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 [Cycle] Akira Kurosawa

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Nulladies
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MessageSujet: Re: [Cycle] Akira Kurosawa   [Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 EmptyMar 13 Jan 2015 - 7:58

[Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 3700224305789_akira_kurosawa_coffret_scandale_l_idiot

Des visages défigurent.

Lorsqu’on voit l’importance des thèmes de la culpabilité, du choix et des frontières poreuses entre le bien et le mal qui occupent les films précédents de Kurosawa, il est peu surprenant de le voir s’attaquer à l’adaptation de Dostoïevski. Face à l’un de ses romans les plus profus, le cinéaste opère une série de choix assez intéressants. Dans un Japon contemporain, tout au long d’un hiver qui ne finit pas de geler la terre et de s’accumuler sur les toits, il resserre résolument le cadre pour filmer au plus près son personnage principal, l’idiot et les ravages qu’il occasionne sur un trio qui deviendra quatuor dans la deuxième partie.
Très littéraire, voire théâtral, le film s’articule autour de grands blocs séquentiels qui se délaissent progressivement des seconds rôles. Au départ, une foule assiste aux enjeux sociétaux, à savoir le mariage et l’argent, qui s’annulent ou finissent dans le feu. La construction alternée d’échanges intimes en gros plan sur les visages tend à faire oublier le nombre d’auditeurs, qui ressurgissent de temps à autre et créent un intéressant déséquilibre attestant de la maitrise du cinéaste.
Le mystère de l’homme, son rapport à la faute et sa soif de rédemption, la passion qui le ravage et ses impossibles choix avaient obsédé Dostoïevski. Pour retranscrire ces flux et reflux, Kurosawa fait de son personnage un voyant hors pair : à plusieurs reprises, on est embarrassé de la façon dont il dévisage les gens, mise en abyme évidente du rapport entre le cinéaste et ses personnages. A la lisière de l’expressionisme, le visage dilaté de Masayuki Mori, contrepoint au regard dur et à la voix caverneuse de Mifune composent la partition de toutes les émotions, d’autant que ce duo se retrouve dans son versant féminin avec les personnages de Taeko et Ayako.
Les scènes de discussions, très longues, oppressent autant les personnages que les spectateurs, et il faut reconnaitre que le film peut s’avérer pesant sur ses 2h45 (qui apparemment auraient en outre subi des coupes des producteurs…). En guise de respiration, Kurosawa offre des séquences d’échappées vers l’extérieur dont il a le secret : l’errance urbaine avant la tentative de meurtre et la crise d’épilepsie, et surtout un bal masqué sur glace aux flambeaux de toute beauté.
Fondé sur les contrastes, entre une épaisseur verbale presque opaque et des séquences plus contemplatives (à l’image du thé avec la mère du personnage interprété par Mifune, poétique et humble), L’Idiot est un film exigeant, mais qui restitue avec une réelle vibration les explorations complexes de la psyché humaine par le maitre russe.
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MessageSujet: Re: [Cycle] Akira Kurosawa   [Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 EmptyMar 13 Jan 2015 - 13:12

Nulladies a écrit:
l’errance urbaine avant la tentative de meurtre

Effectivement très belle séquence dans mon souvenir, mais un film assez théâtral qui m'avait quand même un peu déçu malgré son intelligence d'écriture.
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Nulladies
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Nulladies


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MessageSujet: Re: [Cycle] Akira Kurosawa   [Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 EmptyMar 13 Jan 2015 - 13:14

Oui, c'est assez pesant par moments. Un de ses moins bons, je dirais, avec Vivre dans la peur.
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MessageSujet: Re: [Cycle] Akira Kurosawa   [Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 EmptyMar 13 Jan 2015 - 15:02

Nulladies a écrit:
avec Vivre dans la peur

Tiens pas vu non plus celui-la ! Je suis quand même assez curieux de ce scénario, sur le papier.
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Goupi Tonkin
la séquence du spectateur
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MessageSujet: Re: [Cycle] Akira Kurosawa   [Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 EmptyMer 14 Jan 2015 - 18:21

Azbinebrozer a écrit:
Goupi Tonkin a écrit:
RabbitIYH a écrit:
Goupi Tonkin a écrit:
Mais je me trompe peut-être.

Surement même  Razz  bien que tous ces cinéastes aient justement eu le bon gout et le talent de s'inspirer sans l'imiter. Et puis chez Johnnie To quand même c'est souvent évident.

Par contre c'est très juste pour Welles.

Goupi Tonkin a écrit:
c'est beau comme du grand Ford.

Un cinéaste infiniment surestimé selon moi. Razz

Normal. Je vais jouer l'intégriste de service mais pour moi c'est, il était une fois en Amérique exclu, impossible d'aimer le maniériste toc Leone quand on aime vraiment  l'humaniste, élégiaque et sobre Ford. J'aurai toujours plus de passion pour l'anar-conservateur et humaniste que pour le gros rital faussement cynique aux gros doigts gourds.

je donne tout Leone pour le dernier plan de la prisonnière du désert, pour le travelling-avant super court et beau sur John Wayne de Stagecoach.
CQQFD Nulla : + 1 du vieux ! Vu que ce cadrage de Ford sur la porte a été mon avatar ici, fan de Ford, oui Leone ça ne me concerne pas, même si je n'ai rien contre Leone.
cheers
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Azbinebrozer
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MessageSujet: Re: [Cycle] Akira Kurosawa   [Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 EmptyMer 14 Jan 2015 - 18:50

RabbitIYH a écrit:
Nulladies a écrit:
l’errance urbaine avant la tentative de meurtre

Effectivement très belle séquence dans mon  souvenir, mais un film assez théâtral qui m'avait quand même un peu déçu malgré son intelligence d'écriture.

Nulladies a écrit:
Oui, c'est assez pesant par moments. Un de ses moins bons, je dirais, avec Vivre dans la peur.
J'ai vu l'Idiot il y a très longtemps et pareil pas très convaincu. Il faut dire que le roman de Dosto bon, est quand même inégal, piégeux. Le côté théâtral y est déjà très présent, le récit très dispersé ou répétitif, un côté hystérique (le héros fait des crises d'épilepsie...).
La figure de l'idiot est un thème très vaste, qui me touche (de près !  Wink ). C'est un thème quasi naturel pour les russes fascinés par le rationalisme de l'occident, mais aussi par son envers, religieux...
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Nulladies
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MessageSujet: Re: [Cycle] Akira Kurosawa   [Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 EmptyMer 14 Jan 2015 - 20:02

[Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 Vivredanslapeurikimonon

Peur sur la bile.

