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 [Cycle] Jean Renoir

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Rorschach
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MessageSujet: Re: [Cycle] Jean Renoir   [Cycle] Jean Renoir - Page 2 EmptyMer 15 Jan 2014 - 10:12

Nulladies a écrit:
ça se tient... Je me demande néanmoins ce qu'en aurait dit Renoir lui-même.  Very Happy 
Et Vendetta fait partie des films que j'ai envie de revoir prochainement.

j'ai bien dit "pour ma part" Smile
Après je ne suis pas allé voir ailleurs pour en savoir plus. J'ai lu le livre il y a longtemps (facile 10 ans)
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Rorschach
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MessageSujet: Re: [Cycle] Jean Renoir   [Cycle] Jean Renoir - Page 2 EmptyMer 15 Jan 2014 - 10:51

Azbinebrozer a écrit:
Jean Renoir... Alors là c'est craquant ! Chui preneur d'un petit lien pour le Crime (j'ai honte je sais plus si je l'ai vu). Par contre les autres ça reste fort.
Et les cinéastes à la Renoir comme Satyajit Ray...

désolé, je l avais dans ma médiathèque, je peux pas t aider hélas...
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Azbinebrozer
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MessageSujet: Re: [Cycle] Jean Renoir   [Cycle] Jean Renoir - Page 2 EmptyMer 15 Jan 2014 - 11:34

Rorschach a écrit:
Azbinebrozer a écrit:
Jean Renoir... Alors là c'est craquant ! Chui preneur d'un petit lien pour le Crime (j'ai honte je sais plus si je l'ai vu). Par contre les autres ça reste fort.
Et les cinéastes à la Renoir comme Satyajit Ray...

désolé, je l avais dans ma médiathèque, je peux pas t aider hélas...
ça marche merci, j'ai eu droit à un coup de main en mp !
Par contre, le tempo que vous avez pris sur Renoir ça va vite !! 3 films sur 3 en retard moi !
Du coup je ne lis pas vos critiques maintenant. Pour préserver ma virginité !
Mais c'est bien sympa tout ça !
A plus donc.
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MessageSujet: Re: [Cycle] Jean Renoir   [Cycle] Jean Renoir - Page 2 EmptyMer 15 Jan 2014 - 12:03

Cool, content que tu en sois !! Te prends pas la tête pr le rythme Wink L'essentiel étant qu on discute !
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MessageSujet: Re: [Cycle] Jean Renoir   [Cycle] Jean Renoir - Page 2 EmptyMer 15 Jan 2014 - 22:25

La bête humaine :

Très beau film que j'ai bcp apprécié..."les histoires d'amour c est comme les voyages en train" xD Le rail comme fil conducteur de la vie, on ouvre le film et on termine le film avec la même séquence filmée, à ceci près que ds la 1ere séquence, on croise la même tender et que dans la dernière séquence, on croise un autorail, symbole de la modernité et marquant que l avenir doit prendre le pas sur le passé, chose que Lantier n'arrive pas à dépasser car il finit par se suicider. L'amour mène à tout, même à s'enfermer dans le plus vil des cercles vicieux, le mensonge (Séverine et Roubaud), la manipulation (Le regard de Séverine à JAcques lors de l'enquête) et la faiblesse (on ferme nos gueules et Cabuche en prend plein la gueule). Lantier est un pulsionnel mais qui ne s'assume pas, il le cache, maugréant sur sa famille et ses ancêtres qui l ont rendu ainsi. Même s'il va pour tuer Flore, la loco arrive et le sauve, comme un calme, symbole de ce qu'il ressent à l'intérieur de lui. Je vois la loco comme une image, une allégorie, avec toutes ses roues, ses cadrans à surveiller, maintenir la pression etc...en gros, l'amour c est compliqué, il faut tjs être attentif, allégorie aussi de l'intérieur de Lantier, un gars qui, s il n y a pas de contrôle, peut exploser à n'importe quel moment. J'aime chez Renoir, la présence du personnage un peu simplet / con mais qui au final est tellement vrai et au final, c est souvent lui qui ramasse alors qu'il semble être dans la vérité (Cabuche / pecqueux...)
Gabin est ténébreux dans son rôle, mystérieux, sombre, on sent que quelque chose le turlupine, il n en parle qu'à demi-mot. Son seul moment de vérité, de révélation est dans la scène finale de sa mort, il avoue son crime et comme une rédemption, se "confesse/confie" à Pecqueux puis saute, seul salut pour lui. Ca confirme aussi l'idée que l'amour a du mal naître dans le chaos, il est déjà malade avant même leur rencontre, Severine fait son aveu / LAntier violente Flore. Cependant par la suite, la victime semble changer, Séverine faisant comprendre à demi-mot qu'il faut se débarrasser de Roubaud...Il n y arrivera, elle le prendra pr un faible car ils ne se reverront plus et il la retrouvera dans les bras d'un autre (ok le temps d'une danse mais le symbole est là) Qui cherche qui ? Qui est la bête au final ? Bref, un très beau film !
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Nulladies
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MessageSujet: Re: [Cycle] Jean Renoir   [Cycle] Jean Renoir - Page 2 EmptyJeu 16 Jan 2014 - 5:52

