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 400 films préférés (par Rabbit)

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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 23 EmptyLun 30 Mai 2022 - 23:19

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55. Johnny Got His Gun (Johnny s'en va-t-en guerre) - Dalton TRUMBO, 1971

Unique réalisation du scénariste Dalton Trumbo ("Vacances romaines", "Spartacus", "Papillon"), "Johnny Got His Gun", que j'avais découvert en salle sans jamais oser le revoir depuis, est bien plus que le réquisitoire antimilitariste et contestataire d'un gauchiste convaincu en pleine gueule de bois du Vietnam. C'est un film cerveau (forcément), un film-cauchemar (avec en toile de fond l’expérimentation médicale, l'acharnement thérapeutique, l'absurdité du protocole au détriment de l'humanisme, une compassion ambiguë de l’infirmière soignante et la détresse insoutenable d'un homme dont le souhait de mort ne peut être entendu), un objet filmique non identifié sans équivalent dont la mise en scène finalement assez classique voire en apparence simpliste (opposition noir et blanc/couleur pour le monde réel crépusculaire et l’échappatoire du rêve et des souvenirs, notamment) ne pèse pas tant que ça au regard de ce récit qui embrasse librement et magnifie à chaque instant la puissance de l'imaginaire, l’indéniable prévalence de la conscience et de l'esprit sur les réalités matérielles et l'injustice. Le background du personnage de John (Timothy Bottoms), paralysé de la Grande Guerre privé de tous ses sens hormis le toucher, semble refléter dans une certaine mesure celui de l'auteur, et même si le roman de Trumbo est bien antérieur à la "chasse aux sorcières" d'Hollywood dont il fut victime, on peut tout à fait voir le film comme une allégorie de sa propre aliénation et persécution (cf. ces contre-plongées paranoïaques sur les visages encagoulés façon Klu Klux Klan de médecins-despotes), lui qui refusa courageusement de répondre aux questions de la Commission sur les activités anti-américaines et fit de la prison avant d'être blacklisté pendant 10 ans, continuant d'écrire des scénarios sous pseudo ou depuis l'étranger (histoire bien connue désormais, il y a même eu un film sur le sujet avec Bryan Cranston dans le rôle-titre). Loin d'être un film à thèse, "Johnny Got His Gun" reste donc à hauteur d'homme mais dans sa dimension la plus métaphysique, l'état d'être de John s'incarnant au gré de ses visions oniriques sous morphine où se mêlent espoir, divagations et angoisse existentielle, souvenirs d'enfance ou d'avant l'engagement (notamment des relations du personnage avec son père incarné par l'excellent Jason Robards et de ces moments de tendresse perdue avec une fiancée qu'il ne reverra plus), quête ambivalente de spiritualité (la fantaisie de Donald Sutherland en Christ ironique et sans vraie réponse né de ses propres questionnements vis-à-vis d'une éducation religieuse) et prise de conscience de ces sensations de vie jusqu'alors ignorées et désormais dernière prise avec la réalité, comme celle d'un simple contact humain ou du soleil sur la peau. Culte, à juste titre même si l'on insiste un peu trop souvent sur l'aspect pamphlet anti-guerre donc, qui ne constitue pas pour moi, et loin de là, l'essentiel du film (Roger Ebert disait d'ailleurs qu'il l'admirait pour son approche "pro life" plutôt que bêtement "anti war").
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 23 EmptyMer 1 Juin 2022 - 0:37

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54. 2046 - WONG Kar-wai, 2004

Unique film, dans la liste, d'un Wong Kar-wai qui compte pourtant parmi mes cinéastes de chevet, l'un des seuls probablement dont j'aime, et même souvent beaucoup, absolument toute l'oeuvre, pour la cohérence de son esthétique, de sa sensibilité et de son atmosphère jusque dans le néo-noir baroque ("Fallen Angels") ou le wu xia pian intimiste ("Les cendres du temps"), autant que pour la capacité du Hongkongais à capter sans jamais la verbaliser une solitude et une détresse intimes qui ont souvent à voir avec des sentiments unilatéraux (cf. notamment "Happy Together" ou "Chungking Express"), et ce dès le magnifique "Days of Being Wild" demeuré longtemps mon préféré. Jusqu'à ce "2046" donc (qui fait justement référence à plusieurs personnages du film sus-nommé, via le personnage de Carina Lau notamment), l'un des seuls pourtant que je ne me suis jamais résolu à revoir tant j'en garde un souvenir fort, film-monde aux multiples couches de temporalité, d'imaginaire cathartique et de réalité nourrissant la fiction qui elle-même devient une réalité alternative pour les âmes en peine, que l'on peut voir comme une variation autour du personnage de Tony Leung dans "In the Mood for Love", disons à la manière d'une dimension parallèle plutôt que d'une suite à proprement parler car si l'acteur est de retour sous la même identité, sa personnalité peut sembler assez différente (de journaliste, il devient écrivain, de mari trompé n'osant pas l'adultère, il devient séducteur qui noie sa solitude et ses regrets auprès des femmes, d'aventures en brèves rencontres). Il faut, je pense, se trouver dans le même état d'esprit que Mr Chow dans le film, au sortir d'une relation inachevée dont il semble impossible de faire le deuil, pour vraiment en saisir toute la douloureuse justesse. Je ne suis pas certain que j'en sortirais bouleversé de la même manière qu'à l'époque de sa découverte en salle si je le revoyais aujourd'hui, mais probablement toujours impressionné par les nuances du spleen de Tony Leung, par la poreuse complexité des rapports entre réalité et fiction, par la narration à la fois ample et éclatée d'un récit qui fait de l'image un matériau tant narratif que métaphysique et par la vérité des fêlures de ces personnages féminins qui font parfois écho à d'autres rôles des mêmes actrices dans la filmo de Wong (Maggie Cheung, Faye Wong), mentions particulières à Gong Li et Zhang Ziyi dans leurs plus beaux rôles à mon avis (ou du moins jusqu'à "The Grandmaster" pour cette dernière). Sinon, toujours très fan également du score de Shigeru Umebayashi que je réécoute assez souvent, parfait contrepoint à l'entêtante dramaturgie introspective de ce film-somme mental et singulier.
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 23 EmptyMer 1 Juin 2022 - 0:39

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53. The Age of Innocence - Le temps de l'innocence) - Martin SCORSESE, 1993

Tragédie des convenances, drame des sentiments et tyrannie de la morale... adapté d'Edith Wharton, "Le temps de l'innocence" doit au moins autant au Visconti de "Senso" pour son atmosphère délétère sous le faste des costumes et des décors. Ce fut un gros choc esthétique autant qu'émotionnel de découvrir, relativement tardivement (après "A tombeau ouvert"), ce "film d'époque" de Scorsese qui démontrait s'il était besoin la capacité du cinéaste à développer des thèmes et un style très personnels loin de ses univers urbains et/ou mafieux habituels et surtout à en faire un chef-d'oeuvre aussi poignant que fascinant, ce qui n'était pas le cas à mon avis de "La dernière tentation du Christ" par exemple même si le film est passionnant. Personnage tiraillé entre ses aspirations personnelles et les impératifs étouffants voire aliénants de son milieu (ici Daniel Day-Lewis en jeune avocat de la haute société new-yorkaise de la fin du XIXe siècle, qui se prépare à un mariage de convenance avec la sage Winona Ryder mais se prend de passion pour Michelle Pfeiffer, une cousine anticonformiste), culpabilité face aux travers de sa propre nature et expiation presque sacrificielle (ici le sacrifice du bonheur), voix off dont la description distanciée tranche d'une façon paradoxalement presque morbide avec l’impitoyable cruauté intime du récit, entomologie des moeurs new-yorkaises dans la continuité d'une fascination pour cette ville où il a grandi et dont il auscultera les racines politiques et criminelles avec "Gangs of New York" (très fan de ce film assez mésestimé, j'en reparlerai donc plus loin et j'assume Razz ), générique de Saul Bass sur fond de musique classique qui annonce "Casino"... tout est pur Scorsese et du meilleur tonneau, jusqu'à ce formalisme tout en retenue qui après "Cape Fear" flirte à nouveau - et plus brillamment que jamais - avec Hitchcock et De Palma, des travellings voyeuristes à l'opéra en ouverture jusqu'à la scène du dîner avec la clé dans la poche du veston à la fin, en passant par les jeux d'ombres sur les visages. Les acteurs sont tous au sommet mais en repensant au film c'est immédiatement l'image de Winona Ryder qui me revient à l'esprit, parfaite d'ambivalence derrière son apparence faussement naïve, et néanmoins bouleversante de dignité et d'empathie car première victime condamnée au silence de cette terrible ronde des sentiments.
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 23 EmptyMer 1 Juin 2022 - 21:49

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52. All About Eve (Eve) - Joseph L. MANKIEWICZ, 1950