La vision qu’entretient Kurosawa de l’humanité est depuis les débuts de sa filmographie très proche de celle de Dostoïevski, et ce nouvel opus ne déroge pas à ses obsessions. Toujours ancrée dans l’histoire sacrificielle du Japon, l’intrigue évoque directement le traumatisme de la bombe A sur la population, à travers un patriarche, riche industriel qui décide, par crainte de l’atome, d’émigrer avec toute sa famille au Brésil pour éviter les radiations. Il lui faut composer avec une nouvelle génération qui préfère vivre dans le déni et le confort, ainsi que ses maitresses et enfants illégitimes qui s’inquiètent de son départ.
Le point de vue choisi est multiple, mais c’est surtout celui du médiateur, interprété par Takashi Shimura, qui correspond au regard du cinéaste : inquiet, soucieux de donner la parole et d’écouter celui que tout le monde prend pour un aliéné, il rappelle le Fonda de 12 angry men, d’autant qu’il partage avec lui la vision d’une ville totalement étouffée par la fournaise. Face à lui, des groupes butés et dans l’impasse, et une impossibilité frontale à communiquer. Mifune grimé en vieillard atrabilaire aux cheveux blancs est convaincant et méconnaissable.
[Spoils]
Le pessimisme quant à l’issue des débats, l’incapacité à résoudre un conflit autrement que par la destruction et l’enfermement colore l’humanisme et l’empathie d’une noirceur résolument pessimiste, qu’on peut comparer au très beau Take Shelter. Résolu à sauver les siens malgré eux, le chef de famille brûle l’usine dont les revenus suffisaient à leur sédentarité ; à cette extrémité répond, après la mise sous tutelle, l’internement. De plus en plus resserré, le cadre quitte la ville pour une très belle image finale d’un double couloir en pente où se croisent ceux qui visitent et ceux qui quittent le détenu.
Si le propos est intéressant et ses rapports à l’Histoire plutôt habiles dans leur symbolique, le film accuse tout de même certaines lourdeurs, par la répétition des réunions de famille et l’hystérie des coups dans lesquels finissent les échanges, et reste un film mineur dans la pléthorique œuvre de Kurosawa.
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MessageSujet: Re: [Cycle] Akira Kurosawa   [Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 EmptyJeu 15 Jan 2015 - 6:50

[Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 Affiche

La brume et la fureur.

Après Dostoievski, c’est à rien moins que le Macbeth de Shakespeare que Kurosawa s’attelle. Dans un Japon ancestral, et placé sous le signe d’un noir et blanc brumeux, un lieu fantomatique émerge de nuages qui se déchirent sur la terre noire, au milieu duquel s’érige un tronc, seul témoin de la présence du château éponyme.
Les chants solennels et lugubres d’un chœur d’homme accentuent la gravité d’un témoignage qui remonterait aux origines obscures de l’humanité telle qu’on la connait : violente, dévorée par la passion, fratricide et bien faible face aux forces surnaturelles qui la gouvernent.
Le récit balance entre deux pôles : celui de la nature, forêt mystérieuse et noyau originel, entouré ou entourant, au choix, la lande oppressée par une brume immuable. C’est le lieu des prophéties, le hors-scène théâtral dans lequel on se perd (les nombreux allers-retours de Washizu et Miki dans les sous-bois ou dans la purée de pois en témoignent) où l’on écoute un discours supra humain qui nous dépasse et nous détruira. C’est le lieu duquel surgissent les armées adverses, qu’on ne verra presque jamais, perpétuant la tradition théâtrale et la filiation de Kurosawa avec le maitre qu’il adapte. A l’autre extrémité, les intérieurs, du château et des pièces qu’occupe Washi, de plus en plus vastes et épurées, métaphores austères d’un pouvoir grandissant qui l’isole dans la folie. Seul repère de ce faste carcéral, son épouse Asaji, lady Macbeth blafarde et glaçante, écho de la sorcière sylvestre dans son pendant humain, pragmatique et assoiffé d’ambition.
Tout le génie tragique de l’intrigue se loge dans ce rapport à la prophétie : y croire devrait impliquer qu’on s’y soumette et qu’on attende de voir advenir les événements heureux. Mais les provoquer enraye la machine, d’autant que la prédiction implique un revirement par l’accession au rang suprême du fils de l’ami le plus cher… Ainsi, lorsqu’on annonce à Washizu qu’il capitulera lorsque la forêt bougera jusqu’au château, il décide de ne plus croire au surnaturel et de le voir comme une annonce de son invincibilité. C’est donc bien par la monstruosité et la déraison que l’homme pense pouvoir outrepasser sa condition et égaler celle des dieux, rengaine éternelle de tous les récits fondateurs. En résulte des cloisons maculées de sang, des éructations de plus en plus outrancières – Toshiro Mifune s’en donne à cœur joie, puisant dans la tradition japonaise du No pour déshumaniser son personnage – et une folie qui réveille progressivement l’entourage terrorisé, l’exhortant à affirmer son humanité pour rétablir l’équilibre.
Dans cette descente aux enfers de l’ascension meurtrière, la nature reste toujours le rempart et la garante des limites. Les prises de vues absolument sublimes des lambeaux de brouillard et de l’agitation des arbres en avancée vers la forteresse occasionnent des séquences mémorables, tout comme la mise à mort du tyran, San Sebastian sur la coursive criblé de flèches.
La fable sanglante des dérives du pouvoir a puisé dans la terre noire et les excès humains pour délivrer avec une intensité rare ce souffle qui provoque terreur et pitié : rarement un film aura à ce point incarné jusque dans sa pellicule la catharsis.
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MessageSujet: Re: [Cycle] Akira Kurosawa   [Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 EmptyJeu 15 Jan 2015 - 12:18

Noir c'est noir affraid sans doute le plus sombre et désespéré de sa filmo après Les salauds dorment en paix dont on ressort avec un profond dégoût du genre humain. Pourtant l'aspect théâtral du Château de l’araignée voire volontairement caricatural (fable oblige) m'avait parfois gêné, j'ai fini par le voir plus comme un brouillon du plus humain mais tout aussi pessimiste Ran.
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MessageSujet: Re: [Cycle] Akira Kurosawa   [Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 EmptyVen 16 Jan 2015 - 7:59

[Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 Images?q=tbn:ANd9GcTcrvkN7tpxIzvqfH9vzyKbCkwyBJt9PE0Knhw0I-VUPTBXXJif

La guerre des étoles.

