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 400 films préférés (par Rabbit)

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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 EmptyVen 17 Juin 2022 - 21:54

400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 30_mul10

30. Mulholland Drive - David LYNCH, 2001

Je suis un peu revenu de Lynch ces dernières années, disons du moins que je n'ai plus la même fascination pour le bonhomme qu'à l'époque de ce que je considère comme ses derniers chefs-d'oeuvre, époque qui culmine donc sur ce "Mulholland Drive" que je n'ai plus revu depuis 17 ou 18 ans, probablement pour mieux rester sur le souvenir chéri que j'en ai gardé, celui du fan de 20 piges qui le découvrit au cinéma puis le décortiqua en DVD dans la foulée avec un plaisir entier. Film en miroir dont les deux parties se répondent, "Mulholland Drive" est la quintessence du goût de l'Américain pour les puzzles mentaux à la fois ultra-précis dans leur construction et suffisamment ouverts et riches en chemins de traverse pour encourager l'interprétation du spectateur (voire même, souvent, pour le faire lâcher prise totalement et oublier le récit au profit de la poésie et de l'émotion). Beaucoup partent du principe que chaque moitié de film pourrait être le rêve de l'autre, pour moi ç'avait été une évidence d'emblée, c'est la première partie, tenant ouvertement du fantasme filmé dans son esthétique post-Hollywoodienne, sa sensualité, la pureté des sentiments et la fantaisie des situations, qui est le "rêve" de la seconde (crue, désabusée, dominée par la trahison, la jalousie, la rancoeur et la part de monstruosité de personnages égocentriques, arrivistes, avides de pouvoir sur les autres) mais avec Lynch rien n'est simplement rêve, j'imagine plutôt ça comme un équivalent à la "récompense" de Laura Palmer, admise éternellement dans la Loge Noire telle un ange en compensation de ses souffrances. Dans mon idée on est dans le même univers, les démiurges de "Mulholland Drive", à commencer peut-être par le Cowboy qui mène le jeu de l'intrigue, le sans-abri et sa boîte bleue qui libère ce couple de monstres parentaux et le personnage de Michael J. Anderson bien sûr, le Petit homme venu d'ailleurs devenu Grand échalas sur un fauteuil roulant (devant des rideaux de velours rougeâtres là encore), se nourrissent probablement du même Garmonbozia que leur fournira Diane (Naomi Watts) dans la tragédie de sa frustration d'actrice ratée et d'amante éconduite menant au crime et au suicide, cette dernière gagnant en contrepartie la réalisation dans la "mort" de son fantasme de Betty la star en devenir à qui tout réussit, dont la trajectoire est émaillée de réminiscences de sa vie "réelle" détournées pour mieux la rassurer dans son illusion : la froide Camilla bien sûr qui devient Rita (Laura Harring), femme-mystère incarnant son idéal de romantisme à tous les niveaux, d'amour sincère, de sensualité, de loyauté, de candeur et de fragilité enfin qui permettent à Betty de prendre l'ascendant sur leur relation, mais aussi la clé bleue, symbole morbide devenue clé de cette énigme identitaire qui va les rapprocher, Adam Kesher (Justin Theroux) le cinéaste influent ridiculisé et sa mère condescendante transposée en simple logeuse sans intérêt, le tueur à gages transformé en blague etc. "Mulholland Drive", au fond, c'est un peu le croisement idéal entre "Fire Walk With Me et "Lost Highway", l'humanité complexe, tourmentée et riche en parts d'ombre du plus beau personnage féminin du cinéma de Lynch depuis Laura Palmer perdue dans le purgatoire de film-puzzle onirique et hanté du second, un puzzle narratif tout aussi atmosphérique et intrigant, peut-être moins parfait mais d'autant plus émouvant.
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 EmptyVen 17 Juin 2022 - 21:58

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29. Short Cuts - Robert ALTMAN, 1993

J'ai quasiment toute la filmo 70s d'Altman à rattraper, hormis "Le privé" déjà mentionné dans cette liste, mais malgré l'amour que beaucoup portent à "Nashville" ou "Trois femmes", ce serait miraculeux qu'ils résonnent en moi aussi fortement que ce "Short Cuts", parfait chaînon entre "Grand Canyon" (ça commence d'ailleurs par des hélicoptères menaçants évoquant l'hélico de la police qui sillonne le ciel d'un bout à l'autre du chef-d'oeuvre de Kasdan) et l'univers de Raymond Carver qu'il adapte librement, les petits drames plus ou moins ordinaires d'une multitude de personnages issus de toutes les couches sociales de Los Angeles (middle class surtout, mais pas que) dont les solitudes et les turpitudes réunies par la caméra de l'Américain et son génie absolu de l'enchaînement narratif dressent par accumulation un portrait aussi satirique que désespéré d'une Amérique au bord de l'effondrement, dévoilant derrière la façade du cynisme et de la déchéance morale de poignants moments d'humanité chez chacun ou presque de ces quelques 22 personnages principaux (incarnés par une pléiade de stars en devenir et de seconds couteaux fabuleux, plus Jack Lemmon dans l'un de ses plus beaux rôles et un Tom Waits qui se régalait au ciné à l'époque) appelés à se retrouver sous les feux croisés d'un facétieux destin collectif dont Paul Thomas Anderson (encore en phase de maturation plagiariste) avait échoué à retrouver l'essence avec son grandiloquent "Magnolia". Manquaient les dialogues ciselés, le soupçon de naturalisme entomologique et le naturel surtout, celui d'une narration visuelle vertigineuse d'audace et de fluidité, de ce rollercoaster émotionnel jamais emphatique, ballet chaotique des hasards à la fois grandiose et intimiste qui semble bizarrement un peu snobé aujourd'hui sans avoir pourtant rien perdu de sa pertinence ou de sa puissance.
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 EmptyDim 19 Juin 2022 - 13:59

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28. Lolita - Stanley KUBRICK, 1962

Je n'ai toujours pas lu le roman de Nabokov, souvent érigé - et probablement à raison - en monument écrasant, éclipsant toute tentative d'adaptation. Finalement, ça n'est peut-être pas plus mal, car "Lolita" - le film m'est de fait apparu comme kubrickien jusqu'à l'os, l'histoire finalement de l'aliénation d'un homme par sa part incontrôlable de pulsions et de folie, qui prend ici la forme du personnage de Quilty, véritable projection mentale des névroses d'Humbert-Humbert (James Mason, fabuleux), quelque chose qui tient probablement pour partie du roman ("Quilty" évoquant de toute évidence le mot "guilty") mais on s'accorde visiblement à dire que le personnage, incarné avec une parfaite ambivalence par Peter Sellers dans une série d'apparitions grimées et fortes en cabotinage, est beaucoup plus central dans le long-métrage et surtout - et c'est ce qui m'a fasciné d'emblée avec "Lolita", récit avant tout visuel débordant de détails signifiants et de symboles - l'encadre de sa présence via cette scène du meurtre par jalousie partiellement "rejouée" à la fin. Une scène - ou plutôt deux ! - qui condense justement à elle seule tout le génie suggestif de Kubrick, control freak qui n'a pas pu laisser tous ces détails au hasard, d'autant moins qu'il eut été nettement plus évident d'utiliser deux fois les mêmes plans : au lieu de ça, on a en réalité deux scènes fondamentalement divergentes, où des objets changent de place ou sont présents tour à tour à des endroits différents (cf. le tableau criblé de balles symbolique de Lolita d'abord en bas des escaliers puis sur le pallier lorsque Quilty entreprend de s'en servir comme d'un bouclier) et où, surtout, Quilty est présent "'physiquement" puis ne l'est plus du tout (cf. le drap sur le fauteuil derrière lequel il se cache au début, une bouteille sur la tête à hauteur du dossier, alors qu'à la fin le drap ne dissimule plus personne, la bouteille reposant sur le siège). Nul doute qu'il y a là bien davantage matière à interprétation qu'avec la fameuse ombre de l'hélico de tournage dans "Shining" et sa supposée signification démiurgique un peu tirée par les cheveux ! Ajoutez à cela l'enchaînement presque cartoonesque des évènements (la citation de "Spartacus", film précédent du cinéaste, qui brise le 4e mur, la partie de ping-pong, les gants de boxe, etc) et vous arrivez à la conclusion que tout cela n'est simplement pas "réel" : Quilty n'est pas un véritable personnage de chair mais une projection d'Humbert-Humbert, voire du metteur-en-scène démiurge ou un combinaison des deux, et à la scène d'introduction, continuation du fantasme qui a donné vie à partir de rien à ce condensé de perversions parvenant à ses fins là où Humbert-Humbert échoue répond en conclusion une forme de prise de conscience et/ou de guérison, Quilty n'existe plus derrière le drap qui recouvre le fauteuil, Humbert-Humbert l'appelle mais il n'est plus là. Tout ça pour dire que le film, derrière l’ambiguïté malsaine de son histoire d'amour unilatérale, les jeux de pouvoir et de domination ou le pathétique du personnage, mené par le bout du nez par une jeune fille qu'il fantasmait à tort innocente et malléable, et voué à sa perte par l'immoralité de son désir et de ses pulsions, est aussi passionnant d'une manière propre à Kubrick, beaucoup plus symbolique et mentale, mettant en exergue sa vision désespérée de la nature humaine et jouant sur des codes appartenant au cinéma (notamment ceux du film noir et du film d'horreur gothique) pour les détourner dans un combat intérieur entre conscience et fantasme, Humbert-Humbert arrivant d'ailleurs au manoir de Quilty dans un enchaînement très étrange de brouillard onirique et de clarté du jour, un manoir dont le décorum sens dessus-dessous semble représenter sa propre psyché chamboulée.

