujours la persistance mentale de cette mère envahissante qui a tissé la toile de son existence et l'y maintient prisonnier (ce thème, encore), de même que cette image finale, incarnation de la peur d'être à nouveau contrôlé par une femme : une fois le personnage casé, sa femme (enceinte, tiens tiens) devient une future Mère en puissance.
Voilà quelques pistes, par facile de repenser à tous les détails mais chaque conversation, chaque association du montage dans ce film est importante (surtout au tout début). Il y a bien d'autres détails aussi, en jetant un oeil à Wikipedia je vois que le film qu'emprunte le prof s'appelle Where There's a Will There's a Way, je te laisse faire le parallèle avec ce que je disais sur Prisoners.
Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Sam 13 Sep 2014 - 7:57
RabbitIYH a écrit:
Under the Skin à en juger par son début (j'en ai quand même maté un tiers, en vrai ) et ce qu'en disent pas mal de spectateurs de mon entourage, n'a pas l'air d'en dire long pourtant. L'homme est mauvais mais fascinant de paradoxes ? La belle affaire. Dans la chronique tu dis beaucoup que le cinéaste "interroge" (cliché du cinéma autoproclamé d'auteur ?) mais jamais qu'il répond, il semble donc bien que le film ne dise pas grand chose, au fond. C'est d'ailleurs tout le problème des soi-disant films d'auteurs irregardables de notre époque, il disent ni plus ni moins que ce que de la littérature ou de l'art contemporain pourraient dire : des mots ou des "sensations", même enrobées d'images absconses qui "interrogent" (mais sur quoi ? sur l'homme et le monde ? dans quelle mesure ? vers quelle idée ? pour en dire quoi ?), ça ne fait pas du cinéma, pour moi.
Pour Enemy pas besoin d'être un abruti, il suffit de regarder un peu paresseusement (ça arrive) le film de cette année qui méritait le plus d'être activement creusé, et ton point de vue sur le pourtant fabuleux Prisoners n'a pas aidé.
Car Prisoners, qui n'a rien du questionnement sur la morale auquel on pourrait le réduire, posait déjà les bases de cette (vraie) réflexion abstraite sur l'homme et son évolution au travers des vrais prisonniers du film, le père et le policier, l'un tout à fait civilisé mais forcé de faire appel à la violence, unique solution qui lui apparaît pour sauver sa fille, l'autre d'un naturel nerveux voire explosif, visiblement violent et asocial dans sa jeunesse qui se force au calme et à la réflexion car c'est ce qui l'a lui-même sauvé. Les deux personnages sont prisonniers d'une personnalité, d'une nature profonde qu'ils souhaitent d'autant plus voir changer que son antithèse les fascine, tout à fait comme les deux sosies d'Enemy (en particulier le prof, seul vrai personnage principal du début à la fin), attirés chacun par la vie de l'autre car elle implique une conduite qu'ils ne comprennent pas tout à fait mais qui les attire comme un manque à combler (cf. la scène où le prof se fait passer pour l'acteur auprès du vigile). Dans Prisoners, il faudra pourtant un équilibre entre les deux pour résoudre l'affaire, et si Villeneuve ne juge pas la conduite du père dont les probables conséquences ne sont jamais montrées c'est parce que dans son idée comme chez Fincher la civilisation est ennemie de l'évolution et coupe l'homme des émotions primaires nécessaires à son épanouissement, d'ailleurs dans le film c'est le criminel qui parvient d'abord à ce point d'équilibre et nécessite que les personnages en fassent de même pour être stoppé.
Ainsi dans Enemy le prof est n'est enfin complet qu'au contact de la femme de l'acteur, qui en le voyant différemment lui permet d'être lui-même et autre à la fois, l'amène à exprimer son manque de contact physique, elle incarne sexe et stabilité en harmonie, l'amour et la communication (son écoute surtout est importante, on verra pourquoi) enfin en osmose. On pourrait même imaginer que le personnage de Mélanie Laurent qui ne s'exprime jamais, panique sans raison et fuit toujours sans un mot après l'amour n'est qu'un fantasme incomplet, celui que chassera l'acteur une fois contaminé par la personnalité trop réflexive du prof et qui le mènera à sa perte. C'est une idée de la femme plus qu'une femme, celle d'un homme dont la vision des femmes a été tronquée par deux extrêmes.