Après les cimes atteintes par Les 7 Samouraïs, Kurosawa poursuit dans la veine du film d’aventure historique, mais avec une modestie qui lui permettrait d’éviter l’épuisante aventure du tournage de son chef d’œuvre : intrigue plus resserée, nombre réduit de personnages, les ambitions semblent à la baisse. Le duo de gueux qui ouvre le récit offre un point de vue résolument comique, et cette histoire de princesse à convoyer avec 750 kg d’or a tout du récit bon enfant, multipliant les péripéties et jouant sur des caractères tranchés : les couards félons, le héros dévoué et stratège (Mifune, aux antipodes de son rôle de cabotin des 7 Samouraïs, et toujours aussi convaincant) et la princesse rebelle et garçonne.
On sait que ce film fut l’une des influences pour Lucas et son premier opus de Star Wars : les deux paysans et leur comique à l’origine du duo de robots, ainsi que les intrigues autour d’une princesse déchue par l’invasion d’un ennemi et escortée par des héros au cœur pur. On peut se demander aussi si c’est à Kurosawa qu’il a emprunté son emploi des transitions en fondu latéral, qui jalonnent toute sa filmographie et qui donneront la patte à la saga intergalactique.
Si les développements grotesques occasionnent quelques longueurs dans un récit qui ne cesse de jouer sur les retournements, les alliances et les stratégies face à la course d’obstacle qu’est le parcours des protagonistes, celle-ci est assez foisonnante pour qu’on ne s’ennuie pas un seul instant. La diversité des paysages, filmés admirablement, ajoute au charme de l’ensemble.
Mais c’est surtout dans sa dimension épique que La forteresse cachée impressionne. Alors qu’il semblait moins ambitieux que son illustre prédécesseur, Kurosawa ne se refait pas, et distille quelques séquences d’anthologie qui atteste de sa maitrise, et de sa capacité à hausser n’importe quel sujet vers les sommets du 7ème art.
La scène de mutinerie dans le fort en ruine, dès le premier quart d’heure, visse le spectateur sur son siège, terrassé par ces centaines de figurants descendant un gigantesque escalier au bas duquel les attend des soldats armés. Il en va de même pour la très impressionnante fête du feu, s’articulant sur la même dynamique, consistant à immerger nos héros dans un contexte qui les dépasse, les forçant à se mêler au flot, qu’il soit guerrier ou festif. Doué d’un regard hors-pair, Kurosawa équilibre alors à la perfection le jeu des points de vue, alternant les prises de vues subjectives, du point de vue des protagonistes, et l’omniscience d’un regard en surplomb qui donne tout leur souffle à ces séquences épiques.
Quant à son héros, il lui offre un duel à la lance d’anthologie, d’une durée proprement déraisonnable, et qui fait écho à ces séquences collectives : alors qu’on se perdait dans la foule, celle-ci entoure désormais les adversaires et réagit à chaque coup porté, de la même façon que le décor s’effondre ou les toiles se déchirent sur leur passage.
La versatilité des personnages elle-même va dans les deux sens : si les deux gueux ne cessent d’établir des plans pour servir leurs intérêts propres, la noblesse des combattants et la fierté de la princesse sont génératrices d’une concorde et d’un dénouement qui valorisera la dignité et le sens de l’honneur.
Il est toujours passionnant de voir un génie s’atteler à un film grand public : par le jeu sur les points de vue, par sa force épique et l’épaisseur de ses protagonistes, La forteresse cachée est un récit d’aventure qui allie efficacité narrative et génie visuel. Soit la quintessence du 7ème art.
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MessageSujet: Re: [Cycle] Akira Kurosawa   [Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 EmptyVen 16 Jan 2015 - 8:29

Voilà, pas mieux !
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MessageSujet: Re: [Cycle] Akira Kurosawa   [Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 EmptySam 17 Jan 2015 - 7:47

[Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 Les_Salauds_dorment_en_paix

Les uns corruptibles, et les autres.