PS : c'est marrant tiens, en écrivant sur "Fight Club" il y a peu je mentionnais l'influence de Kubrick perceptible via des références plus ou moins sous-jacentes à "Shining" et "Full Metal Jacket", mais réalise seulement maintenant qu'il y avait probablement aussi 'Lolita", donc, et sa figure du double "maléfique"...
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 EmptyDim 19 Juin 2022 - 17:39

400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 27_pha10

27. Phantom of the Paradise - Brian DE PALMA, 1974

Pas fan des films musicaux d'une manière générale, encore moins des opéras rock, mais cette double variation autour du "Fantôme de l'Opéra" et du "Portrait de Dorian Gray" est forcément à part, et me fait avant tout l'effet d'une boule de traumas cathartique absolument terrassante, l'une de ces tragédies que De Palma affectionne où la sincérité le dispute à l'excès. Et si, entre film rock donc, giallo kitsch, satire au bulldozer des milieux du cinéma et de la musique et pastiche hitchcockien décomplexé (cf. la "scène de la douche", mouaha), "Phantom of the Paradise" avait tout pour tomber du côté du grand-guignol et s'y perdre pour de bon (à coups également de références ciné à n'en plus finir, du fantastique des années 30 à l’expressionnisme allemand), le fait qu'il n'en soit rien et que chaque visionnage apporte son lot de boules au vente et de sanglots en dit long sur la formidable humanité des personnages qui habitent cette créature de Frankenstein faite film, à commencer par celui de Jessica Harper finalement (la future héroïne de "Suspiria" devenue bien trop rare par la suite), par les yeux de laquelle passe toute l'émotion du film, en particulier dans cette séquence finale insoutenable, véritable opéra de larmes et de sang à elle seule. Trahison du faux-frère corrupteur et malfaisant (ici carrément diabolique, au sens propre, sous les traits de l'inquiétant Paul Williams en alter-ego monstrueux de Phil Spector, également compositeur des poignantes ballades au piano du film et de ses délires glam), avilissement de l'être aimé par ce dernier, voyeurisme et surveillance par écrans interposés... De Palma saigne déjà ses grands thèmes personnels mais aussi d'autres en rapport probablement avec ses débuts hollywoodiens (la frustration et la résilience de l'artiste dépouillé de son art et de sa dignité par un producteur sans scrupule) de même que ses figures visuelles récurrentes, du plan séquence au split screen (voire les deux à la fois dans l'une des grandes scènes du film qui cite l'ouverture de "La soif du mal" et commence par la dissimulation d'une bombe en vue subjective) en passant par le travelling circulaire et les plongées fluides et virtuoses. Et bien que "Phantom of the Paradise" ne soit pas son oeuvre la plus aboutie visuellement, le film a étonnamment bien vieilli jusque dans ses accès de mauvais goût assumé, raccords avec cette atmosphère décadente où chacun, à l'exception du trop intègre Winslow Leach (William Finley) au prix d'un terrible chemin de croix, est prêt à vendre son corps, son âme ou les deux pour une chance de succès.
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 EmptyLun 20 Juin 2022 - 17:52

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26. The Aviator (Aviator) - Martin SCORSESE, 2004

Scorsese ne fait plus autant l'unanimité que dans les 70s ou les 90s et pourtant, pour moi, ses années 2000/2010 sont du même acabit, cf. les superbes "Le loup de Wall Street", "Silence" et "Shutter Island" déjà mentionnés dans cette liste, "The Irishman" et "Les infiltrés" qui y ont échappé de peu et un autre encore à venir qui compte parmi mes films de chevet. Et puis cet "Aviator" donc, fantasme de biopic hollywoodien à l'image de ces fresques que les grands studios produisaient dans les années 40 ou 50, qui prend justement pour sujet l'un des grands producteurs de cinéma de l'époque, Howard Hughes, inspiration à en croire De Palma pour le personnage de Swan dans "Phantom de Paradise" dont je parlais hier - hasard du classement. Ce personnage qui finit de propulser Di Caprio au rang des grands acteurs contemporains, successeur de De Niro en tant que double récurrent à l'écran du cinéaste américain et proprement impressionnant ici dans son plus beau rôle à ce jour, Scorsese le fait totalement sien, choisissant de mettre en avant, plutôt que son influence politique, trois aspects de la vie et de la personnalité de Hugues renvoyant à trois de ses grands thèmes de prédilection : le personnage tiraillé entre ses responsabilités vis-à-vis d'une activité professionnelle dans laquelle il excelle et ses aspirations plus profondes (ici d'un côté son rôle de producteur tout puissant, et de l'autre sa passion presque autodestructrice pour l'aviation, du pilotage qui le pousse dans ses derniers retranchements physiques à la construction de nouveaux modèles qui manque de le ruiner, un "hobby" de plus en plus difficilement conciliable avec sa condition qui le mènera peu à peu à la déchéance et à la folie), conciliant difficilement son hyperactivité avec une relation pourtant nécessaire à son équilibre émotionnel et psychique (Cate Blanchett en Katharine Hepburn qu'il perdra au profit de Spencer Tracy sans jamais retrouver la même connexion, compréhension ou empathie au bras d'aucune autre de ses conquêtes), et en prise avec des névroses qui le tirent irrémédiablement vers le bas (ses troubles obsessionnels compulsifs), influencées comme souvent par son éducation (cette mère qui encourage sa paranoïa envers les germes). Visuellement flamboyant, le film fait ainsi contraster cette esthétique léchée et le glamour de l'aviation, du milieu du cinéma et des idylles de Hugues avec une part d'ombre du personnage qui s'exprime avec une violence et une douleur sous-jacentes dans lesquelles Di Caprio excelle, dans une lutte constante pour le maintien des apparences et d'une dignité qui finira pas s'effriter malgré tous se efforts. Je ne l'ai certes pas revu depuis longtemps mais c'est à mon avis un film merveilleux, faussement académique et bénéficiant d'une virtuosité plus mesurée qu'à l'accoutumée, grandiose et intimiste, une sorte de "Citizen Kane" des 00s dont la véritable ambition ne serait pas narrative mais plus mentale et intérieure, via un symbolisme discret (cf. les variations de l'étalonnage notamment) qui préfigure le futur "Shutter Island".
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 EmptyLun 20 Juin 2022 - 17:55

400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 25_the10

25. The Party (La party) - Blake EDWARDS, 1968

Le film le plus drôle de la terre est aussi, allez j'ose, l'un des plus beaux. Car "The Party" ça n'est pas juste le terrain de jeu labyrinthique et constamment remodelé d'une luxueuse villa de producteur hollywoodien dans laquelle est lâché pour l'humour et pour le pire le trublion Peter Sellers, l'innocence espiègle d'un gamin de 6 ans dans le corps un peu gauche d'un figurant indien en décalage culturel complet qui finira à force de maladresses par décoincer tout le monde. Non, "The Party", c'est aussi l'histoire d'une rencontre, celle de l'intéressé, éternel optimiste capable de s'amuser d'un rien, et d'une âme en peine incarnée par la charmante Claudine Longet, tout l’humanisme infusé de mélancolie d'une connexion improbable et salvatrice qui se passe presque de mots. Influencé, pour l'un comme l'autre aspect, par le fabuleux "Playtime" de Jacques Tati (cf. #140) auquel "The Party" emprunte énormément (le gimmick du serveur, le panneau de commande électronique, ou même, par transposition, le homard volant dans la perruque de la convive ou l'odeur qui passe de main en main), Edwards réussit le double exploit d'en toper la truculence visuelle en privilégiant à l’observation sociale (mais sans pour autant la délaisser complètement) un humour plus franc et une plus grande proximité avec son personnage principal, et d’en extrapoler l'émotion en magnifiant ce début de connexion esquissé dans "Playtime" pour en faire qui sait les prémices d'une relation hors écran. C'est aussi parfait en terme de mise en scène (quasi en temps réel de l'action) que de timing dans les situations burlesques (de la chaussure flottante à la scène des toilettes en passant par le dîner et son serveur bourré), Sellers est hilarant et touchant de candeur enfantine, on ne compte plus les scènes cultes à la limite de l'absurde ("Birdy num num", l’éléphant dans la piscine, l'envie pressante pendant la chanson de Longet), la musique est évidemment merveilleuse (Mancini encore et toujours) et la scène finale l'un des moments de cinéma les plus désarmants qui soient, d'une douceur et d'une délicatesse contrastant tellement avec le délire psychédélique précédent que l'on ne peut qu'en ressortir les larmes aux yeux.
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 EmptyMar 21 Juin 2022 - 21:39