La quintessence de la narration à points de vue multiples de Mankiewicz, qui par le prisme de la subjectivité amère, envieuse voire un peu admirative de trois personnalités du monde du théâtre relatant en flashback leurs rapports avec une jeune première opportuniste (Eve, incarnée par Anne Baxter qu'Orson Welles avait révélée 8 ans plus tôt dans "La splendeur des Amberson") lors d'une cérémonie couronnant ses premiers succès, parvient à esquisser en creux la vérité complexe de ce personnage faussement candide, parvenue à se hisser au sommet à force de manigances mais aussi en profitant, simplement, de l'aura morbide de sa jeunesse. Ce procédé de construction déjà expérimenté par le cinéaste sur "Chaînes conjugales" et qui, d'un point de vue dramaturgique, culminera à mon avis 4 ans plus tard avec "La comtesse aux pieds nus", atteint ici des sommets d'ambivalence pour fustiger, plutôt que le théâtre, les coulisses du cinéma des grands studios et ses intrigues égotistes d'une cruauté sans limite. Eve Harrington est à la fois vipère par nécessité de survie face aux loups du milieu dont elle utilise patiemment les faiblesses et personnage page blanche, en laquelle chacun des narrateurs, de la star sur le déclin Bette Davis, harpie fragile aux aspirations trop humaines, au journaliste acerbe et calculateur George Sanders en passant par Celeste Holm (la narratrice de "Chaînes conjugales" justement) en meilleure amie de la première et épouse d'un auteur de théâtre à succès dont l'altruisme naïf et autres erreurs de jugement profiteront à l'intéressée, projette ses craintes, ses frustrations et ses regrets en termes de succès, de vieillissement, de pertinence, de loyauté amoureuse, etc. Marqué par le génie de ses dialogues incisifs et de leur part de non-dit, de la caractérisation des personnages et de leur interprétation, de ses jeux de miroirs évoquant le portrait fragmenté de son héroïne-objet (au sens "observée" plutôt que sujet), et d'une architecture circulaire aux allures d'éternel recommencement - à la fin, Eve elle-même tombée sous la coupe de plus manipulateur qu'elle, rencontre celle qui à son tour va convoiter sa place et intriguer pour la remplacer au firmament -, "All About Eve" est aussi quelque part l'oeuvre d'un grand féministe avant l'heure, adoré de ses actrices pour sa capacité à leur offrir des personnages d'une complexité et d'une vérité psychologique rarement égalées, riches en paradoxes et en contradictions.
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 23 EmptyMer 1 Juin 2022 - 21:52

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51. 25th Hour (La 25ème heure) - Spike LEE, 2002

Pour une fois le terme n'est pas galvaudé, "La 25ème heure", dont je ne comprendrai décidément jamais les détracteurs, est pour Spike Lee le grand film de la maturité, une oeuvre d'une grande densité romanesque mais au plus près des contradictions et des états d'âme de son personnage principal (Edward Norton dans son plus beau rôle), qui n'abandonne pas complètement pour autant le film choral via ces portraits sensibles et complexes des amis d'enfance (Philip Seymour Hoffman et Barry Pepper, formidables de vérité dans des rôles aux personnalités opposées qui auraient facilement pu s'avérer caricaturaux) et des proches vers lesquels Monty/Norton, dealer new-yorkais des beaux quartiers, se tourne durant ses dernières heures de liberté avant la nuit, comprendre une peine de 7 ans de prison pour trafic d'héroïne. Un film qui met d'emblée les points sur les "i", en confirmant que les préoccupations raciales ou communautaires n'ont jamais véritablement été au centre du cinéma de Spike Lee, conteur moral travaillé depuis toujours par les questionnements de personnages immatures et irresponsables dans lesquels il met beaucoup de lui-même (il les incarnait d'ailleurs souvent lui-même à ses débuts, cf. "Do the Right Thing", "Mo Better Blues" ou "Nola Darling"), finalement forcés de devenir adultes et d'accepter leurs responsabilités. Des personnages qui comme ici ont longtemps choisi la facilité, l'oisiveté, le confort, l'égoïsme, l'insouciance d'une vie sans lendemain jusqu'au moment où la réalité les rattrape (le miroir tendu par les amis Frank le trader pas si mal dans sa peau et Jacob le prof introverti, et la tentation de ce dernier avec son élève Anna Paquin, est à ce titre des plus brillants et signifiants). Le wake up call est particulièrement violent pour Monty, qui redoute la prison et doit non seulement accepter sa responsabilité criminelle mais aussi faire la paix avec ce futur qui l'attend, reconnecter avec son père (Brian Cox) et couper les ponts avec sa petite amie (la révélation d'une Rosario Dawson solaire et bouleversante), égoïstement là encore, sachant bien qu'il ne supportera pas de ne pas savoir si elle lui reste fidèle ou non. Crépusculaire mais profondément humaniste, parfois presque trop intense (la bagarre volontairement provoquée dans le parc entre Monty et Frank) et d'une insondable mélancolie, le film est aussi une réaction sincère et spontanée aux attentats du 11 septembre, via cette scène immense du monologue intérieur devant le miroir, où toute la frustration et la colère du personnage contre lui-même est rejetée sur les minorités new-yorkaises jusqu'à cet éclair de lucidité et d'autoflagellation, une scène qu'égale presque cette élégie finale à la "Six Feet Under", flash-forward fantasmé qui suspend le temps au son du plus beau soundtrack de Terence Blanchard et qui fait écho au titre du film, à cette ultime tentation d'échappatoire (on sent dans la forme comme sur le fond que Spike Lee, élève de Scorsese, n'est pas passé à côté de son mésestimé "La dernière tentation du Christ"...) que Monty doit laisser échapper pour grandir et enfin mériter son bonheur.
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 23 EmptyJeu 2 Juin 2022 - 21:55

Allez le top 50 :

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50. His Girl Friday (La dame du vendredi) - Howard HAWKS, 1940

Une merveille de "comédie du remariage" et plus largement de screwball comedy, toujours aussi fascinante - en plus d'être hilarante - pour son rythme frénétique, sa profusion de joutes verbales acérées parfois semi-improvisées et flirtant avec le méta, la perfection de la mise en scène avec ses improbables moments de tension, et bien sûr l'alchimie extraordinaire entre Cary Grant et Rosalind Russell dans l'un des plus beaux rôles féminins jamais écrits à Hollywood, initialement masculin dans la pièce de Ben Hecht dont le film est adapté ("The Front Page", dont Billy Wilder tirera d'ailleurs un petit bijou trop mésestimé dans les 70s) : brillante journaliste de terrain qui s'impose parmi les hommes (jusqu'au plaquage de rugby si nécessaire aha), Hildegard Johnson est forte et fragile, indépendante mais toujours amoureuse de son patron et ex mari Walter Burns (Cary Grant) qu'elle a pourtant décidé de quitter pour de bon (tout en espérant probablement qu'il l'en empêche) pour une vie plus stable et rangée auprès d'un agent d'assurances, projet que Walter va tenter de faire capoter à tout prix à la veille de ce remariage en soufflant sur les braises de sa passion pour le journalisme et de son addiction à un quotidien trépidant où vies professionnelle et personnelle se mêlent inextricablement. La presse à sensation en prend pour son grade (Walter, cynique et prêt à tout, persuade Hildy qu'elle est la seule à pouvoir couvrir les dernières heures d'un condamné à mort dont le journal espère obtenir la grâce en vue du scoop ultime, et en profite pour malmener son prétendant et la mère de ce dernier), et l’ambiguïté des relations entre les personnages est bien présente, explicitée par le titre (une "girl friday", référence à l'expression "man friday" inspirée du personnage de Vendredi dans "Robinson Crusoë", c'est un peu l'assistante, la femme à tout faire, et c'est aussi cela que Walter regrette en Hildy, à la fois sa femme, sa meilleure journaliste et quelqu'un sur qui il pouvait compter en toute occasion), mais c'est surtout des rapports hommes/femmes dans la société de l'époque et dans le couple dont il est question, dans un bel équilibre entre satire/ironie (le machisme vs. l'émancipation, le clash des fiertés et la difficulté à faire des concessions) et absolue sincérité (les sentiments et fragilités réel(le)s des deux personnages, et quelque part leur codépendance), à l'image de l'intrigue puisque le condamné à mort, qui entre-temps s'échappe et vient participer à la folie du film sous les coups de feu, dans les locaux du journal assiégés par la police, est bel et bien victime d'une erreur judiciaire utilisée à des fins politiques. Ébouriffant, et surtout indémodable !
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 23 EmptyJeu 2 Juin 2022 - 22:07

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49. Touch of Evil (La soif du mal) - Orson WELLES, 1958

