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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Dim 22 Nov 2015 - 7:30
The milk oh human madness.
Face à un monument littéraire, plusieurs choix s’offre à l’adaptateur : l’audace et la liberté, garante d’une affirmation singulière s’inscrivant sur les traces du glorieux ancêtre, à la manière de Kurosawa et son splendide Château de l’araignée ; le respect et l’hommage, serment d’allégeance visant à illustrer le matériau originel. Justin Kurzel s’inscrirait plutôt dans cette deuxième catégorie. De Macbeth, il garde presque tout, de la lande Ecossaise à la langue de Shakespeare, de l’époque et des costumes. De ce point de vue, le film est une adaptation comme il a pu y en avoir des dizaines, mais c’est finalement la plus grande prise de risque possible. Débarrassé des oripeaux d’une libre relecture, le cinéaste se confronte au texte et livre une copie presque impeccable. On peut néanmoins craindre dans un premier temps que le fond ne soit desservi par une forme assez outrancier. Les incursions sur les terres de l’épique font l’objet d’une mise en scène un peu discutable, à grands renforts de ralentis, de brume colorée et de fracas des armes qui peinent à convaincre, instaurant un équilibre instable avec la sobriété à venir. Car c’est bien là que se joue l’essentiel du film : dans cette dépendance à sa dramaturgie et à sa dimension éminemment littéraire, le cinéaste contraint les comédiens à des monologues, à une diction travaillée et une prééminence du verbal qui influe considérablement sur la mise en scène ou sur leur jeu. Et dans ce choix radical réside toute la réussite du projet. Fassbender et Cotillard mettent toute leur énergie au service d’une folie rentrée, chuchotant presque la totalité de leur texte au lieu de le déclamer, autre audace permise par le cinéma, et en adéquation avec une musique lancinante et anxiogène. La photographie, superbe, permet comme rarement de donner à voir la froideur des châteaux, le règne d’une pierre glaciale dans laquelle les époux diluent leurs derniers soubresauts d’humanité. C’est bien d’une alchimie qu’il s’agit : face à la puissance de la langue (qui nous fait retrouver avec émotion toutes ces expression passées à la postérité, comme, entre autre, « Sound & Fury » ou The Milk of Human Kindness »), la dévotion des comédiens, l’ample désolation des paysages et la propagation du mal dans la mise en scène. En guise d’apogée, la scène de banquet occasionne un découpage fantastique, une alternance entre les individus et la cour, le protocole et la folie, les ordres royaux et le désordre intime gérés d’une main de maître. Si l’épique initial revient pour le combat final, il semble davantage justifié dans la mesure où c’est désormais une victoire presque surnaturelle du tragique qui occasionne cette venue, par l’incendie, de la forêt au château dans une brume incandescente. Kurzel conserve nettement l’ambition de faire un film de cinéma, et ne se prive pas de poursuites en forêt, d’une violence très graphique et d’un duel final qui a tendance à tirer un peu en longueur. Il n’en demeure pas moins que le pari est gagné : la puissance shakespearienne exsude de toute part, dans ce ballet noir de violence, de pouvoir et d’aliénation ; et cette exploration de la puissance à laquelle les hommes accèdent lorsqu’ils laissent l’hybris s’emparer d’eux est à la mesure de l’universalité de la pièce.
Nulladies Cinéman
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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Jeu 26 Nov 2015 - 6:41
Société profasciste des animaux.
The Lobster fait partie de ces films qui font les frissons de l’annonce de la sélection, quelques mois avant le festival de Cannes : un pitch singulier, un casting de rêve prêt à se compromettre, et la machine à fantasme est lancée. De fait, toute la force du projet réside bien dans son exposition : découvrir avec le personnage les mécanismes de cette dystopie dans laquelle le célibat est un crime, et l’amour réduit à une compatibilité physique, le plus souvent une tare (myopie, saignement de nez, infirmité…). Yorgos Lanthimos a toute les cartes en main, et sait les distribuer avec une avarice efficace : la passivité mécanique de Colin Farrel, le glacis d’une photo froide sur un hôtel carcéral participent à la mise en place d’un effroi non dénué d’humour noir. Alors que le protagoniste a 45 jours pour trouver l’amour, on assiste aux diverses stratégies de ses compagnons d’infortune pour échapper à la solution finale, celle d’être transformé en animal. Idée saugrenue et poétique, finalement assez peu exploitée, si ce n’est dans le défilé exotique qui peuplera la forêt de la deuxième partie, et dans la compagnie du chien, qui fut un jour le frère du personnage principal. Le récit atteint son sommet dans la tentative de construire un couple avec une femme dénuée de tout sentiment. David imagine que feindre l’indifférence sera plus facile que cacher des sentiments qu’il a réellement. Se construit alors une relation glaçante, petite fable à l’intérieur de la grande, où le couple est un univers proprement concentrationnaire, et le personnage contraint à choisir entre une norme inhumaine et une révolte inconfortable. Le film aurait clairement dû s’arrêter là, mais nous n’en sommes malheureusement qu’à la moitié. En passant du côté des Solitaires, David réapprend un nouveau code, en miroir du précédent : ici, on tranche les lèvres de ceux qui s’embrassent, et on va semer la discorde chez les couples formés par le programme fascisant. La démonstration est plus qu’appuyée, et notre héros, un peu veule et ne cherchant qu’à survire, s’y soumet avec la même passivité qu’auparavant. Léa Seydoux, regard dur en chef de rebelles sous bâche plastique, est aussi peu convaincante qu’elle l’était en vamp dans Spectre, et on se serait volontiers passé de sa présence. Beaucoup trop longue, la deuxième partie du film s’enlise, ennuie fermement et tente laborieusement de grossir les noirs traits de la morbidité. On aurait sans doute mieux accepté cette absence assumée de message si le film n’avait été si démonstratif sur sa deuxième moitié. L’absurdité, oui, la satire d’une société qui nous promet, voire nous force au bonheur, certes. Mais en inventant de nouvelles règles encore plus arbitraires, le réalisateur semble s’enfermer dans un autre totalitarisme, celui de sa propre écriture : à trop vouloir accabler ses personnages, il ne laisse plus grand-chose émerger. La gratuité de sa cruauté l’emporte sur le fond, et accouche d’une fable noire finalement assez prétentieuse.