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24. Taxi Driver - Martin SCORSESE, 1976

Attendu voire limite consensuel dans une telle liste, je ne vais pas m'étendre sur LE classique de Martin Scorsese et Paul Schrader que j'ai saigné comme pas permis en DVD à une époque, si ce n'est pour souligner à quel point sa subjectivité absolue continue de m'impressionner, réussissant à infuser dans le film, à rebours de son hyper-réalisme, une part de fantasme capable de nous faire douter de la tangibilité de ce que l'on voit à maintes occasions, légitimée par l'état psychique de Travis Bickle/De Niro, entre insomnie persistante, trauma post-Vietnam et paranoïa croissante (les scènes entre Jodie Foster et Harvey Keitel auxquelles il ne peut assister, d'ailleurs, ne tiennent-elles pas de l'imagination, comme justification en amont de son "expédition de sauvetage" ?). L'écriture des personnages, les acteurs bien sûr, les contradictions et l’ambiguïté de Bickle (qui parvient même à émouvoir aux larmes le temps de ce dialogue avec Peter Boyle lors duquel sa détresse transparaît), le jazz sombre et hitchcockien de Bernard Herrmann et l’atmosphère de rêve éveillé à laquelle sa bande originale contribue fortement, tout est absolument parfait dans ce chef-d'oeuvre et la mise en scène n'est pas en reste, j'ai repensé dernièrement en visionnant je ne sais plus quel film récent qui s'en est inspiré à cette scène de l'arrivée de Bickle dans le dépôt de taxis où la caméra balaie les lieux tandis qu'il vaque à ses occupations, sortant du champ d'un côté et y rentrant à nouveau de l'autre après que le travelling circulaire nous ait familiarisé avec son environnement (De Palma reprendra l'idée quelques années plus tard dans "Blow Out" avec la fameuse scène du travelling sans fin au studio d'enregistrement lorsque Travolta reconstitue la bande), ça n'a l'air de rien mais c'est quand même absolument brillant et pas du tout gratuit, et c'est finalement la somme de tous ces moments qui n'ont l'air de rien pris séparément qui font aussi de "Taxi Driver" le monument qu'il demeure aujourd'hui.
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 EmptyMar 21 Juin 2022 - 21:41

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23. The Outlaw Josey Wales (Josey Wales hors-la-loi) - Clint EASTWOOD, 1976

J'ai l'impression que ce chef-d'oeuvre précoce est parfois un peu ignoré voire mal-aimé des fans d'Eastwood et je ne me l'explique pas vraiment, pour moi c'est une merveille absolue, à mi-chemin du western et du film d'aventures picaresques mais subtilement détournés par le grand Clint, dans le rôle principal déjà, pour en faire un grand film sur l'Amérique des laissés pour compte. "Josey Wales hors-la-loi" préfigure notamment l'empathie bourrue de "Bronco Billy" ou "Gran Torino" dans ce genre d'univers où se constitue autour du principal protagoniste - un fermier devenu tueur pour l'armée puis rebelle anarchiste après le massacre de sa femme et de ses enfants - une communauté de misfits, une improbable famille de substitution pour celui qui a tout perdu et qui y trouvera une forme de rédemption. Ici cependant, le contexte est celui de la fin de la guerre de sécession, dont les violences sont montrées avec une crudité proportionnelle à la délicatesse avec laquelle le cinéaste esquisse les liens naissants de cette famille choisie, laquelle deviendra non seulement un foyer mais aussi une alliance protectrice face à la violence d'une société qui se reconstruit dans le sang. Liberté du récit, ampleur de la mise en scène, ambivalence et complexité des personnages, humanisme sincère et profond, le futur réalisateur d'"Impitoyable" est déjà au sommet avec ce film particulièrement attachant, à redécouvrir d'urgence.
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 EmptyJeu 23 Juin 2022 - 0:19

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22. Gangs of New York - Martin SCORSESE, 2002

Le souffle épique d'un opéra de fureur et de sang, l'atmosphère crépusculaire et des personnages incarnés, rongés par leurs dilemmes moraux et leurs contradictions, le faste des classiques d'Hollywood, une violence viscérale et cette approche toute personnelle des racines politiques et criminelles du New York moderne construit sur l'immigration et la corruption, j'avais pris une claque monumentale en salle avec cette fresque ambitieuse mais jamais pompeuse, toujours au plus proche de ses protagonistes et de leurs tragédies intimes, de l'ogre tourmenté Daniel Day-Lewis impressionnant en Bill le Boucher à Cameron Diaz, moins transparente qu'il n'y paraît quand on prend la peine de s'intéresser à son personnage de survivante digne dans la duplicité et moteur de conflits malgré elle, en passant bien sûr par Leonardo DiCaprio que la vengeance du père mènera à en tuer un autre, de substitution celui-là mais finalement tout aussi influent voire aimant pour le jeune homme (étonnamment, 5 ans avant son remake d'"Infernal Affairs", Scorsese en partageait déjà ici les dilemmes d'infiltré dangereusement attaché à son camp d'adoption, à noter que les deux films sont sortis à quelques jours d'intervalle à peine), un geste source de bien des métaphores à commencer pour celle du passage en force de la civilisation dans le sang et au prix du sacrifice. Deux scènes en particulier m'ont durablement marqué et symbolisent pour moi toute la puissance émotionnelle du film et la poignante confusion des sentiments du personnage d'Amsterdam (DiCaprio donc) pour le meurtrier de son père, celle où il sauve Bill d'une tentative d'assassinat, un choix par loyauté déjà presque filiale plus que pour préserver sa propre vengeance, choix qui va non seulement le tourmenter mais également causer la mort violente d'un homme dont il partageait les convictions, et celle où son ami Johnny Sirocco (incarné par Henry Thomas, l'Elliott d'"E.T.") après l'avoir trahi puis aidé par culpabilité se retrouve empalé vivant par le Boucher, Amsterdam devant se résoudre à l'achever dans un climax d'émotions perturbées qui n'est pas sans évoquer John Woo à la grande époque.
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 EmptyJeu 23 Juin 2022 - 0:22

400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 21_the10

21. The Shining (Shining) - Stanley KUBRICK, 1980

On part souvent du principe dans les cercles cinéphiles que quelque part, Kubrick a eu le nez creux en adaptant un roman moyen pour le transcender et en faire un chef-d'oeuvre, en réalité c'est encore plus fort, il adapte un grand roman fantastique (sans être LE chef-d'oeuvre de King, son "Shining" est pour moi une vraie réussite) pour le dépasser et surtout le faire absolument sien jusqu'à la moelle, recentrant notamment les points de vue multiples sur celui de Jack Torrance pour donner au film une dimension beaucoup plus mentale et subjective et choisissant de faire passer son alcoolisme et sa possible "possession" au second plan, la folie meurtrière trouvant ici sa source dans l'aliénation sociale et la pression des responsabilités familiales - cf. le fameux "All Work And No Play Makes Jack A Dull Boy" qui n'est pas dans le livre, de même qu'une grande partie des scènes et idées les plus visuelles du film comme le labyrinthe, les jumelles, l'ascenseur duquel se déversent des litres de sang ou la fameuse agression à la hache ("Here's Johnny !"). Plus de 40 ans après sa sortie, "The Shining" demeure un véritable ovni formel avec ses travellings à la steadycam dans les couloirs de l'hôtel, la claustrophobie des plans en grand angle, etc, impressionne toujours autant par son atmosphère aussi immersive qu'inconfortable et n'a à mon avis toujours pas été dépassé en tant que film le plus flippant jamais réalisé (un Nicholson habité et les musiques de Wendy Carlos et Penderecki forcément, ça en rajoute une couche), flippant parfois jusque dans l'anachronisme et l'absurde de ses visions hallucinées, le meilleur exemple restant pour moi ce fameux zoom wtf sur les deux mecs dont un en costume d'ours qui tournent la tête vers la caméra... Sinon, vous aussi le personnage de Dick Hallorann et le sort qui lui est réservé à son arrivée à l'hôtel vous font penser au détective Arbogast dans "Psychose" ou j'abuse ?
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 EmptyJeu 23 Juin 2022 - 21:34

Allez le top 20 !