Rorschach a écrit:
La bête humaine :

Très beau film que j'ai bcp apprécié..."les histoires d'amour c est comme les voyages en train" xD Le rail comme fil conducteur de la vie, on ouvre le film et on termine le film avec la même séquence filmée, à ceci près que ds la 1ere séquence, on croise la même tender et que dans la dernière séquence, on croise un autorail, symbole de la modernité et marquant que l avenir doit prendre le pas sur le passé, chose que Lantier n'arrive pas à dépasser car il finit par se suicider. L'amour mène à tout, même à s'enfermer dans le plus vil des cercles vicieux, le mensonge (Séverine et Roubaud), la manipulation (Le regard de Séverine à JAcques lors de l'enquête) et la faiblesse (on ferme nos gueules et Cabuche en prend plein la gueule). Lantier est un pulsionnel mais qui ne s'assume pas, il le cache, maugréant sur sa famille et ses ancêtres qui l ont rendu ainsi. Même s'il va pour tuer Flore, la loco arrive et le sauve, comme un calme, symbole de ce qu'il ressent à l'intérieur de lui. Je vois la loco comme une image, une allégorie, avec toutes ses roues, ses cadrans à surveiller, maintenir la pression etc...en gros, l'amour c est compliqué, il faut tjs être attentif, allégorie aussi de l'intérieur de Lantier, un gars qui, s il n y a pas de contrôle, peut exploser à n'importe quel moment. J'aime chez Renoir, la présence du personnage un peu simplet / con mais qui au final est tellement vrai et au final, c est souvent lui qui ramasse alors qu'il semble être dans la vérité (Cabuche / pecqueux...)
Gabin est ténébreux dans son rôle, mystérieux, sombre, on sent que quelque chose le turlupine, il n en parle qu'à demi-mot. Son seul moment de vérité, de révélation est dans la scène finale de sa mort, il avoue son crime et comme une rédemption, se "confesse/confie" à Pecqueux puis saute, seul salut pour lui. Ca confirme aussi l'idée que l'amour a du mal naître dans le chaos, il est déjà malade avant même leur rencontre, Severine fait son aveu  / LAntier violente Flore. Cependant par la suite, la victime semble changer, Séverine faisant comprendre à demi-mot qu'il faut se débarrasser de Roubaud...Il n y arrivera, elle le prendra pr un faible car ils ne se reverront plus et il la retrouvera dans les bras d'un autre (ok le temps d'une danse mais le symbole est là) Qui cherche qui ? Qui est la bête au final ? Bref, un très beau film !

Oui oui... tout ce que tu dis, c'est le génie de Zola, assez bien transcrit chez Renoir, mais tellement plus intense dans le bouquin !
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MessageSujet: Re: [Cycle] Jean Renoir   [Cycle] Jean Renoir - Page 2 EmptyJeu 16 Jan 2014 - 6:05

[Cycle] Jean Renoir - Page 2 Film-la-grande-illusion20

Geôle, école, paroles.

