Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mar 22 Déc 2015 - 12:01
Mouais...
Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Sam 26 Déc 2015 - 8:24
La dissolution finale.
On avait quitté Jia Zhangke sur un constat assez terrible, celui d’un pays livré à la sauvagerie capitaliste dans un bain de sang et de stupre. Le récit qui ouvre Au-delà les montagnes laisse supposer un certain apaisement : de retour en 1999, la nation se cache derrière le destin de trois personnages qui forme un triangle amoureux relativement modeste. Partout règne une ambiance plutôt festive, les feux d’artifice se succèdent, ainsi que les danses sur les Pet Shop Boys, ouverture sur la dernière année d’un millénaire, et les promesses d’une aube plutôt reluisante qui fait retentir les sirènes de l’Occident sous le refrain de « Go West ». Mais la toile de fond n’en est pas moins omniprésente : c’est une foule compacte d’ouvriers, la mine, les friches urbaines et noires comme le charbon qu’on retire à une terre qui semble exsangue, rappelant de belles séquences du récent Black Coal. Le destin du pays est tracé, entre les deux prétendants de la protagoniste : la classe ouvrière, qu’on ensevelira, et le capitalisme émergent qui s’oubliera sur les cimes. Sur trois temporalités, 1999, 2014 et 2025, Jia Zhangke radiographie l’avancement du monde, fort de thèmes qui structurent ses dernières œuvres : comme dans Touch of Sin, on voit se diluer une identité générale dans l’occidentalisation forcée du monde. L’Eden, c’est l’Australie, parler anglais, et changer son nom : s’intégrer, c’est se désintégrer. Le pays du soleil permanent et de la verdure artificielle a en effet tout des dystopies aseptisées, et les technologies de la transparence peinent à masquer le vide existentiel de leurs utilisateurs. Comme dans Still Life, il s’agit d’établir une quête des origines, et de déterminer si l’on fera le chemin de retour. . Le message est complexe : celui qui revient, c’est par échec, rongé par le cancer inhalé dans la mine. Celle qui reste semble déconnectée du monde, incapable de faire autre chose qu’un deuil, celui d’un père ou d’un fils qu’elle laisse partir sur un autre continent. Le sentiment d’un déclin généralisé assure donc bien une continuité dans la filmographie de Jia Zhangke. Mais il se double ici d’une étrange exploration du registre sentimental, où l’amour et la filiation occupent presque toute l’intrigue avant de voler en éclats au gré d’ellipses assez ravageuses. C’est à la fois efficace et déroutant, et l’on ne peut s’empêcher de penser que le final cut a subi quelques maladresses, notamment sur le sort de l’amant éconduit. La perte des êtres ne se fait plus dans l’ultra violence presque baroque d’A Touch of Sin : un des personnages se plaint ainsi de pouvoir acheter librement des armes en Australie, mais d’y avoir en même temps perdu les ennemis de sa terre natale... La renonciation est presque consentie, et l’on dit, dans un éclat de rire, qu’on est un enfant éprouvette, anticipant les visions futuristes et glaciales d’un Houellebecq. Mais là où Jia Zhangke se faisait cinglant, là où il assistait, par touches insolites, à la noyade d’un continent entier, il opte ici pour un mélo lyrique qui n’atteint pas toujours son but. Il a beau nous proposer un petit crash inattendu ou des séquences en vidéos en forme d’interludes arty, on a le sentiment que l’occidentalisation n’atteint pas que ses personnages, mais aussi l’écriture elle-même. La démonstration sur les évolutions temporelles ne se fait pas toujours dans la finesse (du téléphone fixe à l’iPhone, puis une tablette translucide, l’insistance pesante sur l’anglicisation) et le changement du format à trois reprises, jusqu’au scope semblerait plus acceptable dans une première œuvre que chez ce cinéaste aguerri. Jia Zhangke aura eu le mérite de changer d’angle de vue pour traiter de ses obsessions. Si le résultat n’est pas aussi saisissant qu’il put l’être auparavant, il n’en dresse pas moins une cartographie assez pertinente d’une humanité qui, par ses excès, se dissout plus qu’elle ne s’affirme.
Invité Invité
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Sam 26 Déc 2015 - 15:44
Challenge réussi, bravo car c'était pas gagné avec toute cette hype préfabriquée 3 ans à l'avance mais comme on dit : seuls les vrais savent. J'ai adoré
Tony's Theme air guitariste
Nombre de messages : 9160 Date d'inscription : 08/04/2009 Age : 49 Humeur : Monochrome
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Sam 26 Déc 2015 - 19:48
ELSD a écrit:
Challenge réussi, bravo car c'était pas gagné avec toute cette hype préfabriquée 3 ans à l'avance mais comme on dit : seuls les vrais savent. J'ai adoré
Pour ma part, c'est une demi déception à cause du scénario qui est une copie de l'épisode IV. La mise ne scène, le rythme, les effets spéciaux... rien à dire, c'es parfait mais ils auraient pu un peu plus se casser la tête pour l'histoire. Et puis, trop de clins d'œil à la première trilogie.