Nulladies Cinéman
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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Lun 30 Nov 2015 - 6:58
Hors-champ en emporte le sens.
On a beau y avoir été préparé, le choix esthétique si singulier du Fils de Saul est une véritable claque dans ses deux premiers plans-séquences. Leur virtuosité, d’abord, par ce déplacement collé à un personnage qu’on ne lâchera plus, et la distribution intelligente de l’espace qui l’entoure, permettant une scénographie limpide, au service d’une narration, voire d’une démonstration qui tente de ne pas dire son nom. La bande-son, le jeu des couleurs et le flou exacerbé du second plan effarent d’autant plus qu’ils donnent à l’indicible une place centrale, mais filtrée par celui qui l’accompagne, s’étant accommodé à l’idée que sa vie n’est plus qu’un cauchemar aux contours flous. Le film n’abandonnera plus ce parti-pris, asphyxiant volontairement le spectateur dans un format 1,37:1, le forçant, comme le forçat, à ces déambulations labyrinthiques, boule de flipper renvoyée d’un camp à l’autre, entre l’efficacité de l’industrie de la mort, les tentatives fragiles d’une mutinerie et sa propre quête, celle d’offrir une sépulture à un enfant qui pourrait être le sien. A chaque virage, Saul est alpagué, rivé à une tâche, qui l’interrompt dans son entreprise secrète, et permet simultanément de décliner l’infini de l’horreur, de l’accueil des convois à la cendre qu’on disperse, en passant par les fours, les fosses communes, les charniers et les exécutions sommaires. Autour de lui, la fureur est partout, et cette frénésie, certes en second plan, rappelle, surtout pour sa bande-son, la violence de Requiem pour un massacre : pas question d’amenuiser ou d’éluder. Alors que cette apogée permanente dans l’horreur semble nier la possibilité à un récit de se construire, les sonderkommando étant eux-mêmes destinés à être exécutés, László Nemes propose une habile parade : face à l’univers concentrationnaire, il s’agit de se délester de tout titre pour redevenir un homme. Saul se débarrasse de sa vitale veste marquée d’une croix rouge pour sauver le rabbin. Cet enfant, cette femme qu’il va retrouver contre son gré, ce rabbin qui n’en est pas un : tous perdent leur fonction, leur identité, pour ne devenir que des allégories d’une humanité qui devrait fermer les yeux pour s’extraire de l’inhumain qui l’entoure. Et l’un des compagnons d’infortune de Saul de prendre à bras le corps cette fonction de détenteurs de secret qu’on leur assigne, eux qui sont employés à effacer les traces, par ce geste qui mime en abyme toute l’entreprise du cinéaste : prendre un photo, et témoigner.
C’est bien dans ce choix, parfaitement réfléchi et tout à l’honneur de Nemes, que réside la force et les limites de son œuvre. Il semble incongru de se placer en habituel spectateur face à un tel sujet, comme il l’était de critiquer les choix formels de Pahani dans Taxi Téhéran : une certaine gêne s’installe, à pouvoir, de notre fauteuil, ergoter sur tel ou tel effet au service de notre souveraine émotion. Pourtant, c’est elle qui finit par avoir le dernier mot. Film virtuose, issu d’une idée brillante, Le Fils de Saul est l’œuvre parfaite pour école de cinéma, un exemple à garder pour une dissertation sur le point de vue, le second plan, la bande-son, l’adéquation entre forme et fond. Tout est pensé, tout est écrit au cordeau, et le film ne cesse de déployer sa lumineuse idée ; au point qu’on finit par ne voir qu’elle, au détriment d’une immersion totale. La frénésie constante empêche l’identification des personnages secondaires, et la trajectoire, certes convaincue du personnage, si elle passe par la déshumanisation, fait aussi de lui et de cet enfant des allégories, voire des instruments visuels, auxquelles on peine à s’attacher. Plus embarrassant, l’écriture n’est pas dénuée d’effets de manche pour capter l’émotion du spectateur, de cette structure en thriller où les événements se précipitent (le nombre de convois obligeant à des exécutions par balles, l’organisation des attentats et les 70 noms des sonderkomando à exécuter à fournir pour le lendemain, la fuite lestée du corps de l’enfant dans l’eau…), ajoutant à l’étouffant cadre un emballement exténuant. Quant à cette parade permettant d’approche l’horreur absolue sans la montrer totalement, ne nous y trompons pas : flouter n’est pas censurer, et l’œil n’aura de cesse de vouloir percer ce second plan pour y voir ce qui est suggéré, voire souligné, par une photographie qui isole les chairs claires des corps innombrables, ou une bande son qui accentue les pleurs d’enfants et le bruit sourd des coups de poings ou de feu. Le procédé est clairement à double tranchant, et semble plus appartenir à la rhétorique qu’issu d’une véritable pudeur humaniste. Nemes a relevé ce défi du film sur l’irreprésentable, et l’a fait avec des moyens qui soulignent son statut non usurpé de premier de la classe. La démonstration est imparable, et restera probablement dans les annales. Reste à se poser la question du résultat sur le spectateur, qui oscille entre reconnaissance formelle et embarras émotionnel, se demandant si ce personnage, vecteur visuel et chorégraphique, est une figure de style… ou si c’est un homme.
Azbinebrozer personne âgée
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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Lun 30 Nov 2015 - 20:46
Nulladies a écrit:
Hors-champ en emporte le sens.