Il est intéressant de comparer les deux chefs d’œuvres de Renoir que sont La Règle du Jeu et La Grande Illusion, tout d’abord pour constater à quel point ils diffèrent esthétiquement, puis pour comprendre le propos humaniste qui les unit. Grand jeu de massacre cynique et virtuose, d’un lyrisme stylistique échevelé, La Règle du Jeu prenait le parti de considérer avec ses moyens la futilité de la comédie humaine, dans une ambiance anxiogène préparant à une nouvelle guerre. En 1937, deux ans plus tôt et à l’instar de Giraudoux avec La guerre de Troie n’aura pas lieu en 35, Renoir choisit d’évoquer le conflit précédent, souvent mentionné comme « la der des der ». Le parti pris est d’une simplicité confondante : un film de guerre sans combat, presque sans ennemi, un film de personnages et de visages. Convoquant un casting de haute volée, Renoir construit des types qui vont tour à tour alimenter cette fable humaniste dressant le portrait d’une humanité d’autant plus puissante qu’elle se trouve face à l’adversité.
Si le film est aussi considéré depuis sa sortie, c’est justement par sa propension à un discours. Face à une situation historique où la logique est celle de la destruction et la division des peuples, Renoir met en place, par le microcosme du camp de prisonniers, celle de l’apprentissage et de l’écoute. C’est un officier allemand qui coupe la viande de son prisonnier, un juif qui nourrit ses compatriotes, les conversations entre des classes sociales qui ne se seraient pas adressé la parole dans le civil. Trois langues se mêlent pour mieux dessiner les contours d’une société plurielle qui vit certes enfermée, mais qui survit par une solidarité jusqu’alors insoupçonnable. En évacuant le combat, Renoir propose surtout de voir la guerre à hauteur d’individu : les décisions ne lui appartiennent pas, la prise d’une ville ou sa libération non plus. Qu’il soit allemand ou français, instituteur ou aristocrate, il compose avec les mouvements d’une histoire qui va finalement exacerber son humanité.
Le cinéaste est conscient, à travers le choix de ses comédiens et par le truchement d’un art populaire, de s’adresser au plus grand nombre. On le voit par le traitement réservé à l’art dans le film : le camp de prisonnier a tout d’un pensionnat où l’on cherche à se divertir par les échappatoires de l’art : le disque qui ouvre le film, les livres, le théâtre et le travestissement, voire du morceau de flute de Fresnay comme divertissement pour favoriser l’évasion… tout contribue à réunir les hommes et semble répondre au vœux que l’officier allemand fera dans la fabuleuse nouvelle de Vercors, Le silence de la mer quelques années plus tard.
Le film est donc bien le parcours d’un apprentissage de la vie et de la révélation de sa valeur : c’est bien dans les insignifiances du quotidien que se loge la saveur de notre existence : l’émotion extraordinaire des hommes devant la finesse d’un bas de soie, la prise de conscience de ce qu’est un foyer et fêter Noël, l’apprentissage d’une autre langue pour dire « Le café est prêt »… Le seul véritable moment de souffrance est celui de l’isolement de Maréchal, dont la véritable revendication est celle de tout le film : il supplie pour qu’on lui parle, de la même façon que Renoir appelle au dialogue, donnant la parole aux allemands en soulignant avec audace leur rigueur, leur savoir vivre et leur humanité.
La Grande Illusion est là : celle de penser que les hommes sont différents et que cela justifie qu’on s’entretue en substituant les armes à la parole.
Mais c’est aussi un constat plus amer, celui de voir cette utopie d’une communauté humaine ne pouvant apparemment se mettre en place que dans l’adversité. En témoigne cet ultime plan prévu par Renoir où l’on devait voir deux chaises vides, celles du rendez-vous donné entre Maréchal et Rosenthal à la fin de la « der des der ».
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MessageSujet: Re: [Cycle] Jean Renoir   [Cycle] Jean Renoir - Page 2 EmptyJeu 16 Jan 2014 - 19:12

je finis de le regarder ce soir, pas sûr que j ai le temps de poster ma critique auj, on verra bien...
tu vas matter quoi ?
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MessageSujet: Re: [Cycle] Jean Renoir   [Cycle] Jean Renoir - Page 2 EmptyJeu 16 Jan 2014 - 19:47

Ce soir, La Règle du Jeu, et ça terminera mon cycle.
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MessageSujet: Re: [Cycle] Jean Renoir   [Cycle] Jean Renoir - Page 2 EmptyJeu 16 Jan 2014 - 20:06

Nulladies a écrit:
Ce soir, La Règle du Jeu, et ça terminera mon cycle.