400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 20_c_e10

20. C'eravamo tanto amati (Nous nous sommes tant aimés) - Ettore SCOLA, 1974

Dédié à Vittorio De Sica (qui apparaît, tout comme Mastroianni et Fellini, dans son propre rôle, servant même d'une certaine façon de moteur au récit, mais décèdera quelques jours à peine après la fin du tournage), "Nous nous sommes tant aimés" est l'une de ces fresques de temps perdu que j'affectionne, récit d'amitié érodée par les trajectoires et les concessions de chacun, d'amours sacrifiées sur l'autel de la raison, dont les personnages passent à côté de leur vie et se retrouvent des années plus tard pour partager avec un mélange de facétie, d'amertume et de nostalgie leurs souvenirs et leurs regrets. Pour Gianni (Vittorio Gassman), Antonio (Nino Manfredi) et Nicola (Stefano Satta Flores), tout commence à la fin de la guerre, une amitié de maquisards qui connaîtra des hauts et des bas à force de divergences politiques, de différences de classes et d'amours conflictuelles avant que la vie ne les sépare. Antonio leur présente en effet Luciana (désarmante, bouleversante Stefania Sandrelli), rencontrée à l'hôpital où il devient infirmier à la fin de la guerre, laquelle le quittera d'abord pour Gianni dont elle est tombée amoureuse puis vivra à différents moments de sa vie des aventures avec chacun d'entre eux avant de finalement retrouver Antonio des années plus tard, déjà mère, et de l'épouser lui, l'amoureux transi qui s'était éclipsé bon gré mal gré devant cet ami si charismatique et sûr de lui, une seconde chance bien loin de l'innocence de leur première occasion manquée pour ce couple blessé par la vie. Gianni, c'est le privilégié ambitieux, qui gravira les échelons d'un cabinet d'avocats et se mariera par intérêt avec Elide (Giovanna Ralli, touchante dans un rôle ingrat condamné à la déception et à la tragédie), cédant à la corruption et au confort du capitalisme en reprenant le business de son beau-père. Par le biais des rêves d'actrice de Luciana, et surtout par les yeux de Nicola, prof et militant communiste intransigeant et malchanceux qui quitte femme et enfant pour devenir critique de cinéma à Rome, le film porte un regard passionné sur le renouveau du cinéma italien, récréant même le tournage de la fameuse scène de la fontaine de Trevi de "La Dolce Vita". Partageant avec le traumatique "Four Friends" d'Arthur Penn une terrassante scène de suicide motorisée, le profond désenchantement d'une génération et, forcément, quelques excès souvent inhérents à ce genre de récit choral étiré sur trois décennies aux tranches de vie exacerbées, le film à condition de s'y abandonner avec sincérité ne laisse indemne que les yeux pour pleurer. Qui ne pourrait se reconnaître au moins un peu dans ce trio qui voulait changer le monde mais que le monde a fini par changer, comme l'admettra Nicola ? Une sorte d'"Il était une fois en Amérique" italien, et donc un film merveilleux.
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 EmptyVen 24 Juin 2022 - 20:06

400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 19_l_a10

19. L'armée des ombres - Jean-Pierre MELVILLE, 1969

Le film finalement vers lequel tendait tout Melville, les gangsters d'honneur laissant place à ces soldats clandestins du mauvais côté de la loi du gouvernement de Vichy et de la Gestapo mais pas toujours du bon côté d'une morale ambiguë pour autant, en tête desquels Gerbier (formidable Ventura), héros melvillien par excellence, taiseux, loyal, intransigeant, pris dans un jeu pipé du chat et de la souris avec une autorité déshumanisée synonyme pour lui de privation de liberté, et conscient qu'à l'issue de cette fuite en avant pour sa dignité d'homme et sa survie, seule la mort l'attend. À ses côtés, frappés de la même fatalité, son bras droit Paul Crauchet, Simone Signoret en cheftaine fiable et débrouillarde qui devra choisir entre sa famille et ses compagnons d'armes, Paul Meurisse en grand patron philosophe et discret adoubé par De Gaulle, Jean-Pierre Cassel en risque-tout sacrifié dont l'issue incertaine n'en finira pas de hanter le spectateur, Christian Barbier en ancien légionnaire solide et peu causant, et Claude Mann en compas moral dans cette scène insoutenable de l'exécution d'un jeune "traître", qui donne le ton. Aucun glamour dans ces récits de résistance filmés avec une épure et une solennité silencieuse qui confinent paradoxalement au grandiose, mais des dilemmes moraux dont les choix impossibles font écho à la réalité de cette Histoire devenue cauchemar, une atmosphère funèbre proprement glaçante (merci également la musique du génial Éric Demarsan) et des morceaux de bravoure tous plus désespérés les uns que les autres, de l'évasion de l'hôtel Majestic à celle du bunker d'exécution en passant par la tentative d'extraction manquée de Félix et Jean-François. Un chef-d'oeuvre crépusculaire adapté de Kessel mais qui doit également aux propres souvenirs de Jean-Pierre Grumbach qui prit le pseudo de Melville, en hommage à l'auteur de "Moby Dick", durant ces années où il fut résistant puis combattant lors d'opérations militaires en Provence et en Italie, c'est dire le degré d'authenticité du film, qui n'est pas pour peu de chose dans cette puissance narrative un peu plus terrassante à chaque visionnage.
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 EmptySam 25 Juin 2022 - 13:50

400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 18_the10

18. The Apartment (La garçonnière) - Billy WILDER, 1960

Encore un film merveilleux de l'un des cinéastes qui pour moi en comptent le plus grand nombre à leur actif, mais celui-là est définitivement de la veine qui chez lui me touche le plus, à l'équilibre entre comédie romantique douce-amère n’excluant pas les grands moments d'humour (c'est encore une fois le fidèle I.A.L. Diamond qui coécrit), angoisse du monde moderne transfigurée ici par une mise en scène plus visuelle et travaillée que jamais, et mélancolie des grands solitaires. Emmené par un Jack Lemmon au sommet dans le rôle de C. C. Baxter, petit employé insignifiant d'une grande compagnie d'assurances dont les locaux kafkaïens situés au 19e étage d'un immeuble new-yorkais symbolisent à eux seuls cette société désincarnée dans laquelle ne peuvent s’épanouir que les personnages les plus cyniques et dénués d'empathie, le film est comme souvent chez Wilder, de "Sabrina" à "La grande combine", un parcours vers l'acceptation de soi par le biais de la fin d'une illusion, qui permettra aux personnages de trouver une forme de plénitude dans la vie comme en amour. Ici on a donc Baxter, exploité par ses supérieurs qui profitent de sa docilité et de sa quête illusoire de réussite professionnelle pour faire de son appartement un lieu de rencontres extra-conjugales passant de main en main, et la secrétaire Fran Kubelik (Shirley MacLaine dans son plus beau rôle) dont il est secrètement amoureux, elle-même menée en bateau par son amant le directeur du personnel Sheldrake, homme marié qui n'a aucune intention de quitter sa femme et la retrouve régulièrement dans la garçonnière en question : deux êtres absolument déplacés dans cet univers déshumanisé qui vont finir par se trouver et s'encourager l'un l'autre à faire la paix avec ce qu'ils croyaient vouloir, pour retrouver leur dignité et leur humanité. Fable morale aux personnages de chair dont les fragilités se dévoilent peu à peu, doublée d'une formidable satire du rêve américain et de la vie de bureau peuplée d'arrivistes manipulateurs étalant leur virilité, "La garçonnière" est souvent bouleversant, tant dans ses moments les plus graves et désespérés (la découverte du petit miroir révélateur, le cadeau blessant du billet de 100 dollars) qui vont souvent de paire avec ces contextes festifs décuplant le mal-être des dépressifs et des délaissés (de cette veille de Noël où l'éclair de lucidité de Fan tourne au drame, à la Saint-Sylvestre et cette dernière rencontre avec Sheldrake), que dans ces instants de fausse légèreté où surgissent par petites touches la vérité des êtres et de leurs sentiments, et vaudra à Wilder son seul oscar du meilleur film (en plus plus de ceux du meilleur scénario, du meilleur réalisateur , de la meilleure direction artistique et du meilleur montage)... bien peu au regard d'une carrière à ce point exceptionnelle mais pour une fois un choix absolument incontestable et mérité.
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 EmptyDim 26 Juin 2022 - 19:19