On a beau y avoir été préparé, le choix esthétique si singulier du Fils de Saul est une véritable claque dans ses deux premiers plans-séquences. Leur virtuosité, d’abord, par ce déplacement collé à un personnage qu’on ne lâchera plus, et la distribution intelligente de l’espace qui l’entoure, permettant une scénographie limpide, au service d’une narration, voire d’une démonstration qui tente de ne pas dire son nom. La bande-son, le jeu des couleurs et le flou exacerbé du second plan effarent d’autant plus qu’ils donnent à l’indicible une place centrale, mais filtrée par celui qui l’accompagne, s’étant accommodé à l’idée que sa vie n’est plus qu’un cauchemar aux contours flous. Le film n’abandonnera plus ce parti-pris, asphyxiant volontairement le spectateur dans un format 1,37:1, le forçant, comme le forçat, à ces déambulations labyrinthiques, boule de flipper renvoyée d’un camp à l’autre, entre l’efficacité de l’industrie de la mort, les tentatives fragiles d’une mutinerie et sa propre quête, celle d’offrir une sépulture à un enfant qui pourrait être le sien. A chaque virage, Saul est alpagué, rivé à une tâche, qui l’interrompt dans son entreprise secrète, et permet simultanément de décliner l’infini de l’horreur, de l’accueil des convois à la cendre qu’on disperse, en passant par les fours, les fosses communes, les charniers et les exécutions sommaires. Autour de lui, la fureur est partout, et cette frénésie, certes en second plan, rappelle, surtout pour sa bande-son, la violence de Requiem pour un massacre : pas question d’amenuiser ou d’éluder. Alors que cette apogée permanente dans l’horreur semble nier la possibilité à un récit de se construire, les sonderkommando étant eux-mêmes destinés à être exécutés, László Nemes propose une habile parade : face à l’univers concentrationnaire, il s’agit de se délester de tout titre pour redevenir un homme. Saul se débarrasse de sa vitale veste marquée d’une croix rouge pour sauver le rabbin. Cet enfant, cette femme qu’il va retrouver contre son gré, ce rabbin qui n’en est pas un : tous perdent leur fonction, leur identité, pour ne devenir que des allégories d’une humanité qui devrait fermer les yeux pour s’extraire de l’inhumain qui l’entoure. Et l’un des compagnons d’infortune de Saul de prendre à bras le corps cette fonction de détenteurs de secret qu’on leur assigne, eux qui sont employés à effacer les traces, par ce geste qui mime en abyme toute l’entreprise du cinéaste : prendre un photo, et témoigner.
C’est bien dans ce choix, parfaitement réfléchi et tout à l’honneur de Nemes, que réside la force et les limites de son œuvre. Il semble incongru de se placer en habituel spectateur face à un tel sujet, comme il l’était de critiquer les choix formels de Pahani dans Taxi Téhéran : une certaine gêne s’installe, à pouvoir, de notre fauteuil, ergoter sur tel ou tel effet au service de notre souveraine émotion. Pourtant, c’est elle qui finit par avoir le dernier mot. Film virtuose, issu d’une idée brillante, Le Fils de Saul est l’œuvre parfaite pour école de cinéma, un exemple à garder pour une dissertation sur le point de vue, le second plan, la bande-son, l’adéquation entre forme et fond. Tout est pensé, tout est écrit au cordeau, et le film ne cesse de déployer sa lumineuse idée ; au point qu’on finit par ne voir qu’elle, au détriment d’une immersion totale. La frénésie constante empêche l’identification des personnages secondaires, et la trajectoire, certes convaincue du personnage, si elle passe par la déshumanisation, fait aussi de lui et de cet enfant des allégories, voire des instruments visuels, auxquelles on peine à s’attacher. Plus embarrassant, l’écriture n’est pas dénuée d’effets de manche pour capter l’émotion du spectateur, de cette structure en thriller où les événements se précipitent (le nombre de convois obligeant à des exécutions par balles, l’organisation des attentats et les 70 noms des sonderkomando à exécuter à fournir pour le lendemain, la fuite lestée du corps de l’enfant dans l’eau…), ajoutant à l’étouffant cadre un emballement exténuant. Quant à cette parade permettant d’approche l’horreur absolue sans la montrer totalement, ne nous y trompons pas : flouter n’est pas censurer, et l’œil n’aura de cesse de vouloir percer ce second plan pour y voir ce qui est suggéré, voire souligné, par une photographie qui isole les chairs claires des corps innombrables, ou une bande son qui accentue les pleurs d’enfants et le bruit sourd des coups de poings ou de feu. Le procédé est clairement à double tranchant, et semble plus appartenir à la rhétorique qu’issu d’une véritable pudeur humaniste. Nemes a relevé ce défi du film sur l’irreprésentable, et l’a fait avec des moyens qui soulignent son statut non usurpé de premier de la classe. La démonstration est imparable, et restera probablement dans les annales. Reste à se poser la question du résultat sur le spectateur, qui oscille entre reconnaissance formelle et embarras émotionnel, se demandant si ce personnage, vecteur visuel et chorégraphique, est une figure de style… ou si c’est un homme.
Je l'ai vu il y a 3 semaines... et j'ai été incapable d'en parler... Merci pour ta chronique donc Nulla. N'improvisez pas avec n'importe qui pour aller voir ce film. Même pour des ados en lycée ça parait inenvisageable...
...:
L'allégorie tourne beaucoup autour de la question de cette une sépulture, question morale totalement absurde et finalement en partie "inhumaine", c'en est honteux, dangereuse pour tous. Il y a quand même cette force simple du récit alliée à la question de savoir si cet enfant est le sien. Question on perçoit peu à peu le manque de grandeur. L'allégorie est simple et a quand même de l'efficacité. Perso, la gène éprouvée durant tout le film peu à peu m'a laissé dans un état affreux !...
Lorsqu’un cinéaste s’attaque à l’éternel silence des espaces infinis qui effrayait déjà Pascal, il tombe sous le poids d’une gravité insoutenable, celle du 2001 de Kubrick. On en a déjà beaucoup parlé fin 2013 avec Gravity, puis fin 2014 Interstellar. Fin 2015, donc, Ridley Scott embarque pour l’espace, et l’on se surprend agréablement à ne pas mentionner l’encombrant ancêtre, malgré les belles stations spatiales, les intérieurs laiteux aux courbes harmonieuses et le ballet des corps en apesanteur. Pour une raison essentielle et qui fait toute la réussite de ce film : il ne s’agit pas ici de faire du décor le motif à un questionnement dans lequel on révélerait ses limites. Point de symbolique pesante (la naissance fœtale et la mort dans Gravity), point de philosophie gloubi-boulgesque (le destin, le temps et l’amour dans Interstellar), mais un film d’aventure, une réjouissante robinsonnade qui aurait mis de côté la complexe philosophie du solipsisme qu’avait par exemple ajoutée Tournier dans ses Limbes du Pacifique.