guil blacksessions.com
Nombre de messages : 5560 Date d'inscription : 31/08/2011 Age : 53 Humeur : fatigué
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Dim 27 Déc 2015 - 14:21
Tony's Theme a écrit:
ELSD a écrit:
Challenge réussi, bravo car c'était pas gagné avec toute cette hype préfabriquée 3 ans à l'avance mais comme on dit : seuls les vrais savent. J'ai adoré
Pour ma part, c'est une demi déception à cause du scénario qui est une copie de l'épisode IV. La mise ne scène, le rythme, les effets spéciaux... rien à dire, c'es parfait mais ils auraient pu un peu plus se casser la tête pour l'histoire. Et puis, trop de clins d'œil à la première trilogie.
vu ce matin ! pour mon premier star wars sur grand écran, j'ai vraiment beaucoup aimé, tous les ingrédients sont là et ça fonctionne bien. C'est une très belle réussite, surtout mesurée à l'aune de la trilogie 1-2-3 ()...
je n'avais pas encore lu les critiques des uns et des autres pour ne pas me faire spoiler ou ne pas avoir d'avis préconçu : je vais aller lire ça maintenant...
en fait je suis étonné : je m'attendais à ce que le scénario soit celui de la trilogie de La Croisade Noire du Jedi Fou qui, dans la série de livres Star Wars, est une suite assez naturelle et très bien fichue.
en fait je suis étonné : je m'attendais à ce que le scénario soit celui de la trilogie de La Croisade Noire du Jedi Fou qui, dans la série de livres Star Wars, est une suite assez naturelle et très bien fichue.
Justement il semblerait que tous les fans des bouquins râlent puisque Disney a décidé de tous les passer à la trappe...
Moretti est de toute façon très surestimé, personnellement à part La chambre du fils... bof. Pas encore vu celui-là mais je me souviens d'un engouement assez inexplicable pour l’inégal et (forcement) ultra-nombriliste Journal intime, de bonnes musiques comme d'hab et un peu d'ironie bien placée, sinon... et puis bon le suivant, Aprile, assez chiant dans l'ensemble et encore plus vain.
Je me suis souvent ennuyé avec Moretti.
J'ai beaucoup aimé journal intime et la chambre du fils.
Et Habemus Papam est quand même hilarant non?
j'aime bien le père Moretti moi, même si je comprends qu'on puisse rechigner à certains de ses films
"Habemus Papam" était en revanche une excellente surprise (rien que pour Piccoli absolument magistral)
Tony's Theme air guitariste
Nombre de messages : 9160 Date d'inscription : 08/04/2009 Age : 49 Humeur : Monochrome
Challenge réussi, bravo car c'était pas gagné avec toute cette hype préfabriquée 3 ans à l'avance mais comme on dit : seuls les vrais savent. J'ai adoré
Pour ma part, c'est une demi déception à cause du scénario qui est une copie de l'épisode IV. La mise ne scène, le rythme, les effets spéciaux... rien à dire, c'es parfait mais ils auraient pu un peu plus se casser la tête pour l'histoire. Et puis, trop de clins d'œil à la première trilogie.
vu ce matin ! pour mon premier star wars sur grand écran, j'ai vraiment beaucoup aimé, tous les ingrédients sont là et ça fonctionne bien. C'est une très belle réussite, surtout mesurée à l'aune de la trilogie 1-2-3 ()...
je n'avais pas encore lu les critiques des uns et des autres pour ne pas me faire spoiler ou ne pas avoir d'avis préconçu : je vais aller lire ça maintenant...
en fait je suis étonné : je m'attendais à ce que le scénario soit celui de la trilogie de La Croisade Noire du Jedi Fou qui, dans la série de livres Star Wars, est une suite assez naturelle et très bien fichue.
Non, Disney avait prévenu qu'ils ne suivraient pas l'univers étendu de Star Wars. Ce qui a créé un gros tollé chez les fans.
Tony's Theme air guitariste
Nombre de messages : 9160 Date d'inscription : 08/04/2009 Age : 49 Humeur : Monochrome
Perso j'espère voir un jour l'intégrale de Dune de Franck Herbert en film !