Il faut vraiment voir une grande part de la filmographie de Kurosawa pour prendre la mesure de sa maitrise éclectique, ainsi que celle de son comédien fétiche Mifune. Camouflé sous sa gomina et ses épaisses lunettes, le voici ici pion d’une grande compagnie dans laquelle corruption et harcèlement règnes en maîtres.
Le mariage qui ouvre ce long récit de 2h30 dure à lui seul 20 minutes : comme souvent (procédé qu’on retrouvera dans Entre le Ciel et l’Enfer), l’exposition se construit en un bloc compact qui pose les ingrédients de la tragédie. Protocolaire, mondaine, figée, la cérémonie est dès le départ minée par la présence de journalistes attirés par les affaires, puis par le discours du frère, d’une rare violence, et enfin l’arrivée d’une pièce montée qui achève de faire de ce haut lieu du pouvoir financier un véritable château hanté.
Le film s’élance ainsi sur les rails du thriller, orchestrant une vengeance machiavélique où les péchés se rappellent sans cesse aux coupables, et les morts réapparaissent dans la nuit.
[Spoils]
Mais il est bien entendu vite rattrapé par les explorations complexes dont Kurosawa a la secret : Nishi le vengeur s’enlise dans le rôle qu’il s’est assigné, s’exhortant à une haine qu’il ne maitrise pas et qui le mine. Amoureux de la femme qu’il avait épousé par supercherie, plus faible, car plus humains que ses adversaires, il a de plus la charge de venger un père qui leur ressemblait tant qu’il ne peut y puiser la force nécessaire ou le sentiment d’une réelle justice. Ce que cherche vraiment à racheter Nishi, c’est le fait de n’avoir pas accordé son pardon à son père avant qu’il ne meure… Car sur cette toile pathétique se dessine avant tout le portrait au vitriol d’une société vérolée et verrouillée par la logique du profit : dans cette compagnie, les subalternes sont des pantins qu’on force au silence et qu’on pousse au suicide. Machine à broyer les humains, sa structure pyramidale semble ne jamais s’achever, et les plus hauts gradés ont eux-mêmes des comptes à rendre. Le lieu décisif du récit n’est pas innocent : la prison dans laquelle Nishi retient un des coupables est une ancienne usine de munitions, souterrain décati dans lequel on tente d’influer sur les sommets de la ville moderne, réponse obscure aux clartés malsaines de la cérémonie initiale. Alors que toute la ville se pressait à cet événement mondain, c’est dans le secret, et esseulé que le justicier tente d’écrire un dénouement moral. De plus en plus théâtral, le final reprend les principes de la tragédie et de la bienséance avec une efficacité de moyens imparable : tout sera raconté dans les cris et la douleur, tandis que dans les derniers étages de la compagnie, on étouffe efficacement les remous provoqués au téléphone.
Alors que le cinéma de Kurosawa a toujours brillé par son talent de portraitiste, il est confondant de voir à quel point cette charge acide nivelle tous ses personnages, rendus égaux par leur haine ou l’effroi qui dilate leur regard. Pessimiste, cette tragédie déguisée en film noir a tout d’une fable amère dans laquelle la violence des films historiques aurait fait place à celle nouvelle et autrement plus retorse, des bureaux feutrés du capitalisme triomphant.
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MessageSujet: Re: [Cycle] Akira Kurosawa   [Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 EmptySam 17 Jan 2015 - 9:54

Putain de chef-d’œuvre, vu il y a bien 10 ans et j'en suis encore sous le choc. Il n'y a guère qu'Entre le ciel et l'enfer pour m'impressionner davantage dans sa filmo, pour sa complexité, sa construction quasi labyrinthique et ses multiples niveaux de lecture.
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MessageSujet: Re: [Cycle] Akira Kurosawa   [Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 EmptyMar 20 Jan 2015 - 6:59

[Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 Le-garde-du-corps-1373474897-16

Larves et autodestruction massive

On a souvent qualifié Kurosawa du « plus occidental des cinéastes japonais », et il est évident que l’ouverture du garde du corps surprend d’emblée par sa parenté avec le western. Musique aux cuivres tonitruants, rue déserte d’une ville en proie à la guerre fratricide, on comprend ce qui a attiré Sergio Leone qui a littéralement pillé le film pour initier sa Trilogie du dollar. Alors qu’on se situe ici dans un Japon des samouraïs, on y retrouve la même noirceur, le même goût pour les trognes patibulaires, et jusqu’aux prémices du western dans la mesure où le samouraï concurrent du protagoniste (Nakadai) délaisse le sabre au profit du flingue…
Aux antipodes de l’humanisme flamboyant des 7 Samouraïs, le récit donne ici à voir la lie de l’humanité, et lui offre le héraut qu’elle mérite : prisonniers en laisse comme des chiens, femmes objets perdues au jeu et hommes de mains chair à katanas, rien ne semble pouvoir sauver la population, et surtout pas l’arrivée providentiel du vagabond Mifune qui y voit une occasion de monnayer ses services en faisant monter les enchères du plus offrant.
Révélateur de cette violence déjà présente, son incursion dans la ville déchaine les passions et exacerbe tout ce que l’humain a de plus vil, et occasionne un point de vue que le cinéaste va exploiter avec sa maestria habituelle. Sanjuro est l’omniscience incarnée : il écoute les conversations derrière les cloisons et occupe dans la ville un point nodal duquel il voit tout. Sa place lors de l’affrontement couard des deux camps dit tout de son statut : sur un mirador, l’œil goguenard, il étudie avec cynisme ce troupeau animal incapable d’élaborer de véritables stratégies. Dans la ville, il observe, permettant un travail rigoureux de cadrage sur les cloisons et les arrières plans.
[Spoils]
Certes, le héros prendra aussi son compte de coups et, à l’image d’Eastwood à maintes reprises sous la caméra de Leone, y laissera dents et hématomes.
Seule l’irruption d’une femme encordée et les pleurs d’un enfant permettent les voies de la tardive rédemption ; mais loin d’apaiser la violence, elle la galvanise : c’est vers une véritable mise à sac que s’achemine le récit, intitiée par la splendide séquence où Sanjuro feint un combat qui aurait libéré les otages : perçant les parois, crevant les sacs de grains qui pleuvent au sol, détruisant tout le mobilier, il explicite ce désir d’éradication d’un monde pourri jusqu’ à la moelle. Dès lors, les camps induits en erreur par le malin stratège se déchainent : on incendie les entrepôts, on fait gicler les tonneaux de saké dans une auto destruction massive des plus jouissives.
C’est dans les fumeroles d’un duel final que s’achèvera, comme il sied, l’affrontement d’un seul contre tous. Retour à la rue principale, donc, et abandon de cette ville débarrassée de ses parasites, mais encombrée de cadavres, ponctué d’un « Adieu » brutal du samouraï redevenu vagabond, autant par dégoût de l’humanité que par égard pour elle.
Puissant, désenchanté et rageur, un western ramen indispensable.
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MessageSujet: Re: [Cycle] Akira Kurosawa   [Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 EmptyMar 20 Jan 2015 - 11:25

Clairement beaucoup plus western que sa suite Sanjuro - que je préfère d'assez loin à celui-ci mais c'est sans doute parce que je préfère Pour une poignée de dollars au Garde du corps, donc rien de bien neuf ni transcendant en le découvrant tardivement après m’être enfilé le Leone 500 fois (injustice chronologique je sais !).


Dernière édition par RabbitIYH le Mer 21 Jan 2015 - 10:20, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: [Cycle] Akira Kurosawa   [Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 EmptyMer 21 Jan 2015 - 7:21

RabbitIYH a écrit:
Clairement beaucoup western que sa suite Sanjuro - que je préfère d'assez loin à celui-ci mais c'est sans doute parce que je préfère Pour une poignée de dollars au Garde du corps, donc rien de bien neuf ni transcendant en le découvrant tardivement après m’être enfilé le Leone 500 fois (injustice chronologique je sais !).