Charcuté au montage par Universal malgré la grande liberté laissée à Welles, imposé sur le projet par Charlton Heston, qui tourna rapidement afin d’éviter l'ingérence du studio, "La soif du mal" fut remonté en 1998 sur la base de ses notes, version qui fait désormais autorité et par l'intermédiaire de laquelle j'ai découvert le film. Chance d'être né tard pour le coup et de pouvoir se plonger directement dans la vision de Welles et le chef-d'oeuvre que constitue ce film noir complètement à part qui explore, dans un parfait équilibre entre réalisme du tournage sur le vif en extérieur nuit, expressionnisme cauchemardé et brillant exercice de style maniériste, la criminalité et la corruption d'une ville frontalière du Mexique avec un accent tout particulier sur l'atmosphère crépusculaire, violente, anxiogène qui se nourrit des jeux d’ombres et des cadrages baroques, de cette mise en scène qui enferme et étouffe les personnages dans le cadre. Absolument virtuose, le film impose d'emblée la puissance de la caméra via une ouverture en plan-séquence filmée à la grue dont la tension va crescendo jusqu'à l'explosion (au sens propre), une scène devenue culte à juste titre. La suite du récit est écrasée par la présence de Welles lui-même dans le rôle du capitaine de police Quinlan, répugnant, inquiétant et finalement tragique, dont les relations conflictuelles sur fond de racisme ordinaire avec le procureur Vargas (Charlton Heston) donnent au film une vraie substance dans l'ambivalence. Par le prisme de ce flic alcoolique aux allures d'ogre et d'une galerie de seconds rôles atypiques et malaisants, lynchiens avant l'heure (on a notamment le fidèle Joseph Cotten en coroner, Marlene Dietrich en diseuse de bonne aventure révélatrice de l'humanité perdue de Quinlan, Zsa Zsa Gabor en patronne de strip-club, Dennis Weaver le futur acteur principal du "Duel" de Spielberg en gardien de nuit incohérent ou encore Akim Tamiroff en mafieux débectant qui en a inspiré bien d'autres), le cinéaste continue d'interroger la nature humaine, sa folie, son obsession de contrôle, sa soif de pouvoir, son goût de la tromperie et de la manipulation et bien sûr sa part d'inconnu, la part d'ombre du "bien" et la part d'humanité du "mal", avec un arrière-plan politique assez passionnant sur l'influence corruptrice de l'Amérique. Et puis n'oublions pas Mancini au soundtrack jazzy tourmenté et bien sûr Janet Leigh, qui deux ans avant "Psychose" est déjà l'objet de tous les sadismes et qui semble-t-il réussit le petit exploit de tourner le film avec un bras cassé sans que cela ne se remarque...
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 23 EmptyVen 3 Juin 2022 - 22:42

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48. Edward Scissorhands (Edward aux mains d'argent) - Tim BURTON, 1990

L'une des oeuvres séminales de ma cinéphilie d'adolescent, pour l'adéquation de la portée émotionnelle et du choc esthétique qu'elle incarne toujours aujourd'hui à mes yeux mais également pour l'évidence avec laquelle s'imposait chez Burton à l'époque la cohérence d'un auteur complet, de la dimension visuelle aux thèmes récurrents dont on retrouvait les éléments-clés film après film : la féérie gothique magnifiée par Danny Elfman à la musique, le postulat de la narration qui fait du film un récit subjectif (cf. "Big Fish"), le conformisme grotesque et discriminatoire des gens dits "normaux" face à la solitude et la neurasthénie des inadaptés, la satire féroce des suburbs, l'autoportrait de l'auteur en artiste freak et autiste, l'art comme unique moyen de communication, la violence des rapports sociaux, l'innocence qui de source d'admiration devient source de méfiance puis de haine, l'inadéquation physique et/ou psychologique à l'origine du mépris et/ou de la peur qu'inspire le personnage mais souvent aussi de son génie (Burton a visiblement été marqué par Tod Browning au moins autant que par la Hammer, Corman et Bava), le flashback traumatique (cf. "Sleepy Hollow"), le fantasme d'un alter-ego féminin capable d'amour et de compréhension pour le "monstre", etc. Étonnamment, on a parfois considéré l’Américain pour son simple talent pictural, on fait pourtant difficilement plus personnel que ce récit dont le personnage de conte de fées, créature inachevée (dont le créateur est incarné par Vincent Price, idole d'adolescence que Burton voyait justement en regardant ses films comme un père de substitution), tente de s'intégrer par l'art et les concessions, provoquant la fascination de la nouveauté puis l'opprobre, une mise en abyme évidente du choix de Burton de dissimuler ses maux derrière la façade du divertissement tous publics et de cette angoisse du rejet que ressentent quasiment tous les personnages principaux de sa filmographie. Johnny Depp excelle comme rarement dans ce rôle-titre presque muet, Winona Rider est bouleversante de sincérité en caution empathique d'une micro-société hypocrite, la part de noirceur du film via ce concept absolument génial de faire de l'infirmité du personnage une source de danger involontaire pour les autres est toujours aussi malaisante dans ces moments où Edward perd le contrôle de ses émotions, et les contrastes visuels entre caricature banlieusarde aux couleurs criardes, imaginaire tristounet greffé dans le réel (le château) et basculement vers la noirceur dans la dernière demi-heure demeurent saisissants. Un film de chevet en somme, tout premier DVD acheté avec mon argent de poche, que je pourrais revoir encore et encore sans jamais me lasser mais que j'ai appris à garder pour les grandes occasions - finalement c'est un autre Burton, #45, qui revient le plus régulièrement sur mon écran...
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 23 EmptyVen 3 Juin 2022 - 22:56

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47. L'uccello dalle piume di cristallo (L'oiseau au plumage de cristal) - Dario ARGENTO, 1970

A la fois film-charnière du giallo et fossoyeur du genre par son absolue perfection, le premier film d'Argento est aussi son plus beau et l'un des seuls qui n'ait pas pris une ride, peut-être paradoxalement parce qu'il doit encore beaucoup à l'épure d'Hitchcock (plus qu'au Bava un peu toc de "Six femmes pour l'assassin" finalement, hormis certaines figures appelées à devenir des clichés telles que la main gantée du tueur ou le microcosme artistique et interlope des suspects) et se retient de flirter trop ouvertement avec les excès qui finiront par perdre le cinéaste dans les années 2000. Pour autant, le film est loin de manquer de personnalité, tant visuellement que par ce concept amené à devenir récurrent d'un personnage témoin sans le savoir d'une vérité occultée par son subconscient qui resurgira au terme de son enquête par la stimulation du danger, idée qui donne lieu ici à une scène de pur cinéma proprement fabuleuse, celle de l'agression dans la galerie à laquelle Sam Dalmas (l'excellent Tony Musante croisé une paire d'années plus tard chez Aldrich et Fleischer), écrivain américain en passe de quitter Rome pour rentrer aux États-Unis, assiste impuissant de l'autre côté d'une baie vitrée aux airs de cage de verre. Assassin victime d'un trauma qui conditionne son comportement criminel, importance de la psychologie et de la parapsychologie, influence de l'art comme déclencheur d'émotions extrêmes (ici cette fameuse peinture malsaine évoquant, déjà, Brueghel l'Ancien dont le tableau "La chute d'Icare" provoquera l'évanouissement d'Asia dans "Le syndrome de Stendhal" 27 ans plus tard), tout Argento est déjà là, dans sa forme la plus pure, la mise en scène de l'Italien atteignant ici des sommets qui n'ont rien à envier aux meilleurs De Palma (avec lequel il partage cette obsession pour la relativité de la perception comme source de manipulation et d'une certaine duplicité féminine, filiation là encore avec Hitchcock), une perfection formelle qu'il ne retrouvera à mon avis qu'avec "Suspiria", la grandiloquence opératique et onirique en plus. Et puis il y a cette BO parfaite entre comptines cauchemardées et tension presque free jazz (Morricone excellant souvent chez son compatriote, cf. "La chat à neuf queues" et "Stendhal" en particulier), l'utilisation claustro du format scope en milieu urbain et cette liberté narrative assez géniale dans les sous-intrigues, en particulier celle du tireur au blouson jaune que Sam perd de vue dans une convention de boxe où tout le monde porte une veste de la même couleur, sacré moment d'abstraction kafkaïenne. Bref, j'ai beau aimer quasi tout Argento à divers degrés jusqu'au "Sang des innocents" (j'admets par contre n'avoir pas réussi à en finir un depuis hormis ses "Master of Horror"...), plus je revois ce chef-d'oeuvre et plus ça me paraît évident qu'il se détache assez largement du reste.
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 23 EmptySam 4 Juin 2022 - 15:07

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46. The Fury (Furie) - Brian DE PALMA, 1978