Il me semble qu'il y a eu des téléfilms qui ont été réalisés. À vérifier...
oui, une mini-série de 3 téléfilms (très bien foutus d'ailleurs), mais qui ne couvrent que le tome 1 il me semble... Sur les 6 ou 7 que compte la série de livre
_________________ ça suffa comme ci
guil blacksessions.com
Nombre de messages : 5560 Date d'inscription : 31/08/2011 Age : 53 Humeur : fatigué
Challenge réussi, bravo car c'était pas gagné avec toute cette hype préfabriquée 3 ans à l'avance mais comme on dit : seuls les vrais savent. J'ai adoré
Pour ma part, c'est une demi déception à cause du scénario qui est une copie de l'épisode IV. La mise ne scène, le rythme, les effets spéciaux... rien à dire, c'es parfait mais ils auraient pu un peu plus se casser la tête pour l'histoire. Et puis, trop de clins d'œil à la première trilogie.
vu ce matin ! pour mon premier star wars sur grand écran, j'ai vraiment beaucoup aimé, tous les ingrédients sont là et ça fonctionne bien. C'est une très belle réussite, surtout mesurée à l'aune de la trilogie 1-2-3 ()...
je n'avais pas encore lu les critiques des uns et des autres pour ne pas me faire spoiler ou ne pas avoir d'avis préconçu : je vais aller lire ça maintenant...
en fait je suis étonné : je m'attendais à ce que le scénario soit celui de la trilogie de La Croisade Noire du Jedi Fou qui, dans la série de livres Star Wars, est une suite assez naturelle et très bien fichue.
Non, Disney avait prévenu qu'ils ne suivraient pas l'univers étendu de Star Wars. Ce qui a créé un gros tollé chez les fans.
ah j'avais pas suivi ça... bon perso je m'en fous... un scénario original me convient tout aussi bien....
mais pour les amateurs je recommande tout de même la lecture du cycle La Croisade Noire du Jedi Fou....
_________________ ça suffa comme ci
Invité Invité
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mar 29 Déc 2015 - 0:07
guil a écrit:
Tony's Theme a écrit:
ELSD a écrit:
Perso j'espère voir un jour l'intégrale de Dune de Franck Herbert en film !
Il me semble qu'il y a eu des téléfilms qui ont été réalisés. À vérifier...
oui, une mini-série de 3 téléfilms (très bien foutus d'ailleurs), mais qui ne couvrent que le tome 1 il me semble... Sur les 6 ou 7 que compte la série de livre
Tout à fait. C'est dommage car le niveau monte de livre en livre, le summum étant atteint avec l'Empereur Dieu et les Hérétiques
Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mar 29 Déc 2015 - 6:47
L’enfer, c’est les nôtres
C’est sur une image terriblement trompeuse que s’ouvre Back Home : celle de la main d’un nouveau-né serrant le doigt de son père. Si l’on est tenté d’y voir un écho au lyrisme ébahi de Malick dans Tree of Life, il faudra rapidement se résoudre à y renoncer. Dans ce geste se loge toute l’exploration à venir des complexes rapports humains, d’autant plus retors qu’ils sont situés dans cet univers carcéral qu’est la cellule familiale. Un geste silencieux, un réflexe nerveux sur lequel on aura tôt fait de voir l’amour filial se dessiner instinctivement, réécriture romanesque et idéalisée qui finira par gangréner la vie de toute une famille. Back Home (pourtant modifié suite aux attentats, et qui qui s'intitulait Louder than bombs) porte brillamment son titre : de retour, il est question à des degrés divers : celui du fils devenu adulte dans sa maison d’enfance, celui qu’il ne parvient à opérer vers la famille dont il est désormais le nouveau père, ceux de cette mère défunte qui ne cessait de repartir vers les quatre coins du monde pour y traquer des images fulgurantes des guerres, des famines ou de tout ce que l’actualité vomit de plus dramatique. Des retours imposant de régler des comptes, de trier des archives, de faire face à ses engagements, de scruter un passé qui ne passe pas. Cette question est au centre de l’œuvre de Trier : c’était déjà un retour qui occasionnait l’adieu au monde du junkie, protagoniste d’Oslo, 31 aout. Ici, il est davantage question de ceux qui restent : après l’accident, probable suicide d’Isabelle (Huppert, aussi fugace qu’impeccable, comme à l’accoutumée), toute communication semble impossible. Entre le père et son plus jeune fils, en pleine crise d’adolescence (contraignant le premier à rentrer en contact avec lui via les jeux en réseau, pour se faire froidement abattre avant tout échange), mais aussi entre les frères. Jesse Eisenberg, en ainé supposé apporter l’équilibre, offre une partition glaçante d’équilibre : nerveux, dépassé, il compense sa panique face à la vie par une façade a priori imperturbable, un discours efficace où tout se règle par le mensonge. Sur le sort de son épouse, échangeant le cadeau de la vie contre la perspective de la mort ; sur celui de sa mère, ainsi que sur sa fidélité, préférant une version édulcorée et hagiographique. Ses conseils iront jusqu’à proposer à son jeune frère Conrad l’effacement et