Et Scott d’ajouter, avec son équipe, ces ingrédients d’une simplicité si confondante qu’on en avait oublié l’existence : des choses en MOINS. Pas de méchant, pas d’histoire d’amour, presque pas de famille. De ce point de vue, la bande-annonce était sacrément trompeuse, et pour une fois dans le mauvais sens : le montage (à 2’31 dans cette version) laisse entendre une famille restée sur terre, alors qu’idée de génie, il n’en est rien. Notre botaniste peut se consacrer à l’essentiel, survivre, et comme c’est un américain et qu’on a pour une fois bien envie de le suivre, avec la décontraction et le sens de la classe inhérente à sa race lorsqu’elle est brossée par Hollywood.
Cet humour, voire ce dilettantisme, pourraient être des motifs d’irritation. Il n’en est justement rien. Parce que cette forme est au service d’un fond bien excitant : la suite de résolution de problèmes, sous le coup d’une vulgarisation scientifique à l’enthousiasme tout à fait communicatif. Bien entendu, les traits sont gros et les solutions improbables par moments, mais le plaisir l’emporte. Le montage parallèle entre la Terre et Mars pour montrer la collectivité au service de solutions, voire ce vœu utopiste de voir se joindre la Chine à ce sauvetage interplanétaire contribuent à une atmosphère presque inédite à laquelle on a envie d’adhérer.
Car cet élan motivé se retranscrit aussi dans la mise en scène, qui parvient à doser savamment les trois pôles Mars/Terre/Espace, nous rassasiant d’images en apesanteur pour mieux nous confronter à une atmosphère à suivre. Et si le primat est accordé à un Matt Damon esseulé, le recours aux caméras embarquées et au journal de bord dynamisent de façon pédagogique et ludique son parcours.
Certes, nous aurons droit à des américains qui applaudissent dans leur salle de contrôle tous les quarts d’heure, d’un sens de la solidarité et de l’économie qui laissent dubitatifs, et d’un recours à une bande son disco qui laisse penser qu’on voudrait retrouver la formule gagnante des Gardiens de la Galaxie.
Mais on fera avec. Seul sur Mars est une excellente surprise, le clin d’œil d’un vieux briscard qui s’est plus d’une fois embourbé dans ses propres grosses machines, et retrouve avec malice la fibre qui manque tant au cinéma des dernières décennies : faire de nous des enfants.
Merci de m'avoir motivé à le voir
Bravo encore Nulla pour cette chronique. « des choses en MOINS », « Pas de méchant, pas d’histoire d’amour, presque pas de famille. » Oui bien vu ! Ca permet de rester tendu autour de la solitude et de renvoyer la dynamique qui unit à autre chose que la cellule familiale. J'y reviens.
« point de philosophie gloubi-boulgesque » pas de métaphysique dit aussi Zwaff. Oui il y avait Prometheus qui se risquait sur ce terrain-là mais pour le démolir ! Mais il y avait par contre un point de vue philosophique. Idem, j'y reviens. Cette philosophie semble effectivement tourner autour de ce que tu pointes : « survivre ». « Une atmosphère presque inédite à laquelle on a envie d’adhérer ». Content que ça t'ai plu !
Blablabl'Az...:
Oui dans une période très pessimiste, ce film surprend comme le retour, partiel, aux mythologies et espérances d'un âge d'or ?
Ridley Scott a toujours fuit les grandes idées, la philosophie, jusqu'à en faire sa philosophie. Rien de bien nouveau, il s'inscrivait dans la lignée d'une philosophie anglo-saxonne libérale, pessimiste sur la nature humaine, se défiant de fait de toute entreprise politique, se réfugiant alors dans un individualisme pessimiste, privilégiant l'empirisme à toute approche métaphysique. Avec Ridley j'ai toujours eu l'impression que tout idéal collectif, toute action collective ne soit qu'un leurre, un piège... Quel film de lui pouvait infirmer ce tableau ?
Avec Prometheus, Scott avait le mérite de boucler son parcours, revenir sur Alien et pour la première fois tenter de prendre au sérieux une question métaphysique : d'où venons-nous ? Point de vue tardif et surprenant. Celui d'un auteur jamais réconcilié avec son pessimisme, le silence de dieu, au point de si peu faire parler, aborde cette fois la question de façon explicite ! Le film s'achève dans un pessimisme intégral, finalement prévisible. Mais on pouvait être ému de voir Ridley avoir osé la question. Puis surprise, le Scott abordait avec Exodus un sujet pouvant porter sur des questions religieuses et métaphysiques majeures. Ok chez Hollywood. Pas vu, j'en parle pas.
« Seul sur mars » étonne donc. On a bien une entrée et un thème qui reste individualiste : comment survivre seul si loin des autres ? Mais la réponse collective, politique apportée surprend chez Scott. A-t-il vraiment eu le choix de faire l'adaptation de ce roman ? Le traitement de Scott égratigne le collectif et le politique dans la première partie. Mais surprise plus le film avance, plus le collectif trouve de crédit. Bien sûr la philosophie qui anime le tout est toujours celle de la lutte individuelle pour la survie. Il y a une conjonction entre les thèmes habituels de Scott et celui nouveau d'un salut politique mondial même... En outre cette lutte pour la survie anime une ode à la science, à la technologie, à la curiosité humaine et à l'échange collectif ! Tous apportant leur pierre. Le film offre un suspens mais dans un climat du coup pas si anxiogène que ceux actuels. Chaque tentative est une façon d'essayer de se surpasser, déjà quelque part une petite victoire même en cas d'échec ! « Faire de nous des enfants », oui avec cette éternelle appétence.