Car on peut aussi interpréter le scénario de bien d'autres façons qui complètent cette vision, le prof est le seul vrai personnage du film et l'acteur la réminiscence d'un rêve remisé au placard par la Raison, celui d'être un acteur de troisième zone dixit la mère qui trouvait cette idée stupide. La Mère est l'araignée, celle qui a forgé la personnalité du prof en lui imposant la sienne, dans le club de strip-tease on voit un femme marcher sur une araignée comme si le fait d'assister à ces spectacles de femmes-objets permettait au personnage d'annihiler cette image de la femme associée à la mère castratrice, mais en contrepartie mène à cette relation/fantasme avec une femme dépersonnalisée (Mélanie Laurent) qui ne peut permettre au personnage d'être complet. La mère intrusive laisse un message au personnage qui l'écoute dans sa voiture à la sortir du club de strip mais n'y répond pas. L'araignée qui marche sur la ville ou dans a tête du personnage sur l'affiche est toujours la persistance mentale de cette mère envahissante qui a tissé la toile de son existence et l'y maintient prisonnier (ce thème, encore), de même que cette image finale, incarnation de la peur d'être à nouveau contrôlé par une femme : une fois le personnage casé, sa femme (enceinte, tiens tiens) devient une future Mère en puissance.
Voilà quelques pistes, par facile de repenser à tous les détails mais chaque conversation, chaque association du montage dans ce film est importante (surtout au tout début).
C'est vraiment intéressant. Pour ce que tu dis sur l'interrogation au début, elle peut largement suffire. Se demander ce qu'est un corps, en le scrutant au point de lui faire perdre son évidence, sans proposer une réponse, est tout à fait du cinéma en ce qui me concerne. Je préfère qu'on fasse vaciller des certitudes avec talent, plutôt qu'on m'assène des symboles psychanalytiques un peu grossiers.
Invité Invité
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Sam 13 Sep 2014 - 8:34
C'est justement tout le génie d'Enemy d'user de ce genre de symboles sans les souligner lourdement, au point qu'on peut complètement passer à côté. Il y a de multiples niveaux de lecture et d'interprétation, indépendant d'une vision premier degré de thriller vaguement fantastique, formellement splendide, captivant dans son atmosphère et juste assez "incohérent" pour amener à se demander ce qui se cache derrière.
Se demander ce qu'est un corps pour moi c'est un truc typique de l'art contemporain, et ça ne me parle pas du tout. Ça doit être lié à mon parcours de biologiste.
Azbinebrozer personne âgée
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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mar 16 Sep 2014 - 22:17
RabbitIYH a écrit:
Under the Skin à en juger par son début (j'en ai quand même maté un tiers, en vrai ) et ce qu'en disent pas mal de spectateurs de mon entourage, n'a pas l'air d'en dire long pourtant. L'homme est mauvais mais fascinant de paradoxes ? La belle affaire. Dans la chronique tu dis beaucoup que le cinéaste "interroge" (cliché du cinéma autoproclamé d'auteur ?) mais jamais qu'il répond, il semble donc bien que le film ne dise pas grand chose, au fond. C'est d'ailleurs tout le problème des soi-disant films d'auteurs irregardables de notre époque, il disent ni plus ni moins que ce que de la littérature ou de l'art contemporain pourraient dire : des mots ou des "sensations", même enrobées d'images absconses qui "interrogent" (mais sur quoi ? sur l'homme et le monde ? dans quelle mesure ? vers quelle idée ? pour en dire quoi ?), ça ne fait pas du cinéma, pour moi.