400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 17_bar10

17. Barry Lyndon - Stanley KUBRICK, 1975

Sommet visuel dont chaque plan pourrait faire office de toile de maître (certains tableaux d'époque ont d'ailleurs inspiré le cinéaste, notamment pour les costumes) avec ses extérieurs en lumière naturelle et la pâle chaleur de ces fameuses scènes nocturnes éclairées à la bougie et filmées à l'aide d'un objectif hypersensible mis au point par la NASA, jouant fabuleusement du clair-obscur et de ce zoom kubrickien atypique, "Barry Lyndon" est avant tout remarquable pour son contraste entre la forme, somptueuse, et le fond, cruel, morbide et déliquescent, d'un récit d'ascension sociale et de déchéance aux allures de fable morale sur la corruption et l'aliénation d'un homme par son propre arrivisme, à travers lequel il se condamne lui-même en perdant son innocence et son humanité au profit d'une imposture calculatrice. Du pur Kubrick en somme, sur fond de musique classique (de Haendel et Schubert à Bach ou Vivaldi) qui en magnifie la mélancolie et le sens du tragique tout en respectant l’atmosphère historique, et un film sur lequel pèse une fatalité renforcée par la narration omnisciente et désabusée d'une voix off à la troisième personne jusqu'à cet épilogue glaçant qui enfonce le clou : "ils sont tous égaux désormais", tous ces personnages riches ou pauvres, bons ou mauvais, réunis dans la mort, ce grand égaliseur qui met en exergue la futilité de leurs ambitions et de leurs querelles. Un chef-d'oeuvre absolu, grandiose et intimiste, d'un réalisme quasi documentaire jusqu'à l’authenticité des décors irlandais et pourtant au plus près de la subjectivité de son anti-héros, dans lequel probablement s'est retrouvée une partie de la vision de Kubrick pour son grand projet avorté de biopic sur Napoléon : "Barry Lyndon" restera son seul film "en costumes", assez mal accueilli à sa sortie et incompris de la part de ce grand cinéaste de la violence sociale et de l'aliénation qui mène à la folie, deux thèmes pourtant tout aussi centraux ici et explorés de la façon la plus crue qui soit, par le biais des contradictions d'un grand personnage romanesque incarnant la condition humaine dans toute son ambivalence et sa complexité qu'interprète avec une idéale sobriété Ryan O'Neil, acteur beau gosse de "Love Story" dont le jeu page blanche brillera dans la foulée dans le "Driver" de Walter Hill (inspiration évidente, l'acteur comme le film d'ailleurs, du "Drive de Nicolas Winding Refn).
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 EmptyLun 27 Juin 2022 - 14:03

RabbitIYH a écrit:
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19. L'armée des ombres - Jean-Pierre MELVILLE, 1969

Le film finalement vers lequel tendait tout Melville, les gangsters d'honneur laissant place à ces soldats clandestins du mauvais côté de la loi du gouvernement de Vichy et de la Gestapo mais pas toujours du bon côté d'une morale ambiguë pour autant, en tête desquels Gerbier (formidable Ventura), héros melvillien par excellence, taiseux, loyal, intransigeant, pris dans un jeu pipé du chat et de la souris avec une autorité déshumanisée synonyme pour lui de privation de liberté, et conscient qu'à l'issue de cette fuite en avant pour sa dignité d'homme et sa survie, seule la mort l'attend. À ses côtés, frappés de la même fatalité, son bras droit Paul Crauchet, Simone Signoret en cheftaine fiable et débrouillarde qui devra choisir entre sa famille et ses compagnons d'armes, Paul Meurisse en grand patron philosophe et discret adoubé par De Gaulle, Jean-Pierre Cassel en risque-tout sacrifié dont l'issue incertaine n'en finira pas de hanter le spectateur, Christian Barbier en ancien légionnaire solide et peu causant, et Claude Mann en compas moral dans cette scène insoutenable de l'exécution d'un jeune "traître", qui donne le ton. Aucun glamour dans ces récits de résistance filmés avec une épure et une solennité silencieuse qui confinent paradoxalement au grandiose, mais des dilemmes moraux dont les choix impossibles font écho à la réalité de cette Histoire devenue cauchemar, une atmosphère funèbre proprement glaçante (merci également la musique du génial Éric Demarsan) et des morceaux de bravoure tous plus désespérés les uns que les autres, de l'évasion de l'hôtel Majestic à celle du bunker d'exécution en passant par la tentative d'extraction manquée de Félix et Jean-François. Un chef-d'oeuvre crépusculaire adapté de Kessel mais qui doit également aux propres souvenirs de Jean-Pierre Grumbach qui prit le pseudo de Melville, en hommage à l'auteur de "Moby Dick", durant ces années où il fut résistant puis combattant lors d'opérations militaires en Provence et en Italie, c'est dire le degré d'authenticité du film, qui n'est pas pour peu de chose dans cette puissance narrative un peu plus terrassante à chaque visionnage.

j'suis pas intervenu depuis un moment, mais celui-ci
dans mon top 10 je pense !!

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ça suffa comme ci
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 EmptyLun 27 Juin 2022 - 19:50

guil a écrit:
RabbitIYH a écrit:
400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 19_l_a10

19. L'armée des ombres - Jean-Pierre MELVILLE, 1969

Le film finalement vers lequel tendait tout Melville, les gangsters d'honneur laissant place à ces soldats clandestins du mauvais côté de la loi du gouvernement de Vichy et de la Gestapo mais pas toujours du bon côté d'une morale ambiguë pour autant, en tête desquels Gerbier (formidable Ventura), héros melvillien par excellence, taiseux, loyal, intransigeant, pris dans un jeu pipé du chat et de la souris avec une autorité déshumanisée synonyme pour lui de privation de liberté, et conscient qu'à l'issue de cette fuite en avant pour sa dignité d'homme et sa survie, seule la mort l'attend. À ses côtés, frappés de la même fatalité, son bras droit Paul Crauchet, Simone Signoret en cheftaine fiable et débrouillarde qui devra choisir entre sa famille et ses compagnons d'armes, Paul Meurisse en grand patron philosophe et discret adoubé par De Gaulle, Jean-Pierre Cassel en risque-tout sacrifié dont l'issue incertaine n'en finira pas de hanter le spectateur, Christian Barbier en ancien légionnaire solide et peu causant, et Claude Mann en compas moral dans cette scène insoutenable de l'exécution d'un jeune "traître", qui donne le ton. Aucun glamour dans ces récits de résistance filmés avec une épure et une solennité silencieuse qui confinent paradoxalement au grandiose, mais des dilemmes moraux dont les choix impossibles font écho à la réalité de cette Histoire devenue cauchemar, une atmosphère funèbre proprement glaçante (merci également la musique du génial Éric Demarsan) et des morceaux de bravoure tous plus désespérés les uns que les autres, de l'évasion de l'hôtel Majestic à celle du bunker d'exécution en passant par la tentative d'extraction manquée de Félix et Jean-François. Un chef-d'oeuvre crépusculaire adapté de Kessel mais qui doit également aux propres souvenirs de Jean-Pierre Grumbach qui prit le pseudo de Melville, en hommage à l'auteur de "Moby Dick", durant ces années où il fut résistant puis combattant lors d'opérations militaires en Provence et en Italie, c'est dire le degré d'authenticité du film, qui n'est pas pour peu de chose dans cette puissance narrative un peu plus terrassante à chaque visionnage.

j'suis pas intervenu depuis un moment, mais celui-ci
dans mon top 10 je pense !!

