Les 3 Rocks : musique et mauvaise foi disques • foot • films • séries • images • livres... |
|
| Voyage en salle obscure... | |
|
+11guil shoplifter Otto Bahnkaltenschnitzel moonriver UnderTheScum Azbinebrozer Toriyazaki Coda Nulladies Zwaffle Rorschach 15 participants | |
Auteur | Message |
---|
Invité Invité
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Dim 31 Juil 2016 - 5:20 | |
| Tiens je viens de le voir en streaming, effectivement très divertissant, souvent drôle avec un Ryan Gosling truculent (la scène du cadavre dans les buissons ) mais bien en-deça de Kiss Kiss Bang Bang en terme d'audace narrative et de profondeur des personnages. Les Nice Guys évoluent certes au contact de la gamine et se découvrent une moralité mais ils restent assez stéréotypés, et si la modestie du film fait plaisir, le précédent l'était tout autant et avait l'intelligence de prendre son scénario totalement par dessus la jambe au profit d'une histoire de reconquête amoureuse bien plus ambivalente et touchante (et surtout d'une justesse inouïe dans les trajectoires et les sentiments de ces deux personnages, ça fait tout le prix du film je trouve), ici le scénario de film noir semi-pastiché reste central et comme il est tout aussi tiré par les cheveux on finit par se dire : tout ça pour ça ? |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Dim 31 Juil 2016 - 9:05 | |
| C'est vrai que c'est moins audacieux, mais comme pour ma part, je suis loin d'y avoir trouvé "d'une justesse inouïe dans les trajectoires et les sentiments de ces deux personnages", ça revient un peu au même pour moi et le divertissement de qualité reste presque équivalent pour les deux. | |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Dim 31 Juil 2016 - 9:06 | |
| Corail, famille, amnésie. Un spin-off est-il moins vain qu’une suite ? Non. Après Nemo, donc, Dory, son sidekick amnésique, qui va nous dire 457 fois dans le film qu’elle « a oublié ». Oublié, probablement, le scénar du film précédent, pour ne pas souffrir de scrupules quant à son plagiat : famille, traversée dangereuse, incursion chez les hommes, fuite par les égouts, famille, famille, famille et famille. Et, je crois que j’ai oublié, famille, aussi. Avant le film, un court métrage Pixar, Piper, a la mauvaise idée de placer la barre très haut. Sur le terrain du scénar, rien d’extraordinaire, certes, si ce n’est que, dénué de parole, il fait tout passer par l’image et l’expressivité d’un oisillon devant affronter les vagues. Et sur le plan visuel, il donne à voir l’eau, le sable et les plumes comme on ne les a tout simplement jamais vus. Autant dire que le long qui suit en pâtit de manière significative. Dessin animé pour les tout-petits, Le monde de Dory est dénué de toute ambition. Un humour proche de zéro, un récit qui semble durer trois heures et qui se résume à une sorte de parcours de santé avec saut d’obstacles et agrégats de potes (requin baleine, beluga, poulpe) qui viennent grossir les rangs de ce qui pourrait appeler des suites sur le modèle du désormais bien rance Age de glace. Certes, tout n’est pas à jeter et le gimmick du poulpe en mode camouflage peut arracher quelques sourires, mais à l’ennui sévère des répétitions (les souvenirs insupportables de bébé Dory avec Papa-Maman) succèdent des séquences dont l’appellation WTF ne cesse de croître à mesure que le récit progresse. Pixar a annoncé récemment vouloir lever le pied sur les suites (http://www.ew.com/article/2016/07/01/pixar-sequels-ratatouille-wall-e-inside-out), et c’est une bonne nouvelle. Alors qu’on craint de voir ce que donnera le quatrième volet de l’indépassable Toy Story, on sait que leurs créations originales (Wall-E, Vice-Versa) ont toujours été leur fort. Que cette grosse baisse de régime leur en apporte une preuve supplémentaire. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Dim 31 Juil 2016 - 12:49 | |
| Beuh... mince alors, j'ai adoré. Plus vu Nemo depuis des lustres ceci dit, mais je l'ai trouvée très touchante cette suite (d'autant qu'elle donne une autre dimension au personnage de Dory dans Nemo) et pleine de clins d’œil savoureux (cf. les otaries en VO sont McNulty et Stringer les ennemis de The Wire ). |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Dim 31 Juil 2016 - 13:08 | |
| Ouais, t'es pas le premier à me dire ça, je comprends pas trop, mais ça m'a bien gavé pour le coup. Autant j'ai été touché récemment par Zootopie par exemple, autant là, ça m'a laissé de marbre, et même irrité en fait. Question de mood au moment de voir le film, je sais pas... | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Dim 31 Juil 2016 - 13:14 | |
| Oui parce qu'autant Zootopie est très bien pour un Disney, autant Dory est à un autre level à mon avis. Pour moi la meilleure suite Pixar hors Toy Story 3, je le trouve d'ailleurs pas si enfantin, entre ses flashbacks au rendu très viscéral, son atmosphère nostalgique, ses passages limite claustro au fond des océans et sa thématique générale qui est certainement la plus grande peur de tous les gamins.