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MessageSujet: Re: [Cycle] Akira Kurosawa   [Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 EmptyMer 21 Jan 2015 - 7:21

[Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 1962-Sanjuro-Akira-Kurosawa-yugoslavo

La lame aux camélias.

Suite directe du Garde du corps, Sanjuro reprend le principe fort sympathique de la dynamique de l’opus précédent ; soit le samouraï vagabond, Mifune plus ours que jamais, déboulant au milieu d’un coup d’état au sein d’un clan.
A la noirceur grotesque succède désormais un humour plus affirmé : si Sanjuro se distingue, c’est moins par son appât du gain que par ses manières qui tranchent singulièrement avec le raffinement nippon. Face à lui, une horde de fidèles au seigneur déchu qui le suit comme des poussins et affirme toujours sa loyauté avec une vigueur confinant à l’immaturité. Le regard du vagabond sur leurs erreurs, ainsi que sur les préoccupations esthétiques des deux femmes (faut-il faire le signal avec des camélias rouges ou blancs ?) crée un décalage comique qui fonctionne à merveille, repris par de nombreux gags comme le prisonnier dans le placard qui écoute et commente les discussions.
Bien qu’il dorme, baille et insulte la plupart de ses disciples, Sanjuro se distingue à nouveau par son bon sens stratégique. Là aussi, ses propositions pimentent la dynamique d’un récit riche en rebondissement : à chaque étape, il fustige le choix de ses hommes et propose une alternative qui semble totalement improbable, et se révélera évidemment d’une rare pertinence. Le fait d’opposer les ennemis dans deux maisons voisines ajoute évidemment à ce rythme proche des comédies théâtrales. Face à un clan figé dans ses codes, Sanjuro prend les choses en main, ordonne et distille une malice iconoclaste qui fait toute la saveur du film.
[Spoils]
Obligé de réparer les erreurs de ses ouailles, pactisant avec l’ennemi, il est le moteur d’un pur film d’action et d’aventures où le bluff est l’arme absolue. Sa position libertaire est aussi l’occasion de questionner ce qui fait l’étoffe d’un héros : « sa vulgarité ne signifie pas qu’il est un traitre », affirme ainsi l’un de ses complices lors d’un débat sur la loyauté alors qu’il est passé à l’ennemi. Son caractère misanthrope permet en outre de définir son héroïsme par lequel Kurosawa affirme discrètement son humanisme : point de gloire à massacrer les ennemis : « A cause de vos conneries, j’ai encore du tuer ! » hurle-t-il en giflant les jeunes téméraires ; de la même manière, le refus du duel final et le sanglant geyser dans lequel il se résout provoque autant l’admiration que la terreur.
…et le samouraï d’asséner son caractéristique « Adieu ! » avant que de reprendre la route vers de nouvelles aventures, inscrivant la légende d’un chambara pétillant et jubilatoire.
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MessageSujet: Re: [Cycle] Akira Kurosawa   [Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 EmptyMer 21 Jan 2015 - 10:21

Nulladies a écrit:
Rabbit a écrit:
après m’être enfilé le Leone 500 fois

Laughing

En tout bien tout honneur évidemment... chenapan. geek
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MessageSujet: Re: [Cycle] Akira Kurosawa   [Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 EmptyJeu 22 Jan 2015 - 6:47

[Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 479f6308c7021

Des hommes d’exception.

Aux centaines, voire milliers de cinéastes s’étant attelé à l’exercice éculé du film de kidnapping et d’enquête policière, imposons leur comme œuvre de chevet cet opus de Kurosawa. D’une densité exceptionnelle, il est l’étalon mètre de toute la richesse d’un tel sujet, et des moyens à déployer pour pouvoir les traiter.

La première partie du film relate l’histoire d’un kidnapping erroné : on annonce à un riche industriel, en passe d’investir dans le placement de toute une vie, qu’on détient son fils, alors que les ravisseurs ont pris son camarade de jeu, à savoir le fils de son chauffeur. Alors qu’il allait payer la somme colossale, Gondo (Mifune, qui, chose étonnante, est toujours aussi grandiose) apprenant la méprise hésite désormais. Comme dans Les Salauds dorment en paix, Kurosawa ausculte ici l’interaction entre le capitalisme et l’humain, par le dilemme qui met en balance un enfant qui n’est pas le sien, qui plus est d’un domestique, et la fortune d’une vie. Les longs dialogues ne sont pas sans évoquer ceux qu’on retrouvera dans les décisions impossibles des protagonistes de Ceylan (Winter Sleep) ou surtout ceux de Farhadi ; pour Gondo, payer équivaut à se suicider. Détestable au départ, le film va restituer son parcours, une nuit durant laquelle on dévoilera ses faiblesses (sa dureté, le fait qu’il doive en réalité sa fortune à la dot de sa femme qui le supplie de sauver l’enfant) et la capitulation face à l’évidence de l’empathie. On retrouve ici tout le talent de Kurosawa à tremper ses personnages, et illustrer une nouvelle fois cette conviction selon laquelle l’héroïsme se conquiert et se paye, un combat « sans or ni gloire », pour reprendre le principe des sept samouraïs.
[Spoils]
Pour illustrer cette lutte interne, le réalisateur opte pour un huis clos : la première heure du film ne quitte pas la luxueuse demeure de Gondo, lieu qui aura un impact fondamental dans l’intrigue du fait de sa position en surplomb de la ville, affichant avec ostentation son faste. Etouffante lorsque les rideaux sont tirés pour permettre à la police de s’entretenir avec les victimes, l’atmosphère devient encore plus oppressante lorsque le ravisseur exige au téléphone qu’on les tire. Dès lors, le rapport s’inverse et le belvédère devient un lieu observé depuis la ville basse, ou grouille un nombre infini de suspects.
Ce jeu pervers sur les regards structure tout le film, et l’ouverture progressive du décor ne s’en départira jamais. La séquence de la remise dans la rançon, segment exceptionnel et très hitchcockien, se déroule dans un train, nouvelle bulle, mobile certes, mais ne pouvant entrer en contact avec le décor qu’elle traverse. Au point de pivot où Gondo perd son argent et récupère l’enfant commence l’inversion des points de vue et la mise en branle du travail de la police, qui filme et photographie depuis le train.