Je sens que je vais me sentir un peu seul sur ce coup-là (du moins à ce niveau du classement) mais j'assume pleinement : le "Furie" de De Palma est probablement son film, après "L'impasse" et "Mission : Impossible", que je revois le plus souvent et avec toujours autant de plaisir et de fascination, pour sa succession de morceaux de bravoure génialement intégrés à un scénar qui brasse l'intime et le politique en un crescendo de tension sans faille dont l'horreur visuelle, absolument jamais gratuite, sert systématiquement la catharsis émotionnelle. Un sommet de pur cinéma comme on dit, qui bénéficie de la présence de deux immenses acteurs en fin de carrière, Kirk Douglas (lequel apparaîtra encore par intermittence sur grand écran pendant un quart de siècle mais plus dans grand chose de marquant à part "Saturn 3" de Donen et définitivement plus rien d'aussi charismatique) et John Cassavetes (parfait et génialement cynique dans un rôle de salaud intégral), mais déroule surtout le tapis rouge à une Amy Irving à fleur de peau, révélée deux ans auparavant par "Carrie" du même De Palma que je considère personnellement comme un génial "brouillon" de ce chef-d'oeuvre. Elle brille en effet, au point de voler la vedette à ses aînés, dans le rôle de Gillian, jeune étudiante dotée de capacités extrasensorielles et télékinétiques que convoite une organisation gouvernementale, bien aidée par De Palma qui épouse comme rarement sa subjectivité à l'écran, de même que celle de Robin Sandza (Andrew Stevens) mais davantage du fait de sa connexion mentale avec cette dernière. Il suffit de considérer cette scène extraordinaire, peut-être mon moment de cinéma préféré ever, où Peter Sandza (Douglas) et sa maitresse Hester (Carrie Snodgress), second rôle tragique et sacrifié du film, tentent de la faire évader de l'institut où elle est séquestrée, pour voir exploser tout le génie de De Palma en tant que metteur en scène de la sensation et de l'émotion (et par la même occasion celui de John Williams, qui fait exactement la même chose à la musique et signe à mon avis le plus beau score de sa carrière), le personnage passant de l'angoisse du danger à un espoir fébrile, puis de l'euphorie d'une liberté retrouvée à la panique la plus irrépressible alors que le plan de Sandza semble tourner court et virer au jeu de massacre, son ressenti donnant le ton de la scène jusqu'à ce ralenti crépusculaire des coups de feu d'un Douglas vengeur qui partent sans un bruit, au rythme des cuivres de la bande-son. Ça c'était donc pour l'intime (on pourrait parler aussi du Dr. Susan Charles et de sa relation de mentor/maîtresse de Robin qui le contrôle et le manipule tout en tentant de le protéger, figure maternelle ambivalente typique du cinéma de De Palma) mais le politique n'est pas en reste, l'obsession de l'Américain pour le pouvoir de manipulation des images (dont on disait il y a quelques semaines à propos de "Blow Out" qu'elle avait pour origine la vidéo de l'assassinat de JFK filmée par Zapruder, à laquelle fait justement écho dans "Furie" la mise en scène filmée de l'attentat "terroriste" en ouverture), trouvant ici une dimension inattendue dans le contexte "paranormal" du récit, Childress (Cassavetes) manipulant Gillian par l'intermédiaire de Robin dont elle peut ressentir les émotions présentes et passées et même revivre visuellement ce qu'il a vu et vécu - un postulat qui donne lieu à un autre moment magistral de mise en scène et d'intensité émotionnelle à son arrivée à l'institut. A noter par ailleurs la présence de deux habitués du cinéma de De Palma dans des petits rôles réjouissants : le stoker William Finley, anti-héros de "Phantom of the Paradise" présent dans pas moins d'une dizaine de ses films, moyens et courts-métrages depuis les tout débuts jusqu'au "Dahlia Noir", et Dennis Franz en flic hébété, qu'on retrouvera ensuite en inspecteur dans "Pulsions" puis en photographe dans "Blow Out".
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 23 EmptySam 4 Juin 2022 - 15:21

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45. Batman Returns (Batman - Le défi) - Tim BURTON, 1992

Mon premier souvenir très fort de ciné en salles, à 11 ans (on n'y allait pas très souvent, avec mes parents), en particulier pour cette scène d’ouverture sur les origines traumatiques du Pingouin où culmine l'esthétique de conte de fées noir de Burton, et premier papier officiellement rédigé pas loin de 10 ans plus tard, pour le défunt webzine Cinétudes. Je n'ai pas réussi à remettre la main sur cette longue analyse un peu maladroite qui m'avait aussi donné l'occasion de défendre sa version mal-aimée de "La planète des singes" qui venait alors de sortir sur nos écrans (une interprétation très personnelle et fortement allégorique que je préfère toujours au film originel ainsi qu'aux deux relectures néanmoins fort sympathiques de Matt Reeves), mais en gros j'y parlais beaucoup de la façon dont l'Américain fait de Batman, dans cette suite particulièrement retorse de son blockbuster à succès, la "persona" artistique de Bruce Wayne, par laquelle ce dernier assouvit un besoin vital d'expression et sans laquelle il dépérit (cf. cette scène du projecteur au début, qui le cueille en pleine neurasthénie dans la pénombre son manoir où il donne l'impression d'attendre ce signal de toute éternité). La connotation presque fantomatique du titre original trouve d'emblée tout son sens tant le personnage semble revivre, revenir d'entre les morts lorsque l'on fait, enfin, de nouveau appel à ses services, un personnage rongé par son besoin de reconnaissance qui fait de chaque sauvetage un véritable  spectacle (c'est vraiment évident, en comparaison du premier volet) et dont le pire cauchemar s'incarne lorsque les antagonistes le discréditent aux yeux de son "public" lors de la mise en scène du meurtre de la pin-up chargée d'illuminer le sapin de Noël de Gotham (c'est moi, ou la mort d'une innocente semble finalement moins le toucher que les huées de la foule qui se retourne contre lui ?). Burton réussit l’exploit d'un Batman encore plus incarné et d'une ambivalence assez insensée (il pousse ouvertement le Pingouin à la faute par jalousie, agissant sur une suspicion en apparence infondée, et ce rictus devant le clown obèse sur le point d'exploser me donne cette même sensation de malaise paradoxalement jouissive à chaque revisionnage), malgré une présence fortement réduite à l'écran tant le cinéaste fait la part belle aux deux véritables freaks du film, le Pingouin donc, son second double à l'écran d'enfant rejeté pour sa différence et en quête d'acceptation, et Catwoman/Selina Kyle dont il met en évidence à plusieurs reprises la nature d'alter-ego névrotique de Batman/Bruce Wayne (cf. leurs comportements-miroirs de grands inadaptés lors de la scène du rendez-vous avorté au manoir où Alfred sert de tampon). Je parlais de "Furie" et de ma scène préférée ever, il y avait pas moins de trois sérieux concurrents ici : la mort/résurrection/transformation de Selina, scène traumatique que Michelle Pfeiffer et le score d'un Danny Elfman au sommet de son talent transfigurent en un moment de confusion identitaire tragique et bouleversant, la révélation du bal masqué sans masques pour les deux anti-héros fatigués de vivre déguisés, et ce final d'opéra morbide et désespéré où Batman la cherche sous les décombres tandis que le Pingouin s'éteint tristement, de nouveau abandonné de tous. Inutile de dire que le tout monde est au faîte de sa carrière ici, de Michael Keaton à Danny DeVito en passant par le chef op d'"Ed Wood" Stefan Czapsky... tout le monde sauf peut-être Christopher Walken qui avait déjà mis la barre bien trop haut avec Cimino puis Ferrara mais parvient néanmoins à insuffler une humanité inattendue dans son personnage de salaud de compète lorsqu’il demande à prendre la place de son fiston dans le convoi macabre du Pingouin. Je pourrais encore en parler des heures pour l'avoir vu une bonne cinquantaine de fois au bas mot, évoquer cette barrière visuelle que Burton dresse systématiquement entre un Batman fuyant après ses interventions, devenu presque insignifiant une fois son "numéro" terminé, et son interlocuteur le commissaire Gordon, ou son espoir frénétique à chasser l'ombre de Selina à la fin alors que retombe sur le personnage cette chape de solitude absolue, mentionner la difformité du Pingouin qui fait écho à celle d'Edward (#48) tout en rappelant ces mains gantées des giallos de Bava, influence visuelle primordiale qui éclatera quelques années plus tard dans "Sleepy Hollow"... mais j'ai déjà fait bien trop long, je me contenterai donc de vous encourager à revoir encore et encore ce chef-d'oeuvre absolument increvable et sans équivalent dans le "film de super-héros" d'hier ou d'aujourd'hui.
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 23 EmptyDim 5 Juin 2022 - 17:29

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44. Perfect Blue - Satoshi KON, 1997

Collaborateur d'Otomo et Mamoru Oshii dans la première moitié des années 90, Satoshi Kon (malheureusement décédé en 2010 à seulement 46 ans) ne sortait pas de nulle part, et pourtant difficile à croire qu'il s'agisse là d'un premier film en tant que réalisateur tant "Perfect Blue" brille tout particulièrement par sa mise en scène d'une maîtrise ahurissante dont chaque choix fait sens (si ce n'est double ou triple sens !), totalement vertigineuse par sa façon d'incarner, justement, le vertige de la confusion identitaire et de la perte de contact avec le réel - ici celles de Mima, star de J-Pop confrontée au stress de ses premiers pas difficiles en tant qu'actrice et à la menace d'un mystérieux stoker qui pourrait bien n'être autre qu'elle même... Thriller mental et film-cauchemar digne des films d'horreur psychologiques les plus malaisants, dont les thèmes du double, de l'obsession et de la manipulation par l'image, la violence émotionnelle et graphique, les cadrages baroques et la virtuosité de la "caméra" évoquent rien de moins qu'un De Palma en forme olympique, "Perfect Blue" commence surtout à s'intéresser en filigrane de son scénar machiavélique, dix ans avant "Paprika", à la perversion du réel par l'inconscient collectif, thème central du cinéaste japonais qui explosera dans ses films suivants (et dans la génialissime mini-série "Paranoia Agent") mais s'insinue plus qu'intelligemment ici (en incarnant déjà visuellement la monstruosité de l'esprit, future marque de fabrique) via ce concept d'identification malsaine à ces idoles juvéniles dont le public japonais fait de véritables déesses vivantes tout en projetant parfois sur elles jalousie, frustration et pulsions destructrices.
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 23 EmptyDim 5 Juin 2022 - 17:31