Ce serait quoi ton top Pixar d'ailleurs ? |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Dim 31 Juil 2016 - 13:19 | |
| | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Dim 31 Juil 2016 - 16:11 | |
| Tu mets Rebelle devant Là-Haut ? Pour moi : 1. Les Indestructibles 2. Toy Story 3 3. Là-Haut 4. Inside Out 5. Ratatouille 6. Nemo 7. Dory 8. Monstres & Co 9. Wall-E 10. Toy Story 2 11. Cars 12. Monstres Academy 13. 1001 pattes 14. Toy Story 15. Cars 2 16. Rebelle |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| | | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mer 3 Aoû 2016 - 8:04 | |
| Ugly killed joke. On le dit presque tous, lorsqu’on se met face à un blockbuster, l’état d’esprit et de réception est primordial. Le divertissement l’emporte sur d’autres attentes, et l’on accepte, pour un temps, de faire le deuil de ce que bien d’autres films peuvent nous apporter. Certains, pourtant, peuvent exciter en nous l’espoir d’un semblant de nouveauté, susceptible de donner cette petite valeur ajoutée qui saupoudrera explosion, baston et fin du monde d’un humour (Les Gardiens de la Galaxie) d’une ambition narrative (quelques X-Men) ou esthétique (Batman par Nolan). Suicide Squad était un candidat. Equipe de personnages presque tous nouveaux au ciné, ton badass supposément la réponse par DC à Marvel et son Dead Pool, ça allait changer mon colon. Si l’exposition, dénuée de finesse mais relativement efficace, tient un temps quelques promesses, le nombre incalculable de pièges qui n’auront pas été évités par Ayer achève de faire très rapidement sombrer le navire. La trame narrative, pour commencer, est d’une linéarité pathétique : on fonce dans le tas et on râle tous les quarts d’heure parce que ah oui merde, ils ont une appli pour nous faire sauter la tronche. Les twists en carton, consistant à nous faire un flash-back totalement inutile de ce qui avait déjà été dit ou sauver une personne qu’on connaissait accroissent le sentiment déjà fort présent de foutage de gueule. Lorsqu’on crée une team de cet acabit, la moindre de choses serait de caractériser ces personnages. A part une Harley Quinn dont la fonction consister à balancer une vanne so unexpected qu’elle en devient un robot ou Will Smith gentil papa tueur de service (mon dieu les scènes avec sa fille, et ce retour final, un spectateur a crié « pitié ! » dans la salle, et vous savez quoi, je crois bien que c’était moi), les autres se limitent à des borborygmes ou des coups de latte. Au moins, dans Civil War, la scène de l’aéroport permettait une véritable exploitation de chaque aptitude et un vrai plaisir chorégraphique. Car l’action, ici, se limite aussi à de la baston de nuit, sans aucune ambition, si ce n’est celle de faire du barbecue humain une attraction à la force croissante, sur le mode éculé du « non mais je veux pas montrer ma force, tu comprends, qu’est-ce qui va nous rester pour le final sinon ». Ralentis poseurs, katana ou snipers n’y font rien : tout a déjà été vu, et mieux servi. Et donc, on décapite des créatures de synthèse, et puis on se pose quelques questions parce qu’on est méchant. Passé la première moitié ou faire méchant consiste à aligner des pains ou des vannes sur une compile qui ravira les générations actuelles et leurs parents (remontons à Eminem, puis les Whites Stripes, et Queen…) on va s’aimer hein. En quelques heures, excités dans leur testostérone par un chef de bande fédérateur, les voilà porte-paroles 2.0 d’un militarisme éhonté, et que je te fais défiler ma team au ralenti sur du jus de bollocks en terme de musique. Faisons comme Ayer et gardons le pire pour la fin : la méchante. Ne nous étalons pas sur son ambition, qui coche la case du CV de tout méchant qui se respecte (« mon ambition dans la vie c’est de détruire toute la vie sur terre, poussant le vice jusqu’à n’avoir même pas vraiment d’argument pour le faire, si ce n’est pas ma capacité de destruction », cf. Apocalypse, Doomsday, etc, etc…) et venons-en à la force de frappe visuelle. Une telle laideur, un tel ridicule (et que je te fais une danse sur le mode indien quand je ne singe pas la momie des 7 boules de cristal) devraient être interdits par la loi. On se retrouve quand même avec une chose au-dessus de la ville et des éclairs partout qui feraient passer Ghostbuster pour du stop-motion croate, le tout dans une ambiance musée, viens donc nous buter, on t’attend, vas-y met moi donc une bombe dans le fion pendant que je danse le paso doble avec barbecue man qui regrette d’avoir napalmé sa famille un jour de colère. Parce que la sorcière, allez comprendre, te tronçonne des porte-avions à distance ou des satellites (« oh non, c’était en plus notre principal satellite de communication, diantre ! » nous dit le militaire qui sert à rien d’autre) mais se bat à main nue contre un boomerang et une batte de baseball. Bref. Je n’ai même pas parlé du Joker, et c’est mieux comme ça, ni de Batman, VRP des prequels et de la suite : lorsqu’on prend la mesure de tout ce qui se prépare, la fin du monde en matière de grands films de divertissements semble effectivement à redouter. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mer 3 Aoû 2016 - 11:01 | |
| Ouais ça a l'air assez dégueu quand même... du coup ça m'attriste un petit peu d'avance de voir David Ayer au générique, cinéaste pour lequel j'ai la plus grande affectation, sachant qu'il était avant tout un scénariste de talent dans un genre plutôt réaliste on se demande ce qu'il vient foutre là derrière la caméra. |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mer 3 Aoû 2016 - 11:10 | |
| ...et au scénar en plus, c'est vraiment son bébé pour le coup. Perso, End of watch ne m'a vraiment pas convaincu, et les bandes annonces des deux suivants ont suffi à me faire fuir à toutes jambes. En fait je déteste ce mec. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Jeu 4 Aoû 2016 - 1:42 | |
| C'est beau pourtant End of Watch, tout comme son scénar pour l'excellent polar Ellroy-esque Dark Blue. Et Fury et Street Kings, excellents aussi. Même son Sabotage avec Schwarzy malgré quelques ficelles un peu plus grosses est plutôt réussi. Le seul que j'ai pas trop aimé jusque là c'est Harsh Times.
Suicide Squad c'est plutôt une adaptation, il y a un comic book à la base non ?