A confirmer pour l'anecdote l'apparition d'Henri Cartier-Bresson (parmis un groupe de prêtres)
voilà ce sera ma participation à ce topic Smile


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MessageSujet: Re: [Cycle] Jean Renoir   [Cycle] Jean Renoir - Page 2 EmptyVen 17 Jan 2014 - 6:56

[Cycle] Jean Renoir - Page 2 Laregledujeu

« C’est assommant, les gens sincères »
« Ce divertissement n’a pas la prétention d’un étude de mœurs » annonce le carton d’ouverture. Renoir, avec autant d’intelligence et de malice que dans le film qui va suivre, nous propose ici un programme schizophrène d’une grande ambition : divertir et discourir.
La règle du jeu est un univers formel d’une maîtrise absolue, doublé d’une satire ravageuse.
Le Jeu.
C’est avant tout un jeu, et qui s’annonce comme tel. Après l’exergue du Figaro de Beaumarchais, tout le film est placé sous le signe de la comédie théâtrale. Intrigues amoureuses, tromperies et conflits à tous les étages, c’est un tourbillon de portes qui claquent, de traversées de corridors et de montées et descente d’escaliers.
L’immense réussite du film réside dans sa gestion de la collectivité : chaque séquence est l’objet d’une chorégraphie virtuose, la caméra se déplaçant d’une pièce à l’autre dans de nombreux plans séquence écrits avec une pertinence confondante, butinant regards et sourires, répliques et gestes d’un couple à l’autre. Car le mérite de ce film est de s’emparer du théâtre pour en sublimer les codes par la caméra : du mouvement initial, le drama, on propose une nouvelle vision, le kinêma son aboutissement et sa relecture. Toute la grammaire du film, inépuisable de richesse, ne cesse de jouer avec l’espace et le mouvement, d’orchestrer les situations et de chorégraphier les personnages. A ce titre, le travail sur la profondeur de champ est fantastique : très souvent, le premier et le second plan se répondent par écho, un couple en singeant un autre, une conversation appelant sa dérision par la scène muette qu’elle devance. Le ballet qui en résulte, aussi époustouflant qu’enivrant,  qu’on soit dans la résidence ou en extérieur, est un splendide machine à machinations dont on retrouve l’écho dans la fascination du comte pour les automates et les boites à musique qui viennent si souvent troubler les conversations.
Mais qu’on ne s’y trompe pas : à l’instar du mouvement circulaire et jubilatoire des films de Max Ophüls, la forme n’occulte en rien la noirceur et la satire du propos. Tout cet opéra baroque trouve sa source dans le règne du mensonge, de la duperie et du cynisme, à l’image de Christine, marquise désabusée et croqueuse des cœurs qui s’offrent à elle, œil du cyclone autour duquel tout tourne et se fracasse. Derrière les sourires (figés et de pose, comme le rappel la très drôle ressemblance entre Christine et l’une de ses statues) et les saillies spirituelles, ce sens de la fête et du travestissement c’est bien l’imagerie d’une humanité ostentatoire dans sa frivolité et par conséquent décadente qui se dessine.
La règle.
Ce crépuscule d’un monde est celui d’une aristocratie à bout de souffle, convaincue du bien fondé d’un code sur le point de s’effondrer une nouvelle fois avec l’imminence de la 2nde guerre mondiale. Ainsi, André tient à parler au marquis afin de lui expliquer qu’il lui ravit son épouse, parce que « ça se fait », on s’engonce dans une partie de chasse tout ce qu’il y a de plus médiévale et l’on se divertit comme à la cour du Roi Soleil. Mais la comédie sociale ne se cantonne pas à fustiger l’élite : c’est bien un jeu de massacre collectif où le regard omniscient nous invite à la table des domestiques qui singent les maîtres et établissent leur propre hiérarchie : la camériste n’est pas la cuisinière, le braconnier embauché comme domestique est lui aussi en position temporaire d’ascension sociale… Tout est codifié et simultanément démonté par le regard aussi satirique que tendre de Renoir, présent au sein du film par son personnage d’Octave, l’un des seuls sincères, ours lunaire et attachant.
Il n’empêche que la férocité du propos ne cesse de croître à mesure que l’hystérie collective se déploie. Au cœur du film, la battue qui conduit au carnage de la chasse est en cela révélatrice : cette scène n’a rien d’une partie de chasse. Postés à la sortie du bois, les aristocrates attendent le résultat du travail des domestiques qui font converger vers eux les victimes, dans un massacre organisé et d’une violence aussi aseptisée que glaçante. La chasse comme divertissement, c’est bien là le retournement du propos initial de Renoir qui ajoutait au titre de son film « Fantaisie dramatique ». André, arrivant par les airs au début du film, finit tiré en plein envol amoureux, à la fois faisan et lapin, sans qu’on s’en émeuve outre mesure. « Nous sommes ici pour chasser, pas pour écrire nos mémoires », avait annoncé le général, et la règle va reprendre le dessus. Garde-chasse et braconniers sont congédiés, le meurtre déguisé en accident… de chasse, intégré à la distraction généralisée, et l’on invite les élites ensommeillées à rentrer au chaud.
Cruel et virtuose, La règle du jeu est la quintessence du cinéma, art jeune et qui se nourrit de ses illustres prédécesseurs, roman, théâtre, conte philosophique, satire, ballet, peinture, pour proposer un regard frais et sans concession sur la tristesse jubilatoire de la comédie humaine.
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MessageSujet: Re: [Cycle] Jean Renoir   [Cycle] Jean Renoir - Page 2 EmptySam 18 Jan 2014 - 15:45