le renoncement, le temps du lycée, avant d’envisager un jour de pouvoir exister. La révolte de ce dernier passe donc par un rapport frontal à la vérité. Sa confession et les images qui l’accompagnent rappellent un peu trop American Beauty et l’on craint un moment que la profusion des névroses ne prenne la voie emphatique de ce modèle, mais Trier déjoue savamment ce piège. C’est par le rêve et d’autres échappées que les personnages prennent rendez-vous avec eux-mêmes : celui d’un viol, d’un casque qui diffuserait, enfin, le silence, ou des récits sur soi qu’on fait à la troisième personne, s’observant avec recul, et par conséquent bienveillance. La vérité n’est pas accessible, quand bien même elle serait dite : les images d’Isabelle, fragments bruts du monde, sont balayées aussi vite qu’on tourne une page dans le journal ; la confession écrite de Conrad est édulcorée par un pathétique acte de bravoure, celui d’avoir craché au visage de sa prof d’anglais, à qui il ne parvenait à dire autrement qu’il savait qu’elle couchait avec son père. Et sa grande émotion amoureuse se résumera à un filet d’urine courant sur le béton d’une sortie de garage. Les cadres sont étudiés, souvent saturés de droites et la photographie glacée, de cette propreté un peu trop nette pour être honnête. La vérité, c’est celle d’une famille doublement abandonnée : à de multiples reprises par une femme libre, éperdue d’aller capter les vibrations du globe, et définitivement, lorsqu’elle prend conscience de ce que sa vie n’est qu’un jetlag continu. Ni avec eux, ni sans eux. Le pessimisme n’est pas pour autant aussi radical que ne l’était celui d’Oslo, 31 aout : parce qu’il s’attache à ceux qui restent, Trier ménage des échappées face à ce modèle aussi brillant qu’insoutenable que fut cette mère démissionnaire : modestes, maladroites, cabossées, certes, mais d’une cellule qui tient malgré tout, et qui semble s’affranchir de certains barreaux dans la séquence finale. En parvenant à dresser ce portrait touchant de ceux qui ne savent pas faire avec la vie telle qu’elle s’impose, en évitant les travers du coaching pour famille sur divan, Trier touche juste, obtient le meilleur de ses comédiens et offre un nouveau chapitre à une filmographie qu’on espère à l’avenir du même acabit.
Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Lun 4 Jan 2016 - 10:12
L’incomprise
Les chances de rater une adaptation de Madame Bovary sont nombreuses. Certaines sont plus excusables que d’autres. Qu’on ne parvienne à saisir l’essence profondément littéraire du roman de Flaubert en est une, car c’est probablement l’une des grandes limites de la transposition à l’écran d’un tel monument : que faire du style, que faire de la subtilité inimitable de l’auteur pour fustiger sans jamais sortir du bois la bêtise, les aspirations de la petite bourgeoisie de province et les médiocres rêves d’une prisonnière de la vie ? Chabrol lui-même s’était plus ou moins pris les pieds dans le tapis, et ce n’est pas Sophie Barthes qui va remettre les pendules à l’heure. On pourrait dans un premier temps lui accorder le mérite de ne pas livrer une copie scolaire et de tenter de s’affranchir du modèle par quelques audaces : un changement de classe sociale, l’absence de l’enfant semblent redistribuer discrètement les cartes, tout comme la place démesurée que prend Lheureux et l’obsession d’Emma pour ses toilettes, occasionnant un véritable défilé de haute couture magnifié par une photographie de haute volée. Les étoffes sont chamarrées, et la course vers les dettes prend le pas sur toutes les autres problématiques. Homais, pourtant l’une des plus géniales inventions de Flaubert, n’est qu’un figurant, et toute la question du rapport à la littérature balayée en trois répliques, cédant le pas à une thématique consumériste. On ne niera pas la qualité de la reconstitution historique, le travail sur les costumes et une certaine élégance de la mise en scène, mais tout cela est au service d’une telle pauvreté d’enjeux que le sentiment de gâchis l’emporte très vite. Le coup de grâce est asséné dès la première scène, flashforward sur lequel on reviendra en épilogue, à savoir la mort d’Emma par empoisonnement. Sophie Barthes choisit de faire expirer son héroïne dans la forêt, seule, dans une superbe robe en accord avec les feuilles mortes qui font un lit harmonieux pour l’héroïne. Soit radicalement l’inverse du roman, où la protagoniste meurt entourée, ravagée par les conséquences physiologiques de l’arsenic, et privée de la fin romanesque dont elle avait rêvée, l’une des très grandes scènes du roman, contenant sa morale acide et d’une modernité fracassante. Ici, la réalisatrice l’affirme avec inconscience ou courage, mais elle le hurle : elle n’a rien compris au roman.
Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Lun 4 Jan 2016 - 10:13
Décombres et brouillard.