Dernière édition par RabbitIYH le Jeu 4 Aoû 2016 - 14:10, édité 2 fois |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Jeu 4 Aoû 2016 - 7:04 | |
| Oui, d'après mes neveux geeks que j'accompagnais, c'est effectivement une adaptation. Mais davantage des personnages que d'une histoire je crois. | |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Ven 5 Aoû 2016 - 8:17 | |
| Le repas des guerriers Le simple énoncé du pitch pourrait faire fuir les plus aguerris. Le jour de la sortie de Suicide Squad, proposer un film roumain de trois heures se déroulant dans l’espace confiné d’un appartement au sein d’une famille réunie pour la commémoration religieuse de la mort du patriarche relève sinon du défi, au moins de la résistance. Il ne faut pas se mentir : il faudra une certaine endurance pour gravir cet étrange massif, parfois foutraque, aux cimes exaltantes et aux gouffres amers. Dix ans après La mort de Dante Lazarescu, Christian Puiu reprend la singularité de ton de ce chef d’œuvre : plans-séquences interminables, entassés comme des blocs au sein desquels surgissent une vie quotidienne et des échanges qui, progressivement, dressent le portrait de personnages qu’on aura le sentiment de connaitre intimement. La nouvelle donne réside dans le parti pris spatial de l’unité de lieu. A deux exceptions près, le trajet initial et une descente dans la rue, toute l’intrigue se concentre autour de l’attente d’un repas qui n’arrivera qu’au plan ultime. Sur le modèle d’un Godot, on attend le prêtre pendant plus d’une heure, puis l’on gère les différentes incursions (un mari jaloux, une ami croate alcoolisée…) qui diffèrent en permanence le seul aspect réjouissant de cette réunion : manger, et, surtout, se taire. Puiu choisit Lary, médecin quadra, pour être témoin de la plupart des échanges. La caméra devient son double, voire celle du père défunt dont la commémoration vise à le faire quitter définitivement les lieux, notamment par la passation d’un costume à un représentant de la nouvelle génération. Souvent placée dans un lieu de convergence, comme un corridor, les panoramiques suffisent à passer d’une porte à l’autre, et donner à voir, dans les embrasures, les micro-récits de toute cette petite troupe. Des théories du complot aux conflits générationnels, de la nostalgie communiste de l’ancienne aux élans pieux de la mère, tout s’entremêle non sans quelques longueurs et langueurs censées rendre palpable l’attente un peu désœuvrée du repas. Mais la chorégraphie des portes, le ballet incessant des répliques et de l’enchevêtrement des fils narratifs, associé au jeu impeccable des comédiens atteste d’une virtuosité toujours aussi vivace du cinéaste. Comme pour La mort de Dante Lazarescu, Puiu ne cherche pas le film à thèse : il y a clairement autant de personnes qu’il y a d’opinions, et leur réunion occasionne des frictions qui prêtent le plus souvent à sourire. C’est d’ailleurs la posture de Lary, qui souvent se retient d’exploser de rire devant le ridicule de toute cette comédie humaine, permettant de désactiver, sans pour autant la mépriser, ce qui pourrait dévier vers la tragédie poussive. Nul Festen ici, mais un concentré latin et gueulard d’une famille comme tant d’autres. Focalisé sur le thème du mensonge, qui irrigue toutes les générations (des frasques de feu le père à celle de l’oncle, voire, en creux, à celles de Lary lui-même), Sieranevada propose en contrepoint la vérité fragile des êtres : condamnés au langage, à des rites, à contraindre leur liberté pour cohabiter avec ceux dont ils savent, au fond, ne pas pouvoir se passer, comme en témoigne ce plan final sur des sourires riches d’une sincérité rare. | |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Lun 8 Aoû 2016 - 7:28 | |
| Global charming Alors que le Canada doit décider s’il s’engage dans une guerre en Moyen-Orient, le jeu des alliances et des oppositions voit le sort du scrutin dépendre d’un seul député, ancienne gloire de Hockey perdu dans sa forêt et ses problèmes locaux. Tout le monde est en mesure de décider à sa place, de sa femme belliqueuse et un peu opportuniste au maire qui y voit l’opportunité de créer des emplois, en passant par sa fille qui refuse de le voir envoyer sa génération se faire tuer à l’autre bout du monde. Un nouveau stagiaire venu d’Haïti, aussi optimiste qu’érudit, entre dans la dense et y voit l’occasion d’une « fenêtre de démocratie directe », concept auquel même le député ne comprend au départ pas grand-chose. Et l’équipe de se lancer dans une vaste consultation locale sur la question, permettant à chacun de s’exprimer, des warriors de la paix aux indiens des réserves, des camionneurs aux mineurs, dont les revendications passent par de constants blocages des seules axes routiers que le député, phobique de l’avion, sillonne continuellement. Guibord s’en va-t-en guerre est clairement une fable comique, qui assume avec bonhomie la simplicité de son propos : mais l’écriture habile permet de mêler de nombreux thèmes, le nœud central reliant famille, amitié, questions locales, enjeux nationaux et vision d’un « village globalisé ». Le contrepoint du personnage de Souverain, qui fait progressivement des conférences sur Skype à toute la population d’Haiti sur la situation et l’influence qu’il a sur elle est une grille de lecture du film : les spectateurs amusés, sont excités par les possibilités données à la démocratie, tout en en mesurant les rouages grippés. Sans verser dans l’utopie improbable inhérente au feel good movie, le récit, souvent très drôle, tient à l’équilibre de ses personnages, notamment dans le caractère dépassé et incrédule de Guibord, épaulé par son improbable sidekick haïtien. Ajoutez des répliques et des situations cocasses, quelques running-gags (notamment par le passage récurrent d’un fauteuil roulant électrique) et jeu de mise en scène avec des split-screens facétieux, et vous avez là une discrète, modeste mais toute à fait stimulante comédie de l’été. | |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Sam 20 Aoû 2016 - 7:12 | |