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43. A Face in the Crowd (Un homme dans la foule) - Elia KAZAN, 1957

"Un homme dans la foule", chef-d'oeuvre parfois éclipsé par une filmographie qui en regorge quand ce n'est pas, aux US en particulier, par le mépris dont Kazan continue de faire l'objet dans certains milieux, c'est un peu l'anti-"L'homme de la rue", un film dont le synopsis est au départ très proche - au SDF recruté par une journaliste arriviste pour devenir la voix des sans-grade  dans le film de Capra (cf. #259) répond ici l'histoire d'un vagabond charismatique guitariste à ses heures (Andy Griffith, lui-même future personnalité du petit écran et parfait dans le charme outrancier virant progressivement au cynisme manipulateur) repéré en prison par l'animatrice d'une chronique radiophonique aux dents tout aussi longues pour en faire un monstre médiatique adulé pour son franc-parler, dont l'influence grandissante s'insinuera là aussi dans les affaires politiques - mais qui s'avère plus cruel et féroce que désespéré, mêlant drame relationnel et satire avec une grande virtuosité d'écriture tout incarnant visuellement avec un sens du baroque crépusculaire digne du meilleur Welles le basculement obscène et quelque part, tragique du personnage. Les médias évidemment en prennent pour leur grade, la publicité aussi, à l'heure de la télévision naissante et de son influence démesurée sur le public, les politiciens également, qui tentent de récupérer le phénomène mais c'est finalement la corruption du pouvoir qui est au centre du film, enfin plutôt la façon dont il révèle la part d'ombre des personnalités qu'il attire, Larry Rhodes (Griffith) devenant peu à peu un monstre d’arrogance et d'ego accro à la vénération des foules et rattrapé par ses pires travers dans un contexte d'impunité et de toute-puissance, tandis que Marcia (Patricia Neale), le Dr Frankenstein qui l'a créé, perdant le contrôle de sa créature, le bénéfice d'une relation aussi fructueuse qu’ambiguë et l'illusion d'un amour fantasmé, n'a plus qu'à se résigner à le détruire en sapant sa popularité. Walter Matthau (avec notamment un monologue final glaçant de cynisme désabusé) et une Lee Remick débutante complètent le casting de ce film plus actuel que jamais, qui gagne définitivement à être redécouvert !
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 23 EmptyLun 6 Juin 2022 - 12:13

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42. Femme fatale - Brian DE PALMA, 2002

Le "Mulholland Drive" de De Palma est certes plus "cheap" mais non moins génial, tout aussi énigmatique, atmosphérique, métaphorique et j'en passe, non moins profond dans son exploration des fantasmes et des zones d'ombres de la psyché d'un personnage, féminin là aussi, sous cette même tutelle hitchcockienne plus symbolique que littérale, faites de figures chargées de sens plutôt que de références directes. On le comprend d'emblée avec cette scène d'ouverture où Rebecca Romijn "étudie" dans sa chambre d'hôtel cannoise la posture de la femme fatale ultime, Phyllis aka Barbara Stanwyck dans "Assurance sur la mort" de Wilder, comme pour se composer une persona dont on découvrira bien vite qu'elle n'a rien à voir avec sa véritable sensibilité : De Palma malaxe ici le film noir et les traces qu'il a pu laisser dans l'inconscient collectif, travaille surtout quelques-uns de ses thèmes-clés, de la fatalité à la culpabilité, empilant les strates de réalité, de fantasme et de rêve où l'image, de manipulatrice, devient révélatrice, de ces affiches "déjà-vu" au plan photographique d'Antonio Banderas. Là où le film est brillant (et absolument inépuisable), dans la continuité d'un "Body Double" en plus mental et méta, c'est que ses apparentes incohérences, son aspect parfois toc (dès la scène, par ailleurs virtuose, du vol de bijoux pendant le festival de Cannes au son d'un rip-off du "Bolero" de Ravel par le grand Sakamoto qui donne le ton en s'avérant à la fois pastiche et sommet de lyrisme sensible), son jeu avec les clichés, tout ça sert un propos absolument pensé et poignant, celui du questionnement subconscient de ce personnage-page-blanche, de ses peurs et de sa culpabilité face au début d'une engrenage d'arrangements avec la morale qui pourrait mener à l'évaporation de soi. Tout est symbole, et pourtant, tout est au plus près des sentiments, du doute intime. Quant aux morceaux de bravoure, ils abondent évidemment, de la poursuite dans l'hôtel à ce final en forme de jeu du festin, allégorie du karma qui récolte ce qu'il sème, une scène qui peut paraître sirupeuse à certains mais qui personnellement me bouleverse pour son souffle sincère et ses idées sous-jacentes non seulement de rédemption mais aussi de reprise en main d'une destinée mise sur de mauvais rails par facilité.
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 23 EmptyLun 6 Juin 2022 - 12:18

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41. Charade - Stanley DONEN, 1963

Préfigurant à la fois l'espionnage espiègle et glamour teinté de romance et de comédie - voire de burlesque - du futur "Arabesque" (que j'aime énormément d'ailleurs) et la radiographie relationnelle du chef-d'oeuvre absolu "Voyage à deux" dont on reparle bientôt, "Charade" c'est aussi Donen qui prend Hitchcock sur son propre terrain, celui des "Enchaînés" quelque part, où le suspense tient finalement autant au scénario retors qu'au mystère des sentiments que nourrissent ou pas les personnages l'un pour l'autre dans un contexte de duplicité avec espions à tous les étages (dont les excellents Walter Matthau, James Coburn et George Kennedy), mais surtout de confiance ébranlée par la manipulation et les mensonges au sein du couple. Le réalisateur de "Chantons sous la pluie" multiplie d'ailleurs ouvertement les références au maître du suspense via quelques morceaux de bravoure qui n'ont rien à lui envier (de la bagarre sur le toit du siège d'American Express à la poursuite sous les arcades romaines à la fin, en passant par certains jeux d'ombres et de perspectives même si la mise en scène est par ailleurs plus classique), comme par le biais du générique signé Maurice Binder (connu pour ceux des James Bond originels) qui n'est pas sans évoquer les lignes abstraites de Saul Bass, citant également au passage son compère Minnelli, capable comme lui de passer de la comédie musicale au mélodrame ou au film noir avec le même brio. Un véritable rollercoaster émotionnel pour moi, jusqu'à sa toute dernière scène, tant on épouse la subjectivité d'Audrey Hepburn face à un Cary Grant plus opaque que jamais en mystérieux protecteur dont on ne sait ni vraiment dans quel camp il est, ni quel objectif il nourrit, encore moins si son attirance romantique pour la jeune veuve poursuivie par les assassins de son mari pour une sombre histoire de magot de la résistance subtilisé 20 ans plus tôt, est réelle ou feinte. La musique tantôt triviale ou absolument merveilleuse d'Henri Mancini, l'alchimie des deux stars - qui souhaitaient tourner de nouveau ensemble mais n'en auront malheureusement plus l'occasion - malgré 25 ans de différence d'âge, l'élégance surannée du Paris des 60s et le génie équilibriste de Donen à flirter avec l'absurde et l'abstraction tout en restant au plus près des états d'âme de ses personnages principaux font le reste.
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 23 EmptyMar 7 Juin 2022 - 21:49

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40. Mystic River - Clint EASTWOOD, 2003

Un film à la fois crépusculaire, vénéneux, shakespearien et d'une profonde mélancolie sur le cercle vicieux de traumas, de violence et de corruption de l'Amérique au sein des familles et des communautés, sur l'innocence perdue, l'humanité bafouée et la tentation du mal (en parlant de mal, il y a d'ailleurs une citation fort à propos du "Vampires" de Carpenter que Dave/Tim Robbins regarde à la télé, à l'origine d'un monologue aussi malaisant qu'inoubliable durant lequel la musique d'Eastwood évoque elle-même discrètement l'atmosphère des soundtracks de Big John), qui ne fait pas tout à fait l'unanimité parmi les admirateurs du cinéaste mais ne pouvait qu'emballer le fan de Lehane (et de polars noirs) que je suis, tant l'univers de ces deux immenses storytellers fusionne ici à la perfection. Sean Penn et Tim Robbins flirtent parfois avec l'excès mais n'en sont pas moins bouleversants à la mesure de leurs personnages en souffrance dont la douleur s'exprime de façon totalement opposée, contrebalancés par la sobriété d'un Kevin Bacon au sommet, seul dont l'issue porte un soupçon d'espoir dans cette toile de destinées brisées, et des personnages féminins incarnés par Marcia Gay Harden et une Laura Linney déjà porteuse d'une ambiguité digne de ses meilleurs moments dans "Ozark". Culpabilité dévorante qui mène à la violence et refoulement des péchés, liens familiaux toxiques qui encouragent tout ça, stress post-traumatique et dissociation des enfants victimes d'agression sexuelle... le film aborde des thèmes pas faciles et le fait souvent avec beaucoup de finesse et de pudeur au second plan de son intrigue intensément dramatique, un équilibre dont peu de cinéastes hormis Eastwood me semblent capables.
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 23 EmptyMar 7 Juin 2022 - 21:51