On est donc surpris et un peu heureux de l'abandon du point de vue pessimiste de Scott, reprenant probablement celui du roman. Optimisme serait un grand mot. Un autre peut-être convient, peu courant : « méliorisme » : nous sommes condamnés à toujours améliorer. Ridley Scott nous renvoie partiellement à la philosophie des Lumières. Quelque chose a changé toutefois. La science ne rêve plus ici de la recherche du toujours plus, toujours plus loin. Sur Mars, elle éprouve ses limites. Comme dans tant d'autres films actuels, la conquête collective est encore en doute. La science a ses casseroles, saturation du milieu, objet de pouvoir des peuples sur les autres... Après l'échec collectif, la philosophie qui anime le tout est toujours celle de la lutte individuelle pour la survie, à laquelle répond cette fois la solidarité collective. Tel pourrait être l'enjeu du regain d'intérêt pour la curiosité scientifique des jeunes générations. Jusqu'à ce que bientôt nous envoyons des fusées pour sauver des hommes... sur notre planète !...
Chouettes analyses les gars... pour un effectivement très beau film. Lutter contre ses propres limites a toujours été un thème majeur chez Ridley Scott aussi, en cela le film lui est plutôt fidèle. Et effectivement c'est un peu l'anti Gravity, ce que j'ai bien sûr énormément apprécié... pas de lourdeur symbolique, pas de démonstration visuelle et technique, le film est plastiquement superbe, bien plus beau dans sa mise en scène que Gravity à mon sens mais on l'oublierait presque tant l'essentiel est ailleurs, dans les personnages, le scénar à l’ancienne...
Otto Bahnkaltenschnitzel génération grenat (dîne)
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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Jeu 10 Déc 2015 - 9:25
Une vraie merde.
Heureusement, j'ai pas payé. Pour être honnête j'ai même été payé en voyant ce film. Ça console.
Zwaffle un mont de verres
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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Jeu 10 Déc 2015 - 9:41
Otto Bahnkaltenschnitzel a écrit:
Une vraie merde.
Heureusement, j'ai pas payé. Pour être honnête j'ai même été payé en voyant ce film. Ça console.
avais-tu au moins aimé les précédents ? (dans le cas d'une telle saga, soit on aime tout soit on aime aucun des 4 films)
Otto Bahnkaltenschnitzel génération grenat (dîne)
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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Jeu 10 Déc 2015 - 9:54
Zwaffle a écrit:
Otto Bahnkaltenschnitzel a écrit:
Une vraie merde.
Heureusement, j'ai pas payé. Pour être honnête j'ai même été payé en voyant ce film. Ça console.
avais-tu au moins aimé les précédents ? (dans le cas d'une telle saga, soit on aime tout soit on aime aucun des 4 films)
Je ne les ai pas vus. Ce qui explique que j'ai pas compris tout le contexte. Mais pas besoin de contexte pour être ébaubi devant tant de vide.
Invité Invité
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Jeu 10 Déc 2015 - 10:00
Zwaffle a écrit:
dans le cas d'une telle saga, soit on aime tout soit on aime aucun des 4 films
Pas d'accord. Le premier était superbe (merci Gary Ross, auteur du très beau et très sous-estimé Pleasantville), le second juste bon, le troisième très mauvais.
Zwaffle un mont de verres
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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Jeu 10 Déc 2015 - 10:19
Otto Bahnkaltenschnitzel a écrit:
Zwaffle a écrit:
Otto Bahnkaltenschnitzel a écrit:
Une vraie merde.
Heureusement, j'ai pas payé. Pour être honnête j'ai même été payé en voyant ce film. Ça console.
avais-tu au moins aimé les précédents ? (dans le cas d'une telle saga, soit on aime tout soit on aime aucun des 4 films)
Je ne les ai pas vus. Ce qui explique que j'ai pas compris tout le contexte. Mais pas besoin de contexte pour être ébaubi devant tant de vide.
ah ben tu m'étonnes, il te manque 90% du contexte (les fameux "hungers games"), le film a pas grand intérêt si on a pas vu les précédents, tu vois une révolte sans savoir pourquoi et contre quoi ils se révoltent
Otto Bahnkaltenschnitzel génération grenat (dîne)
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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Jeu 10 Déc 2015 - 10:27
Zwaffle a écrit:
Otto Bahnkaltenschnitzel a écrit:
Zwaffle a écrit:
Otto Bahnkaltenschnitzel a écrit:
Une vraie merde.
Heureusement, j'ai pas payé. Pour être honnête j'ai même été payé en voyant ce film. Ça console.
avais-tu au moins aimé les précédents ? (dans le cas d'une telle saga, soit on aime tout soit on aime aucun des 4 films)
Je ne les ai pas vus. Ce qui explique que j'ai pas compris tout le contexte. Mais pas besoin de contexte pour être ébaubi devant tant de vide.
ah ben tu m'étonnes, il te manque 90% du contexte (les fameux "hungers games"), le film a pas grand intérêt si on a pas vu les précédents, tu vois une révolte sans savoir pourquoi et contre quoi ils se révoltent
Mais si mais si, soumission, esclaves, le grand méchant, etc.. Enfin bon, en plus d'être vide c'est mièvre aussi.
Zwaffle un mont de verres
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Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Jeu 10 Déc 2015 - 13:01
Otto Bahnkaltenschnitzel a écrit:
Zwaffle a écrit:
Otto Bahnkaltenschnitzel a écrit:
Zwaffle a écrit:
Otto Bahnkaltenschnitzel a écrit:
Une vraie merde.