| Quelques gammes de fitness dans un monde de brutes. Lorsqu’une franchise dépasse la trilogie de rigueur, les attendus ont tendance à s’édulocorer, principalement en ce qui concerne la trame scénaristique : on vend davantage le retour d’un héros et son environnement visuel qu’une avancée novatrice dans sa caractérisation ou son histoire. L’avantage avec Jason Bourne, particulièrement avec le retour de Greengrass aux affaires, c’est que ces éléments bénéficiaient d’une véritable identité dans la trilogie originelle. Il faut donc un tolérance certaine face aux lacunes de ce quatrième opus pour en apprécier les traits les plus saillants. Le retour de l’agent qui n’est plus du tout amnésique, pas plus que son spectateur, n’échappe pas à la revente d’une soupe au goût plus que familier : complots, course-poursuite, camouflages dans la foule, esthétique à la 24H et questions éculées sur la surveillance et les libertés individuelles sous la caution post-Snowden. Greengrass lui-même se fait un point d’honneur à reprendre les choses où il les avait laissées, et la lassitude peut émerger de temps à autre. Il fut un temps où nous servir une caméra à l’épaule ou des zooms brusques donnait l’illusion documentaire ; aujourd’hui, ce n’est qu’une signature stylistique un peu poseuse, à la limite de la lisibilité dans certains combats en corps à corps ou carambolages numériques à la lisière du grotesque. De la même manière, nous imposer au moins cinq fois le même flashback en le rendant progressivement moins flou semble déjà à peine pardonnable pour un premier film… Autant de petits fils blancs pour faire tenir cette reprise et qui l’entaillent à de nombreux endroits. Il n’empêche que dans le flot des séquelles blockbusteiennes, où le super-héros numérique écrase de ses pixels toute concurrence, retrouver Bourne occasionne une respiration presque salvatrice. Cette esthétique brute, ce sens du rythme, cette façon d’évacuer tout pathos en se concentrant sur l’essentiel, à savoir un jeu international de chat et de souris, revitalisent un peu le cinéma d’action. Deux éléments essentiels sauvent le film. D’abord, le rôle accordé aux femmes, qui confirme une tendance tout à fait réjouissante, de Fury Road au Réveil de la Force : de la blonde hackeuse à la brune entremetteuse et ambitieuse (la décidément minérale et fascinante Alicia Vikander, après Ex Machina) les femmes tirent les ficelles. Bourne, qui parle peu et se contente d’agir, devient un corps musclé en état de légitime survie : peu de stratégie, mais des gestes décisifs, et une obéissance à des injonctions qui le dépassent pour se rendre aux quatre coins de la planète. Casssel, son evil twin, pousse encore plus loin cette idée, en asset corvéable à merci, dénué de toute conscience. Ensuite, la dynamique : s’il se déroule sur un arc clairement balisé, le récit procède surtout par sauts vers des séquences maitresses, dont certaines sont de grandes réussites. Dans le cahier des charges Bourne, il s’agit d’agir en plein jour, mais en quasi invisibilité : la variation proposée ici, à savoir mêler les protagonistes aux émeutes à Athènes, fonctionne à merveille. La séquence finale est certes assez ratée, voulant nous imposer une surenchère sur le déjà excessif carambolage berlinois du deuxième opus : mais la façon de multiplier les digressions et les convergences aura atteint son apogée lors de l’épisode londonien. Trahisons en cascades, doublages dans tous les camps renforcent la cavale et permettent un jeu géographique et meurtrier tout à fait émoustillant. Le dernier échange avec Bourne le montre à la fois malin, désabusé et tout sauf dupe des intrigues qui se jouent autour de lui : le monde dans lequel on l’a programmé restera toujours le même : le spectateur avisé se dira exactement la même chose à l’endroit de ce nouvel épisode, sans pour autant bouder son plaisir. | |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Dim 21 Aoû 2016 - 8:14 | |
| Slowpiercer Ainsi donc, du Zombie en mode Word War Z (à savoir rapide) dans un train en mode Snowpiercer, le tout en Corée. Il faut bien reconnaitre qu’il y avait quand même de quoi se méfier. Et ça dure deux heures. Les défenseurs du genre nous diront sans doute « métaphore sociale et psychologique », parce qu’on retrouve un clodo, un yuppie, une femme enceinte, un papa pas très impliqué, un méchant patron et des jeunes joueurs de baseball dont la batte s’avérera salvatrice… A part alourdir un film trop long, et qui plus est mal joué, toutes ces strates n’ont aucun intérêt. Nulle complexité, des leçons de vie en carton sur la solidarité et l’esprit d’équipe qui se résument à « Allez-y, courez pendant que je me fais déguster » ou « Ahahah, je te pousse vers les mutants pour mieux m’en sortir dans mon plan perso à moi que j’ai » Reste donc l’action, voire la possible épouvante. La thématique du train occasionne certes quelques variations : la remontée des wagons et les différentes stratégies qu’elle suppose, le jeu sur les tunnels permettant un répit précaire, l’effet de masse sur les parois vitrée et les différents départs constituent une trame qui évite qu’on sombre dans un ennui trop mortifère. Mais il reste le corps à corps. Bon dieu, c’est pas possible tout de même, comme concept du zombie, quand même. Le truc le plus primitif qu’on puisse imaginer, un corps désarticulé avec des yeux blancs qui vient vers toi en ouvrant les crocs. Et le premier qui me sort du « métaphore de la condition humaine mue par ses instincts primaires » je l’envoie mater du Bruno Dumont première période. Ici, donc, ça éructe, on s’en fout, ça bouffe, on s’en cogne, ça court, on s’en tape. Et ça dure deux heures. Alors oui, l’amaigrissement progressif de la survival team pourrait être pris comme une forme d’audace, encore eût-il fallu qu’on s’attache auparavant à ces candidats au tartare géant Les zombies, j’arrête : je crois qu’après Le crépuscule des morts vivants, nulle aube nouvelle n’est à attendre. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Lun 22 Aoû 2016 - 4:46 | |
| Allergie aux croqueurs de cerveau ? Pas encore maté mais il a une côte assez époustouflante aussi bien côté critique que public, visiblement. Et en général les films de zombies ont justement très bien su digérer l'intelligence de Romero. - Nulladies a écrit:
Et le premier qui me sort du « métaphore de la condition humaine mue par ses instincts primaires » je l’envoie mater du Bruno Dumont première période.