Quel film I love you
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 EmptyLun 27 Juin 2022 - 19:55

400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 16_the10

16. The Godfather, Part II (Le parrain 2) - Francis Ford COPPOLA, 1974

Pour beaucoup le chef-d'oeuvre de la trilogie criminelle de Coppola, en tout cas le plus ample et ambitieux dans sa narration et celui qui embrasse le plus ouvertement la thématique chère à l'Américain de cette fatalité du lien entre deux personnages transcendant les lieux et les époques, ici donc la superposition des trajectoires de Michael Corleone (Pacino, glaçant et condamné à la solitude) consolidant son empire dans la violence à la fin des années 50 et de son père Vito (rôle génialement repris par De Niro) 60 ans plus tôt en Sicile puis à son arrivée aux Etats-Unis. Deux parcours dont le contraste rend le film d'autant plus poignant, avec ce patriarche motivé par la misère et la vengeance qui d'un idéal de tranquillité, de réussite et de respect pour sa famille plantera un peu malgré lui les ferments de l'inéluctable destin de ce fils qu'il souhaitait pourtant plus que tout voir échapper à ces responsabilités au sein de la Mafia, et dont il finira au contraire par incarner la facette la plus manipulatrice et déshumanisée, avec pour point d'orgue l’assassinat de Fredo (bouleversant John Cazale), le frère trop fragile, intellectuellement limité et inadapté au Milieu écarté du pouvoir et traître par besoin d'attention. Je ne m'étendrai pas davantage sur cet immense film auréolé de 6 oscars et que presque tout le monde a dû voir par ici, peut-être un chouïa moins parfait à mes yeux que le premier volet mais absolument inépuisable en terme de récit romanesque et visuel, dans une atmosphère encore plus crépusculaire qui annonce déjà l'opéra funèbre de sa suite à venir 16 années plus tard.
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 EmptyMar 28 Juin 2022 - 20:27

Et donc logiquement :

400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 15_the10

15. The Godfather (Le parrain) - Francis Ford COPPOLA, 1972

Sans surprise, après "Le parrain 2" vient donc ce premier volet qui mine de rien, malgré l'évidente continuité de ces deux films sortis à tout juste deux ans d'intervalle, a une identité tout à fait propre et singulière, à la croisée de la chronique mafieuse qui nous fait plonger dans la réalité quotidienne du crime organisée, du récit initiatique pour Michael Corleone et du thriller avec des morceaux de bravoure et monuments de suspense absolument géniaux (la tentative d’assassinat de Vito par les hommes de Sollozzo, le déplacement du lit d'hôpital, la vengeance de Michael sur Sollozzo et McCluskey avec l'arme cachée dans les toilettes qui le fera définitivement basculer dans ces affaires de famille dont son père voulait pourtant l'éloigner, la voiture piégée en Sicile, l'exécution de Sonny...). C'est peut-être ce qui manque au second finalement, quelques morceaux de pur cinéma pour émailler son récit certes riche en climax dramatiques et violents mais pas forcément avec la même perfection hitchcockienne de mise en scène (même pas la séquence pourtant immense de l’exécution de Fanucci... j'avoue qu'à ce niveau de classement c'est vraiment du pinaillage, mais tout ça pour dire que chaque volet possède ses forces particulières et que celles du premier me parlent toujours tout spécialement). Quant à l'ascension de Michael, elle est d'autant plus troublante et tragique lorsque l'on connaît la suite de la trilogie et que l'on sait assister, un peu plus à chaque scène, à l'érosion de son humanité, avec évidemment pour point d'orgue ce mensonge à Kay sur son implication dans la mort de Carlo et cette porte qui se referme sur elle alors que les hommes de Michael prêtent allégeance à leur nouveau parrain. A la musique, on a déjà Nina Rota avec un score presque aussi fabuleux que celui de sa suite (il manque "The Immigrant", en gros), et au casting excusez du peu, Pacino, Brando, Duvall, Caan, Sterling Hayden, Diane Keaton, John Cazale... 'nuff said.
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 EmptyMer 29 Juin 2022 - 20:52

400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 14_eye10

14. Eyes Wide Shut - Stanley KUBRICK, 1999

L'aliénation du couple et du désir disséquées par Kubrick dans ce film-testament qui flirte avec Ophüls et Kafka (voire Hitchcock pour le récit comme métaphore du sentiment de culpabilité), brasse le chaud (la fébrilité de Tom Cruise, la sexualité, le danger) et le froid (ces plans en grand angle désincarnés typiques du cinéaste, le décorum, l'opacité de Nicole Kidman), le mystère (des sentiments et de la part de réalité des évènements de la nuit) et la mélancolie (la tristesse de cette relation qui s'effrite dans l'apathie), sous la forme d'une errance nocturne aux confins du rêve, du fantasme et de l'introspection. Cette quête de soi portée par Tom Cruise et Nicole Kidman, dont on dit que le film a contribué à faire imploser leur relation de 12 ans déjà sur le déclin, Kubrick la transpose de Schnitzler dans le New-York actuel pour en faire comme à l'accoutumée une parabole génialement visuelle, ici principalement sur la confrontation d'un homme à une certaine tentation adultère et ce qu'elle signifierait pour sa perception de lui-même, à ses doutes et craintes vis-à-vis de son couple, de la sexualité de son épouse et de ses propres désirs refoulés (lesquels seront littéralement "démasqués" en public lors de la scène de l'orgie secrète), faisant la part belle au symbole du masque, en premier lieu celui que l'on continue de porter même au sein des relations les plus intimes et que Bill Harford (Cruise) devra finalement tomber pour sauver son couple en laissant sa femme Alice (Kidman) raviver le désir. Chostakovitch et Ligeti imposent une atmosphère tour à tour tragique et inquiétante (une menace qui culmine évidemment durant cette scène de cérémonie masquée qui n'est pas sans évoquer "Shining", mais aussi par le biais de ces plans sur le regard d'Alice qui semble par moments dénué de toute empathie, au prisme de la subjectivité de son époux), le regretté Sydney Pollack incarne à l'écran le genre de personnage-miroir cher à Kubrick, reflet ici de ce que les tentations de Bill pourraient faire de sa moralité, mais finalement c'est la fatalité, si souvent prompte à porter l'estocade par le passé chez le réalisateur de "Barry Lyndon" et "Lolita", qui "sauvera" Bill du faux-pas au terme d'une série de malentendus décourageants pour ses élans volages, une forme d'espoir assez inédite chez lui qui fait d'"Eyes Wide Shut" probablement son film le plus humain et émouvant derrière sa façade mentale et malaisante, étrangement polarisant à sa sortie (sa découverte, pour moi, fut pourtant un choc déjà tout à fait digne de cette 14e place).
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 EmptyJeu 30 Juin 2022 - 21:55

400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 13_jfk10

13. JFK - Oliver STONE, 1991

Chef-d'oeuvre revu récemment, en essayant de faire abstraction autant que possible de la dérive poutiniste d'Oliver Stone dont on ressent quelque part les prémices ici, dans cette idée de diabolisation à outrance de l'URSS par les US et le fantasme naïf d'une entente avec Khrouchtchev synonyme de paix mondiale si Kennedy avait vécu. Et force est de constater que ce film d'adolescence, qui fut mon préféré de tout l'étang pendant une grosse moitié des années 90, demeure toujours aussi brillant, émouvant et captivant, dans son écriture de film à thèse ultra-documenté bien sûr, qui fit beaucoup pour la démocratisation de cette théorie du complot soutenue seul contre tous par le procureur Jim Garrison (lequel pour la petite histoire apparaît dans le film en... Earl Warren, président de la commission d'enquête dont il démonta les conclusions préfabriquées... magie de l'ironie) et aujourd'hui communément considérée, à tort ou à raison, comme probable, mais aussi et surtout pour son atmosphère d'Amérique de cauchemar telle que la perçoit ce dernier (incarné par un Kevin Costner absolument parfait), Oliver Stone nous faisant ressentir par ses cadrages fébriles et un montage particulièrement sensoriel - marqués par les leçons de son prof d'université Martin Scorsese autant que par la patte de son futur chef op' de "Casino" et "The Aviator", Robert Richardson - l'horreur permanente de cette conscience d'une réalité cachée qui échappe à la plupart de ses contemporains, y compris dans son propre entourage (sa propre femme ne prendra ainsi conscience de la crédibilité de son combat qu'au moment de l'assassinat de Bobby Kennedy, alors que doit s'ouvrir le procès de Clay Shaw, scène magnifique de soulagement pour Garrison qui enfin n'est plus seul). Un état de menace et de paranoïa génialement traduit visuellement et culminant dans cette scène d'intimidation dans les toilettes de l'aéroport, qui révèle notamment l'étendue de la trahison de Bill Broussard débauché par le FBI, d'où l'intérêt de voir le film impérativement dans sa version director's cut où rien n'est à jeter. Inutile de revenir sur ce casting totalement dingue (en vrac Tommy Lee Jones, Gary Oldman, Joe Pesci, Sissy Spacek, Kevin Bacon, Michael Rooker, Jack Lemmon, Walter Matthau, Tomás Milián, Vincent D'Onofrio quelque chose comme 10 secondes à l'écran et bien sûr Donald Sutherland dans cette scène piloérectile et pour le coup totalement fictionnelle des révélations de Mister X, inspiré cependant du colonel L. Fletcher Prouty que Garrison ne rencontrerait que plusieurs années après le procès Clay Shaw), ou sur le génie absolu de ces 45 minutes de procès, démonstration virtuose de la crédibilité de cette thèse et surtout de l'impossibilité d'un tireur unique - à laquelle finira par conclure une nouvelle enquête du congrès en 1979 - avec pour point d'orgue cet argument de clôture humaniste et poignant de Garrison (auquel Stone s'identifie au point de faire jouer à son propre fils le rôle du sien).
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 EmptyVen 1 Juil 2022 - 19:00