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39. The Conversation (Conversation secrète) - Francis Ford COPPOLA, 1974

Bon ça commence à devenir intimidant là, un peu d'appréhension à écrire même seulement quelques mots sur ce monument du thriller politique, paranoïaque et désespéré des 70s, d'autant que Coppola oblige, "Conversation secrète" est bien plus que ça, une plongée dans l'intimité psychique d'un expert en surveillance jazzman à ses heures, solitaire, secret et introverti (Gene Hackman, formidable comme souvent mais peut-être encore un peu plus ici), catholique ébranlé dans son détachement et rongé par la culpabilité depuis que l'une de ses filatures (à la tête d'une équipe où l'on retrouve notamment le trop rare John Cazale) a mené à l'assassinat de plusieurs personnes, et qui, confronté au dilemme de livrer à ses mystérieux clients (Robert Duvall et Harrison Ford en seconds rôles de luxe) un enregistrement ambigu dont il ignore s'il pourrait favoriser d'autres morts innocentes, va se trouver lui même suivi, espionné puis devenir obsessif jusqu'à se mettre en danger et peut-être bien provoquer ce qu'il essayait à tout prix d'éviter. Palmé à Cannes, film préféré du cinéaste et de son acteur principal, "Conversation Secrète" c'est un peu le chaînon manquant entre "Blow Up" d'Antonioni et "Blow Out" de De Palma, avec ce suspense hitchcockien qui s’immiscerait dans l'univers métaphysique du premier tandis que le film de Zapruder de l'assassinant de Kennedy et les multiples interprétations qu'il autorise, fondateur pour le cinéma de De Palma, semble également peser sur cette histoire de phrase dont l'intonation modifiera entièrement le sens. La mise en scène est à l'avenant, frottant la mélancolie du soundtrack à une utilisation clinique du son, et magnifiant par ses cadrages et travellings cette projection de la psyché d'Harry Caul que constituent les décors épurés et désincarnés dans lesquels il évolue, le film renvoyant la quête de vérité du personnage rattrapé par un besoin refoulé de connexion à la quête de vérité humaine de Coppola filmant - voire parfois, "traquant" - son sujet.
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 23 EmptyMer 8 Juin 2022 - 22:20

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38. Days of Wine and Roses (Le jour du vin et des roses) - Blake EDWARDS, 1962

Après la comédie introspective et mélancolique ("Breakfast at Tiffany's", #60 ; "Elle", #192), et le thriller horrifique au suspense haletant ("Experiment in Terror", #152), une autre corde à l'arc du génial Blake Edwards avec cette tragédie amoureuse (adaptée d'un téléfilm de John Frankenheimer diffusé 4 ans plus tôt avec Cliff Robertson et Piper Laurie, que je serais bien curieux de voir à l'occasion), histoire d'un attaché de presse alcoolique et mal dans sa peau (Jack Lemmon) qui entraîne son épouse secrétaire (Lee Remick) dans l'enfer de la boisson, une spirale que les deux personnages vont entretenir par intermittence, de cette fausse insouciance des jeunes mariés sur laquelle plane déjà la menace du verre de trop à l’incontrôlable déchéance pendant que leur premier enfant dort dans la pièce à côté. Un mélodrame terrassant et désespéré dont il est difficile de ressortir indemne, quasi huis-clos crève-cœur par la crudité absolue de son approche du sujet qui n'a rien à envier (c'est même encore plus violent par moments) à celle d'un "Leaving Las Vegas" (lequel, je pense, lui doit beaucoup), emporté par des interprètes bouleversants et d'une justesse absolue dans l’intimité de rapports aussi sensuels que destructeurs et le dévoilement progressif de leur part d'ombre, et magnifié par le talent de metteur en scène d'Edwards qui les filme avec délicatesse et sobriété tout en élargissant le champ à l'occasion de quelques scènes nocturnes en extérieur à la tension crépusculaire (de la scène-pivot particulièrement douloureuse du magasin d'alcool à ce dernier plan vu de la fenêtre avec ce zoom implacable sur le regard hanté de Jack Lemmon, l'une des fins les plus désespérées qui soient malgré les quelques mots rassurants du personnage à sa fille). La musique de Mancini, capable du même grand écart entre délicatesse et tension, romantisme désabusé et noirceur, est évidemment à la hauteur du film. L'une de ces claques de premier visionnage que je meurs d'envie de revoir depuis des années sans jamais oser.
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 23 EmptyMer 8 Juin 2022 - 22:22

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37. Abre los ojos (Ouvre les yeux) - Alejandro AMENÀBAR, 1998

Absolument fan de ce film-cauchemar au scénario labyrinthique, un peu galvaudé malheureusement par un remake américain que je n'avais pas terminé (pas faute de bien apprécier Cameron Crowe, pourtant), lequel n'avait tout simplement pas su en capter l'essence profondément atmosphérique, ce malaise diffus d'une perversion du réel par le fantasme et le rêve, qui culmine d'abord en ouverture avec cette vision de Madrid désertée puis avec cette scène irréelle sur le toit d'un immeuble qui nous fait basculer dans un récit alternatif insoupçonné sans pour cela devoir user du moindre effet. Ça tient évidemment autant à la mise en scène de l'Espagnol qu'à sa synergie d'écriture avec l'excellent Matteo Gil, co-auteur de 4 de ses 7 longs métrages. À la croisée des genres (science-fiction, thriller, drame amoureux, horreur...), le réal de "Tesis" (cf. #380), entre deux références à Hitchcock dont l'influence restera palpable sur la suite de sa filmo (à "l'apparition Vertigo" de Penelope Cruz répond par exemple la traversée de cette forêt brumeuse en référence au même chef-d'oeuvre dans "Les autres", qui doit aussi beaucoup à "Rebecca"), trouve véritablement sa voix ici, tant visuellement et narrativement qu'avec cette idée de construction subconsciente pour échapper à une réalité morbide qui ne pourra que finir dans le mur d'une résolution traumatique (du beau "Mar Adentro" à la sous-estimée série B "Régression", on retrouvera ainsi cette notion de fantasme contaminant la perception du réel ou même l'inconscient collectif), une fascination pour la mort et pour le questionnement d'une possible liberté qu'elle incarne également récurrente chez Amenábar et capitale dans "Ouvre les yeux" pour la compréhension intime du personnage incarné par Eduardo Noriega. Un bijou tour à tour étouffant, flippant, énigmatique, bouleversant, dérangeant... qui réussit justement ce tour de montagnes russes émotionnelles en restant au plus près de la psyché de César, embrassant pleinement sa douleur, sa confusion et ses contradictions.
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 23 EmptyJeu 9 Juin 2022 - 23:01

400 films préférés (par Rabbit) - Page 23 36_the10

36. The Life and Death of Colonel Blimp (Colonel Blimp) - Michael POWELL & Emeric PRESSBURGER, 1943

Inspiré du personnage fétiche d'un caricaturiste britannique (mais aussi du parcours de Pressburger : Hongrois, il vécut en Allemagne avant de fuir la montée du nazisme) et sorti en pleine seconde guerre mondiale, "Colonel Blimp" est évidemment, pour partie, une satire de l'armée britannique, de sa persistance dans un sens de l'honneur anachronique face aux exactions de l’Allemagne nazie, sans ambiguïté pour autant bien sûr sur les valeurs humanistes du monde libre face au fascisme, mais avec, simplement, l'élégance de ne pas en faire un énième film de propagande comme tant d'autres (Powell avait d'ailleurs réalisé d'autres film "patriotiques" durant cette sombre période), au point que Churchill lui-même et le ministère de la guerre mirent des bâtons dans les roues à une production jugée "subversive" sur le papier. Une fantaisie antimilitariste d'une rare intelligence donc, à rebours de tout manichéisme, mais dans le même temps, tellement plus que ça : un chef-d'oeuvre onirique au Technicolor somptueux et à la mise en scène d'une ampleur discrète, une fable morale intimiste et souvent bouleversante sur la condition humaine (et en particulier celle de la femme, au gré d'une période de forte émancipation), les amours perdues, le vieillissement face à l'immuabilité des fantasmes et des souvenirs, le temps qui passe et altère notre perception des valeurs et du passé, tout ça sans jamais représenter la guerre frontalement. Via 40 ans de flashbacks sur les relations intermittentes, mi conflictuelles mi bienveillantes de deux officiers, l'un britannique (Roger Livesey, le fameux Blimp du titre, aka Clive Candy), l'autre allemand (Anton Walbrook, futur acteur des "Chaussons rouges" des mêmes cinéastes et des chefs-d'oeuvre d'Ophüls "La ronde" et "Lola Montès"), devenus amis par le hasard d'un duel, et leur amour pour la même femme qui deviendra l'épouse du second (une Deborah Kerr débutante, qui incarne plusieurs personnages ressemblant trait pour trait à cet amour inavoué que Blimp tentera tant bien que mal de raviver par le biais d’autres relations), les personnages s'incarnent à l’écran dans toute leur complexité, y compris dans leurs dernières années grâce à des maquillages bluffants et une interprétation d'une justesse absolue qui valent bien tous les vieillissements numériques, permettant de saisir les contradictions, les non-dits et les regrets d'une vie comme peu de films y sont jamais parvenus... quelque chose, pourquoi pas, d'"Il était une fois en Amérique" 40 ans plus tôt.
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 23 EmptyJeu 9 Juin 2022 - 23:03