Y a pas un léger décalage d'attente là quand même ? |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Lun 22 Aoû 2016 - 6:42 | |
| Je me suis mal fait comprendre. Je n'avais pas ce genre d'attente, mais comme je trouve ça vraiment très basique, j'anticipe le genre de réponse qu'on pourrait me donner sur la question. Et oui, à part le Romero en question ou la franche comédie type Cornetto, les zombies, ça m'emmerde franchement. | |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Lun 22 Aoû 2016 - 8:23 | |
| L’immonde du silence La trainée de poudre critique faite autour de Toni Erdmann lors de sa projection cannoise, alimentée par son absence remarquée au palmarès, peut être à l’origine d’un certain nombre de malentendus. Film fleuve, récit malade dans sa narration comme ses propos, il est loin de se limiter à la comédie qu’on nous a annoncée. Le principe comique est pourtant à l’origine de son idée maîtresse, en la personne du père qui passe toujours par la mystification et les blagues pour s’exprimer : déguisement bancal, propositions absurdes pourraient, selon lui, combler le fait qu’il n’a rien d’intéressant à dire, voire que sa personne est d’une banalité affligeante. En résulte effectivement un ballet de situations loufoques, le voyant s’installer dans le monde bien réglé du consulting et des réceptions en ambassades comme un chien dans un jeu de quilles. Le principe du décalage fonctionne à plein régime, et suit une logique croissante qui profite de la durée excessive du film, 2h42, pour embarquer son spectateur vers une cérémonie cathartique complètement improbable et néanmoins convaincante. Ce sujet à lui seul pouvait donc faire une comédie ; mais les intentions à l’origine du père, pour troubles qu’elles soient (l’âge, la solitude, la perte récente de son chien), vont se confronter à la fille, qui ne va pas se contenter de fuir l’empêcheur de licencier en rond. Figure de l’executive woman, mutique et minérale, Ines est le pur produit de son époque. Alors qu’on pouvait réduire son rôle à celui de la femme sous pression, Maren Ade exploite la longueur du récit pour décliner les facettes de son identité, si tant est qu’on puisse en définir une : celle d’une femme qui rend coup pour coup. Soumise à une exigence hors norme dans son boulot, elle fait de même avec sa masseuse ; humiliée lorsqu’elle doit emmener la femme de son employeur faire trois heures de shopping, elle rend la pareille à son amant qu’elle contraint à éjaculer sur un cupcake dans une scène où le comique le dispute à une forme insidieuse de SM. Le jeu qui l’unit à son père devenu Toni Erdmann, mi coach mi ambassadeur, sera donc à double détente : puisqu’il s’incruste, elle l’emmène partout ; le confronte à la drogue, à la violence économique, sans jamais desserrer la mâchoire face à ses facéties, obsédées par l’idée de gérer toute situation de crise, quelle qu’elle soit. Cette inversion des pôles, cette lutte de pouvoir qui ne dit pas son nom constitue la dynamique principale du film. Les comédiens sont excellent sur cette partition à double fond, et si une absence est à déplorer au point de vue du palmarès, c’est bien celle du prix d’interprétation féminine pour la fantastique Sandra Hüller. L’identité est la grande malmenée : d’un ersatz de père, qui commence par dire qu’il a loué une fille de substitution, à ce Bucarest des affaires où l’on parle un anglais impersonnel, en amour comme en famille, rien ne semble faire figure de repère. Si le corps se rappelle de temps à autre (un pied dont le sang gicle, un appareil à tension dont l’alarme se déclenche), on parvient à l’évacuer avec le reste, en témoigne l’ironie féroce de la nudité finale, qui dit tout sauf la mise à nu des individus. C’est sur ce principe de la distance que Maren Ade joue son principal atout. La durée des plans lors des malaises créés par le binôme, des séquences durant lesquelles tout peut advenir, d’un licenciement à un chant cathartique réellement émouvant. Il n’empêche que la redondance de certaines situations, le caractère un peu appuyé de certaines dénonciations, notamment sur le monde du consulting, empèsent un peu la durée fleuve du film. Si elle sait ménager des surprises ou créer des personnages pertinents (à l’image de l’assistante d’Ines, esclave consentante), la mise en scène est assez plate et le montage manque clairement de concision. À titre d’exemple, les préambules et épilogues en Allemagne auraient pu sans problème être coupés. Ce trouble, ce poids général peut certes se justifier sur le parcours des personnages qui, et c’est la grande force définitive du film, n’apprennent rien. Maren Ade se sera contenté d’un portrait de deux grands malades, maladroits dans leur communication, balayant avec embarras les mots clés de bonheur, vie et quotidien. Cette absence de leçon, ce plan en suspens qui clôt le film, ce silence assourdissant (qui aurait très bien pu s’achever sur l’étreinte entre Ines et la peluche dans le parc) est une nouvelle forme de malaise qui renvoie à l’incapacité de l’être humain à réellement changer, a contrario de ce que les personnages de fictions nous démontrent traditionnellement. Entre temps, il y aura donc eu cette tentative de narrativiser le réel pour le rendre savoureux : une fuite en avant sans réelle satisfaction, qui fait oublier l’essentiel, le grand absent et la grande quête de cette comédie plus existentielle qu’elle n’y parait. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Lun 22 Aoû 2016 - 10:27 | |
| - Nulladies a écrit:
- Je me suis mal fait comprendre. Je n'avais pas ce genre d'attente
Blagounette, je me doutais bien. |
| | | Zwaffle un mont de verres
Nombre de messages : 1724 Date d'inscription : 08/01/2014 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Lun 22 Aoû 2016 - 14:43 | |
| - Nulladies a écrit:
L’immonde du silence
La trainée de poudre critique faite autour de Toni Erdmann lors de sa projection cannoise, alimentée par son absence remarquée au palmarès, peut être à l’origine d’un certain nombre de malentendus. Film fleuve, récit malade dans sa narration comme ses propos, il est loin de se limiter à la comédie qu’on nous a annoncée. Le principe comique est pourtant à l’origine de son idée maîtresse, en la personne du père qui passe toujours par la mystification et les blagues pour s’exprimer : déguisement bancal, propositions absurdes pourraient, selon lui, combler le fait qu’il n’a rien d’intéressant à dire, voire que sa personne est d’une banalité affligeante. En résulte effectivement un ballet de situations loufoques, le voyant s’installer dans le monde bien réglé du consulting et des réceptions en ambassades comme un chien dans un jeu de quilles. Le principe du décalage fonctionne à plein régime, et suit une logique croissante qui profite de la durée excessive du film, 2h42, pour embarquer son spectateur vers une cérémonie cathartique complètement improbable et néanmoins convaincante. Ce sujet à lui seul pouvait donc faire une comédie ; mais les intentions à l’origine du père, pour troubles qu’elles soient (l’âge, la solitude, la perte récente de son chien), vont se confronter à la fille, qui ne va pas se contenter de fuir l’empêcheur de licencier en rond. Figure de l’executive woman, mutique et minérale, Ines est le pur produit de son époque. Alors qu’on pouvait réduire son rôle à celui de la femme sous pression, Maren Ade exploite la longueur du récit pour décliner les facettes de son identité, si tant est qu’on puisse en définir une : celle d’une femme qui rend coup pour coup. Soumise à une exigence hors norme dans son boulot, elle fait de même avec sa masseuse ; humiliée lorsqu’elle doit emmener la femme de son employeur faire trois heures de shopping, elle rend la pareille à son amant qu’elle contraint à éjaculer sur un cupcake dans une scène où le comique le dispute à une forme insidieuse de SM. Le jeu qui l’unit à son père devenu Toni Erdmann, mi coach mi ambassadeur, sera donc à double détente : puisqu’il s’incruste, elle l’emmène partout ; le confronte à la drogue, à la violence économique, sans jamais desserrer la mâchoire face à ses facéties, obsédées par l’idée de gérer toute situation de crise, quelle qu’elle soit. Cette inversion des pôles, cette lutte de pouvoir qui ne dit pas son nom constitue la dynamique principale du film. Les comédiens sont excellent sur cette partition à double fond, et si une absence est à déplorer au point de vue du palmarès, c’est bien celle du prix d’interprétation féminine pour la fantastique Sandra Hüller. L’identité est la grande malmenée : d’un ersatz de père, qui commence par dire qu’il a loué une fille de substitution, à ce Bucarest des affaires où l’on parle un anglais impersonnel, en amour comme en famille, rien ne semble faire figure de repère. Si le corps se rappelle de temps à autre (un pied dont le sang gicle, un appareil à tension dont l’alarme se déclenche), on parvient à l’évacuer avec le reste, en témoigne l’ironie féroce de la nudité finale, qui dit tout sauf la mise à nu des individus. C’est sur ce principe de la distance que Maren Ade joue son principal atout. La durée des plans lors des malaises créés par le binôme, des séquences durant lesquelles tout peut advenir, d’un licenciement à un chant cathartique réellement émouvant. Il n’empêche que la redondance de certaines situations, le caractère un peu appuyé de certaines dénonciations, notamment sur le monde du consulting, empèsent un peu la durée fleuve du film. Si elle sait ménager des surprises ou créer des personnages pertinents (à l’image de l’assistante d’Ines, esclave consentante), la mise en scène est assez plate et le montage manque clairement de concision. À titre d’exemple, les préambules et épilogues en Allemagne auraient pu sans problème être coupés. Ce trouble, ce poids général peut certes se justifier sur le parcours des personnages qui, et c’est la grande force définitive du film, n’apprennent rien. Maren Ade se sera contenté d’un portrait de deux grands malades, maladroits dans leur communication, balayant avec embarras les mots clés de bonheur, vie et quotidien. Cette absence de leçon, ce plan en suspens qui clôt le film, ce silence assourdissant (qui aurait très bien pu s’achever sur l’étreinte entre Ines et la peluche dans le parc) est une nouvelle forme de malaise qui renvoie à l’incapacité de l’être humain à réellement changer, a contrario de ce que les personnages de fictions nous démontrent traditionnellement. Entre temps, il y aura donc eu cette tentative de narrativiser le réel pour le rendre savoureux : une fuite en avant sans réelle satisfaction, qui fait oublier l’essentiel, le grand absent et la grande quête de cette comédie plus existentielle qu’elle n’y parait.
vu ce weekend j'ai finalement été assez surpris par le ton du film (même si j'avais lu pas mal de choses dessus) qui met beaucoup de temps à démarrer (je suis d'accord sur le fait que plusieurs scènes auraient pu être coupées sans que cela altère le résultat final) et qui navigue entre drame et comédie sans jamais qu'on sache où la prochaine scène va nous emmener et ce jusqu'à la fin (je m'attendais moi aussi que le film s'arrête sur la scène dans le parc, qui aurait été une dernière image parfaite) mais je pense que les longueurs jouent beaucoup dans l'effet jouissif des scènes comiques à ce propos, je crois que je n'ai jamais entendu ma femme rire autant qu'à la scène du "brunch" après "Victoria" l'an dernier, encore un film allemand qui sera dans le top de fin d'année | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mer 24 Aoû 2016 - 17:41 | |
| - Nulladies a écrit:
Quelques gammes de fitness dans un monde de brutes.