Heureusement, j'ai pas payé. Pour être honnête j'ai même été payé en voyant ce film. Ça console.
avais-tu au moins aimé les précédents ? (dans le cas d'une telle saga, soit on aime tout soit on aime aucun des 4 films)
Je ne les ai pas vus. Ce qui explique que j'ai pas compris tout le contexte. Mais pas besoin de contexte pour être ébaubi devant tant de vide.
ah ben tu m'étonnes, il te manque 90% du contexte (les fameux "hungers games"), le film a pas grand intérêt si on a pas vu les précédents, tu vois une révolte sans savoir pourquoi et contre quoi ils se révoltent
Mais si mais si, soumission, esclaves, le grand méchant, etc.. Enfin bon, en plus d'être vide c'est mièvre aussi.
c'est sûr que vu comme ça, ça paraît simpliste, mais le film est là uniquement pour conclure l'histoire développée sur les 3 volets précédents, pas pour être vu indépendemment (d'autant plus qu'il n'adapte que la moitié d'un bouquin)
je pense que ça doit faire la même chose que regarder le dernier Harry Potter sans avoir vu tous les autres
Otto Bahnkaltenschnitzel génération grenat (dîne)
Nombre de messages : 1940 Date d'inscription : 27/08/2014
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Ven 11 Déc 2015 - 9:37
Zwaffle a écrit:
Otto Bahnkaltenschnitzel a écrit:
Zwaffle a écrit:
Otto Bahnkaltenschnitzel a écrit:
Zwaffle a écrit:
Otto Bahnkaltenschnitzel a écrit:
Une vraie merde.
Heureusement, j'ai pas payé. Pour être honnête j'ai même été payé en voyant ce film. Ça console.
avais-tu au moins aimé les précédents ? (dans le cas d'une telle saga, soit on aime tout soit on aime aucun des 4 films)
Je ne les ai pas vus. Ce qui explique que j'ai pas compris tout le contexte. Mais pas besoin de contexte pour être ébaubi devant tant de vide.
ah ben tu m'étonnes, il te manque 90% du contexte (les fameux "hungers games"), le film a pas grand intérêt si on a pas vu les précédents, tu vois une révolte sans savoir pourquoi et contre quoi ils se révoltent
Mais si mais si, soumission, esclaves, le grand méchant, etc.. Enfin bon, en plus d'être vide c'est mièvre aussi.
c'est sûr que vu comme ça, ça paraît simpliste, mais le film est là uniquement pour conclure l'histoire développée sur les 3 volets précédents, pas pour être vu indépendemment (d'autant plus qu'il n'adapte que la moitié d'un bouquin)
je pense que ça doit faire la même chose que regarder le dernier Harry Potter sans avoir vu tous les autres
Mais bon sang, pas besoin de connaitre l'histoire pour apprécier le style, la direction d'acteurs, l'esthétique, le rythme, les dialogues... L'histoire est peut-être foutrement géniale mais c'est foutrement mal torché.
bro' caquer, c'est si bon
Nombre de messages : 8585 Date d'inscription : 04/12/2008 Age : 46 Humeur : badine
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Ven 11 Déc 2015 - 13:38
"l'épisode 4 est vraiment à chier ! bon ok, j'ai pas vu les 3 précédents". LOL
Otto Bahnkaltenschnitzel génération grenat (dîne)
Nombre de messages : 1940 Date d'inscription : 27/08/2014
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mer 16 Déc 2015 - 10:29
Yndislegt!!
Bravo l'affiche qui passe complètement à côté de l'esprit du film.
Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mer 16 Déc 2015 - 21:30
Vintage daydream
Ratio nostalgie
Reconnaissons-le : il n’est point nécessaire d’être un fanboy de l’univers de Star Warspour se prendre au jeu qui, depuis presque deux ans, agite la planète ciné. Fébrilité planétaire, teasers plus qu’émoustillants, un réalisateur bien malin aux commandes : le moins qu’on puisse dire, c’est que la phase préliminaire de cette relance fut un succès. Le défi était de taille : il s’agissait de trouver ce juste milieu permettant de gommer les erreurs de la trilogie seconde, pourtant du démiurge Lucas, entièrement dominée par les technologies trop nouvelles et une naïveté confondante, inféodée à la domination du jeu vidéo et au récit fondateur duquel elle se voulait le prologue. Lucas était prisonnier, et l’est d’ailleurs toujours, qu’on constate ses retouches numériques permanentes aux rééditions de son écrasante progéniture. J.J. Abrams était le choix parfait, le gendre idéal du genre : un enfant de la saga, un héritier digne, un geek plein de gratitude pour la génération précédente, trouvant l’équilibre entre la tradition (Super 8, Star Trek) et la modernité (Lost, Cloverfield). En situant la suite 30 ans après les faits, précédents, c’est bien du temps réel qu’on traite : les comédiens originels auront vieilli, et avec eux leurs premiers fans. La nouvelle génération découvrira non pas les racines du mal (comme dans la prélogie de Lucas), mais les conséquences d’une épopée fondatrice, malicieusement et solennellement annoncé dès la bande annonce par un Han Solo annonçant que « tout est vrai », porte-parole d’une génération d’initié ravie de réactiver le mythe.
Les raisons du plaisir
Le réveil de la force n’arrive pas seulement après 6 opus, mais dans un contexte où le blockbuster fait la loi. Il lui faut redonner ses lettres de noblesse à un univers et se distinguer, si possible, de tout ce qui gangrène la production hollywoodienne, moribonde en terme d’inspiration SF, à l’exception notable du sémillant Gardiens de la Galaxie il y a quelques années. Mais là où le Marvel se distinguait par l’humour et la dérision décomplexée, Le Réveil de la Force prend à bras le corps les thématiques qui ont fait sa trilogie originelle : celles, avant tout, d’une tragédie familiale. C’est bien là l’une des réussites majeures de cet épisode que de resserrer les liens, dans tous les sens du terme : les destins sont ceux d’individus, et non des palabres politiques qui empesaient considérablement les épisodes I à III. Abrams sait ce qu’il fait, et sur quel terrain il s’engage : ce n’est pas pour rien que sa protagoniste se trouve être une pilleuse d’épaves : c’est non seulement l’occasion de splendides prises de vues sur les vaisseaux de l’empire ensablés, mais aussi une mise en abyme de la place du réalisateur lui-même face au monument. Jouant des allées et venues entre les deux générations, le récit est habile à plus d’un titre : il renouvelle comme il cite à tour de bras, jusqu’à la caricature assumée, d’un droïde détenteur d’une donnée essentielle à une nouvelle étoile noire, plus grosse et solaire ; mais c’est pour mieux solder les comptes, lors d’une séquence qui se révélera LE spoil du film, et qui fonctionne comme un chiasme mythologique sur la passerelle fondatrice de la filiation tragique, vers une nouvelle phrase séminale : "Je ne suis pas ton fils".