Nulladies a écrit:

« C’est assommant, les gens sincères »
« Ce divertissement n’a pas la prétention d’un étude de mœurs » annonce le carton d’ouverture. Renoir, avec autant d’intelligence et de malice que dans le film qui va suivre, nous propose ici un programme schizophrène d’une grande ambition : divertir et discourir.
La règle du jeu est un univers formel d’une maîtrise absolue, doublé d’une satire ravageuse.
Le Jeu.
C’est avant tout un jeu, et qui s’annonce comme tel. Après l’exergue du Figaro de Beaumarchais, tout le film est placé sous le signe de la comédie théâtrale. Intrigues amoureuses, tromperies et conflits à tous les étages, c’est un tourbillon de portes qui claquent, de traversées de corridors et de montées et descente d’escaliers.
L’immense réussite du film réside dans sa gestion de la collectivité : chaque séquence est l’objet d’une chorégraphie virtuose, la caméra se déplaçant d’une pièce à l’autre dans de nombreux plans séquence écrits avec une pertinence confondante, butinant regards et sourires, répliques et gestes d’un couple à l’autre. Car le mérite de ce film est de s’emparer du théâtre pour en sublimer les codes par la caméra : du mouvement initial, le drama, on propose une nouvelle vision, le kinêma son aboutissement et sa relecture. Toute la grammaire du film, inépuisable de richesse, ne cesse de jouer avec l’espace et le mouvement, d’orchestrer les situations et de chorégraphier les personnages. A ce titre, le travail sur la profondeur de champ est fantastique : très souvent, le premier et le second plan se répondent par écho, un couple en singeant un autre, une conversation appelant sa dérision par la scène muette qu’elle devance. Le ballet qui en résulte, aussi époustouflant qu’enivrant,  qu’on soit dans la résidence ou en extérieur, est un splendide machine à machinations dont on retrouve l’écho dans la fascination du comte pour les automates et les boites à musique qui viennent si souvent troubler les conversations.
Mais qu’on ne s’y trompe pas : à l’instar du mouvement circulaire et jubilatoire des films de Max Ophüls, la forme n’occulte en rien la noirceur et la satire du propos. Tout cet opéra baroque trouve sa source dans le règne du mensonge, de la duperie et du cynisme, à l’image de Christine, marquise désabusée et croqueuse des cœurs qui s’offrent à elle, œil du cyclone autour duquel tout tourne et se fracasse. Derrière les sourires (figés et de pose, comme le rappel la très drôle ressemblance entre Christine et l’une de ses statues) et les saillies spirituelles, ce sens de la fête et du travestissement c’est bien l’imagerie d’une humanité ostentatoire dans sa frivolité et par conséquent décadente qui se dessine.
La règle.
Ce crépuscule d’un monde est celui d’une aristocratie à bout de souffle, convaincue du bien fondé d’un code sur le point de s’effondrer une nouvelle fois avec l’imminence de la 2nde guerre mondiale. Ainsi, André tient à parler au marquis afin de lui expliquer qu’il lui ravit son épouse, parce que « ça se fait », on s’engonce dans une partie de chasse tout ce qu’il y a de plus médiévale et l’on se divertit comme à la cour du Roi Soleil. Mais la comédie sociale ne se cantonne pas à fustiger l’élite : c’est bien un jeu de massacre collectif où le regard omniscient nous invite à la table des domestiques qui singent les maîtres et établissent leur propre hiérarchie : la camériste n’est pas la cuisinière, le braconnier embauché comme domestique est lui aussi en position temporaire d’ascension sociale… Tout est codifié et simultanément démonté par le regard aussi satirique que tendre de Renoir, présent au sein du film par son personnage d’Octave, l’un des seuls sincères, ours lunaire et attachant.
Il n’empêche que la férocité du propos ne cesse de croître à mesure que l’hystérie collective se déploie. Au cœur du film, la battue qui conduit au carnage de la chasse est en cela révélatrice : cette scène n’a rien d’une partie de chasse. Postés à la sortie du bois, les aristocrates attendent le résultat du travail des domestiques qui font converger vers eux les victimes, dans un massacre organisé et d’une violence aussi aseptisée que glaçante. La chasse comme divertissement, c’est bien là le retournement du propos initial de Renoir qui ajoutait au titre de son film « Fantaisie dramatique ». André, arrivant par les airs au début du film, finit tiré en plein envol amoureux, à la fois faisan et lapin, sans qu’on s’en émeuve outre mesure. « Nous sommes ici pour chasser, pas pour écrire nos mémoires », avait annoncé le général, et la règle va reprendre le dessus. Garde-chasse et braconniers sont congédiés, le meurtre déguisé en accident… de chasse, intégré à la distraction généralisée, et l’on invite les élites ensommeillées à rentrer au chaud.
Cruel et virtuose, La règle du jeu est la quintessence du cinéma, art jeune et qui se nourrit de ses illustres prédécesseurs, roman, théâtre, conte philosophique, satire, ballet, peinture, pour proposer un regard frais et sans concession sur la tristesse jubilatoire de la comédie humaine.
Pas revu ce film depuis tellement longtemps ! C'est un sommet et ta chronique aussiiiiii !
Yes !!!!
(par contre pour l'instant j'ai pas réussi à les récup' ces Renoir...)
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MessageSujet: Re: [Cycle] Jean Renoir   [Cycle] Jean Renoir - Page 2 EmptySam 18 Jan 2014 - 15:50