Les gars, je ne vois pas Under the skin nous disant que l'homme ou les envahisseurs soient "mauvais". Il n'y a probablement pas de problème de bien ou de mal, mais peut-être simplement une question de programmation, de heurts, de conflits de programmation. Un questionnement oui quasiment de biologiste Rabbit (appliqué ici à une humanité globale...) et de rupture d'identité, extrêmement froid, quasi mutique, très bien servi par sa mise en forme. Le fait que les créatures aient la parole humaine ne nous dit rien de leur appareil émotif. La scène sur la plage Rabbit est une des plus grandes scènes du genre (lequel je sais pas... ). Elle n'a rien à voir avec un clip. Le thème du film est quand même là encore une sorte d'invasion extraterrestre qui procède non pas par le conflit ouvert mais par le jeu d'une confusion de proximité d'espèces : une attirance sexuelle (programmée) d'un côté, et de l'autre juste un leurre.
Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mer 17 Sep 2014 - 6:44
Azbinebrozer a écrit:
RabbitIYH a écrit:
Under the Skin à en juger par son début (j'en ai quand même maté un tiers, en vrai ) et ce qu'en disent pas mal de spectateurs de mon entourage, n'a pas l'air d'en dire long pourtant. L'homme est mauvais mais fascinant de paradoxes ? La belle affaire. Dans la chronique tu dis beaucoup que le cinéaste "interroge" (cliché du cinéma autoproclamé d'auteur ?) mais jamais qu'il répond, il semble donc bien que le film ne dise pas grand chose, au fond. C'est d'ailleurs tout le problème des soi-disant films d'auteurs irregardables de notre époque, il disent ni plus ni moins que ce que de la littérature ou de l'art contemporain pourraient dire : des mots ou des "sensations", même enrobées d'images absconses qui "interrogent" (mais sur quoi ? sur l'homme et le monde ? dans quelle mesure ? vers quelle idée ? pour en dire quoi ?), ça ne fait pas du cinéma, pour moi.
Les gars, je ne vois pas Under the skin nous disant que l'homme ou les envahisseurs soient "mauvais". Il n'y a probablement pas de problème de bien ou de mal, mais peut-être simplement une question de programmation, de heurts, de conflits de programmation. Un questionnement oui quasiment de biologiste Rabbit (appliqué ici à une humanité globale...) et de rupture d'identité, extrêmement froid, quasi mutique, très bien servi par sa mise en forme. Le fait que les créatures aient la parole humaine ne nous dit rien de leur appareil émotif. La scène sur la plage Rabbit est une des plus grandes scènes du genre (lequel je sais pas... ). Elle n'a rien à voir avec un clip. Le thème du film est quand même là encore une sorte d'invasion extraterrestre qui procède non pas par le conflit ouvert mais par le jeu d'une confusion de proximité d'espèces : une attirance sexuelle (programmée) d'un côté, et de l'autre juste un leurre.
Oui !
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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mer 17 Sep 2014 - 16:01
Je ne désespère pas de trouver le courage pour retenter !
Nulladies Cinéman
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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Dim 21 Sep 2014 - 16:58
New York, I Love You but You're Bringing Me Down*
Irrésistible, nous dit-on. Bien sûr. Notre héroïne qui semble sortie tout droit d’une série indé à la « Girls », (package « je parle de mes résidus de culotte, je pète au lit, je me bourre la gueule, mes amis sont gays et laids ») fait dans le stand up : donc, extraits, à la mode Seinfeld, la subtilité en moins. Et dans la vraie vie, en fait, on continue : tout est vannes, on est délire, on est ironiques, on est second degré, quand on baise, quand on perd son job, quand on avorte. On se situe à New York, what else ? Les rejetons illégitimes de Woody Allen (elle est juive) et HBO (mais fauchée) n’ont rien à proposer, si ce n’est leur audace extrême : ils pissent dans la rue, se pètent au visage et chient entre potes. Apatow style ? Que nenni : on est ici dans le versant East Coast, l’humour se veut plus grinçant, plus social, plus générationnel. Moins drôle, quoi. Le film a un mérite, mais on ne le voit pas : il dure 1h25. [Spoils, mais que je vous conseille de lire : ce sera un argument supplémentaire pour éviter d’aller voir le film] Qu’on se rassure, les rails de la convenance ne sont pas loin. Hasard romantique Mlle avorte un jour de St Valentin (tu l’as vu, mon anticonformisme ?), et finit avec un plaid sur les jambes à vilipender les comédies romantiques (tu l’as dans ton … , mon clin d’œil ostentatoire ?) et finit par regarder Gone with the Wind en prenant la main de son Jules qui semblait tout de même bien trop bourge au début. L’actrice joue bien, mais un mauvais film. Tant pis. Pour elle, pour moi. Surtout.