Le sabre des origines est passé comme un relai, et les bases de la nouvelle trilogie sont posées avec un soin méticuleux, qui sait émouvoir autant qu’il ravit les nostalgiques.
Rock around the blockbuster
Que dire enfin du film épique de SF attendu ? Qu’il réjouira presque toutes les attentes. A une ou deux séquences près (la libération des poulpes cyclopes, assez laide, et un très petit ventre mou après l’entrée en scène de Solo), la vigueur est bien présente. Abrams film au ras du sol, virevolte dans les airs, cite le space opéra des origines et lui donne la fluidité requise, sans tomber dans la modernité à outrance qui rendait si laide la seconde trilogie. Certes, la CGI est bien présente, mais on se prend à déceler du latex tendrement 80’s dans la riche galerie des créatures, et l’aspect usé des vaisseaux, la rouille et la poussière renvoient à cette nouvelle tendance fortement bienfaitrice qu’a initié Mad Max Fury Road (et avec qui il partage aussi cette salutaire mise en avant de la femme) : celle d’une retour possible d’un certain grain, d’une authenticité presque naïve et touchante. Le retour de la nature (particulièrement diversifiée, du désert à la neige, de la forêt pour un très beau combat nocturne à l’océan final) en est l’un des beaux signes visuels. Le pari est donc emporté, et haut la main. L’épisode VII renvoie à sa juste place les trois premiers, de la même façon que la Renaissance ignora le Moyen Age pour s’abreuver aux sources de l’Antiquité. Un sursaut de vigueur qui trouve dans le passé vintage une puissance agréable, et dans tous les sens du terme, , un réveil de la force.
Otto Bahnkaltenschnitzel génération grenat (dîne)
Nombre de messages : 1940 Date d'inscription : 27/08/2014
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Jeu 17 Déc 2015 - 14:05
Vu aussi.
D'abord on se dit : "ouais, ouais, c'est beau mais tout est recyclé, c'est la même soupe dans un tupperware tout neuf. Sont gonflés les mecs, les mêmes thèmes, les mêmes scènes, tout pareil photocopie couleur 3D.."
Et puis, bon, au final faut bien dire qu'on se fait emporter, la faute au rythme, aux belles images, à la petite pointe d'humour, aux retour des anciens combattants (même si carrie fischer joue comme une brique) et puis ce putain de Wookie, je l'aime trop.
Bravo les mecs. J'irai voir la suite.
Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mar 22 Déc 2015 - 7:02
Combats de maigres et de chiens.
Soyons de bonne volonté en commençant par reconnaitre les qualités de ce premier film avant que d’en fustiger les maladresses. Je suis un soldat opère sur un terrain glissant dont il évite bien des pentes, et en cela, mérite bien des éloges. Film social et de mafia, il réussit là où se plantaient les bien plus médiatiques Loi du marché et Dheepan : en évitant misérabilisme didactique et imitation ratée. Tout est ici modeste : le milieu décrit, les écarts avec la loi, les dangers du milieu et les dérives possibles. Dans cette initiation au milieu du trafic de chiens, Laurent Larivière construit des personnages plutôt crédibles, qu’il s’agisse de Louise Bourgoin savamment motivée à effacer tout glamour ou Jean Hugues Anglade en patriarche de seconde zone, dont la violence rentrée est assez convaincante. S’ajoute un arrière-plan lui aussi plutôt juste, à travers une mère délicatement brisée par la vie, un beau frère qui tente de l’affronter à son tour et l’illusion éphémère de penser que l’argent où la solidité de la brique est l’unique solution aux difficultés de l’existence. La principale qualité du film réside dans la majorité de ses scènes, sur le fil, optant pour le regard dur et désabusé du personnage de Louise Bourgoin, résignée à certaines concessions pour s’en sortir. La neutralité avec laquelle on évoque la marchandise vivante, le mutisme effrayant des intermédiaires et les friches glauques de la frontière franco-belge achèvent un tableau convaincant. Les parallèles entre cette chair à trafic et les individus face au capitalisme est facile à opérer, et Larivière a l’immense mérite de ne jamais la surligner. La question est de savoir si l’on aurait pu se limiter à une telle ambition, finalement documentaire, et se dispenser des maladresses d’écriture qui émaillent la progression du récit, forcé de reprendre les rails d’une certaine convenance romanesque. L’intrigue sentimentale est à jeter, et les voies de la rédemption assez difficiles à gober, tant pour la protagoniste que son oncle. De la même manière, la mise en scène souffre d’un manque d’homogénéité, et l’on sent que le réalisateur n’a pas encore clairement défini sa ligne esthétique, passant d’un naturalisme brut, caméra à l’épaule à un lyrisme poétique assez incongru, filtre rouge sur une rivière, séquence qu’on croirait sortie du Valhalla Rising de Refn, ou clip musical pour une série de portraits familiaux qui tranche trop avec le reste pour pleinement convaincre. Il n’empêche. Par sa direction d’acteur, par son habileté à ne pas se vautrer comme tant d’autres, bien plus expérimentés, le font, par sa capacité à donner vie à un monde sans fard, Laurent Larivière est un cinéaste à suivre.
Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mar 22 Déc 2015 - 7:04
La file d’à côté.