L’acharnement des policiers à retrouver le ravisseur est clair : il s’agit d’honorer la générosité de Gondo et la justesse de son choix. Minutieuse et obsessionnelle, l’enquête passionnante mobilise toutes les forces vives et exacerbe le récit cinématographique : décryptage du son par l’enregistrement des conversations téléphoniques où l’on décèle le bruit d’un jeton ou le passage d’un tram, analyse des films et des images préfigurent les obsessions qu’on retrouvera avec fébrilité dans Blow up, Conversation Secrète et Blow out. Pour pallier à l’indifférence vénale de la compagnie que voulait racheter Gondo et qui désormais le dessaisit de ses biens, on recourt en outre à la presse, qui par l’écrit le soutient, garde certaines informations ou en diffuse de fausses pour leurrer le criminel. A l’assaut de cette métropole gigantesque, le cinéaste ouvre de plus en plus son décor pour tenter d’y cerner l’origine du mal. Comme dans Les Salauds dorment en paix, c’est un mouvement descendant qui conduit la progression du récit, vers les rues les plus insalubres, la vie nocturne des drogués, des prostituées et du crime, loin des réunions financières du début. De plus en plus précise, la vue dérive vers un expressionisme presque fantastique dans ces dédales où le ravisseur caché derrière ses lunettes noir devient une sorte de monstre, émanation d’une ville perdue dans le désespoir et la débauche.

L’échange final avant l’exécution du coupable tente une explication : avec morgue, il déclare n’avoir pas peur de mourir, et avoir eu pour projet de transformer le riche propriétaire de la maison qui dominait son quartier en pauvre. Alors qu’il interdit à Gondo de parler, et qu’il refuse sa pitié, il s’écroule et sa crise s’achève sur la descente d’un rideau de fer qui clôt l’entretien.
En face de lui, Gondo, en silence, aura offert sa compassion. Transformé en pauvre, il y aura gagné l’humanité qui lui faisait défaut.

Haletant, minutieux, authentique et nimbé d’une empathie sans commune mesure pour ses personnages, Entre le Ciel et l’Enfer est un véritable chef d’œuvre.
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MessageSujet: Re: [Cycle] Akira Kurosawa   [Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 EmptyJeu 22 Jan 2015 - 11:45

Pas mieux I love you I love you I love you incompréhensible pour moi que ce film doive être édité en tant qu'Introuvable... le CO absolu du bonhomme.

Nulladies a écrit:
décryptage du son par l’enregistrement des conversations téléphoniques où l’on décèle le bruit d’un jeton ou le passage d’un tram, analyse des films et des images préfigurent les obsessions qu’on retrouvera avec fébrilité dans Blow up, Conversation Secrète et Blow out

cheers
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MessageSujet: Re: [Cycle] Akira Kurosawa   [Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 EmptyJeu 22 Jan 2015 - 18:23

Oui, il va trôner très, très haut dans mon top Kuro.
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MessageSujet: Re: [Cycle] Akira Kurosawa   [Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 EmptyVen 23 Jan 2015 - 11:45

[Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 3700301012548

Plutôt la vie.

« Ici, vous serez déçu. Avec le temps, vous comprendrez. »
Grand film sur la misère à l’égal des Raisins de la Colère de Ford, ou surpassant Los Olvidados de Bunuel, Barberousse fait le pari d’une empathie progressive. En s’identifiant au nouveau venu Yasumoto, engagé contre son gré et à qui on expose sans détour la crasse, la puanteur et le sacrifice que supposent ce dispensaire, le spectateur s’aventure dans ce film fleuve de 3 heures avec la prudence du disciple.
On aura tôt fait de se laisser distraire par ce qui nous semble être le véritable enjeu du récit : la rébellion du jeune orgueilleux et son avenir (mariage, place prestigieuse) temporairement figé dans ce lieu de perdition. La première distraction, cette cabane au milieu du jardin botanique, laisse supposer un interdit et un mystère propre aux films d’aventures, voire aux thrillers. La rencontre avec la « mante », nymphomane psychopathe est l’habile moyen pour faire basculer le récit vers sa substantifique moelle : la confession verbale.

« Connais-tu une loi contre la misère et l’ignorance ? »
Face à Bareberousse, les patients, plutôt que d’expliciter leurs symptômes, racontent leur histoire. Longues séquences ou le malade devient un individu et un lopin de l’archipel de la misère dont Kurosawa va dresser la bouleversante cartographie. Dettes, suicide, viols, prostitution, faim : les visages se crispent sous le poids des mots et la compassion semble être l’unique remède.
Barberousse, le dernier rôle de Mifune, transperce de son regard intense tous ceux qui l’entourent. Un sourire de lui est un événement qui ravage les cœurs, et la caresse régulière sur sa barbe semble être le palliatif aux accès de violence qui peuvent le submerger de temps à autre. L’interprétation qui a divisé, puis séparé Kurosawa et Mifune, fonctionne pourtant, et si l’assurance dure du patriarche ne sied pas à la sagesse fragile que le réalisateur semblait vouloir illustrer, son mutisme est suffisant pour qu’on y projette tout ce que les disciples du médecin cherchent en sa présence : recul, patience, et surtout un désespoir blindé par une façade de bienveillance.
Récit initiatique, Barberousse a tout de la fable sociologique et philosophique, où le médecin des corps (terrible scène d’opération sans anesthésie au début du film) se fait thérapeute des âmes, où le soigneur devient soigné, à deux reprises, pour y gagner en humilité et permettre à la patiente de faire son propre chemin de guérison. La dernière partie du film voit ainsi émerger le personnage d’Otoyo, jeune fille de 12 ans arrachée à un bordel, et quittant lentement son statut d’objet pour accéder à celui de personne. D’une infinie délicatesse, son portrait complexe est un passage de relai sur la métamorphose de Yasumoto vers la jeunesse, qui initiera lui-même un nouveau cycle avec le très jeune Chobo. La discussion entre les deux enfants parmi les kimonos sur les cordes à linge est une des très grandes scènes du film.
Car sonder les âmes ne suffit pas à Kurosawa : film d’intérieurs, Barberousse est pour lui l’occasion d’un travail esthétique tout aussi minutieux. Cadrage, lumière ciblent et magnifient les visages, au long de ces confessions souvent nocturnes, que la pluie, la neige ou les ombres chinoises viennent illustrer en silence ; servilement rivé à ses personnage comme Barberousse l’est à ses patients, Kurosawa délaisse le faste de ses reconstitutions historiques, jette les kimonos aux ordures et honore l’uniforme grisâtre de l’humble médecin ou les groupes de femmes ouvrières autour du brasero.