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35. The Abyss (Abyss) - James CAMERON, 1989

Tous les films de Cameron, cinéaste toujours ultra populaire mais de plus en plus "snobé" j'ai l'impression, sont des films d'amour absolument désarmants de sincérité, et "Abyss", labyrinthe narratif claustrophobe où nature inconnue, lois de la physique et technologie antagonisante se dressent entre le contremaître d'une plateforme de forage réquisitionnée pour récupérer les ogives d'un sous-marin nucléaire naufragé et la sécurité de son équipage et de son ex-femme au caractère bien trempé dont il est toujours amoureux, en est la quintessence absolue. "Film-catastrophe SF du remariage" (auto-clin d'oeil à mon avis d'il y a quelques mois sur "Die Hard", aha), ce chef-d'oeuvre de blockbuster intimiste, immersif (jeu de mots inclus, c'est cadeau), humaniste et viscéral, à voir absolument en version longue ou pas du tout, culmine évidemment - SPOIL-SPOIL-SPOIL - sur cette scène d'anthologie où Lindsey (Mary Elizabeth Mastrantonio) se "sacrifie" pour sauver Virgil (Ed Harris) en le forçant à enfiler à sa place l'unique scaphandre à leur disposition, ce dernier s'acharnant ensuite à la réanimer bien après que tout le reste de l'équipage ait abandonné, jusqu'à parvenir enfin à cette "résurrection" qui finalement le sauve lui-même une nouvelle fois (mais ça marche aussi dans l'autre sens, cf. la plongée finale de Virgil dans les grands fonds et cette communication salvatrice qui s'effrite douloureusement à mesure de la descente). Non seulement le cinéma de Cameron, concocté en étroite collaboration d'un "Terminator" à l'autre avec sa productrice et compagne de l'époque Gale Anne Hurd, est probablement le plus profondément et honnêtement féministe de l'histoire d'Hollywood, mais il bouleverse à un degré absolument viscéral, en fonction bien sûr du niveau d'affinité que l'on peut avoir avec l'un ou l'autre de ses films ("Titanic", "Avatar" ou "True Lies", par exemple, sont évidemment des réussites dans leurs genres respectifs, et bien qu'ils me touchent beaucoup moins je peux tout à fait comprendre l'affect des fans au regard du mien pour "Abyss" ou "Aliens").

(sinon, "Abyss", c'est aussi le sommet, pour moi, d'une très belle période pour Alan Silvestri à la musique, après ses scores pour "Retour vers le futur", "Roger Rabbit" ou "Predator" I love you )
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 23 EmptySam 11 Juin 2022 - 12:40

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34. Fight Club - David FINCHER, 1999

Film mental injustement taxé de cynique voire parfois même de fasciste en son temps quand il ne fut pas encensé pour de mauvaises raisons (cette illusion de "romantisme" dans l'opposition par la violence aux diktats de la société que Fincher explose pourtant au bulldozer au gré du crescendo de tension d'un final proprement cauchemardesque), "Fight Club" reste pour moi le chef-d'oeuvre absolu du cinéaste, pour sa mise en scène froidement inventive, sa construction d'une intelligence glaçante (culminant sur ce "twist" atypique aux deux tiers de film qui permet de tout réinterpréter en profondeur et fait du second visionnage une toute nouvelle expérience), sa narration jouissive (ce contraste entre la voix off de la conscience de soi, et l'inconscient qui prend peu à peu les commandes à l'image), la BO à la fois truculente et malaisante des géniaux Dust Brothers et son duo d'acteurs-janus... mais avant toute chose pour la finesse avec laquelle Fincher y développe ses obsessions et futurs thèmes fétiches jusqu'à les pousser dans leur derniers retranchements de contradiction et d'ambivalence. Marqué par Kubrick et son traitement de l'aliénation (cf. notamment ces références évidentes à "Full Metal Jacket" dans les scènes de bizutage des membres du projet Chaos ou celles, plus sous-jacentes, à "Shining" pour le refoulement qui engendre des monstres), le film oppose en effet deux idées de cette dernière, par les conventions de la société occidentale d'un côté (dont la société de consommation n'est que la partie émergée), et de l'autre par leur rejet total qui n'aboutit qu'à l’extrémisme et au terrorisme. Comme toujours chez Fincher, le parcours initiatique du personnage principal aliéné par son environnement l'amène dans une illusion de choix à suivre la voie qu'un personnage-tiers, salvateur par la destruction, a tracée pour lui volontairement ou non (cf. le frère de "The Game", le serial killer de "Zodiac" ou l'épouse dans "Gone Girl"), un wake-up call radical qui paradoxalement le remettra sur le chemin de l'humanité et du libre arbitre. Edward Norton, wasp apathique castré par une société et un monde du travail déshumanisés, se lance ainsi à la suite de l'incarnation de ses pulsions trop longtemps refoulées dans une reconquête jusqu'auboutiste des émotions primaires étiolées par sa vie de confort (l'intelligence de la mise en scène est totale, de la métaphore visuelle des décors à la façon dont Brad Pitt s'insinue progressivement dans les synapses de Norton jusqu'à prendre une place dominante dans sa vie, évoluant d'un fantasme confortable de pseudo-rebelle adepte du virilisme et roulant en décapotable à la radicalité sectaire et autodestructrice, de l'arrière-plan au premier plan, du subliminal à la place conducteur littérale et métaphorique dans cette scène pivot de la virée en voiture par exemple), jusqu'à l'implosion et cette prise de conscience tardive mais bien réelle que la liberté résidait dans un juste milieu entre apathie et rébellion irréfléchie, de même que cette possibilité de l'amour et de l'empathie que le personnage de Bonham-Carter finira par éveiller dans l'explosion finale des névroses du personnage et de son fantasme viriliste (un insert de sexe masculin vole d'ailleurs en éclats par la même occasion en toute dernière image du film). En fait, avec "Fight Club", et à l'inverse de l'effet que le film fit - et bizarrement, continue de faire - à certains à sa sortie en salles, c'est l'humanisme atypique de Fincher, désenchanté et pétri de regrets, qui commençait doucement à éclater au grand jour, avant de culminer sur le magnifique et sous-estimé "Benjamin Button".
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 23 EmptySam 11 Juin 2022 - 12:47

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33. Lost Highway - David LYNCH, 1996

Film puzzle cauchemardé comme je les affectionnais tout particulièrement à l'époque, inutile de préciser que "Lost Highway" est bien plus que cela, incursion dans les parts d'ombre de l'intime, du subconscient et du passé trouble de ses personnages névrotiques dont l'image et le son deviennent des prolongements de la psyché, une exploration notamment symbolisée à l'écran par ces couloirs aux recoins sombres menant à des fondus au noir bien trop longs pour être innocents, premier signe d'étrangeté de la mise en scène. Toutefois, j'aime bien rappeler (parce qu'on ne le fait peut-être pas assez souvent) à quel point le film brille avant tout par son scénario, d'une cohérence diabolique à condition bien sûr d'accepter le postulat surnaturel jamais clairement énoncé de cet affrontement par proxy de deux entités malfaisantes façon "Twin Peaks" et sa Loge Noire, et l'idée que l'on peut être à la fois ici et là-bas, idée que Fred Madison (Bill Pullman, idéal dans le malaise) doit lui-même accepter : "Call me" lui intimera ainsi l'Homme Mystérieux (flippant Robert Blake, perso j'aime bien l'appeler "L'Homme Gris") dans le faux silence pesant de cette soirée lors de laquelle il prétend l'avoir déjà rencontré, référence à l'apparition (réelle ou rêvée, on comprend dès lors que peu importe) de son visage mortifère en superposition de celui de sa femme Renée (Patricia Arquette), image miroir de la Laura Palmer vampirique qui apparaît violemment à Harold dans "Fire Walk With Me". Narrativement, "Lost Highway" est une sorte de ∞ peut-être plus "dimensionnel" que temporel aux airs de purgatoire dont l'intersection serait donc cette permutation de Fred et Pete Dayton dans le couloir de la mort, effet de surprise d'un jeu d'échecs dont l'issue se déroulera devant ce bungalow en flammes évoquant "En quatrième vitesse", symbole du film noir dans son incarnation la plus abstraite, du moins jusqu'à ce que Lynch ne vienne à s'en mêler. Le double personnage de Patricia Arquette, instrument d'une vengeance où l'image, la vidéo, deviennent vecteurs de manipulation, orchestrée par l'Homme Gris pour prendre l'ascendant sur le fameux Dick Laurent (flippant-bis Robert Loggia), n'en fait-il vraiment qu'un (comme dans "Shining", la métamorphose d'une photo viendra semer le trouble) ? Renée a-t-elle seulement vraiment existé (ces scènes où Fred téléphone chez lui et où personne ne lui répond alors que lorsqu'il rentre elle est bien là, endormie) ou n'était-elle déjà qu'une projection inhumaine, le coup préparatoire d'un jeu du destin dont les personnages seraient les pions sacrifiables et interchangeables ? L’interprétation du scénario en lui-même distribue tout autant de clés de l'oeuvre de Lynch et notamment du "Mulholland Drive" à venir que ces figures récurrentes qui émaillent le film (les personnages cachés qui épient, les gazons trop bien entretenus pour être honnêtes, les lèvres en gros plan évoquant comme dans "Blue Velvet" un subconscient de perversité, la très hitchcockienne dualité blonde/brune post-"Vertigo", la réminiscence du procès de Madison rappelant par ailleurs très ouvertement "Le crime était presque parfait"), de cette idée d'un mal sous-jacent tapi derrière le voile de la réalité à cette part de monstruosité consciemment ou inconsciemment refoulée par une construction de la personnalité relevant du fantasme. Je m'arrêterai là, à la surface de l'iceberg, n'ayant pas revu le film depuis plusieurs années ni réussi à retrouver cette première moitié du papier de 20 pages que j'avais entrepris de rédiger pour le webzine Cinétudes juste avant qu'il ne s'éteigne de sa belle mort : du symbolisme visuel à la musique de Badalamenti, de ses personnages-janus à son récit labyrinthique, "Lost Highway' est évidemment inépuisable.
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 23 EmptyLun 13 Juin 2022 - 19:43