400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 12_the10

12. The Barefoot Contessa (La comtesse aux pieds nus) - Joseph L. MANKIEWICZ, 1954

Je ne saurais dire si ce merveilleux mélodrame est tout là-haut parce que je le juge vraiment plus abouti que "Eve" ou "Chaînes conjugales" ou si le souvenir que j'en ai est magnifié par le fait que ce fut ma première vraie claque de spectateur avec Mankiewicz, avant la découverte de quelques-uns de ses plus beaux films en salle lorsque j'étais à l'université ("L'aventure de madame Muir", "Un mariage à Boston", etc). Toujours est-il que ces points de vue multiples sur les facettes tout aussi multiples de l'actrice Maria Vargas (Ava Gardner, idéalement fragile et solaire à la fois), déroulés en flashbacks successifs depuis son enterrement sous la pluie, m'avaient fasciné, le genre de quête illusoire de vérité humaine chère à l'auteur du "Limier" mais avec quelque chose de plus, peut-être cette mise en abyme du cinéma et des illusions qu'il entretient, fabriquant des statues vivantes qui en arrivent à ne plus très bien savoir elles-mêmes qui elles sont, entre les attentes du public, le mal-être de l'imposture et les feux aveuglants des projecteurs. Moins cruel qu'"Eve", le film n'en est que plus mélancolique et crépusculaire dans son humanisme désabusé, dont la plus belle incarnation est probablement le premier et dernier narrateur, Harry Dawes (un Bogart fatigué, émouvant d'humanité dans ce milieu cynique, vulgaire et corrompu du cinéma des grands studios), metteur en scène sur le déclin qui découvrit et contribua à façonner cette Cendrillon souillée au destin tragique, une "Comtesse" qu'il n'aura finalement jamais vraiment comprise ni connue et dont la part de mystère, qui lui doit pourtant une partie de son aura, le hante désormais. Les points de vue (parfois sur la même scène, pour mieux l'éclairer sous un autre jour, génie pour l'époque) des deux autres narrateurs, soit le publiciste du businessman improvisé producteur qui lancera la carrière de Maria (Edmond O'Brien, oscar du meilleur second rôle à la clé), et le comte qui l'épousera et la rendra malheureuse malgré lui, complètent avec autant de fluidité que d'intelligence cette tentative de portrait prismatique d'un être qui leur échappe plus que jamais dans la mort, deux seconds rôles parmi tant d'autres auxquels le film offre autant d'espace que d'empathie. Conte de fées amer de l'aveu même de son auteur, "La comtesse aux pieds nus" dévoile tristement l'envers d'un décor dont la flamboyance à l'écran (transfigurée par Jack Cardiff à la photo, futur réal lui-même et chef op' de quelques-unes des plus belles réussites visuelles de la paire Powell/Pressburger) cache mal la déchéance, fait tomber le voile de l'illusion, et ironiquement réserve à son personnage aux fêlures si universelles et aux aspirations si simples, à l'existence consumée par la célébrité et le succès, une vraie fin de cinéma.
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 EmptySam 2 Juil 2022 - 10:46

400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 11_cas10

11. Casino - Martin SCORSESE, 1995

Inspirée d'une histoire vraie, cette fresque bigger than life sur l’ascension et le déclin d'un directeur de casino délégué par la Mafia, et plus largement sur la fin d'un certain "âge d'or" du crime organisé, m'avait happé dès ce prologue en flash-forward et le générique qui s'ensuit sur la "Passion selon Saint-Matthieu" de Bach qui fait peser d'emblée le poids de la fatalité sur la trajectoire de Sam « Ace » Rothstein (Robert De Niro), voué, ou du moins le croit-on d'abord, à succomber à un attentat à la voiture piégée. Avec son montage fébrile et virtuose aux fondus extraterrestres, son cinémascope flamboyant, son récit ample et pourtant d'une dynamique implacable sur trois heures que l'on ne sent jamais passer, sa narration à deux voix - celles de Sam et de son ami d'enfance et bras droit Nicky Santoro interprété par un Joe Pesci plus nerveux et flippant que jamais, tout concourt à faire de "Casino" le film le plus brillant de Scorsese, le plus complexe aussi et l'un des plus ambivalents. Faussement omniscientes, les voix off sont un chef-d'oeuvre d'équilibrisme à elles seules (cf. le moment où la narration de Santoro/Pesci s'interrompt brusquement en milieu de phrase, au premier coup de batte dans cette insoutenable scène d'enterrement dans le désert), et participent d'une dualité assez fascinante, d'un antagonisme croissant qui dépasse celui des deux frères ennemis pour symboliser le tiraillement intérieur de Rothstein, anti-héros scorsésien par excellence, écartelé entre sa passion pour cette activité de patron de casino qu'il maîtrise jusqu'au bout des doigts mais qui devient progressivement pour lui synonyme d'aliénation du fait de l'ingérence grandissante de la mafia dans sa gestion des affaires, et son aspiration à la prise en main de sa propre destinée que reflète notamment cette relation amoureuse avec le personnage de Ginger (Sharon Stone, parfaite en prostituée bling-bling arnaqueuse de haut vol et toujours sous la coupe de son souteneur - un étonnant James Woods moustachu - qu'elle incarne dans toute sa fragilité immature et ses contradictions), comme une sorte de doigt d'honneur aux rouages un peu trop bien huilés - par d'autres que lui - de son existence. Ces rouages, ce sont aussi ceux du Tangiers, le casino de Sam dont le fonctionnement et les coulisses sont décrits dans leurs moindres détails, des jeux pipés aux châtiments réservés aux tricheurs en passant par la corruption et la circulation de l'argent roi, une forme d'art de la néguentropie que va venir mettre à mal la mainmise ambiguë, aussi protectrice qu'intimidante, de cette incarnation la plus grossière et violente du crime organisé symbolisée par le personnage de Nick auquel Sam va opposer une forme de résistance calculée en tentant de garder le contrôle. Mafia, matérialisme corrupteur, religion (via cet enfer du jeu, antre de la tentation déguisée en paradis factice, et de nombreuses analogies à commencer par cet "oeil dans le ciel qui nous surveille tous"), paranoïa, trahison fraternelle, pourrissement sous le faste, rédemption impossible, Scorsese transcende, magnifie et complexifie ici bien des éléments et obsessions de ses oeuvres précédentes et plus que le film de gangsters ultime, en tire une tragédie intime aux allures de fable morale d'une puissance toujours sidérante qui doit autant aux grands classiques hollywoodiens qu'au cinéma européen et notamment à la Nouvelle Vague, émaillée d'une palanquée de séquences cultes absolument inoubliables.
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 EmptyDim 3 Juil 2022 - 9:45

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10. Citizen Kane - Orson WELLES, 1941

Pour qui ne raffole pas des veaux d'or ou fait preuve d'une méfiance naturelle bien compréhensible pour toute oeuvre encensée au-delà du raisonnable, "Citizen Kane" c'est un peu le film que l'on aimerait presque ne pas aimer à ce point-là, avec l'idée qu'un plébiscite aussi consensuel ne peut décemment pas s'appliquer à un film de chevet, par essence tout sauf "universel"... et pourtant, le premier film d'Orson Welles, d'une maturité ahurissante à tous les niveaux, est bien l'un de ces petits miracles capables de bouleverser à la fois tout le monde à un degré de jalon rassembleur devenu symbole du 7e art dans son entier, et chacun, à un niveau autrement plus personnel et intime. D'emblée imposant voire intimidant par son absolu génie visuel (de l'architecture symbolique aux clairs-obscurs contrastés, des perspectives expressionnistes aux jeux de miroirs et d'échelles baroques en passant par les ellipses complètement dingues comme celle de la boule à neige qui m'a marqué à vie), sa narration démiurgique à la mesure du personnage-titre inspiré du magnat de la presse de l'époque William Randolph Hearst et une construction vertigineuse en château de cartes d'entretiens et de flashbacks, il reste pourtant à hauteur d'hommes, de leurs solitudes et de leurs regrets, de leur vies gâchées, de leurs amitiés sacrifiées et de leurs rêves secrets, dans une entreprise de distorsion du temps et de projection de la psyché du personnage en espaces mentaux dont peu de cinéastes seront capables par la suite (on pense pourquoi pas à Kubrick). Par-delà ses thèmes ambitieux d'exploration de la part secrète d'une figure publique hors du commun, du pouvoir corrupteur, d'une fatalité aliénante qui ne laisse aucune place à la quiétude et aux aspirations personnelles, on a bien là un immense film d'atmosphère, atmosphère de mystère et de désolation, de tragédie intime et de crépuscule d'une génération voire d'un monde qui s’éteignent, une atmosphère qui dès l'entame presque gothique, alors que la caméra omnisciente et virtuose pénètre dans un Xanadu déserté, brasse autant de suspense que de mélancolie funeste. Étrangement, alors qu'il serait facile de chercher la petite bête dans le déroulé parfois haché du film, "Citizen Kane" demeure tellement sidérant de maîtrise mais aussi et surtout d'émotion - autant pour l'ambivalence finalement poignante du personnage de Kane (dans des moments tels que celui du départ de Susan, où chaque cadrage, chaque son a son importance dans cet écho infini d'abandon et de claustration à l'enfance perdue du milliardaire) habité par un Welles qui ne sera probablement jamais meilleur devant la caméra, que dans ces récollections des seconds rôles amers, vieillissants et comme privés de ce soleil qui a brûlé leurs existences, Joseph Cotten et Dorothy Comingore en tête - qu'il est tout simplement impossible de résister : le chef-d'oeuvre est total, et transcende sans la moindre équivoque le contexte de l'époque par sa modernité proprement stupéfiante et sa richesse thématique quasi inégalée.
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 EmptyLun 4 Juil 2022 - 13:04