La vie de ce quartier d’Edo ne fait pas de cadeau, et le suicide collectif auquel a recours une famille semble bien être la seule solution. Barberousse, c’est l’affirmation acharnée de cette sentence : « plutôt la vie ». Par le désir d’écouter ceux qui souffrent, par la volonté d’humaniser ceux qui les ignoraient, et par la foi accordée à un chœur de femmes hurlant dans un puits, jusqu’aux entrailles de la terre, le prénom d’un enfant à sauver.
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MessageSujet: Re: [Cycle] Akira Kurosawa   [Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 EmptyVen 23 Jan 2015 - 12:56

cheers merveilleux film.
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MessageSujet: Re: [Cycle] Akira Kurosawa   [Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 EmptySam 24 Jan 2015 - 8:46

[Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 Dersou_ouzala

Taïga con dios.

Lorsqu’on jouit d’une filmographie aussi dense et prestigieuse que celle de Kurosawa, le défi pour se renouveler et poursuive son œuvre peut résider dans le choix d’un thème singulier : la simplicité et la modeste humanité, loin des grands hommes et leur passion outrancières.
Dersou Ouzala est avant tout un film d’aventure, reprenant le récit autobiographie d’Arseniev, scientifique russe qui raconte ses missions en compagnie d’un guide golde, émanation directe de la Taïga. D’une authenticité imparable, le spectateur voit se succéder les paysages, les saisons et les épreuves, d’une tempête de glace sur un lac à la chute dans une rivière, d’un face à face avec un tigre aux veillées des bivouacs.
La valeur documentaire du film est assumée, et rend hommage, avec un regard proprement ethnographique, à ce guide capable de lire comme personne la forêt, de parler au feu et de répandre, où qu’il passe, un altruisme aussi spontané que désintéressé. De nombreuses scènes, très longues, restituent ainsi en temps réel le labeur des aventuriers, construisant leur abri de fortune, marchant dans les herbes hautes… ou pelletant sur une tombe. Cette fixité, l’attention portée à la bande-son riche de tous les bruits de la forêt, le recul ému du narrateur intervenant de temps à autre en voix contribuent au regard que Kurosawa veut induire sur cette nature splendide et infinie : une contemplation bienveillante et humble.
La topographie est donc double : c’est à la fois celle des lieux, splendide restitution des paysages, avec un sens du cadre stupéfiant, occasionnant un nombre impressionnant de tableaux parfaitement construits ; mais aussi des cœurs humains, explorant avec pudeur les thèmes de la solidarité, l’amitié et la civilisation. L’interprétation extraordinaire des deux protagonistes, qu’on croit vraiment connaitre au terme du récit, contribue comme toujours chez Kurosawa à nous les rendre aussi familiers et touchants.
[Spoils]
Sans se départir de sa délicatesse, le récit progresse lentement vers la tragédie : celle d’un homme qui vieillit et qui perd sa place dans le seul territoire qu’il ait jamais connu, et fait la brutale expérience de la ville, où les interdits (planter une tente ou tirer au fusil) cotoient les aberrations (payer pour de l’eau ou du bois). Il ne s’agit moins d’une condamnation de la civilisation que d’un autre regard posé sur elle, et le dénouement est en cela ambivalent. Arseniev aura contribué à la mort de Dersou, puisqu’il a apparemment été tué pour l’arme que son ami lui avait offerte ; mais il aura aussi permis que son corps soit identifié grâce à sa carte de visite, lui conférant un état civil dont il ne voulait pas, certes, mais qui l’inscrit dans une mémoire et un hommage posthume. Avant de se dissoudre dans la terre qu’il a tant arpentée, Arseniev aura donc pu faire le chemin jusqu’à lui pour concilier, un temps au moins, nature et culture dans un chant humaniste d’autant plus émouvant qu’il est silencieux et modeste.
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MessageSujet: Re: [Cycle] Akira Kurosawa   [Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 EmptySam 24 Jan 2015 - 9:37

Nulladies a écrit:
[Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 Dersou_ouzala

Taïga con dios.