*titre d’une bien chouette chanson de LCD Soundsystem qui aura donné un mérite à ma chronique : aller l’écouter et oubliez ce film.
Esther Yul le grincheux
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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Dim 21 Sep 2014 - 17:03
J'ai laissé Madame décider du programme ciné hier soir. Je ne connaissais pas ce film. Et ce n'est qu'une fois dans la salle que j'ai su que j'étais là pour le nouveau Besson. Et merde... Putain, la purge. Indéfendable de bout en bout. Scénario qui sent le brainstorming écourté, les mêmes sempiternelles plans au ralenti et les mêmes cadrages depuis Nikita. Quant aux invraisemblances, elles se comptent par dizaines. J'en cite une... Comment fait-on pour découper des bonhommes en se foutant du sang plein la tronche, plein les mains, les murs, le sol.... mais garder son costard immaculé? Demandez à Besson, il a la solution. En tout cas, ce film n'est pas taillé pour me réconcilier avec le cinoche clinquant et sans intérêt de Besson.
Nulladies Cinéman
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Avant d’évoquer le singulier aspect formel d’Ana Arabia, il est intéressant de se pencher sur son propos. Le principe est élémentaire : nous suivons une journaliste venue interroger les habitants d’un quartier palestinien de Jaffa, en banlieue de Tel-Aviv, probablement destiné à la destruction. D’un témoin à l’autre, d’une confession à la suivante se construit un archipel de souvenirs, sur les illusions passées d’une possible cohabitation, notamment dans les couples judéo-arabes. La jeune femme écoute, suit, recueille, et offre ainsi au spectateur les paroles dernières d’oubliés de l’Histoire, modestes, blessés, mais fiers et debout.
Ana Arabia est donc particulièrement documentaire, très écrit, linéaire, sans autre intrigue que celle de la restitution par la parole : la question se pose donc de savoir ce qui le différencierait d’une pièce de théâtre, voire d’un reportage journalistique.
Plan séquence unique de 85 minutes, le film prend donc le parti d’un formalisme élaboré qui ne se perd pas dans la vanité d’une prouesse technique. (Le film fut tourné en 10 prises, la dernière fut la bonne). Lentement, la caméra suit la journaliste qui va entreprendre un long parcours dans un dédale de placettes, de maisons, de cours et de jardins, chaque lieu étant l’objet d’une pause et un tableau dans lequel se loge un ou plusieurs personnages qui prendront la parole. Alternance entre la marche et la pose, la cinématographie du film se constitue dans son absence de montage, et l’exploration d’un espace dont les façades décrépites et les dalles polies sont aussi loquaces que ses habitants.
Pari risqué qui n’évite pas toujours un statisme assez âpre, Ana Arabia tient ses promesses dans son désir de faire parler l’intime et faire éclore des histoires dans le giron anonyme d’un faubourg dénué de tout romanesque.