RabbitIYH a écrit:
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10. Citizen Kane - Orson WELLES, 1941

Pour qui ne raffole pas des veaux d'or ou fait preuve d'une méfiance naturelle bien compréhensible pour toute oeuvre encensée au-delà du raisonnable, "Citizen Kane" c'est un peu le film que l'on aimerait presque ne pas aimer à ce point-là, avec l'idée qu'un plébiscite aussi consensuel ne peut décemment pas s'appliquer à un film de chevet, par essence tout sauf "universel"... et pourtant, le premier film d'Orson Welles, d'une maturité ahurissante à tous les niveaux, est bien l'un de ces petits miracles capables de bouleverser à la fois tout le monde à un degré de jalon rassembleur devenu symbole du 7e art dans son entier, et chacun, à un niveau autrement plus personnel et intime. D'emblée imposant voire intimidant par son absolu génie visuel (de l'architecture symbolique aux clairs-obscurs contrastés, des perspectives expressionnistes aux jeux de miroirs et d'échelles baroques en passant par les ellipses complètement dingues comme celle de la boule à neige qui m'a marqué à vie), sa narration démiurgique à la mesure du personnage-titre inspiré du magnat de la presse de l'époque William Randolph Hearst et une construction vertigineuse en château de cartes d'entretiens et de flashbacks, il reste pourtant à hauteur d'hommes, de leurs solitudes et de leurs regrets, de leur vies gâchées, de leurs amitiés sacrifiées et de leurs rêves secrets, dans une entreprise de distorsion du temps et de projection de la psyché du personnage en espaces mentaux dont peu de cinéastes seront capables par la suite (on pense pourquoi pas à Kubrick). Par-delà ses thèmes ambitieux d'exploration de la part secrète d'une figure publique hors du commun, du pouvoir corrupteur, d'une fatalité aliénante qui ne laisse aucune place à la quiétude et aux aspirations personnelles, on a bien là un immense film d'atmosphère, atmosphère de mystère et de désolation, de tragédie intime et de crépuscule d'une génération voire d'un monde qui s’éteignent, une atmosphère qui dès l'entame presque gothique, alors que la caméra omnisciente et virtuose pénètre dans un Xanadu déserté, brasse autant de suspense que de mélancolie funeste. Étrangement, alors qu'il serait facile de chercher la petite bête dans le déroulé parfois haché du film, "Citizen Kane" demeure tellement sidérant de maîtrise mais aussi et surtout d'émotion - autant pour l'ambivalence finalement poignante du personnage de Kane (dans des moments tels que celui du départ de Susan, où chaque cadrage, chaque son a son importance dans cet écho infini d'abandon et de claustration à l'enfance perdue du milliardaire) habité par un Welles qui ne sera probablement jamais meilleur devant la caméra, que dans ces récollections des seconds rôles amers, vieillissants et comme privés de ce soleil qui a brûlé leurs existences, Joseph Cotten et Dorothy Comingore en tête - qu'il est tout simplement impossible de résister : le chef-d'oeuvre est total, et transcende sans la moindre équivoque le contexte de l'époque par sa modernité proprement stupéfiante et sa richesse thématique quasi inégalée.

je ne l'ai toujours pas vue.... des années que je me dis qu'il faut le voir et que je retarde sans cesse....

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ça suffa comme ci
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 EmptyMar 5 Juil 2022 - 0:07

Celui-là, La soif du mal et La dame de Shanghai, quelles claques intemporelles. Bon Arkadin et La splendeur des Amberson c'est quelque chose aussi. Génie (et encore j'ai pas vu toutes ses adaptations de Shakespeare, il paraît qu'Othello est immense).
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 EmptyJeu 7 Juil 2022 - 22:35

400 films préférés (par Rabbit) - Page 24 9_once10

9. Once Upon a Time in the West (Il était une fois dans l'Ouest) - Sergio LEONE, 1968

La fin d'une époque et de ses mythes vue par Sergio Leone avec ce western pour les enterrer tous, qui oppose à la vengeance obsessive de l'homme à l'harmonica (Charles Bronson), à la cruauté de Frank (Henry Fonda, bluffant et flippant en assassin calculateur et sans scrupules), à la corruption de Morton (Gabriele Ferzetti) ou encore à la nonchalance criminelle du Cheyenne (génial Jason Robards) la résilience du seul personnage féminin, Jill (Claudia Cardinale), véritable héroïne du film et seule capable de s'adapter au nouveau monde que l'on érige sur les cendres de l'Ouest américain et de ses valeurs obsolètes rattrapées par le chemin de fer, symbole de la civilisation et de tout ce qui s'ensuit. Dès l'arrivée de la jeune mariée à Flagstone, avec cet ample mouvement de caméra qui s'élève pour dévoiler la ville sur la musique merveilleuse de lyrisme d'Ennio Morricone, on sait qu'elle sera le coeur et l'âme du film, par-delà ses nombreux morceaux de bravoure plus ou moins truculents, élégiaques ou brutaux, de la fusillade introductive au duel final révélateur du flashback le plus piloérectile de l'histoire du cinéma en passant par le sauvetage d'Harmonica par Cheyenne dans le train, la traque de Frank dans les rues de la ville ou bien sûr le massacre de cette famille que Jill n'aura jamais vraiment eu le temps de connaître, scène fondatrice qui demeure absolument déchirante même au 50e visionnage (les oiseaux qui se taisent, puis ce coup de fusil qui retentit et le regard de Peter McBain sur sa fille qui titube et s'effondre). Et c'est bien cette âme, en dépit d'une présence par intermittence de l'actrice à l'écran, qui transcende le film et magnifie par l'espoir sa dimension crépusculaire, offrant à Cheyenne ces quelques minutes de rédemption qui en feront un personnage de chair, et réduisant Frank à une figure de brute abusive qui démystifie l'aura du personnage et pave le chemin vers cette issue sans gloire qui le verra mordre la poussière dans un dernier rictus incrédule. Sur une histoire imaginée en compagnie de Dario Argento et Bernardo Bertolucci, le scénario est un bijou de dramaturgie brassant les petites et la grande Histoire(s), l'intime et le politique, et dans la continuité du chef-d'oeuvre précédent, "Le bon, la brute et le truand", le style de Leone gagne encore en épure et en envergure, distordant le temps, magnifiant l'attente avant cette action immobile enseignée par Kurosawa et poussée ici dans ses derniers retranchements hiératiques, jamais dans l'exagération ou la caricature pour autant tant l'atmosphère, sous l'effet conjugué du montage, des cadrages et de la musique, transcende ce maniérisme que la critique a longtemps reproché à l'Italien, pourtant maître absolu et unique en son genre de cet équilibre impossible entre naturalisme et stylisation, tension et contemplation, lyrisme et violence crue, dont chaque imitation lamentablement ratée (oui c'est de toi que je parle QT, avec ce pastiche foireux aux personnages en carton-pâte de l’assassinat des McBain en ouverture d'"Inglourious Basterds") n'a fait que renforcer le génie. Un génie qui doit de toute évidence énormément au talent de metteur en scène inégalé du futur auteur d'"Il était une fois en Amérique" et notamment à son attention aux visages, mais dont l'une des composantes essentielles à mon sens (et c'était déjà le cas pour Tuco lors du dialogue avec son frère au monastère dans "Le bon, la brute et le truand") est d'incarner l'humanité de chaque personnage dans UNE scène au moins qui le rachète et en fissure le masque insensible, du flashback pour son vengeur fantomatique à cette marche vers la mort pour Frank conscient de représenter l'un des derniers vestiges d'un monde qui s'éteint, des derniers instants bouleversants de dignité de Cheyenne à cette poignante agonie de Morton au son du reflux imaginaire de la marée, ce rêve d'océan qu'il ne vivra jamais.
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