Lorsqu’une franchise dépasse la trilogie de rigueur, les attendus ont tendance à s’édulocorer, principalement en ce qui concerne la trame scénaristique : on vend davantage le retour d’un héros et son environnement visuel qu’une avancée novatrice dans sa caractérisation ou son histoire. L’avantage avec Jason Bourne, particulièrement avec le retour de Greengrass aux affaires, c’est que ces éléments bénéficiaient d’une véritable identité dans la trilogie originelle. Il faut donc un tolérance certaine face aux lacunes de ce quatrième opus pour en apprécier les traits les plus saillants. Le retour de l’agent qui n’est plus du tout amnésique, pas plus que son spectateur, n’échappe pas à la revente d’une soupe au goût plus que familier : complots, course-poursuite, camouflages dans la foule, esthétique à la 24H et questions éculées sur la surveillance et les libertés individuelles sous la caution post-Snowden. Greengrass lui-même se fait un point d’honneur à reprendre les choses où il les avait laissées, et la lassitude peut émerger de temps à autre. Il fut un temps où nous servir une caméra à l’épaule ou des zooms brusques donnait l’illusion documentaire ; aujourd’hui, ce n’est qu’une signature stylistique un peu poseuse, à la limite de la lisibilité dans certains combats en corps à corps ou carambolages numériques à la lisière du grotesque. De la même manière, nous imposer au moins cinq fois le même flashback en le rendant progressivement moins flou semble déjà à peine pardonnable pour un premier film… Autant de petits fils blancs pour faire tenir cette reprise et qui l’entaillent à de nombreux endroits. Il n’empêche que dans le flot des séquelles blockbusteiennes, où le super-héros numérique écrase de ses pixels toute concurrence, retrouver Bourne occasionne une respiration presque salvatrice. Cette esthétique brute, ce sens du rythme, cette façon d’évacuer tout pathos en se concentrant sur l’essentiel, à savoir un jeu international de chat et de souris, revitalisent un peu le cinéma d’action. Deux éléments essentiels sauvent le film. D’abord, le rôle accordé aux femmes, qui confirme une tendance tout à fait réjouissante, de Fury Road au Réveil de la Force : de la blonde hackeuse à la brune entremetteuse et ambitieuse (la décidément minérale et fascinante Alicia Vikander, après Ex Machina) les femmes tirent les ficelles. Bourne, qui parle peu et se contente d’agir, devient un corps musclé en état de légitime survie : peu de stratégie, mais des gestes décisifs, et une obéissance à des injonctions qui le dépassent pour se rendre aux quatre coins de la planète. Casssel, son evil twin, pousse encore plus loin cette idée, en asset corvéable à merci, dénué de toute conscience. Ensuite, la dynamique : s’il se déroule sur un arc clairement balisé, le récit procède surtout par sauts vers des séquences maitresses, dont certaines sont de grandes réussites. Dans le cahier des charges Bourne, il s’agit d’agir en plein jour, mais en quasi invisibilité : la variation proposée ici, à savoir mêler les protagonistes aux émeutes à Athènes, fonctionne à merveille. La séquence finale est certes assez ratée, voulant nous imposer une surenchère sur le déjà excessif carambolage berlinois du deuxième opus : mais la façon de multiplier les digressions et les convergences aura atteint son apogée lors de l’épisode londonien. Trahisons en cascades, doublages dans tous les camps renforcent la cavale et permettent un jeu géographique et meurtrier tout à fait émoustillant. Le dernier échange avec Bourne le montre à la fois malin, désabusé et tout sauf dupe des intrigues qui se jouent autour de lui : le monde dans lequel on l’a programmé restera toujours le même : le spectateur avisé se dira exactement la même chose à l’endroit de ce nouvel épisode, sans pour autant bouder son plaisir.
Gros bof moi pour ce nouveau Buuurne, c'est bien burné c'est sûr mais dans mon souvenir l'esthétique de 24 était viscérale et ultra-lisible avec des plans qui duraient un peu plus de 2 secondes quand même et des enjeux présents dans l'action, là plus ça va et plus Greengrass (à l'exception du break old school de The Bourne Legacy qui s'impose comme le meilleur de la série finalement) pratique le montage mitraillette de speed shots filmés à l'épaule avec un rendu complètement bordélique et déshumanisé, confondant coeur de l'action et chaos sans queue ni tête. Ajoutez à ça plein de trous dans les scénario, un jeu du chat et de la souris complètement invraisemblable où tout le monde arrive à trouver tout le monde instantanément tout le temps, une Vikander inexistante, un méchant qu'on sait qui sait tout de suite parce qu'ils nous l'ont déjà faite, en gros il reste la performance physique de Cassel (qui sauve un personnage complètement unidimensionnel), celle de Damon mais on a l'habitude et la séquence londonienne qui casserait pas des briques dans un Mission Impossible mais à l'échelle de ce Bourne bas de gamme ça fait son petit effet. |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mer 24 Aoû 2016 - 21:09 | |
| - Zwaffle a écrit:
- Nulladies a écrit:
L’immonde du silence
La trainée de poudre critique faite autour de Toni Erdmann lors de sa projection cannoise, alimentée par son absence remarquée au palmarès, peut être à l’origine d’un certain nombre de malentendus. Film fleuve, récit malade dans sa narration comme ses propos, il est loin de se limiter à la comédie qu’on nous a annoncée. Le principe comique est pourtant à l’origine de son idée maîtresse, en la personne du père qui passe toujours par la mystification et les blagues pour s’exprimer : déguisement bancal, propositions absurdes pourraient, selon lui, combler le fait qu’il n’a rien d’intéressant à dire, voire que sa personne est d’une banalité affligeante. En résulte effectivement un ballet de situations loufoques, le voyant s’installer dans le monde bien réglé du consulting et des réceptions en ambassades comme un chien dans un jeu de quilles. Le principe du décalage fonctionne à plein régime, et suit une logique croissante qui profite de la durée excessive du film, 2h42, pour embarquer son spectateur vers une cérémonie cathartique complètement improbable et néanmoins convaincante. Ce sujet à lui seul pouvait donc faire une comédie ; mais les intentions à l’origine du père, pour troubles qu’elles soient (l’âge, la solitude, la perte récente de son chien), vont se confronter à