El Club a toutes les cartes en main pour affirmer sa puissance : un sujet fort, la réunion clandestine de prêtres exfiltrés pour pédophilies et mis à l’écart du monde, une bonne sœur geôlière qui les surveille sous les oripeaux de la prière et de la vie monastique, et l’irruption d’une victime venue demander des comptes. Dans la lande embrumée d’un Chili fantomatique, tout le manichéisme est rendu caduc par l’attention portée aux personnages : les confessions de la victime comme des bourreaux, l’arrivée d’un représentant de la « nouvelle Eglise » ne permettent pas d’établir la cartographie morale attendue : tous semblent être des êtres détruits, baignant qui plus est dans la rhétorique théologique la plus rance, prête à justifier le pire ou éluder dans les voies impénétrables du Seigneur les béances les plus abjectes de l’humain. Pablo Larrain fait des choix radicaux et les assume : une photo d’une laideur savamment entretenue, des mines patibulaires, un huis-clos étouffant qui ne s’ouvre sur la communauté que pour noircir encore davantage le tableau… Rien ne nous sera épargné, ni les confessions répétitives des abusés ou des violeurs, ni une curieuse incursion dans le milieu des chiens de course. Le tout, c’est devenu une manie cette année avec Mia Madre de Moretti, sur la musique d’Arvo Pärt… Si la séquence initiale choque au bon sens du terme, parce qu’elle mêle la violence verbale à un geste décisif radical, elle a aussi le défaut de brouiller les pistes sur la suite du récit. A partir d’elle, tout ne sera que répétitions jusqu’à la nausée, laideur dilatée et noirceur poussive. Larrain ne sait plus sur quel pied danser, et semble instiller l’absurde dans ses échanges, notamment par l’arrivée du nouveau prêtre qui condamne des pratiques dont il reste pourtant complice sans qu’on y comprenne grand-chose. Le tout s’embourbe assez rapidement, au détriment de l’intérêt du spectateur, et surtout de son empathie, dérivant vers une obscure machination de vengeance aussitôt récupérée par de non moins opaques thématiques de pénitence et d’absolution. Il ne suffit pas de contaminer l’écriture par la destruction psychologique des personnages pour faire mouche, d’autant que le cinéaste ne rechigne pas à recourir à des ficelles grossières (toute cette histoire de chiens) qu’il tente de noyer dans une posture plus indé, voire littéraire ou théâtrale lors de longs et fastidieux dialogues. L’équilibre ne prend pas, et l’on oscille entre l’ennui et l’irritation, otages de cette entreprise un peu fumeuse, probablement sincère dans ses intentions, mais inefficace et maladroite.
Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Dim 10 Jan 2016 - 6:33
8 hommes en polaires
On pourrait gloser des heures sur chaque nouvel opus de Tarantino, attendu comme le messie par les uns, avec les crocs par les autres. On pourrait aussi simplement dire qu’il fait des bons films, et qu’en cinéphage ayant vibré toute sa vie durant devant un écran, il tente de rendre la pareille à ses semblables. On a cru un moment que Les 8 salopards était un projet hors-norme : ce n’est pas le cas. Certes, Tarantino est désormais suffisamment sûr de lui pour faire ce qui lui chante, et se permet en cela une gestion du rythme ou un travail de l’image qui participent avant tout d’une passion personnelle, qu’on partagera ou non : sur certains aspects, son film est à prendre ou à laisser, et sa principale réussite et de ne pas trop laisser le spectateur de côté. Le projet s’articule autour de deux priorités : l’écriture, et l’image. Entre son interminable trajet initial et l’installation de la petite communauté dans le huis clos, Tarantino fonde tout son film, et non pas son récit, sur le dialogue : on devise sur l’identité de chacun, on ancre (avec une certaine insistance poussive) le contexte post guerre civile, et l’on y va de sa petite anecdote. Le temps peut sembler un brin long, mais la promesse de lendemains sanglants fait curieusement tenir l’édifice, et une insidieuse tension se met en place. Car l’écriture fictionnelle est avant tout une mise en abyme : chaque personnage raconte une histoire, s’invente une identité ou un accessoire narratif qui pourra potentiellement basculer au profit d’une contre-vérité. Cette machine bien huilée, fabrique de fiction, est la jubilation malicieuse du cinéaste, qui a toujours ponctué ses récits de digressions, de Reservoir Dogs et sa dissertation sur Like a Virgin à Pulp Fiction et cette fameuse destinée de la montre en or.
Mais contrairement à l’emphase baroque des Kill Bill ou Django, Tarantino modère ici ses effets de manche : en huis clos, il se concentre sur la parole et laisse la dynamique sourdre du mouvement des relations retorses entre les personnages. C’est tout à son honneur, car il prête moins le flanc à la frange habituelle de ses détracteurs, qui voient en lui un sale gosse compilateur et clinquant, incapable de se poser. On a certes le droit à quelques petites coquetteries, comme le retour sur une scène à la Rashomon, ou un long flashback permettant la relecture du début, procédés déjà maintes fois utilisés chez Tarantino, de Pulp Fiction à Jackie Brown Mais cette quasi austérité n’est pas pour autant totalement maîtrisée : le film est presque tout entier dédié à Samuel L. Jackson, qui certes le mérite bien, mais au risque d’écraser ses partenaires, qui manquent singulièrement d’épaisseur pour lui donner réellement le change. On voit, a posteriori, surtout là des candidats à la mort violente en attente de leur tour avec une certaine résignation.