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32. La femme infidèle - Claude CHABROL, 1968

Le chef-d'oeuvre de Chabrol est autant un grand film de personnages et de suspense qu'un sommet d'atmosphère... et de symbolisme. Vertigineuse idée de génie que cette métaphore de l'amant assassiné en pièce du puzzle disparue qui génère le manque et le déséquilibre au sein du couple. Ce film est simplement d'une perfection absolue sur tous les plans, perfection quelque peu hitchcockienne du récit et de la mise en scène (de la découverte de l'infidélité à la tension du trajet pour se débarrasser du corps qu'un accident manque de faire capoter) mais évidemment purement chabrolienne dans cette radiographie d'une famille bourgeoise dysfonctionnelle dont l'oisiveté mène au crime et dont les névroses sont balayées sous un tapis d'apparences, avec un trio d'acteurs au sommet : le couple bien sûr, formé par Stéphane Audran (génialement ambivalente comme souvent) et Michel Bouquet, celui du futur "Juste avant la nuit" (découvert il y a peu pour ma part et qui aurait bien mérité une petite place dans le classement, ne serait-ce que pour ce dialogue nocturne dans l'allée entre Bouquet dans le même genre de rôle d'une froideur inquiétante derrière le vernis de normalité et un François Périer déroutant) mais également Maurice Ronet en dépit de son peu de présence à l'écran. Fatalité, prison dorée du conformisme, contexte de frustration qui mène à la prise de conscience d'une part de monstruosité insoupçonnée, et surtout, ambiguïté à tous les étages : Bouquet tue moins par colère envers l'amant que pour se réapproprier sa femme et par jalousie de la sexualité qu'il a su réveiller en elle, Audran pardonne et garde le secret pour préserver cette famille dont elle n'aurait de son propre aveu jamais su se détacher totalement, mais peut-être aussi parce que le crime l'a sortie d'une vision apathique, dépassionnée de son couple, a quelque part ravivé une partie de la flamme, bien que le manque soit là, pesant sur le bon fonctionnement familial. Également un grand film psychanalytique donc, qui laisse le champ libre à bien des interprétations, et m'apparaît peut-être moins en circuit fermé, psychologiquement, que d'autres grandes oeuvres criminelles en milieu bourgeois de Chabrol comme "La cérémonie".
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 23 EmptyLun 13 Juin 2022 - 19:45

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31. Two for the Road (Voyage à deux) - Stanley DONEN, 1967

Radiographie ultime du couple façon courant de conscience, où se mêlent les récits/souvenirs de quatre voyages au gré des récollections provoquées par les lieux que les personnages retrouvent à des années d'intervalle lors d'un dernier road trip à travers la France, "Two for the Road" met en scène Audrey Hepburn et Albert Finney au cap de leurs 12 ans de mariage, alors que la lassitude, une certaine distance et des disputes de plus en plus fréquentes les font songer au divorce. Des heureux hasards menant à ces rencontres qui façonnent une vie jusqu'aux écarts de trop qui menacent de les détruire sans espoir de retour, de la découverte de l'autre à l'érosion de la curiosité et du mystère, de la passion d'une jeunesse libertaire à l'ennui du confort bourgeois, des moments de bonheur à la perspective de plus en plus attrayante d'un célibat retrouvé, Donen explore leurs doutes, leur mélancolie et leurs regrets, ce qui leur reste d'attachement, de sentiments et d'espoir de vieillir ensemble, via une narration non-linéaire souvent révélatrice des objets de leurs non-dits avec une infinie subtilité (les voitures et vêtements servant de principaux marqueurs temporels) et d'un montage impressionniste proprement vertigineux qui préfigure celui de son film suivant, "Fantasmes", mais avec autrement plus de substance et d'émotion. Tout simplement le plus beau film sur le couple qu'il m'ait été donné de voir, transfiguré par ce que je considère être le plus merveilleux des soundtracks d'Henry Mancini qui n'est autre que l'un de mes compositeurs préférés ever, autant dire que l'atmosphère de spleen persistant et de romantisme désabusé est un élément important du film et contribue grandement à en faire le poignant chef-d'oeuvre qu'il est.
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MessageSujet: Re: 400 films préférés (par Rabbit)   400 films préférés (par Rabbit) - Page 23 EmptyVen 17 Juin 2022 - 21:54

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30. Mulholland Drive - David LYNCH, 2001

Je suis un peu revenu de Lynch ces dernières années, disons du moins que je n'ai plus la même fascination pour le bonhomme qu'à l'époque de ce que je considère comme ses derniers chefs-d'oeuvre, époque qui culmine donc sur ce "Mulholland Drive" que je n'ai plus revu depuis 17 ou 18 ans, probablement pour mieux rester sur le souvenir chéri que j'en ai gardé, celui du fan de 20 piges qui le découvrit au cinéma puis le décortiqua en DVD dans la foulée avec un plaisir entier. Film en miroir dont les deux parties se répondent, "Mulholland Drive" est la quintessence du goût de l'Américain pour les puzzles mentaux à la fois ultra-précis dans leur construction et suffisamment ouverts et riches en chemins de traverse pour encourager l'interprétation du spectateur (voire même, souvent, pour le faire lâcher prise totalement et oublier le récit au profit de la poésie et de l'émotion). Beaucoup partent du principe que chaque moitié de film pourrait être le rêve de l'autre, pour moi ç'avait été une évidence d'emblée, c'est la première partie, tenant ouvertement du fantasme filmé dans son esthétique post-Hollywoodienne, sa sensualité, la pureté des sentiments et la fantaisie des situations, qui est le "rêve" de la seconde (crue, désabusée, dominée par la trahison, la jalousie, la rancoeur et la part de monstruosité de personnages égocentriques, arrivistes, avides de pouvoir sur les autres) mais avec Lynch rien n'est simplement rêve, j'imagine plutôt ça comme un équivalent à la "récompense" de Laura Palmer, admise éternellement dans la Loge Noire telle un ange en compensation de ses souffrances. Dans mon idée on est dans le même univers, les démiurges de "Mulholland Drive", à commencer peut-être par le Cowboy qui mène le jeu de l'intrigue, le sans-abri et sa boîte bleue qui libère ce couple de monstres parentaux et le personnage de Michael J. Anderson bien sûr, le Petit homme venu d'ailleurs devenu Grand échalas sur un fauteuil roulant (devant des rideaux de velours rougeâtres là encore), se nourrissent probablement du même Garmonbozia que leur fournira Diane (Naomi Watts) dans la tragédie de sa frustration d'actrice ratée et d'amante éconduite menant au crime et au suicide, cette dernière gagnant en contrepartie la réalisation dans la "mort" de son fantasme de Betty la star en devenir à qui tout réussit, dont la trajectoire est émaillée de réminiscences de sa vie "réelle" détournées pour mieux la rassurer dans son illusion : la froide Camilla bien sûr qui devient Rita (Laura Harring), femme-mystère incarnant son idéal de romantisme à tous les niveaux, d'amour sincère, de sensualité, de loyauté, de candeur et de fragilité enfin qui permettent à Betty de prendre l'ascendant sur leur relation, mais aussi la clé bleue, symbole morbide devenue clé de cette énigme identitaire qui va les rapprocher, Adam Kesher (Justin Theroux) le cinéaste influent ridiculisé et sa mère condescendante transposée en simple logeuse sans intérêt, le tueur à gages transformé en blague etc. "Mulholland Drive", au fond, c'est un peu le croisement idéal entre "Fire Walk With Me et "Lost Highway", l'humanité complexe, tourmentée et riche en parts d'ombre du plus beau personnage féminin du cinéma de Lynch depuis Laura Palmer perdue dans le purgatoire de film-puzzle onirique et hanté du second, un puzzle narratif tout aussi atmosphérique et intrigant, peut-être moins parfait mais d'autant plus émouvant.
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