Un rendez-vous manqué : c’est vraiment le sentiment ressenti à l’issue de la projection. Et de ne savoir comment rédiger cette critique, qui devrait plus évoquer la posture du spectateur que la qualité intrinsèque du film. Mia Madre, qui rend dingue la sainte trinité Cahiers/Positif/Télérama (ceci précisé sans sarcasme, dans la mesure où je lis régulièrement ces trois revues) serait l’un des rares bons films de la dernière sélection cannoise qui fit grand bruit par sa déception, au premier rang de laquelle on classera sa très contestable palme d’or. On le sait, Moretti parle avant tout de lui, à l’exception notable du réussi Habemus Papam, sur le tournage duquel il perdit donc sa mère, inspiration de ce nouvel opus, déplacé sur une protagoniste féminine. C’est donc l’occasion d’une exploration du monde cinématographique, des tournages et de ses aléas, des exigences un peu farfelues de la réalisatrices et des caprices de la star américaine campée par un John Turturo certes assez truculent, et dont les apparitions résonnent comme des respirations par rapport au contexte familial. En contrepoint de cette agitation, la décrépitude de la mère, l’heure des bilans, le déni de la mort imminente à dépasser, une vie amoureuse chaotique et une nouvelle génération à gérer. Tout ce petit monde est en tout point convaincant, le film enchaine les pastilles plutôt justes, et joue des contrastes entre la seule réalité inéluctable, celle de la mort, et l’agitation pourtant salvatrice des vivants, aussi actifs dans leurs illusions devant la caméra que dans leurs rêves. La structure procède ainsi par dissonances, grâce à des flashbacks, des séquences fantasmées ou oniriques qui nimbent la linéarité quotidienne d’une atmosphère inquiétante et intime, rivée aux dérives mélancoliques de cette femme qui doit tour à tour être mère, être femme, être fille et diriger toute une équipe. Spleen et tendresse, pathos sans emphase, telle semble être la ligne directrice de Moretti. De ce point de vue, tout fonctionne. Comment expliquer, dès lors, l’ennui discret qui guette, le sentiment de voir s’égrener de façon un peu artificielle toute cette galerie sans que ne pointe l’émotion vive pourtant si vivement convoitée ? Moretti a beau exploiter l’une des musiques les plus poignantes au monde, celle d’Arvo Pärt et de son chef d’œuvre Fratres, il n’atteint pas le sommet ambitionné. C’est à se demander si le sujet me dérangerait personnellement au point de me fermer face à lui. Mais l’émotion ressentie face à La Chambre du Fils (et son recours au splendide titre de Brian Eno, By this River) vient contredire cette hypothèse, tout comme celle générée par Amour d’Haneke sur un sujet similaire. La réalisatrice demande souvent à ses comédiens de jouer « à côté » de laisser paraitre l’acteur en même temps que son personnage, formule sibylline qu’elle-même reconnait ne pas comprendre au bout d’un moment. C’est un assez bon résumé de la position occupée en tant que spectateur face à ce film aux qualités indéniables, mais dont les qualités d’empathie restent pour lui fragiles.
Invité Invité
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mar 22 Déc 2015 - 9:55
Moretti est de toute façon très surestimé, personnellement à part La chambre du fils... bof. Pas encore vu celui-là mais je me souviens d'un engouement assez inexplicable pour l’inégal et (forcement) ultra-nombriliste Journal intime, de bonnes musiques comme d'hab et un peu d'ironie bien placée, sinon... et puis bon le suivant, Aprile, assez chiant dans l'ensemble et encore plus vain.
Otto Bahnkaltenschnitzel génération grenat (dîne)
Nombre de messages : 1940 Date d'inscription : 27/08/2014
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mar 22 Déc 2015 - 10:01
T'as un problème avec le nombril. "Nombril des nombrils, tout est nombril" disait le philosophe.
Gengis Yes, he can.
Nombre de messages : 18119 Date d'inscription : 18/11/2008
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mar 22 Déc 2015 - 10:16
RabbitIYH a écrit:
Moretti est de toute façon très surestimé, personnellement à part La chambre du fils... bof. Pas encore vu celui-là mais je me souviens d'un engouement assez inexplicable pour l’inégal et (forcement) ultra-nombriliste Journal intime, de bonnes musiques comme d'hab et un peu d'ironie bien placée, sinon... et puis bon le suivant, Aprile, assez chiant dans l'ensemble et encore plus vain.
Je me suis souvent ennuyé avec Moretti.
Otto Bahnkaltenschnitzel génération grenat (dîne)
Nombre de messages : 1940 Date d'inscription : 27/08/2014
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mar 22 Déc 2015 - 10:19
Gengis a écrit:
RabbitIYH a écrit:
Moretti est de toute façon très surestimé, personnellement à part La chambre du fils... bof. Pas encore vu celui-là mais je me souviens d'un engouement assez inexplicable pour l’inégal et (forcement) ultra-nombriliste Journal intime, de bonnes musiques comme d'hab et un peu d'ironie bien placée, sinon... et puis bon le suivant, Aprile, assez chiant dans l'ensemble et encore plus vain.
Je me suis souvent ennuyé avec Moretti.
Même sa bière est pas folichonne.
Gengis Yes, he can.
Nombre de messages : 18119 Date d'inscription : 18/11/2008
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mar 22 Déc 2015 - 10:29
Otto Bahnkaltenschnitzel a écrit:
Gengis a écrit:
RabbitIYH a écrit:
Moretti est de toute façon très surestimé, personnellement à part La chambre du fils... bof. Pas encore vu celui-là mais je me souviens d'un engouement assez inexplicable pour l’inégal et (forcement) ultra-nombriliste Journal intime, de bonnes musiques comme d'hab et un peu d'ironie bien placée, sinon... et puis bon le suivant, Aprile, assez chiant dans l'ensemble et encore plus vain.
Je me suis souvent ennuyé avec Moretti.
Même sa bière est pas folichonne.
tiédasse...
moonriver Comme un Lego
Nombre de messages : 4790 Date d'inscription : 02/01/2014 Age : 54 Localisation : IDF
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mar 22 Déc 2015 - 11:28
Gengis a écrit:
RabbitIYH a écrit:
Moretti est de toute façon très surestimé, personnellement à part La chambre du fils... bof. Pas encore vu celui-là mais je me souviens d'un engouement assez inexplicable pour l’inégal et (forcement) ultra-nombriliste Journal intime, de bonnes musiques comme d'hab et un peu d'ironie bien placée, sinon... et puis bon le suivant, Aprile, assez chiant dans l'ensemble et encore plus vain.
Je me suis souvent ennuyé avec Moretti.
J'ai beaucoup aimé journal intime et la chambre du fils.
Et Habemus Papam est quand même hilarant non?
Invité Invité
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mar 22 Déc 2015 - 12:01