On attend tout de même un temps bien long avant que n’éclate LA grande scène, de celles que Tarantino maitrise comme personne, à l’image de l’ouverture d’Inglorious Basterds ou du repas avec Di Caprio dans Django, mélange intense de tension sourde et de jubilation. Ce sera le fameux récit, savamment disposé avant l’entracte, de la mise à mort (supposée) du fils du général sudiste, visant à provoquer un duel. Morceau de bravoure, découpage, jeu, tout le talent du cinéaste est ici concentré.
Le deuxième angle est donc celui de l’image. Filmé en 70 mm, projeté dans des conditions exceptionnelles avec prologue et entracte, le film a un cachet qui pourrait sembler factice, mais qui lui donne en réalité une âme (qui lui fera probablement d’autant plus défaut dans un format habituel en numérique). Avoir recours à du 70 mm pour un film en huis clos est tout de même particulièrement audacieux, mais le résultat est splendide car étudié au cordeau : la lumière, les contrastes, l’exploitation de l’espace, où chaque personnage occupe une place éminemment stratégique dans cet univers très proche d’Agatha Christie. Tarantino joue avec le hors champ, explore sous tous les angles cette petite boutique des mensonges aux obscurités chamarrées dans laquelle filtre une poussière volatile et des scintillants flocons.
(Spoils) Après l’entracte, l’emballement autorisé par les premiers coups de feu va déchainer les passions. Dans un bain de sang qui évoque à la fois Reservoir Dogs et la paranoïa de The Thing, le jeu de massacre l’affirme haut et fort : l’omnipotent puppet master fera valser ses pantins avec un plaisir cruel. Le western flamboyant est crépusculaire comme celui des prestigieux aînés, de Peckinpah à Léone, usant jusqu'à la parodie tendre les ralentis et les mines patibulaires. Cynique, gore, explosant autant les membres, les crânes que les cloisons dans lesquelles on avait au préalable cloués les protagonistes, le récit procède par une tabula rasa moins cathartique que ludique, un jeu de chaise radicale. Soldons les comptes, faisons taire les mensonges par l’unique vérité, celle de gerbes de sang.
Film de la maturité ? Meilleur film de Tarantino ? Non : Les 8 salopards est un film de Tarantino, qu’il a probablement réalisé avec le même plaisir que les précédents. Un film dans lequel il s’amuse, joue avec les mensonges rutilants de la fiction et le matériel prestigieux d’antan. C’est là sa limite, mais aussi la raison pour laquelle on peut l’aimer : les yeux écarquillés et le sourire aux lèvres.
Invité Invité
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Dim 10 Jan 2016 - 7:43
Alors comme ça tu revois les westerns de Leone à la baisse et tu dresses des louanges à ce film ?
Bon je déconne à moitié, le film est pas mauvais du tout, bien meilleur que les passables voire très moyens Django et Inglorious Basterds qui tenaient chacun sur une scène au milieu d'un ramassis de clichés, de relectures cheap et de pseudo climax kitsch. En comparaison bizarrement je trouve que la scène du récit de Jackson ne tient pas la comparaison avec les morceaux de bravoure respectifs de ces deux-là, elle est à la limite du cartoon grotesque par moments, ce qui déjoue sévèrement la tension, un peu comme les explosions de violence du film aux effets gore exagérés. Par contre c'est bien écrit, parfois même intelligemment filmé, et l'excellent Walton Goggins tient la dragée haute à Jackson avec les monologues dont on le savait déjà capable depuis la série Justified. Et en effet QT s’éparpille moins, confiant même l’intégralité de la BO à Morricone avec un score qui fait plaisir, rappelant plus The Thing que les westerns de Leone d'ailleurs. Par ailleurs, on peut lire pas mal de choses derrière ce scénario somme toute ultra basique voire convenu, j'aurais notamment tendance à y voir une métaphore de la façon dont les États-Unis ont du mourir un peu pour se construire, cf. tous ces personnages, des hors-la-loi, des justiciers, un Mexicain menteur, un Black vengeur, un Anglais manipulateur, un (presque) Français charmeur mais sans scrupule... autant de reliques et stéréotypes d'une Amérique où justice opportuniste (Goggins) et revendications radicales (Jackson) ont du faire des concessions, s'associer et murir pour prendre part à l’évolution de la société.
Mais bon pour autant comme tout film de QT depuis Kill Bill 2 le film est plein de défauts et pas toujours finaud, donc pas de quoi grimper aux rideaux franchement.
Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Dim 10 Jan 2016 - 7:48
Mes louanges sont sacrément mesurées, tu devrais voir certains sur SC, c'est le festival des chattes en chaleur
Je me souviens pas avoir revu les Leone à la baisse... Et pour ce qui est de la métaphore, ça se tient, mais franchement, je suis plus prudent pour le coup : moi je vois surtout un mec qui s'amuse comme un gamin malin et un peu sadique avec du matos de luxe.
Invité Invité
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Dim 10 Jan 2016 - 10:25
Nulladies a écrit:
Mes louanges sont sacrément mesurées, tu devrais voir certains sur SC, c'est le festival des chattes en chaleur
Oui pas étonnant.
Nulladies a écrit:
Je me souviens pas avoir revu les Leone à la baisse...
Ah autant pour moi j'ai surement confondu avec Goupi Tonkin (il est passé où d'ailleurs, on le voit plus ?). C’était pas toi qui disais que finalement son seul vrai grand film c’était Il était une fois en Amérique ?
Nulladies a écrit:
Et pour ce qui est de la métaphore, ça se tient, mais franchement, je suis plus prudent pour le coup : moi je vois surtout un mec qui s'amuse comme un gamin malin et un peu sadique avec du matos de luxe.
Certes.
lalou grand petit homme
Nombre de messages : 1019 Date d'inscription : 30/12/2013 Age : 54 Localisation : Sugar Mountain
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Lun 11 Jan 2016 - 5:55
(Bon ce n'était pas au ciné, mais dans mon canapé en vod...)
L'Iran est un grand pays, berceau de l'humanité et bien plus civilisé que les Etats-Unis de par la culture moyenne de ses citoyens. Une chape de plomb religieuse s'y est malheureusement installé dans les années 80. Voulant mettre fin à un régime monarchique corrompu et instaurer une révolution républicaine (on oublie souvent ce mot) et islamiste, les ayatollahs ont remplacé une oppression par une autre, comme toujours dans les révolutions...
Et bien on apprend une chose dans ce film, l'Iran est un pays où les opérations chirurgicales pour changer de sexe sont autorisées! Mammectomie, phalloplastie, et toutes ces opérations dite de "réassignation" sexuelle peuvent se faire, moyennant finance et bien évidemment ça coûte un bras, dans la République Islamiste d'Iran.
Une jeune femme de la haute bourgeoisie iranienne, garçon manqué, mal dans sa peau et rebelle veut échapper à un mariage forcé et changer de sexe. Elle rencontre une autre jeune femme, issue de la classe populaire, très traditionaliste, et obligée de faire le taxi pour payer ses dettes alors que son mari est en prison. La première propose 1 million de toman à la deuxième pour l'aider à s'échapper. S'ensuit un petit road movie à travers des paysages de montagne magnifiques et une satire de la société iranienne. C'est sobre, bien joué, bon un peu long par moment, mais j'ai passé un bon moment.
Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Lun 11 Jan 2016 - 6:38
RabbitIYH a écrit:
Ah autant pour moi j'ai surement confondu avec Goupi Tonkin (il est passé où d'ailleurs, on le voit plus ?). C’était pas toi qui disais que finalement son seul vrai grand film c’était Il était une fois en Amérique ?
Du tout, malheureux ! J'ai revu la trilogie du dollar l'an dernier, ce fut vibrant
Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Lun 11 Jan 2016 - 6:39
De l’ascensumophobie comme ouverture vers la foi.
Je ne sais pas trop comment je me suis retrouvé avec cette petite chose sur mon disque d…dans ma platine DVD. Une attirance pour l’affiche, peut-être, un ou deux échos lointains peut-être favorables. Comme je prends toujours soin d’en savoir le moins possible sur les intrigues, j’ai lancé le film en toute bonne foi, toute bienveillance, tout ça. I origins a ce petit grain faussement indé qui peut séduire, et les débuts de notre amourette à blouse sont pour le moins séduisants : on y croit presque, c’est mignon tout plein, même si l’on sent bien qu’on n’est pas chez Baumbach et qu’il va bien falloir finir par nous vendre un truc. Alors voilà que se pointe un débat sur les limites de la science et l’ouverture possible à la foi en un monde spirituel. Mike Cahill prend tout de même certaines pincettes, nous délaye sa sauce dans un cadre adulescent, avec mentos à la fraise et musique pour jeunes, un triangle comprenant une presque moche et un Michael Pitt à qui on l’a fait pas, pas du genre à se faire enfiler à l’insu de son plein gré sur le chemin de St Jacques de Compostelle. Puisqu’au bout d’un moment, le bonheur, c’est bien beau mais ma brave dame, c’est pas ça qui vous pond un élément perturbateur, on fait intervenir un ascenseur qui va scinder le film, (et le personnage) en deux. Et là. Et là, mes amis, les gars ont dû organiser une conférence internationale avec Loréal, Kerastase, Schwarzkopf, Timotei et Garnier pour définir la capillotractation du siècle. Genre : le mec est spécialiste des yeux. Hasard : son fils a les mêmes yeux qu’un vieux black (je vous passe les détails de l’enquête, même Oui-Oui a plus de mal dans les siennes) et donc, pourquoi pas aussi sa défunte dulcinée ? Ce serait incroyable. C’est statistiquement impossible. Allons donc faire un tour du côté de Slumdog Millionnaire pour nous en assurer. Et là, donc, miracle, révélation, cieux qui s’ouvrent, me voilà en présence d’une gamine des bidonvilles qui grâce à ma persévérance et mes leçons low cost sur le life achievement (soulever un caillou sans rien trouver dessous, c’est déjà trouver quelque chose, nianiania…), va me faire passer du côté lumineux de la foi. Parce que c’est pas les statistiques qui prouvent la réincarnation : 44% de réussite au memory de ta vie antérieure, on a vu mieux comme score. Nan, mec, on a mieux : la preuve, c’est l’ascensumophobie.