Azbinebrozer a écrit:
Nulladies a écrit:

« C’est assommant, les gens sincères »
« Ce divertissement n’a pas la prétention d’un étude de mœurs » annonce le carton d’ouverture. Renoir, avec autant d’intelligence et de malice que dans le film qui va suivre, nous propose ici un programme schizophrène d’une grande ambition : divertir et discourir.
La règle du jeu est un univers formel d’une maîtrise absolue, doublé d’une satire ravageuse.
Le Jeu.
C’est avant tout un jeu, et qui s’annonce comme tel. Après l’exergue du Figaro de Beaumarchais, tout le film est placé sous le signe de la comédie théâtrale. Intrigues amoureuses, tromperies et conflits à tous les étages, c’est un tourbillon de portes qui claquent, de traversées de corridors et de montées et descente d’escaliers.
L’immense réussite du film réside dans sa gestion de la collectivité : chaque séquence est l’objet d’une chorégraphie virtuose, la caméra se déplaçant d’une pièce à l’autre dans de nombreux plans séquence écrits avec une pertinence confondante, butinant regards et sourires, répliques et gestes d’un couple à l’autre. Car le mérite de ce film est de s’emparer du théâtre pour en sublimer les codes par la caméra : du mouvement initial, le drama, on propose une nouvelle vision, le kinêma son aboutissement et sa relecture. Toute la grammaire du film, inépuisable de richesse, ne cesse de jouer avec l’espace et le mouvement, d’orchestrer les situations et de chorégraphier les personnages. A ce titre, le travail sur la profondeur de champ est fantastique : très souvent, le premier et le second plan se répondent par écho, un couple en singeant un autre, une conversation appelant sa dérision par la scène muette qu’elle devance. Le ballet qui en résulte, aussi époustouflant qu’enivrant,  qu’on soit dans la résidence ou en extérieur, est un splendide machine à machinations dont on retrouve l’écho dans la fascination du comte pour les automates et les boites à musique qui viennent si souvent troubler les conversations.
Mais qu’on ne s’y trompe pas : à l’instar du mouvement circulaire et jubilatoire des films de Max Ophüls, la forme n’occulte en rien la noirceur et la satire du propos. Tout cet opéra baroque trouve sa source dans le règne du mensonge, de la duperie et du cynisme, à l’image de Christine, marquise désabusée et croqueuse des cœurs qui s’offrent à elle, œil du cyclone autour duquel tout tourne et se fracasse. Derrière les sourires (figés et de pose, comme le rappel la très drôle ressemblance entre Christine et l’une de ses statues) et les saillies spirituelles, ce sens de la fête et du travestissement c’est bien l’imagerie d’une humanité ostentatoire dans sa frivolité et par conséquent décadente qui se dessine.
La règle.