la fille, qui ne va pas se contenter de fuir l’empêcheur de licencier en rond. Figure de l’executive woman, mutique et minérale, Ines est le pur produit de son époque. Alors qu’on pouvait réduire son rôle à celui de la femme sous pression, Maren Ade exploite la longueur du récit pour décliner les facettes de son identité, si tant est qu’on puisse en définir une : celle d’une femme qui rend coup pour coup. Soumise à une exigence hors norme dans son boulot, elle fait de même avec sa masseuse ; humiliée lorsqu’elle doit emmener la femme de son employeur faire trois heures de shopping, elle rend la pareille à son amant qu’elle contraint à éjaculer sur un cupcake dans une scène où le comique le dispute à une forme insidieuse de SM. Le jeu qui l’unit à son père devenu Toni Erdmann, mi coach mi ambassadeur, sera donc à double détente : puisqu’il s’incruste, elle l’emmène partout ; le confronte à la drogue, à la violence économique, sans jamais desserrer la mâchoire face à ses facéties, obsédées par l’idée de gérer toute situation de crise, quelle qu’elle soit. Cette inversion des pôles, cette lutte de pouvoir qui ne dit pas son nom constitue la dynamique principale du film. Les comédiens sont excellent sur cette partition à double fond, et si une absence est à déplorer au point de vue du palmarès, c’est bien celle du prix d’interprétation féminine pour la fantastique Sandra Hüller. L’identité est la grande malmenée : d’un ersatz de père, qui commence par dire qu’il a loué une fille de substitution, à ce Bucarest des affaires où l’on parle un anglais impersonnel, en amour comme en famille, rien ne semble faire figure de repère. Si le corps se rappelle de temps à autre (un pied dont le sang gicle, un appareil à tension dont l’alarme se déclenche), on parvient à l’évacuer avec le reste, en témoigne l’ironie féroce de la nudité finale, qui dit tout sauf la mise à nu des individus. C’est sur ce principe de la distance que Maren Ade joue son principal atout. La durée des plans lors des malaises créés par le binôme, des séquences durant lesquelles tout peut advenir, d’un licenciement à un chant cathartique réellement émouvant. Il n’empêche que la redondance de certaines situations, le caractère un peu appuyé de certaines dénonciations, notamment sur le monde du consulting, empèsent un peu la durée fleuve du film. Si elle sait ménager des surprises ou créer des personnages pertinents (à l’image de l’assistante d’Ines, esclave consentante), la mise en scène est assez plate et le montage manque clairement de concision. À titre d’exemple, les préambules et épilogues en Allemagne auraient pu sans problème être coupés. Ce trouble, ce poids général peut certes se justifier sur le parcours des personnages qui, et c’est la grande force définitive du film, n’apprennent rien. Maren Ade se sera contenté d’un portrait de deux grands malades, maladroits dans leur communication, balayant avec embarras les mots clés de bonheur, vie et quotidien. Cette absence de leçon, ce plan en suspens qui clôt le film, ce silence assourdissant (qui aurait très bien pu s’achever sur l’étreinte entre Ines et la peluche dans le parc) est une nouvelle forme de malaise qui renvoie à l’incapacité de l’être humain à réellement changer, a contrario de ce que les personnages de fictions nous démontrent traditionnellement. Entre temps, il y aura donc eu cette tentative de narrativiser le réel pour le rendre savoureux : une fuite en avant sans réelle satisfaction, qui fait oublier l’essentiel, le grand absent et la grande quête de cette comédie plus existentielle qu’elle n’y parait.
vu ce weekend
j'ai finalement été assez surpris par le ton du film (même si j'avais lu pas mal de choses dessus) qui met beaucoup de temps à démarrer (je suis d'accord sur le fait que plusieurs scènes auraient pu être coupées sans que cela altère le résultat final) et qui navigue entre drame et comédie sans jamais qu'on sache où la prochaine scène va nous emmener
et ce jusqu'à la fin (je m'attendais moi aussi que le film s'arrête sur la scène dans le parc, qui aurait été une dernière image parfaite)
mais je pense que les longueurs jouent beaucoup dans l'effet jouissif des scènes comiques
à ce propos, je crois que je n'ai jamais entendu ma femme rire autant qu'à la scène du "brunch"
après "Victoria" l'an dernier, encore un film allemand qui sera dans le top de fin d'année Oui, c'est ce que je disais aussi pour la longueur dans l'effet comique. | |
| | | Nulladies Cinéman
Nombre de messages : 2734 Date d'inscription : 28/12/2013 Age : 47
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... Mer 24 Aoû 2016 - 21:12 | |
| - RabbitIYH a écrit:
Gros bof moi pour ce nouveau Buuurne, c'est bien burné c'est sûr mais dans mon souvenir l'esthétique de 24 était viscérale et ultra-lisible avec des plans qui duraient un peu plus de 2 secondes quand même et des enjeux présents dans l'action, là plus ça va et plus Greengrass (à l'exception du break old school de The Bourne Legacy qui s'impose comme le meilleur de la série finalement) pratique le montage mitraillette de speed shots filmés à l'épaule avec un rendu complètement bordélique et déshumanisé, confondant coeur de l'action et chaos sans queue ni tête. Ajoutez à ça plein de trous dans les scénario, un jeu du chat et de la souris complètement invraisemblable où tout le monde arrive à trouver tout le monde instantanément tout le temps, une Vikander inexistante, un méchant qu'on sait qui sait tout de suite parce qu'ils nous l'ont déjà faite, en gros il reste la performance physique de Cassel (qui sauve un personnage complètement unidimensionnel), celle de Damon mais on a l'habitude et la séquence londonienne qui casserait pas des briques dans un Mission Impossible mais à l'échelle de ce Bourne bas de gamme ça fait son petit effet. Même si c'est pas faux (on se rejoint sur pas mal de reproches), t'es un peu dur je trouve, surtout si l'on compare cette franchise aux autres en vigueur. C'est vrai que le niveau international va toujours trop vite, et ne laisse pas de tension sur comment aller à tel endroit ou comment y retrouver l'autre. Par contre, Vikander m'a bien convaincu, bien plus que Cassel pour le coup. | |
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: Voyage en salle obscure... | |
| |
| | | | Voyage en salle obscure... | |
|
Sujets similaires | |
|
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| |
|