Occasion de placer un joli mot, et d’applaudir d’une main, l’autre recouvrant la totalité de mon visage.
Invité Invité
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mar 12 Jan 2016 - 16:40
Nulladies a écrit:
RabbitIYH a écrit:
Ah autant pour moi j'ai surement confondu avec Goupi Tonkin (il est passé où d'ailleurs, on le voit plus ?). C’était pas toi qui disais que finalement son seul vrai grand film c’était Il était une fois en Amérique ?
Du tout, malheureux ! J'ai revu la trilogie du dollar l'an dernier, ce fut vibrant
Ah ben oui mince, j'avais lu ça, en plus...
Invité Invité
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Dim 17 Jan 2016 - 12:12
Tony's Theme a écrit:
ELSD a écrit:
Challenge réussi, bravo car c'était pas gagné avec toute cette hype préfabriquée 3 ans à l'avance mais comme on dit : seuls les vrais savent. J'ai adoré
Pour ma part, c'est une demi déception à cause du scénario qui est une copie de l'épisode IV. La mise ne scène, le rythme, les effets spéciaux... rien à dire, c'es parfait mais ils auraient pu un peu plus se casser la tête pour l'histoire. Et puis, trop de clins d'œil à la première trilogie.
Comme toi Tony, une semi-déception surtout après tout le bien que j'en avais entendu. Un peu comme Super 8 pour le Spielberg-like, c'est limite un peu trop oldschool pour être honnête et puis surtout ça devrait être interdit de pomper recycler comme ça. La bonne nouvelle c'est qu'ils seront obligés d'avoir un scénario original pour les volets suivants, sachant qu'ils ont déjà pillé la plupart des storylines de la première trilogie. Et puis bon ce "méchant" qui ressemble à un sorcier d'Harry Potter dès qu'il enlève son masque... mouais.
Mon classement : V > IV > VI >>> III > VII >> II >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> I.
Coda pépé au fagot antisocial
Nombre de messages : 3218 Date d'inscription : 02/11/2011 Humeur : 7° (sur l'échelle de Richter)
Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Dim 17 Jan 2016 - 21:02
Deux hommes aiment une femme, elle choisit. A travers l'histoire, dans les conséquences des décisions de chacun, dans les chemins qu'ils empruntent et ceux qu'ils délaissent, c'est tout le destin de la Chine d'aujourd'hui et de demain, entre 1999 et 2025, qui nous est raconté. Au-delà des montagnes allie la beauté d'un grand mélodrame et l'acuité d'un regard politique sur son époque. Jia Zhang-Ke, jauge l'état de son pays et de ses habitants. L'histoire s'étale sur deux générations, celle du trio puis de sa descendance, et nous conte l'itinéraire d'individus qui ont vu la Chine passer de la promesse d'une libération à l'aveuglement économique actuel. Jia Zhang-Ke réalise une fresque familiale entre passé proche et futur imminent, aussi simple que vertigineuse, aussi maîtrisée que profondément émouvante.
L'histoire se déroule en trois chapitres. Le premier se situe en 1999. La jeunesse danse alors sur Go West des Pet Shop Boys, scandé comme un hymne à la liberté d'un Occident fantasmé. Tout oppose les deux amis d'enfance qui courtisent Tao : Liangzi, au tempérament réservé, est un ouvrier modeste ; Zhang, le flambeur, a investi dans une station service lucrative. L'un trime à la mine, l'autre pas. Elle choisit le plus ambitieux, ... Et assez vite, ce choix irriguera toute la vie de Tao du sentiment amer d'être passée à côté de quelque chose. Les deuxième et troisième parties se déroulent respectivement en 2014 où s'approfondit l'atomisation du trio d'amis, puis en 2025 pour un déracinement sobrement futuriste situé en Australie, où le fils de Tao va connaîtra un sursaut affectif et identitaire.
Au-delà des montagnes avance comme une fable autant que politique, inquiète des imbrications que les mutations économiques provoquent dans nos manières de vivre et dans notre capacité à aimer.