Ce crépuscule d’un monde est celui d’une aristocratie à bout de souffle, convaincue du bien fondé d’un code sur le point de s’effondrer une nouvelle fois avec l’imminence de la 2nde guerre mondiale. Ainsi, André tient à parler au marquis afin de lui expliquer qu’il lui ravit son épouse, parce que « ça se fait », on s’engonce dans une partie de chasse tout ce qu’il y a de plus médiévale et l’on se divertit comme à la cour du Roi Soleil. Mais la comédie sociale ne se cantonne pas à fustiger l’élite : c’est bien un jeu de massacre collectif où le regard omniscient nous invite à la table des domestiques qui singent les maîtres et établissent leur propre hiérarchie : la camériste n’est pas la cuisinière, le braconnier embauché comme domestique est lui aussi en position temporaire d’ascension sociale… Tout est codifié et simultanément démonté par le regard aussi satirique que tendre de Renoir, présent au sein du film par son personnage d’Octave, l’un des seuls sincères, ours lunaire et attachant.
Il n’empêche que la férocité du propos ne cesse de croître à mesure que l’hystérie collective se déploie. Au cœur du film, la battue qui conduit au carnage de la chasse est en cela révélatrice : cette scène n’a rien d’une partie de chasse. Postés à la sortie du bois, les aristocrates attendent le résultat du travail des domestiques qui font converger vers eux les victimes, dans un massacre organisé et d’une violence aussi aseptisée que glaçante. La chasse comme divertissement, c’est bien là le retournement du propos initial de Renoir qui ajoutait au titre de son film « Fantaisie dramatique ». André, arrivant par les airs au début du film, finit tiré en plein envol amoureux, à la fois faisan et lapin, sans qu’on s’en émeuve outre mesure. « Nous sommes ici pour chasser, pas pour écrire nos mémoires », avait annoncé le général, et la règle va reprendre le dessus. Garde-chasse et braconniers sont congédiés, le meurtre déguisé en accident… de chasse, intégré à la distraction généralisée, et l’on invite les élites ensommeillées à rentrer au chaud.
Cruel et virtuose, La règle du jeu est la quintessence du cinéma, art jeune et qui se nourrit de ses illustres prédécesseurs, roman, théâtre, conte philosophique, satire, ballet, peinture, pour proposer un regard frais et sans concession sur la tristesse jubilatoire de la comédie humaine.
Pas revu ce film depuis tellement longtemps ! C'est un sommet et ta chronique aussiiiiii !
Yes !!!!
(par contre pour l'instant j'ai pas réussi à les récup' ces Renoir...)

Merci Az' !
Ces deux derniers, je les ai trouvés à la médiathèque, je peux pas vraiment t'aider...
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Rorschach
sourcilman ^^
Rorschach


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MessageSujet: Re: [Cycle] Jean Renoir   [Cycle] Jean Renoir - Page 2 EmptyDim 19 Jan 2014 - 22:40

Je vais terminer cette semaine Wink
Az, t as commencé du coup ?
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Nulladies
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MessageSujet: Re: [Cycle] Jean Renoir   [Cycle] Jean Renoir - Page 2 EmptyLun 20 Jan 2014 - 6:28

Après ça, je vous propose un cycle Tourneur :

La griffe du passé
Rendez-vous avec la peur
La Féline
Vaudou.

Dites-moi quand vous voulez qu'on commence, si ça vous intéresse de participer. Je peux vous attendre ou créer un topic que vous alimenterez à votre rythme, comme vous voulez.
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