Nulladies Cinéman
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A l’heure où la sortie en vidéo de Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu permet aux résistant de dégainer les bazookas sur l’état rance de la comédie française, Les Combattants semble se poser comme une alternative honnête. Soit un scénario plutôt original, fondé sur des personnages bien trempés, offrant des situations à la fois crédibles et barrées. Adèle Haenel, qu’on voit émerger depuis L’Apollonide et Suzanne, se voit offrir un rôle à sa mesure. Intense, dure, elle incarne avec conviction ce parcours d’une jeune fille qui, préparée à la fin du monde, va progressivement accepter l’idée d’un commencement. Face à elle, son comparse s’en sort avec les honneurs, parvenant à exister à son ombre, et à la guider malgré elle vers des lendemains meilleurs. Sur son registre comique, Les Combattants est efficace : que ce soit dans les portraits de la bande de potes un peu désœuvrés du début, de la découverte de la martienne qu’est Madeleine, ou surtout de leurs débuts à l’armée. Sans jamais s’enliser dans une charge trop lourde contre le système, Thomas Cailley parvient à croquer les radicalismes de la protagonistes tout comme la mauvaise foi des instructeurs, notamment dans l’exercice de la grenade, particulièrement drôle. Face à eux, Arnaud tente le double jeu impossible de l’insertion : au corps de l’armée, à celui de Madeleine. Si cette position instable de follower insipide fait un temps son charme, la nécessaire évolution du scénario n’est pas forcément la mieux trouvée. Alors qu’il pétillait dans la peinture d’un quotidien attendrissant, les éléments perturbateurs (la fuite, le renard, l’incendie) semblent procéder par paliers de surenchère alors que, paradoxalement, l’intensité des débuts s’estompe. Puisque le film accepte de jouer le suspens et l’absence de retour à la normalité, on se serait peut-être contentés de ces prises de vues décrochées d’une robinsonnade amoureuse, gorgées de soleil et au rythme des flots calmes d’une rivière. L’épreuve du réel n’avait pas réellement besoin de cette fausse piste apocalyptique, sorte de Take Shelter du pauvre (notamment desservie par des effets numériques eux aussi apocalyptiques…) sans grande efficacité, et occasionnant un épilogue qui ne sait pas trop comment retrouver la vigueur des débuts. Il n’empêche. Thomas Cailley est un auteur à suivre, et à la suite de P’tit Quinquin, c’est véritablement un bonheur que de rire devant une production française en 2014.
Azbinebrozer personne âgée
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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Sam 4 Oct 2014 - 9:47
« Saint Laurent » de Bonello. J'avais pas vu le premier biopic « Yves saint Laurent » plus classique sur une période plus ancienne du couturier. J'avais bien aimé « L'appollonide » de Bonello, univers clos qui se poursuit un peu ici. Toujours une approche assez sensorielle, Bonello signe d'ailleurs une partie de la BO, pour ponctuer les années 70 synthétiques. La mise en scène propose des choses mais je me suis bien ennuyé : 2 h 40...
D'une part le scénario apporte parcimonieusement du nouveau, d'autre part j'ai un gros, gros problème avec la vie des artistes : j'en ai strictement rien à carrer ! Le film Liberace m'avait au moins fait marrer. Saint Laurent a libéré la femme, dit très, très rapidement le film. A la sortie, la mienne me dit que sa mère n'avait pas le droit d'aller travailler en pantalon dans les années 60, qu'elle était un peu obligée de porter les mini-jupes de l'époque ! Et on devrait remercier Saint Laurent ? Résultat aujourd’hui les hommes sont les esclaves : essayer d'arriver en bermuda au travail sans prendre une remarque de la patronne qui a le droit de vous aguicher ou pas avec ses jambes à l'air !
Nulladies Cinéman
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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Sam 4 Oct 2014 - 10:00
J'y vais probablement la semaine prochaine... Mais c'est vrai que connaissant Bonello, les risques de s'ennuyer sont assez grand sur une telle durée.
Goupi Tonkin la séquence du spectateur
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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Sam 4 Oct 2014 - 10:50
Citation :
A la sortie, la mienne me dit que sa mère n'avait pas le droit d'aller travailler en pantalon dans les années 60, qu'elle était un peu obligée de porter les mini-jupes de l'époque ! Et on devrait remercier Saint Laurent ? Wink Résultat aujourd’hui les hommes sont les esclaves : essayer d'arriver en bermuda au travail sans prendre une remarque de la patronne qui a le droit de vous aguicher ou pas avec ses jambes à l'air !