Lorsqu’on jouit d’une filmographie aussi dense et prestigieuse que celle de Kurosawa, le défi pour se renouveler et poursuive son œuvre peut résider dans le choix d’un thème singulier : la simplicité et la modeste humanité, loin des grands hommes et leur passion outrancières.
Dersou Ouzala est avant tout un film d’aventure, reprenant le récit autobiographie d’Arseniev, scientifique russe qui raconte ses missions en compagnie d’un guide golde, émanation directe de la Taïga. D’une authenticité imparable, le spectateur voit se succéder les paysages, les saisons et les épreuves, d’une tempête de glace sur un lac à la chute dans une rivière, d’un face à face avec un tigre aux veillées des bivouacs.
La valeur documentaire du film est assumée, et rend hommage, avec un regard proprement ethnographique, à ce guide capable de lire comme personne la forêt, de parler au feu et de répandre, où qu’il passe, un altruisme aussi spontané que désintéressé. De nombreuses scènes, très longues, restituent ainsi en temps réel le labeur des aventuriers, construisant leur abri de fortune, marchant dans les herbes hautes… ou pelletant sur une tombe. Cette fixité, l’attention portée à la bande-son riche de tous les bruits de la forêt, le recul ému du narrateur intervenant de temps à autre en voix contribuent au regard que Kurosawa veut induire sur cette nature splendide et infinie : une contemplation bienveillante et humble.
La topographie est donc double : c’est à la fois celle des lieux, splendide restitution des paysages, avec un sens du cadre stupéfiant, occasionnant un nombre impressionnant de tableaux parfaitement construits ; mais aussi des cœurs humains, explorant avec pudeur les thèmes de la solidarité, l’amitié et la civilisation. L’interprétation extraordinaire des deux protagonistes, qu’on croit vraiment connaitre au terme du récit, contribue comme toujours chez Kurosawa à nous les rendre aussi familiers et touchants.
[Spoils]
Sans se départir de sa délicatesse, le récit progresse lentement vers la tragédie : celle d’un homme qui vieillit et qui perd sa place dans le seul territoire qu’il ait jamais connu, et fait la brutale expérience de la ville, où les interdits (planter une tente ou tirer au fusil) cotoient les aberrations (payer pour de l’eau ou du bois). Il ne s’agit moins d’une condamnation de la civilisation que d’un autre regard posé sur elle, et le dénouement est en cela ambivalent. Arseniev aura contribué à la mort de Dersou, puisqu’il a apparemment été tué pour l’arme que son ami lui avait offerte ; mais il aura aussi permis que son corps soit identifié grâce à sa carte de visite, lui conférant un état civil dont il ne voulait pas, certes, mais qui l’inscrit dans une mémoire et un hommage posthume. Avant de se dissoudre dans la terre qu’il a tant arpentée, Arseniev aura donc pu faire le chemin jusqu’à lui pour concilier, un temps au moins, nature et culture dans un chant humaniste d’autant plus émouvant qu’il est silencieux et modeste.
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Merci Nulla ! J'adore la scène du igloo !
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MessageSujet: Re: [Cycle] Akira Kurosawa   [Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 EmptyDim 25 Jan 2015 - 10:36

[Cycle] Akira Kurosawa - Page 2 Ran01

La guerre et ses toiles.

Fruit d’un travail de dix ans, ultime long métrage de Kurosawa, Ran a tout du crépuscule flamboyant. Démesuré, ambitieux, film monstre, il impose au public un déferlement visuel allié à une vision radicalement pessimiste de l’humanité.
Tout commençait pourtant dans la sérénité. Les premières longues séquences de chevauchée sur les crêtes herbeuses, océan de verdure baigné d’un vent paisible, introduisent une discussion familiale dont les menus désaccords vont être les infimes rouages de la grande machinerie tragique. Sur le canevas du Roi Lear, après l’avoir déjà adapté dans Le Château de l’Araignée (Macbeth) et Les Salauds dorment en paix (Hamlet), Kurosawa tisse les fils malades d’une filiation gangrénée par la rivalité, la haine et la soif de pouvoir. Alors qu’une branche plantée dans le sol pour préserver le sommeil du père et l’insistance sur la beauté de nuages moutonnant semblait garantir une certaine paix, la progression à l’échelle du royaume sera celle de l’avènement de l’apocalypse.
Fidèle à son regard dénué de tout manichéisme, le cinéaste construit une famille dévorée de l’intérieur : si les fils se livrent à la destruction par soif d’ambition, le père n’est pas moins condamnable pour les exactions sur lesquelles il a construit sa position dominante. Au cours de son errance, les fantômes du passé vont le harceler et attiser sa folie grandissante : un jeune androgyne aux yeux crevés, les épouses de ses fils comme autant de trophées de familles ennemies éradiquées ; les refuges qu’il trouve sont des ruines calcinées, témoins de la violence de son règne.
Dans cette humanité aliénée par le pouvoir, les bourreaux sont perdus, les victimes ont encore le choix : l’exil, et la solidarité, comme le troisième fils et le bouffon ; le pardon, comme la première épouse ; ou la vengeance sanglante, comme la seconde.
Ran est une longue montée en puissance vers le pire : l’autodestruction, constituée en deux temps. Au milieu du récit, avant l’exil du père, le premier massacre, brutal, annihile tout espoir de concorde. Le second, épilogue, achève d’éliminer la totalité des protagonistes dans une escalade tragique.
On pourrait presque qualifier toute cette sadique construction comme un prétexte pour ce qui constitue le véritable objectif du maitre : la peinture du chaos. Annoncée dans Kagemusha (qu’il qualifia lui-même, a posteriori, de répétition préparatoire de Ran), la picturalité irradie tout le film, et porte la couleur aux cimes de son esthétique. L’excès, on l’a vu dans Dodes’ka-den, n’effraie pas Kurosawa. Ici, chaque décor, chaque costume est pensé comme une touche sur une toile. On sait d’ailleurs que sa plus longue préparation fut de peindre, des années avant le tournage, les plans du film.
Armées de couleur primaires, sang vermeil et flammes brillantes sur un ciel de plus en plus noir, herbe vive souillée par une boue sombre, le film est une gigantesque palette qui ne se refuse aucun excès. On admirera autant les cadrages des intérieurs (notamment dans la scène de menace et de séduction de Kaede sur Jiro, où elle ferme les parois coulissantes une à une) que l’exceptionnelle amplitude des plans d’ensembles : armées aux centaines de figurants, ligne de crêtes sur lesquelles les oriflammes flottent au vent, chorégraphies des cavaliers et des fantassins…
Si les destinées individuelles connaissent quelques essoufflements (notamment dans le duo bouffon/seigneur, avec une inversion de la raison et de la folie sur laquelle on a tendance à s’appesantir), la débauche épique et le volontaire déséquilibre des scènes de combat ne peut que fasciner. De l’obsession des étoffes et de leur richesse dans les scènes de couple à la guerre de position fondée sur la répartition des couleurs dans le décor, jusqu’aux giclures de sang sur les murs et aux corps criblés de flèches, reprenant respectivement Sanjuro et Le Château de l’Araignée, mais avec les fastes de la couleur, le film porte à son comble la contemplation visuelle.

Alors que les cendres prennent le pas sur la flamme et que le sang se fige, le final sacrificiel très proche de Kagemusha quitte le sol pour la ligne d’horizon des montagnes. L’aveugle, seul rescapé, se déplace au bord du gouffre, sous le ciel où les dieux pèsent par leur absence, dans un plan en contre plongée qui rappelle fortement celui qui concluait les 7 samouraïs. Leçon amère portée à notre enthousiaste d’esthète : du faste et du chaos, il ne reste rien.
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